Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
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1B_582/2019
Arrêt du 20 mars 2020
Ire Cour de droit public
Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Chaix, Président,
Fonjallaz et Jametti
Greffière : Mme Arn.
Participants à la procédure
1. A.________, représenté par Me B.________, avocat,
2. B.________,
recourants,
contre
Ministère public de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy.
Objet
Procédure pénale; interdiction de postuler de l'avocat,
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale
de recours, du 7 novembre 2019
(ACPR/853/2019 - P/17386/2018).
Faits :
A.
En été 2018, le Ministère public a ouvert une procédure d'entraide CP/223/2018, à la demande des autorités allemandes, celles-ci instruisant une affaire contre divers protagonistes prévenus de faux dans les titres, dont C.________, D.________ et E.________. En substance, les deux derniers nommés, dirigeants de sociétés appartenant au groupe F.________, étaient soupçonnés d'avoir, entre 2009 et 2013, établi de faux contrats pour permettre à ces entités de présenter, sur le plan comptable, une situation financière meilleure qu'elle ne l'était en réalité. À cet effet, le concours de plusieurs sociétés avait été nécessaire, dont C.________ était soit l'administrateur (G.________ Ltd et ses filiales), soit le président (H.________ SA, société valaisanne, dont E.________ a été administrateur jusqu'en 2018, fonction qu'exerce désormais A.________); C.________ avait, pour échanger des informations dans ce cadre, utilisé son adresse e-mail auprès de I.________ SA.
A.________, C.________ et J.________, tous trois résidents genevois, sont actionnaires de la société I.________ SA, essentiellement active dans la gestion de trusts; le premier et le troisième nommés en sont les administrateurs. B.________ est l'avocat de cette société depuis une date indéterminée, mais à tout le moins antérieure au mois de juin 2018.
En exécution de la demande d'entraide, le Procureur a procédé à diverses perquisitions à Genève auprès de I.________ SA et au domicile de C.________ notamment, ainsi qu'à Zurich auprès de la société K.________ - société qui est l'un des actionnaires du groupe F.________ et dont C.________ a été le directeur jusqu'en 2007. Ont, entre autres, été saisies, dans les locaux de I.________ SA, les données électroniques (boîte e-mails) qui se trouvaient sur le poste de travail de C.________ et, dans le logement de ce dernier, les données figurant sur l'ensemble de ses supports informatiques.
En novembre 2018, B.________ s'est constitué à la défense des intérêts, notamment, de I.________ SA et C.________. En accord avec le Ministère public, cet avocat a eu accès à l'entier des documents et données saisis - à tout le moins ceux se rapportant à ses mandants - afin de faciliter le tri de ceux-ci par des mots-clés qui avaient été choisis par les autorités allemandes pour limiter l'assiette des documents/données à leur transmettre.
B.
Parallèlement, le 11 septembre 2018, L.________, bénéficiaire d'un trust dénommé M.________, et les trustees de ce dernier ont déposé plainte pénale contre A.________, C.________, J.________ et D.________, des chefs de gestion déloyale et abus de confiance commis au préjudice du patrimoine de M.________ (procédure P/17386/2018). En substance, ils reprochaient notamment aux trois premiers nommés d'avoir, de concert, le 3 avril 2018, en violation des devoirs de loyauté et de fidélité incombant au précédent trustee de M.________, à savoir N.________ Ltd dont ils étaient les animateurs depuis leur société genevoise I.________ SA, indûment cédé à K.________ la moitié des actions de O.________ SA, entité appartenant à M.________. Cette opération, dont le bénéficiaire était in fine D.________, avait occasionné un dommage de GBP 30 millions environ.
Le Procureur - qui n'est pas celui chargé de la procédure d'entraide - a prévenu C.________, A.________ et J.________ de gestion déloyale (art. 158 CP) et abus de confiance (art. 138 CP) (procédure P/17386/2018).
La défense des intérêts des trois premiers mis en cause est assurée, pour A.________ par B.________ (depuis le 19 décembre 2018), s'agissant de C.________ par Mes P.________ et Q.________ et pour J.________ par un autre mandataire.
Le 19 décembre 2018, le Ministère public a perquisitionné les locaux de I.________ SA et a notamment saisi les données informatiques issues des postes de travail de A.________ et J.________. Le 5 mars 2019, le Ministère public a ordonné l'apport d'éléments de preuve recueillis dans la procédure d'entraide, en particulier des pièces afférentes à K.________ et de l'intégralité des données issues des supports informatiques professionnels et privés de C.________. Celui-ci a requis, sous la plume de ses deux conseils, la mise sous scellés desdites données. Le Ministère public ayant refusé d'accéder à sa demande, C.________ a formé un recours auprès de la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève (ci-après: la Cour de justice); celle-ci a admis le recours le 12 juin 2019 (ACPR/434/2019).
C.
Par décision du 27 mars 2019, le Procureur a considéré que Me B.________ se trouvait dans une position de conflit d'intérêts concret, prohibé par l'art. 12 let. c de la loi fédérale sur la libre circulation des avocats du 23 juin 2000 (LLCA; RS 935.61) et a interdit à celui-ci de postuler à la défense des intérêts de A.________ dans la procédure P/17386/2018.
D.
Par arrêt du 7 novembre 2019, la Cour de justice a, sur recours de A.________ et B.________, confirmé ce prononcé. En substance, elle a considéré que Me B.________ pourrait avoir pris connaissance, dans le cadre de la procédure d'entraide, de davantage d'éléments que ceux qui figureront en définitive dans la procédure nationale. Selon la cour cantonale, si cet avocat se prévaut des courriels sous scellés/finalement écartés, il prend le risque de violer son secret professionnel vis-à-vis de C.________ - qui avait clairement manifesté son intention, dans la procédure nationale, que certaines de ses données restent confidentielles -, tandis que s'il n'en fait pas état, alors qu'ils pourraient servir à la défense de A.________, il est susceptible de violer son devoir de diligence à l'égard de ce dernier. Pour la cour cantonale, ce risque était accru par le fait que Me B.________ avait été - potentiellement à l'époque des faits litigieux - et semblait être encore aujourd'hui, l'avocat de I.________ SA. Pour l'instance précédente, le risque de conflit d'intérêt s'était d'ores et déjà concrétisé, au vu de l'attitude contradictoire adoptée par C.________.
E.
Agissant par la voie du recours en matière pénale, A.________ et B.________ demandent au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt cantonal et de constater que Me B.________ peut postuler à la défense des intérêts de A.________ dans le cadre de la procédure P/17386/2018. Subsidiairement, ils concluent au renvoi de la cause à l'instance précédente pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
Par ordonnance du 30 décembre 2019, le Président de la Ire Cour de droit public du Tribunal fédéral a admis la requête d'effet suspensif et de mesures provisionnelles tendant à interdire au Ministère public tout acte d'instruction relevant du contradictoire ou faisant intervenir le droit d'être entendu des parties dans la procédure P/17386/2018.
La cour cantonale et le Ministère public se réfèrent à l'arrêt attaqué, sans observations.
Considérant en droit :
1.
Le recours est dirigé contre une décision prise en dernière instance cantonale (art. 80 LTF), interdisant au recourant B.________ de représenter le prévenu recourant dans la procédure pénale P/17386/2018. Le recours est donc en principe recevable comme un recours en matière pénale au sens des art. 78 ss LTF (arrêts 1B_510/2018 du 14 mars 2019 consid. 1 non publié aux ATF 145 IV 218; 1B_209/2019 du 19 septembre 2019 consid. 2.2).
Le prononcé relatif à une interdiction de procéder constitue une décision incidente susceptible de causer un préjudice irréparable (art. 93 al. 1 let. a LTF) puisqu'il prive définitivement le prévenu recourant de pouvoir choisir son avocat (art. 127 al. 1 CPP; arrêt 1B_510/2018 du 14 mars 2019 consid. 1 non publié in ATF 145 IV 218). Le recours de l'avocat est également recevable, la décision attaquée présentant, pour lui, un caractère final (arrêts 1B_354/2016 du 1er novembre 2016 consid. 1; 1B_226/2016 du 15 septembre 2016 consid. 1). Destinataires de la décision attaquée, les deux recourants - qui se prévalent d'une violation de l'art. 12 let. c LLCA - disposent chacun de la qualité pour recourir ( art. 81 al. 1 let. a et b LTF ).
Pour le surplus, le recours a été déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et les conclusions prises sont recevables (art. 107 al. 2 LTF). Partant, il y a lieu d'entrer en matière.
2.
Selon l'art. 99 al. 1 LTF, aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente. En l'espèce, sont irrecevables les pièces produites par le recourant qui sont postérieures à l'arrêt attaqué (courriers du 13 et 29 novembre et 2 décembres 2019; mandats de comparution du 20 novembre 2019). Quant à l'arrêt de la Cour de justice daté du 12 juin 2019, il est expressément mentionné dans l'état de fait de l'arrêt entrepris.
3.
Les recourants se plaignent d'une constatation inexacte des faits.
3.1. Le Tribunal fédéral statue en principe sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sous réserve des cas prévus à l'art. 105 al. 2 LTF. Selon l'art. 97 al. 1 LTF, la partie recourante ne peut critiquer la constatation de faits que si ceux-ci ont été établis en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF ou de manière manifestement inexacte - en particulier en violation de l'interdiction constitutionnelle de l'arbitraire - et pour autant que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause. Conformément à l'art. 106 al. 2 LTF, la partie recourante doit expliquer de manière circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées. Les faits et les critiques invoqués de manière appellatoire sont irrecevables (ATF 137 II 353 consid. 5.1 p. 356).
3.2. Les recourants font grief à l'instance précédente de ne pas avoir constaté que le Ministère public était au courant de l'existence depuis le 19 décembre 2018 de ces deux mandats. Ils ajoutent que cet élément de fait était essentiel pour apprécier la question de la violation du principe de la bonne foi par le Ministère public et que, en refusant de le constater, l'instance précédente a violé leur droit d'être entendus. Il n'y a toutefois pas lieu de compléter sur ce point l'état de fait retenu par l'instance précédente dès lors que cet élément de fait n'est pas, pour les motifs exposés ci-dessous (consid. 4), susceptible d'influer sur le sort de la cause. Cette critique est dès lors irrecevable.
Les recourants soutiennent ensuite que l'instance précédente a retenu de manière insoutenable que les courriels mis sous scellés pourraient avoir un contenu pertinent pour la défense des intérêts de A.________ dans la procédure nationale, mais encore que C.________ avait adopté un comportement contradictoire en tant qu'il avait demandé la mise sous scellés de documents tout en déliant Me B.________ de son secret professionnel. Ces griefs seront examinés ci-dessous avec celui tiré de la violation de l'art. 12 LLCA (consid. 5).
4.
Les recourants invoquent une violation du principe de la bonne foi ancré à l'art. 9 Cst. au terme duquel " toute personne a le droit d'être traitée par les organes de l'État sans arbitraire et conformément aux règles de la bonne foi ".
Leur critique est vaine. Ils méconnaissent que l'autorité en charge de la procédure statue d'office et en tout temps sur la capacité de postuler d'un mandataire professionnel. L'hypothèse d'un conflit d'intérêts peut en effet survenir au cours de la procédure, notamment en raison de son évolution ou d'un changement de circonstances (ATF 141 IV 257 consid. 2.2 p. 261 s.). La question de savoir si l'autorité aurait pu constater plus tôt l'existence d'un tel conflit n'est pas déterminante. Il sied à cet égard de relever qu'il appartient également à l'avocat, si un conflit d'intérêts surgit, de mettre fin au mandat, quand bien même la ou les parties auraient exprimé leur consentement à la poursuite de la représentation (MICHEL VALTICOS, in: Commentaire romand, Loi sur les avocats, 2010, no 184 ad art. 12 LLCA).
5.
Invoquant une violation de l'art. 12 LLCA, les recourants font grief à l'instance précédente d'avoir considéré que Me B.________ ne pouvait postuler à la défense des intérêts du prévenu recourant dans la procédure nationale. A leurs yeux, il n'existerait en l'espèce aucun conflit d'intérêt que ce soit sous l'angle de la double représentation ou de mandats opposés, comme le confirmerait l'avis de droit établi par le Professeur Nicolas Jeandin.
5.1. L'autorité en charge de la procédure statue d'office et en tout temps sur la capacité de postuler d'un mandataire professionnel (ATF 141 IV 257 consid. 2.2 p. 261; arrêt 1B_149/2013 du 5 septembre 2013 consid. 2.4.2). En effet, l'interdiction de postuler dans un cas concret - à distinguer d'une suspension provisoire ou définitive - ne relève en principe pas du droit disciplinaire, mais du contrôle du pouvoir de postuler de l'avocat (ATF 138 II 162 consid. 2.5.1 p. 168; arrêt 1B_226/2016 du 15 septembre 2016 consid. 2).
Dans les règles relatives aux conseils juridiques, l'art. 127 al. 4 CPP réserve la législation sur les avocats. L'art. 12 let. c LLCA prescrit à l'avocat d'éviter tout conflit entre les intérêts de son client et ceux des personnes avec lesquelles il est en relation sur le plan professionnel ou privé. Cette règle est en lien avec la clause générale de l'art. 12 let. a LLCA, selon laquelle l'avocat exerce sa profession avec soin et diligence, de même qu'avec l'obligation d'indépendance rappelée à l'art. 12 let. b LLCA (ATF 141 IV 257 consid. 2.1 p. 260; 134 II 108 consid. 3 p. 109 s.). Elle doit également être abordée en relation avec l'art. 13 LLCA qui a trait au secret professionnel de l'avocat (ATF 145 IV 218 consid. 2.1 p. 221 s.). Le Tribunal fédéral a souvent rappelé que l'avocat a notamment le devoir d'éviter la double représentation, c'est-à-dire le cas où il serait amené à défendre les intérêts opposés de deux parties à la fois, car il n'est alors plus en mesure de respecter pleinement son obligation de fidélité et son devoir de diligence envers chacun de ses clients (ATF 145 IV 218 consid. 2.1 p. 221; 141 IV 257 consid. 2.1 p. 260).
Les règles susmentionnées visent avant tout à protéger les intérêts des clients de l'avocat, en leur garantissant une défense exempte de conflit d'intérêts. Elles tendent également à garantir la bonne marche du procès, en particulier en s'assurant qu'aucun avocat ne soit restreint dans sa capacité de défendre l'un de ses clients - notamment en cas de défense multiple -, respectivement en évitant qu'un mandataire puisse utiliser les connaissances d'une partie adverse acquises lors d'un mandat antérieur au détriment de celle-ci (ATF 141 IV 257 consid. 2.1 p. 260). Les critères suivants peuvent permettre de déterminer l'existence ou non de mandats opposés dans un cas concret : l'écoulement du temps entre deux mandats, la connexité (factuelle et/ou juridique) de ceux-ci, la portée du premier mandat - à savoir son importance et sa durée -, les connaissances acquises par l'avocat dans l'exercice du premier mandat, ainsi que la persistance d'une relation de confiance avec l'ancien client (ATF 145 IV 218 consid. 2.1 p. 222 et les références citées). Le devoir de fidélité exclut a fortiori que l'avocat procède contre un client actuel (ATF 145 IV 218 consid. 2.1 p. 222 s.; 134 II 108 consid. 5.2 p. 115).
Il faut éviter toute situation potentiellement susceptible d'entraîner des conflits d'intérêts. Un risque purement abstrait ou théorique ne suffit pas, le risque doit être concret. Il n'est toutefois pas nécessaire que le danger concret se soit réalisé et que l'avocat ait déjà exécuté son mandat de façon critiquable ou en défaveur de son client (arrêts 1B_59/2018 du 31 mai 2018 consid. 2.4; 1B_20/2017 du 23 février 2017 consid. 3.1). Dès que le conflit d'intérêts survient, l'avocat doit mettre fin à la représentation (ATF 135 II 145 consid. 9.1 p. 154 s.; 134 II 108 consid. 4.2.1 p. 112). Il y a notamment violation de l'art. 12 let. c LLCA lorsqu'il existe un lien entre deux procédures et que l'avocat représente dans celles-ci des clients dont les intérêts ne sont pas identiques. Il importe peu en principe que la première des procédures soit déjà terminée ou encore pendante, dès lors que le devoir de fidélité de l'avocat n'est pas limité dans le temps (ATF 134 II 108 consid. 3 p. 110). Il y a aussi conflit d'intérêts au sens de la disposition susmentionnée dès que survient la possibilité d'utiliser, consciemment ou non, dans un nouveau mandat les connaissances acquises antérieurement, sous couvert du secret professionnel, dans l'exercice d'un mandat antérieur (ATF 145 IV 218 consid. 2.1 p. 223; arrêts 1B_209/2019 du 19 septembre 2019 consid. 4.1; 2C_898/2018 du 30 janvier 2019 consid. 5.2).
5.2. Selon les constatations de l'instance précédente, qui lient la cour de céans (cf. art. 105 al. 1 LTF), Me B.________ a assuré la défense des intérêts de C.________ dans la procédure d'entraide, de novembre 2018 à octobre 2019 et, depuis décembre 2018, il représente A.________ dans l'affaire nationale, cause où ce dernier revêt, à l'instar de C.________, le statut de prévenu.
Il ressort de l'arrêt entrepris que Me B.________ a eu accès à l'intégralité des messages électroniques de C.________ qui ont été saisis à son domicile et sur son poste de travail chez I.________ SA, dans le cadre de la procédure d'entraide (CP/223/2018). L'instance précédente a d'ailleurs retenu - sans que cela ne soit contesté - que, de l'aveu même de ce conseil, certains de ces messages concernaient la procédure nationale. L'instance précédente pouvait retenir que Me B.________ pourrait avoir pris connaissance, dans le cadre de ce premier mandat, d'éléments qui ne figureront pas dans la procédure nationale dès lors notamment que R.________ avait sollicité et obtenu pour cette procédure la mise sous scellés des courriels issus de la procédure d'entraide pénale. Il existe ainsi la possibilité que cet avocat utilise, dans le cadre de son nouveau mandat, consciemment ou non, des connaissances acquises sous couvert du secret professionnel. Le fait que C.________ aurait délié Me B.________ de son secret professionnel n'est à cet égard pas déterminant. L'instance précédente pouvait d'ailleurs sur ce point considérer, quoi qu'en pensent les recourants, que C.________ avait adopté une position contradictoire puisqu'il avait allégué, par l'intermédiaire de Me B.________, qu'il autorisait ce dernier à se prévaloir dans la procédure nationale d'élément connus le concernant résultant de la procédure d'entraide, tout en requérant parallèlement, par l'intermédiaire de Mes P.________ et Q.________, la mise sous scellés d'une partie de ces mêmes éléments lors de leur apport à la procédure nationale. On ne saurait en outre affirmer, comme le font les recourants, qu'aucune des informations obtenues dans le cadre du premier mandat sous couvert du secret professionnel, ne pourraient être utiles dans la procédure nationale à la défense des intérêts de A.________.
Par ailleurs, l'instance précédente a certes retenu que les co-prévenus C.________, A.________ et J.________ avaient contesté les faits qui leur étaient reprochés, déclarant de façon globalement convergente que K.________ avait reçu les actions litigieuses en contrepartie du versement d'une importante somme d'argent qu'elle avait remise à O.________ SA en 2011 et que N.________ Ltd s'était donc limitée à formaliser la position économique que la première de ces sociétés détenait, de facto, déjà dans la seconde. L'instance précédente n'a toutefois pas affirmé que leurs versions des faits étaient complètement identiques. Il ressort par ailleurs des constatations de l'instance précédente et du Ministère public que l'implication des co-prévenus dans les faits qui leur sont reprochés diffère, ce qui n'est pas contesté par les recourants. Compte tenu de leur implication différente et de leur positions respectives au sein des entités concernées, il est possible qu'en cas d'admission de la thèse de l'accusation, l'un ou l'autre des prévenus ne soit tenté de minimiser sa participation ou de charger ses co-prévenus au gré des développements ultérieurs de la procédure (cf. arrêt 1B_602/2019 du 5 février 2020 consid. 2.2; cf. également arrêt 1B_263/2016 du 4 octobre 2016 consid. 2.2). Dans ces circonstances, le risque de conflit d'intérêts peut être qualifié de concret. Il apparaît d'autant plus évident que, comme constaté par l'instance précédente, Me B.________ a été - potentiellement à l'époque des faits litigieux - et semble encore être aujourd'hui l'avocat de la société I.________ SA et qu'il a ainsi pu acquérir par l'intermédiaire de diverses personnes, des informations relatives à C.________ - dont cet avocat n'aurait pas pu avoir connaissance autrement - susceptibles d'être utilisées en faveur de A.________.
5.3. Au regard du risque concret de conflit d'intérêts, la Cour de justice n'a pas violé le droit fédéral, ni a fortiori fait preuve d'arbitraire, en confirmant l'interdiction de postuler prononcée par le Ministère public et ce grief peut être écarté.
6.
Il s'ensuit que le recours doit être rejeté, dans la mesure où il est recevable. Les recourants, qui succombent, supportent solidairement les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
Les frais judiciaires, fixés à 3'000 fr., sont mis à la charge des recourants, solidairement entre eux.
3.
Le présent arrêt est communiqué aux recourants, au Ministère public de la République et canton de Genève et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale de recours.
Lausanne, le 20 mars 2020
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Chaix
La Greffière : Arn