Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
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6B_1421/2019
Arrêt du 12 février 2020
Cour de droit pénal
Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Denys, Président,
Muschietti et Koch.
Greffier : M. Graa.
Participants à la procédure
A.________,
représenté par Me Véronique Fontana, avocate,
recourant,
contre
Ministère public de la République et canton de Neuchâtel,
intimé.
Objet
Expulsion (art. 66a CP),
recours contre le jugement du Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel, Cour pénale, du 6 novembre 2019 (CPEN.2019.21).
Faits :
A.
Par jugement du 8 février 2019, le Tribunal criminel du Littoral et du Val-de-Travers a condamné A.________, pour infraction grave et contravention à la LStup, infraction à la loi fédérale sur les armes, les accessoires d'armes et les munitions (LArm; RS 514.54), conduite sans autorisation, conduite sans assurance-responsabilité civile, usage abusif de permis et de plaques et contravention à la loi fédérale sur la circulation routière (LCR; RS 741.01), à une peine privative de liberté de trois ans, dont 22 mois avec sursis durant deux ans, ainsi qu'à 60 jours-amende à 10 fr. le jour, avec sursis durant deux ans.
B.
Par jugement du 6 novembre 2019, la Cour pénale du Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel, statuant notamment sur l'appel formé par le ministère public contre ce jugement, a réformé celui-ci en ce sens que l'expulsion du territoire suisse de A.________ pour une durée de cinq ans et son signalement dans le Système d'information Schengen sont ordonnés. Elle a confirmé le jugement pour le surplus.
Il en ressort ce qui suit.
B.a. A.________, né en 1992, est ressortissant de la République dominicaine. Il est arrivé en Suisse en 2006, soit à l'âge de 14 ans. Il a reçu une formation de peintre en bâtiment, sans toutefois obtenir de CFC, avant de travailler durant cinq ans pour le même employeur. Il a arrêté de travailler en 2017, puis a touché des indemnités de l'assurance-chômage et enfin des prestations des services sociaux. Il vit actuellement avec sa mère, sa soeur et son frère. Il a des dettes et fait l'objet de poursuites. A.________ a encore une grand-mère en République dominicaine. Il n'est pas retourné dans ce pays depuis 2006.
Son casier judiciaire fait état d'une condamnation, en 2013, pour vol, dommages à la propriété et violation de domicile, ainsi que d'une condamnation, la même année, pour violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires.
B.b. Le 8 mars 2018, la police est intervenue dans un appartement à B.________. Elle y a trouvé A.________ - locataire de l'appartement -, C.________ et D.________. Une perquisition dans ce logement a permis la découverte de 45 g de cocaïne, de 26'850 fr. et 750 EUR en espèces, d'une arme à feu d'alarme et d'autres armes interdites, ainsi que de 175 sachets destinés au conditionnement de drogue. Une perquisition de l'appartement de C.________ a permis la découverte d'une balance électronique portant des résidus de poudre blanche ainsi que de plusieurs téléphones.
B.c. A.________ a acquis 387 g de cocaïne, pour un total de 303 g nets. Il a lui-même revendu 50 g à des tiers. Le solde a été remis à C.________ et à D.________, lesquels ont vendu cette drogue à diverses personnes.
C.
A.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre le jugement du 6 novembre 2019, en concluant principalement à sa réforme en ce sens que son expulsion du territoire suisse n'est pas ordonnée et, subsidiairement, à son annulation et au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision. Il sollicite par ailleurs le bénéfice de l'assistance judiciaire.
Considérant en droit :
1.
Le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir ordonné son expulsion du territoire suisse.
1.1. Aux termes de l'art. 66a al. 1 let. o CP, le juge expulse de Suisse l'étranger qui est condamné notamment pour infraction à l'art. 19 al. 2 LStup, quelle que soit la quotité de la peine prononcée à son encontre, pour une durée de cinq à quinze ans. Selon l'art. 66a al. 2 CP, le juge peut exceptionnellement renoncer à une expulsion lorsque celle-ci mettrait l'étranger dans une situation personnelle grave et que les intérêts publics à l'expulsion ne l'emportent pas sur l'intérêt privé de l'étranger à demeurer en Suisse. A cet égard, il tiendra compte de la situation particulière de l'étranger qui est né ou qui a grandi en Suisse.
1.2. En l'espèce, le recourant a commis une infraction à l'art. 19 al. 2 LStup, laquelle tombe sous le coup de l'art. 66a al. 1 let. o CP. Il remplit donc a priori les conditions d'une expulsion, sous la réserve d'une application de l'art. 66a al. 2 CP, voire également des normes de droit international.
1.3. La loi ne définit pas ce qu'il faut entendre par une "situation personnelle grave" (première condition cumulative) ni n'indique les critères à prendre en compte dans la pesée des intérêts (seconde condition cumulative).
1.3.1. En recourant à la notion de cas de rigueur dans le cadre de l'art. 66a al. 2 CP, le législateur a fait usage d'un concept ancré depuis longtemps dans le droit des étrangers. Compte tenu également du lien étroit entre l'expulsion pénale et les mesures du droit des étrangers, il est justifié de s'inspirer, de manière générale, des critères prévus par l'art. 31 al. 1 de l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative (OASA; RS 142.201) et de la jurisprudence y relative, dans le cadre de l'application de l'art. 66a al. 2 CP. L'art. 31 al. 1 OASA prévoit qu'une autorisation de séjour peut être octroyée dans les cas individuels d'extrême gravité. L'autorité doit tenir compte notamment de l'intégration du requérant selon les critères définis à l'art. 58a al. 1 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration (LEI; RS 142.20), de la situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants, de la situation financière, de la durée de la présence en Suisse, de l'état de santé ainsi que des possibilités de réintégration dans l'Etat de provenance. Comme la liste de l'art. 31 al. 1 OASA n'est pas exhaustive et que l'expulsion relève du droit pénal, le juge devra également, dans l'examen du cas de rigueur, tenir compte des perspectives de réinsertion sociale du condamné (ATF 144 IV 332 consid. 3.3.2 p. 340 s.; arrêt 6B_1369/2019 du 22 janvier 2020 consid. 2.3.1). En règle générale, il convient d'admettre l'existence d'un cas de rigueur au sens de l'art. 66a al. 2 CP lorsque l'expulsion constituerait, pour l'intéressé, une ingérence d'une certaine importance dans son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par la Constitution fédérale (art. 13 Cst.) et par le droit international, en particulier l'art. 8 CEDH (arrêts 6B_1024/2019 du 29 janvier 2020 consid. 1.3.2; 6B_1299/2019 du 28 janvier 2019 consid. 3.3).
Selon la jurisprudence, pour se prévaloir du respect au droit de sa vie privée, l'étranger doit établir l'existence de liens sociaux et professionnels spécialement intenses avec la Suisse, notablement supérieurs à ceux qui résultent d'une intégration ordinaire. Le Tribunal fédéral n'adopte pas une approche schématique qui consisterait à présumer, à partir d'une certaine durée de séjour en Suisse, que l'étranger y est enraciné et dispose de ce fait d'un droit de présence dans notre pays. Il procède bien plutôt à une pesée des intérêts en présence, en considérant la durée du séjour en Suisse comme un élément parmi d'autres et en n'accordant qu'un faible poids aux années passées en Suisse dans l'illégalité, en prison ou au bénéfice d'une simple tolérance (cf. ATF 134 II 10 consid. 4.3 p. 24; plus récemment arrêt 6B_1218/2019 du 19 décembre 2019 consid. 2.3.1). Une séjour légal de dix années suppose en principe une bonne intégration de l'étranger (ATF 144 I 266 consid. 3.9 p. 277 s.).
1.3.2. La cour cantonale a considéré que l'intégration du recourant en Suisse n'était pas spécialement bonne. L'intéressé vit dans ce pays depuis l'âge de 14 ans et y a accompli la fin de sa scolarité obligatoire. La question de savoir s'il peut se prévaloir d'un droit au respect de sa vie privée, au sens de l'art. 8 par. 1 CEDH, peut être laissée ouverte, car, à supposer que tel soit le cas, l'expulsion pourrait de toute manière être confirmée au regard de l'art. 8 par. 2 CEDH (cf. consid. 1.4.2 infra).
1.4. Il convient de déterminer si l'intérêt privé du recourant à demeurer en Suisse pourrait l'emporter sur les intérêts publics présidant à son expulsion. Cet examen implique en particulier de déterminer si la mesure litigieuse respecte le principe de la proportionnalité découlant des art. 5 al. 2 Cst. et 8 par. 2 CEDH (cf. arrêt 6B_1045/2019 du 18 octobre 2019 consid. 1.4).
1.4.1. La cour cantonale a exposé que la durée du séjour du recourant en Suisse était assez importante. L'intéressé avait travaillé plusieurs années dans ce pays, ce qui ne l'avait pas empêché d'accumuler des dettes pour un montant qu'il n'était pas capable d'évaluer. Avant son arrestation, le recourant émargeait à l'aide sociale. Il avait, par deux fois, fait l'objet de condamnations pénales. En Suisse, le recourant avait des liens avec sa mère, un oncle, une soeur et un frère, alors qu'il n'avait plus qu'une grand-mère en République dominicaine. Il avait travaillé comme peintre en bâtiment, profession dans laquelle il existait sans doute des perspectives dans son pays d'origine, dont il maîtrisait d'ailleurs la langue.
1.4.2. En l'espèce, les intérêts présidant à l'expulsion du recourant sont importants, dès lors que celui-ci s'est livré au trafic de stupéfiants. Il y a lieu de relever à cet égard que la Cour européenne des droits de l'Homme estime que, compte tenu des ravages de la drogue dans la population, les autorités sont fondées à faire preuve d'une grande fermeté à l'encontre de ceux qui contribuent à la propagation de ce fléau (cf. arrêts CourEDH
K. M. c. Suisse du 2 juin 2015 [requête n° 6009/10] § 55;
Dalia c. France du 19 février 1998, Recueil CourEDH 1998-I 76 § 54; cf. aussi arrêt 6B_1299/2019 précité consid. 3.4.8). Par ailleurs, la peine privative de liberté à laquelle a été condamné le recourant dépasse largement une année, ce qui aurait, cas échéant, pu permettre une révocation de l'autorisation de séjour ou d'établissement sur la base de l'art. 62 al. 1 let. b LEI, respectivement de l'art. 63 al. 1 let. a LEI (cf. ATF 139 I 145 consid. 2.1 p. 147, selon lequel constitue une "peine privative de liberté de longue durée" au sens de l'art. 62 al. 1 let. b LEtr [depuis le 1er janvier 2019: LEI] toute peine dépassant un an d'emprisonnement).
Concernant l'intérêt du recourant à pouvoir demeurer en Suisse, il convient de relever que celui-ci dispose dans ce pays de la plupart des membres de sa famille et de son cercle de connaissances. Son intégration socio-professionnelle n'est cependant pas bonne, puisque l'intéressé ne travaille plus et que sa situation financière est obérée. On ne voit pas ce qui ferait obstacle à sa réintégration dans son pays d'origine. Il n'apparaît pas, en particulier, qu'il serait plus difficile, en République dominicaine, de retrouver un emploi de peintre en bâtiment. Le recourant admet d'ailleurs que ses condamnations représentent un obstacle à l'obtention d'une place de travail en Suisse. Enfin, le fait que le recourant prétende désormais s'occuper des membres de sa famille ne saurait occulter le mépris pour l'ordre public suisse que ce dernier a manifesté en s'adonnant au trafic de stupéfiants malgré les sanctions qui lui avaient déjà été infligées par le passé en raison d'autres infractions.
Compte tenu de la gravité des infractions commises dans le domaine des stupéfiants, de l'intégration professionnelle médiocre du recourant en Suisse et des possibilités qu'il conserve de se réintégrer dans son pays d'origine - où il ne sera pas privé de toute relation familiale -, l'intérêt public à l'expulsion l'emporte sur l'intérêt privé de l'intéressé à demeurer dans ce pays. L'expulsion, ordonnée pour une durée de cinq ans, s'avère conforme au principe de la proportionnalité découlant des art. 5 al. 2 Cst. et 8 par. 2 CEDH.
1.5. La seconde condition pour l'application de l'art. 66a al. 2 CP n'étant pas réalisée, la cour cantonale n'a pas violé le droit fédéral, constitutionnel ou international en ordonnant l'expulsion du recourant pour une durée de cinq ans.
2.
Le recours doit être rejeté. Comme il était dénué de chances de succès, la demande d'assistance judiciaire doit être rejetée (art. 64 al. 1 LTF). Le recourant, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF), dont le montant sera fixé en tenant compte de sa situation financière, laquelle n'apparaît pas favorable.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
La demande d'assistance judiciaire est rejetée.
3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'200 fr., sont mis à la charge du recourant.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel, Cour pénale.
Lausanne, le 12 février 2020
Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Denys
Le Greffier : Graa