30. Arrêt du 2 février 1972 dans la cause Rosset et Clivaz contre Grand Conseil du canton du Valais.
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Regeste
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Art. 89 OG. Eine vor Beginn der Beschwerdefrist eingereichte Beschwerde ist zulässig (Erw. 1).
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Diese Voraussetzungen gelten nicht auch für das Finanzreferendum nach Art. 30 Ziff. 4 der Walliser KV (Erw. 5).
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Sachverhalt
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BGE 98 Ia 203 (203):
A.- Le Grand Conseil du canton du Valais a adopté, le 2 février 1961, un décret concernant l'aide aux chemins de fer privés selon la loi fédérale du 20 décembre 1957. L'aide prévue consistait en une prise en charge des déficits d'exploitation et en subsides pour les améliorations techniques ou l'adoption BGE 98 Ia 203 (204):
d'un autre mode de transport. La durée du décret était limitée à cinq ans, soit aux années 1961 à 1965. Le décret, déclaré sans portée générale (art. 10), n'a pas été soumis à la votation populaire.
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La validité de cet acte a été prorogée de cinq ans, soit jusqu'au 31 décembre 1970, par un nouveau décret, du 12 novembre 1965, qui n'a pas été soumis non plus à la votation populaire, en raison de sa durée limitée (art. 2).
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Le 25 juin 1971, la même assemblée a adopté en second débat un nouveau décret, qui proroge derechef de cinq ans, soit jusqu'au 31 décembre 1975, la validité des deux précédents. Ce dernier décret a aussi été soustrait à la votation populaire, en raison de sa durée limitée (art. 2); il a été publié dans le Bulletin officiel du 20 août 1971.
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B.- Par mémoire du 1er juillet 1971, Lucien Rosset, à Sembrancher, et Clovis Clivaz, à Veyras, forment un recours de droit public et requièrent le Tribunal fédéral d'annuler la décision du Grand Conseil relative au décret du 25 juin 1971. Ils soutiennent qu'en soustrayant le décret à la votation populaire, l'assemblée législative a violé l'art. 30 ch. 3 litt. a et ch. 4 Cst. cant.
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C.- Le Grand Conseil du canton du Valais, représenté par son président, propose que le recours soit déclaré irrecevable, subsidiairement qu'il soit rejeté.
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Invités à déposer un mémoire complétif, en vertu de l'art. 93 al. 2 OJ, les recourants ont confirmé leurs conclusions.
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D.- L'entrée en vigueur du décret a été suspendue par décision du Président de la Chambre de droit public, du 9 septembre 1971.
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Considérant en droit:
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BGE 98 Ia 203 (205):
2. Le Grand Conseil, dans sa réponse, met en doute la qualité des recourants pour agir. A tort. Dans la mesure où ils possèdent le droit de vote en matière cantonale, Rosset et Clivaz sont recevables à se plaindre que le décret n'a pas été soumis au vote du peuple (art. 85 lit. a OJ; RO 89 I 260 s., 94 I 32, 97 I 28). Or cette condition est remplie, ainsi que l'attestent les déclarations des communes de Sembrancher et de Veyras, que les recourants ont produites à la demande du Président de la Chambre.
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Le recours, qui satisfait pour le surplus aux conditions légales, est ainsi recevable.
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Art. 30: Sont soumis à la votation du peuple:
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1. ...
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2. ...
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3. Les lois et décrets élaborés par le Grand Conseil, excepté:
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a) les décrets qui ont un caractère d'urgence ou qui ne sont pas d'une portée générale et permanente. Cette exception doit, dans chaque cas, faire l'objet d'une décision spéciale et motivée,
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b) ...
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c) ...
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a) Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, il suffit que l'une des trois hypothèses prévues à l'art. 30 ch. 3 lit. a Cst. cant. - urgence, défaut de portée générale, défaut de permanence BGE 98 Ia 203 (206):
- soit réalisée pour que le référendum ne s'impose pas. Les trois conditions ne sont donc pas cumulatives, mais alternatives (RO 87 I 38; arrêts non publiés Cathrein, du 15 juillet 1937; Lonza, du 26 septembre 1946; Couchepin, du 2 avril 1947; Perrig, du 20 décembre 1950; Nigg, du 20 octobre 1971).
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En vertu de l'art. 30 ch. 3 lit. a 2e phrase Cst. cant., l'exclusion du vote populaire doit dans chaque cas particulier, faire l'objet d'une décision spéciale et motivée. Dans ses arrêts Perrig et Nigg, précités, le Tribunal fédéral a précisé la portée de cette disposition, en ce sens que le décret doit indiquer s'il est soustrait au référendum en raison de l'urgence, ou du défaut de portée générale, ou de son caractère non permanent, de plus amples motifs ressortant normalement de l'exposé des motifs et des débats parlementaires. Enl'espèce, on peut admettre que les motifs indiqués par le décret sont le défaut de permanence (directement mentionné) et le défaut de portée générale (indirectement invoqué par la référence au décret de 1961). En revanche, il ne peut être question de l'urgence, qui ne figure dans aucun des décrets et qui est invoquée pour la première fois dans la réponse du Grand Conseil. Ce point est du reste sans importance en l'espèce (cf. lit. b ci-dessous).
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b) Pour décider si un décret est de portée générale, il ne faut pas se fonder sur son importance politique ou financière. C'est le contenu juridique de l'acte qui est déterminant: est considéré comme de portée générale l'acte qui établit une règle de droit, par opposition à celui qui a pour objet une mesure individuelle prise à propos d'un cas concret.
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A s'en tenir au texte de l'art. 1er du décret de 1961, qui accorde une aide financière "aux sociétés de chemins de fer privés et aux sociétés de navigation en exploitation dans le canton, si ceux-ci poursuivent un but d'intérêt public et s'ils bénéficient d'une aide de la Confédération", on pourrait conclure que cette disposition a bien le caractère d'une règle abstraite et générale, applicable à un nombre indéterminé de cas. En réalité, il n'en est rien. Ainsi que cela résulte notamment du message du Conseil d'Etat concernant le décret de 1961, les bénéficiaires de l'aide cantonale sont exactement connus et peu nombreux. Il est pratiquement exclu que cette situation se modifie. Le décret ne vise donc qu'un nombre limité de cas concrets et institue une série restreinte de mesures individuelles. Cela suffit pour lui dénier une portée générale. Il pouvait ainsi BGE 98 Ia 203 (207):
être soustrait à la votation populaire en vertu de l'art. 30 ch. 3 lit. a Cst. cant. Le recours doit être rejeté en tant qu'il se fonde sur cette disposition, sans qu'il y ait lieu de rechercher si le Grand Conseil pouvait aussi exclure le référendum en raison du défaut de permanence ou de l'urgence.
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a) Dans sa réponse, le Grand Conseil admet que les dépenses découlant du décret excéderont pour chaque année de sa validité le montant de 200 000 fr. Il n'y a donc pas à rechercher si c'est le montant total des dépenses ou le montant annuel qui est déterminant pour l'application de la disposition invoquée.
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L'autorité cantonale ne conteste pas que la dépense en question "soit extraordinaire" au sens de l'art. 30 ch. 4 Cst. cant. Avec raison. Certes, la notion de "dépense extraordinaire" du droit valaisan est plus étroite que celle de "dépense nouvelle" telle qu'on l'entend généralement; selon la pratique valaisanne, une dépense est ordinaire et échappe au référendum - qu'elle soit couverte ou non par les recettes ordinaires du budget - lorsque le peuple, en approuvant la tâche définie par la loi, a implicitement approuvé la dépense que son exécution doit entraîner, quand bien même le projet ainsi soustrait au vote populaire pourrait encore être discuté dans son principe ou dans ses modalités (cf. RO 95 I 529 consid. 4). Mais en l'espèce, les dépenses que le décret attaqué entraîne ne peuvent s'appuyer sur aucune disposition légale précédemment votée par le peuple.
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Enfin, le Grand Conseil ne soutient pas dans sa réponse que les dépenses qu'entraînera l'application de ce décret soient couvertes par les recettes ordinaires du budget. Il reconnaît expessément que dans ces conditions le décret devait être soumis au référendum.
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b) Pour justifier néanmoins la décision de ne pas soumettre le décret à la votation populaire, le Grand Conseil soutient dans sa réponse que le référendum pouvait être exclu en raison de l'urgence et du défaut de permanence de l'acte. Il prétend ainsi appliquer au référendum financier les restrictions - ou du moins deux des trois restrictions - que prévoit en matière de référendum législatif l'art. 30 ch. 3 lit. a Cst. cant. Cette thèse ne trouve aucun appui dans le texte constitutionnel, qui ne contient pas de renvoi de l'une des dispositions à l'autre. Le Tribunal BGE 98 Ia 203 (208):
fédéral l'a déjà rejetée dans son arrêt Couchepin, du 15 mars 1961 (RO 87 I 40 consid. 3), en se référant notamment aux débats du Grand Conseil qui ont précédé l'adoption de la Constitution cantonale actuelle. Il résulte de cet arrêt que le référendum financier de l'art. 30 ch. 4 Cst. cant. s'applique à toute dépense qui ne découle pas d'une loi ou d'un décret voté par le peuple, en tant qu'elle dépasse 200 000 fr. et n'est pas couverte par les recettes ordinaires du budget; peu importe que cette dépense soit urgente, ou limitée dans le temps ou encore soit la conséquence d'une mesure sans portée générale. L'autorité cantonale, dans sa réponse, ne remet pas en cause cette jurisprudence. Il convient de la confirmer, sans la soumettre à un nouvel examen.
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral
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Admet le recours et annule le décret attaqué.
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