Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
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6B_105/2020
Arrêt du 3 avril 2020
Cour de droit pénal
Composition
M. et Mmes les Juges fédéraux Denys, Président,
van de Graaf et Koch.
Greffier : M. Graa.
Participants à la procédure
A.________,
représenté par Me Jean-Marie Röthlisberger, avocat,
recourant,
contre
Ministère public de la République et canton de Neuchâtel,
intimé.
Objet
Violation du secret de fonction,
recours contre le jugement de la Cour pénale du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel du 3 décembre 2019 (CPEN.2016.43/der).
Faits :
A.
A.________ est sergent-chef à la police de B.________. Au moment des faits reprochés, il était en outre président du Syndicat C.________.
Le 15 juillet 2014, le prénommé a publié, sur son compte Facebook, un texte concernant un appareil radar qui avait fait l'objet d'actes de vandalisme le matin du 11 juillet 2014.
Le 22 février 2015, A.________ a diffusé, en sa qualité de président du Syndicat C.________, un communiqué de presse relatif à une affaire survenue le matin même à D.________, dans le cadre de laquelle quatre gendarmes avaient été blessés.
B.
Par jugement du 9 mai 2016, le Tribunal de police du Littoral et du Val-de-Travers a, en raison de ces deux événements, condamné A.________, pour violation du secret de fonction, à une peine pécuniaire de 30 jours-amende à 170 fr. le jour, avec sursis pendant deux ans, ainsi qu'à une peine additionnelle de 600 francs.
Par jugement du 21 mars 2017, la Cour pénale du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel a rejeté l'appel formé contre ce jugement par A.________.
Par arrêt du 28 février 2018 (6B_532/2017), le Tribunal fédéral a partiellement admis le recours formé par A.________ contre le jugement du 21 mars 2017, a annulé celui-ci et a renvoyé la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision. Pour le surplus, il a déclaré le recours irrecevable. En substance, s'agissant des événements de février 2015, le Tribunal fédéral a considéré que l'acte d'accusation du 3 juillet 2015 indiquait uniquement que A.________ avait diffusé l'information litigieuse en sa qualité de président du Syndicat C.________, sans exposer la fonction qu'occupait alors l'intéressé, ni à quel titre et comment l'information lui était parvenue, ce qui était insuffisant pour fonder la condamnation du prénommé.
C.
A la suite de cet arrêt du Tribunal fédéral, le ministère public a demandé à la cour cantonale de lui renvoyer l'acte d'accusation afin que celui-ci puisse être complété. Il a ensuite rendu un nouvel acte d'accusation, daté du 27 avril 2018.
Par jugement du 5 novembre 2018, la Cour pénale du Tribunal cantonal neuchâtelois, statuant ensuite de l'arrêt de renvoi du 28 février 2018, a partiellement admis l'appel de A.________, a acquitté ce dernier s'agissant des événements de février 2015 et l'a condamné, pour violation du secret de fonction, à une peine pécuniaire de 15 jours-amende à 170 fr. le jour, avec sursis pendant deux ans.
Par arrêt du 23 janvier 2019 (6B_1276/2018), le Tribunal fédéral a admis le recours formé par le ministère public contre le jugement du 5 novembre 2018 et a annulé celui-ci. En substance, le Tribunal fédéral a considéré que la communication faite à A.________ par le caporal E.________ à propos des événements du 22 février 2015 avait été de nature purement policière, le premier nommé ayant reçu celle-ci en sa qualité de policier - soit de fonctionnaire - et non uniquement de président du Syndicat C.________. Le Tribunal fédéral a donc renvoyé la cause à l'autorité cantonale afin que celle-ci examine si A.________ avait pu réaliser les autres éléments constitutifs de la violation du secret de fonction s'agissant des événements de février 2015.
D.
Par jugement du 3 décembre 2019, la Cour pénale du Tribunal cantonal neuchâtelois, statuant ensuite de l'arrêt de renvoi du 23 janvier 2019, a rejeté l'appel formé par A.________ contre le jugement du 9 mai 2016. Elle a condamné ce dernier, pour violation du secret de fonction, à une peine pécuniaire de 30 jours-amende à 170 fr. le jour, avec sursis pendant deux ans, ainsi qu'à une peine additionnelle de 600 francs.
E.
A.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre le jugement du 3 décembre 2019, en concluant, avec suite de frais et dépens, principalement à sa réforme en ce sens qu'il est acquitté et, subsidiairement, à son annulation et au renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour nouvelle décision.
Considérant en droit :
1.
Le recourant critique sa condamnation pour violation du secret de fonction.
1.1. L'art. 320 ch. 1 CP réprime d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire celui qui aura révélé un secret à lui confié en sa qualité de membre d'une autorité ou de fonctionnaire, ou dont il avait eu connaissance à raison de sa charge ou de son emploi.
Les biens juridiques protégés par cette disposition sont tant le bon fonctionnement des institutions que la protection de la sphère privée des particuliers (ATF 142 IV 65 consid. 5.1 p. 67 s.; arrêt 6B_1276/2018 précité consid. 2.1).
Révèle un secret au sens de l'art. 320 ch. 1 CP celui qui le confie à un tiers non habilité à le connaître ou qui permet que ce tiers en prenne connaissance (ATF 142 IV 65 consid. 5.1 p. 67 s. et les références citées). Est secret le fait qui n'est connu que d'un cercle restreint de personnes (ATF 142 IV 65 consid. 5.1 p. 67; 116 IV 56 consid. II/1.a p. 65). Il ne peut s'agir d'un fait ayant déjà été rendu public ou qui est accessible sans difficulté à toute personne souhaitant en prendre connaissance (ATF 114 IV 44 consid. 2 p. 46; arrêt 6B_572/2018 du 1er octobre 2018 consid. 3.3.1). Il faut en outre qu'il existe un intérêt légitime à ce que le fait soumis au secret ne soit connu que d'un cercle déterminé de personnes, et que le détenteur du secret veuille maintenir celui-ci (ATF 142 IV 65 consid. 5.1 p. 67; 127 IV 122 consid. 1 p. 125). Cet intérêt peut être celui de la collectivité publique (Confédération, canton ou commune) ou celui de particuliers. Un indice de la présence d'un intérêt légitime au maintien du secret est donné lorsqu'une loi prévoit un devoir de discrétion du fonctionnaire ou du membre d'une autorité (arrêt 6B_572/2018 précité consid. 3.3.1 et les références citées).
1.2. Aux termes de l'art. 76 al. 1 de la loi neuchâteloise sur la police (LPol/NE; RS/NE 561.1), les membres de la police sont tenus de garder le secret sur toutes les opérations auxquelles ils procèdent et sur les faits qui sont parvenus à leur connaissance dans l'exercice de leurs fonctions.
Selon l'art. 20 de la loi neuchâteloise sur le statut de la fonction publique (LSt/NE; RS/NE 152.510), il est interdit aux titulaires de fonctions publiques de divulguer des faits dont ils ont eu connaissance dans l'exercice de leur activité officielle et qui doivent rester secrets en raison de leur nature, des circonstances ou d'instructions spéciales (al. 1). Dans les mêmes limites, il leur est également interdit de communiquer à des tiers ou de s'approprier, en original ou en copie, des documents de service établis par eux-mêmes ou par autrui (al. 2).
1.3. La cour cantonale a exposé que les événements survenus le 22 février 2015 avaient constitué un secret, ce que le recourant reconnaissait. Le communiqué de presse du recourant avait eu la teneur suivante :
"Policiers sérieusement blessés lors d'une intervention!
Sip - Le Syndicat C.________ a pris acte avec une grande consternation de l'incident qui est survenu durant la nuit du 22.02.2015 aux alentours de 03h00 à F.________.
Quatre gendarmes ont été agressés et blessés par un individu alors qu'ils étaient venus lui porter secours.
3 agents sont actuellement toujours à l'hôpital. Un des agents a reçu un coup de couteau dans la cuisse.
Le Syndicat C.________ condamne fermement cet acte inacceptable et déplore, une fois de plus, le manque d'effectifs chronique de la Police de B.________."
Selon la cour cantonale, malgré le peu de détails fournis, l'information - telle qu'elle avait été diffusée par le recourant - était confidentielle. En effet, la police ne souhaitait pas que l'intervention délicate du 22 février 2015 fît l'objet d'une communication publique - quelle qu'elle fût - dans l'immédiat, ce dont l'intéressé avait été informé par sa hiérarchie. Au moment où le recourant avait diffusé le communiqué de presse, contre l'avis de sa hiérarchie, les informations qui y figuraient n'étaient pas publiques, ni accessibles au public. A cet égard, le commissaire G.________ avait expliqué qu'une telle communication était prématurée car les circonstances de l'intervention n'étaient alors pas claires et car la police suspectait une affaire de stupéfiants. Il avait signalé au recourant qu'une communication pourrait intervenir ultérieurement et que le procureur de permanence était d'avis que le fait de diffuser un communiqué de presse contre l'avis des enquêteurs pouvait constituer une violation du secret de fonction. Pour l'autorité précédente, même si le communiqué de presse diffusé n'avait pas compris d'informations précises sur l'intervention, le recourant ne pouvait être certain que celui-ci ne porterait pas préjudice à la suite de l'enquête. Il s'agissait donc d'une information confidentielle, que l'autorité avait un intérêt légitime à ne pas divulguer à ce stade. Par ailleurs, en sa qualité de fonctionnaire, le recourant était tenu à un devoir de réserve accru, comme cela résultait des art. 15 et 20 LSt/NE et de l'art. 76 al. 1 LPol/NE.
1.4. Le recourant admet que "l'ensemble de l'information concernant les événements du 22 février 2015" constituait un secret au sens de l'art. 320 CP, mais soutient qu'il n'aurait pas, par son communiqué de presse - qu'il présente comme laconique -, révélé ce secret, puisque les informations rendues publiques n'auraient pas été "protégées par le secret". Cette argumentation est pour le moins contradictoire. Comme l'a relevé la cour cantonale, le recourant a révélé que des policiers avaient été agressés - ce qui était en soi couvert par le secret -, tout en précisant le lieu, l'heure, les circonstances de l'altercation, ou encore la situation médicale globale des agents. Le recourant a bien, par son communiqué de presse, révélé un secret.
1.5. Le recourant conteste l'existence d'un intérêt légitime à ce que les faits en question demeurassent alors secrets. Comme l'a souligné l'autorité précédente, il existait déjà un fort indice concernant l'existence d'un tel intérêt pour la collectivité publique, par le fait que le recourant était soumis, en tant que policier, à un devoir de discrétion accru. Les autorités policières ont en effet déjà un intérêt à pouvoir faire circuler des informations en leur sein ou à pouvoir prendre des mesures pour contrôler leur publication, sans craindre de voir leurs agents prendre, à cet égard, des initiatives contrevenant aux ordres donnés. Par ailleurs, il existait un intérêt légitime, pour la police cantonale, à garder secrète l'existence et les circonstances de l'intervention, avant que la lumière pût être faite s'agissant de sa portée exacte et de ses conséquences. Il convient ainsi d'admettre qu'en publiant un communiqué de presse concernant un événement que sa hiérarchie ne voulait pas révéler dans l'immédiat - afin de procéder à de plus amples investigations à son propos -, le recourant a perturbé le bon fonctionnement des institutions. Le but poursuivi par le recourant, soit - comme l'allègue celui-ci - d'alerter le public s'agissant des conditions de travail de sa corporation, n'y change rien.
1.6. Le recourant prétend encore que "la communication, à certains sujets, entre dans le devoir du président du Syndicat C.________" et qu'il n'aurait pas existé "d'intérêt prépondérant à ne pas dévoiler" les informations litigieuses. On ne perçoit pas ce que l'intéressé entend déduire de ces affirmations, puisque celles-ci ne permettent aucunement de revenir sur les considérations selon lesquelles le recourant a révélé un secret en contradiction avec un intérêt légitime qui existait au moment où le communiqué de presse a été publié (cf. consid. 1.5 supra). Par ailleurs, contrairement à ce que prétend le recourant, le fait qu'une communication était ultérieurement envisagée par sa hiérarchie n'y change rien, puisque l'intérêt de la police consistait précisément à conserver secrète l'altercation et ses circonstances afin de procéder à des investigations. Au demeurant, l'application de l'art. 320 CP ne suppose pas que le secret concerné ait vocation à ne jamais être rendu public.
1.7. Le recourant conteste enfin la réalisation de l'élément constitutif subjectif de l'infraction.
1.7.1. La violation du secret de fonction est une infraction intentionnelle. Le dol éventuel suffit et doit porter sur tous les éléments objectifs (arrêts 6B_572/2018 précité consid. 3.6; 6B_599/2015 du 25 février 2016 consid. 2.3). Déterminer ce qu'une personne a su, envisagé, voulu ou accepté relève du contenu de la pensée, à savoir de faits "internes", qui, en tant que tels, lient le Tribunal fédéral (art. 105 al. 1 LTF), à moins qu'ils aient été retenus de manière arbitraire (ATF 141 IV 369 consid. 6.3 p. 375).
1.7.2. Sur ce point, la cour cantonale a exposé que la hiérarchie du recourant lui avait demandé de s'abstenir de diffuser un communiqué de presse concernant l'altercation du 22 février 2015, de sorte que l'intéressé savait que celle-ci voulait garder confidentielle l'existence de l'intervention policière en question. Le recourant avait ainsi eu conscience du caractère secret de l'information. En outre, il ne pouvait ignorer avoir appris ladite information en raison de sa qualité de policier puisque, comme l'avait relevé le Tribunal fédéral dans l'arrêt 6B_1276/2018 précité, le recourant avait reçu une communication policière, par laquelle le caporal E.________ avait transmis un document interne aux services de police, cela à des membres de la police de B.________ et non au président de son syndicat. Le recourant avait encore été rendu attentif au fait que diffuser un communiqué de presse contre l'avis des enquêteurs pourrait constituer une violation du secret de fonction. Par conséquent, l'intéressé avait su, au moment de publier son communiqué de presse, qu'il ne devait pas s'exprimer publiquement.
1.7.3. Le recourant développe une argumentation purement appellatoire et, partant, irrecevable, par laquelle il affirme ne pas avoir eu conscience d'avoir appris l'information concernée en qualité de policier et non uniquement de président du Syndicat C.________. Il ne démontre pas quelle constatation insoutenable aurait pu être tirée de son comportement par l'autorité précédente, mais rappelle qu'en tant que "président du Syndicat C.________, il était parfois amené à recevoir des informations qu'il devait parfois communiquer au sujet de certains événements se produisant dans le canton de Neuchâtel". Or, en l'occurrence, la cour cantonale a constaté que le recourant avait été expressément prié de ne pas diffuser de communiqué de presse et qu'il avait été rendu attentif à une possible violation de l'art. 320 CP à cet égard, de sorte que l'intéressé ne peut être suivi lorsqu'il soutient ne pas avoir eu conscience d'avoir pris connaissance de l'information en tant que policier et pas uniquement en sa qualité de syndicaliste. Le recourant ne saurait, sur ce point, tirer argument du fait qu'il a, par le passé, bénéficié d'un acquittement au terme d'une décision cantonale qui a été annulée par le Tribunal fédéral.
1.8. C'est donc sans violer le droit fédéral que la cour cantonale a condamné le recourant pour violation du secret de fonction.
2.
Le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. Le recourant, qui succombe, supporte les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge du recourant.
3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour pénale du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel.
Lausanne, le 3 avril 2020
Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Denys
Le Greffier : Graa