BGE 104 Ia 215 |
36. Extrait de l'arrêt du 21 juin 1978 en la cause Unité Jurassienne, Charpilloz et Vecchi contre Conseil des 187 du Grand Conseil du canton de Berne |
Regeste |
Art. 85 lit. a OG; Prinzip der Einheit der Materie. |
2. Prinzip der Einheit der Materie. Anwendung desselben auf den Verfassungsentwurf des Kantons Bern in seinen neuen Grenzen (E. 2). |
Sachverhalt |
Dans la perspective de la création du canton du Jura - et, par voie de conséquence, de la séparation des trois districts du Nord (districts des Franches-Montagnes, de Porrentruy et de Delémont) - il est apparu nécessaire de préparer la modification de certaines dispositions de la Constitution bernoise, afin d'adapter l'organisation étatique du canton et ses bases juridiques à la situation nouvelle. |
Le Grand Conseil bernois, siégeant sans la participation des 13 députés des districts des Franches-Montagnes, de Porrentruy et de Delémont et formant ainsi le "Conseil des 187", a établi le texte d'un projet de "Constitution du canton de Berne dans ses nouvelles frontières", modifiant et complétant la constitution bernoise.
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Dans un premier rapport présenté le 10 août 1977, le Conseil exécutif du canton de Berne a proposé au Conseil des 187 de répartir les diverses dispositions de ce projet en plusieurs paquets distincts, chacun d'eux devant être l'objet d'une question posée séparément aux membres du Conseil des 187, puis au corps électoral du canton de Berne. Le Gouvernement désirait éviter toute contestation au sujet de l'application du principe de l'unité de la matière posé à l'art. 104 de la constitution cantonale. Par la suite, cependant, se fondant sur un avis qu'il avait obtenu le 28 juillet 1977 du Secrétaire général de l'Assemblée fédérale, le Conseil exécutif s'est rallié à l'opinion contraire de la Commission du Conseil des 187, proposant de soumettre aux électeurs et électrices l'ensemble du projet en leur posant une question unique.
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Le 5 décembre 1977, le Conseil des 187 a adopté le texte définitif du projet de "Constitution du canton de Berne dans ses nouvelles frontières", modifiant et complétant de la manière suivante la Constitution bernoise de 1893:
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"Art. 1. Le canton de Berne est une république démocratique et l'un des Etats de la Confédération suisse.
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La souveraineté cantonale appartient au peuple qui l'exerce directement par les électeurs et indirectement par les autorités.
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Art. 2. Il est tenu compte des besoins spécifiques du Jura bernois et, pour les questions relatives à la langue et à la culture, de la population d'expression française du district bilingue de Bienne d'une part ainsi que du Laufonnais d'autre part.
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A cet effet, il est reconnu à la population de ces régions des droits particuliers de coopération, notamment de proposition et de préavis pour les affaires cantonales et intercantonales les concernant spécialement.
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Art. 2bis. Le canton collabore avec les autres cantons pour toutes les tâches qu'il est judicieux de mener à bien au niveau intercantonal.
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Art. 17. Premier alinéa inchangé.
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Les langues officielles sont:
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- dans le Jura bernois le français,
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- dans le district de Bienne l'allemand et le français,
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- dans les autres districts l'allemand.
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Les lois, décrets, ordonnances ainsi que les arrêtés sont communiqués en allemand dans la partie allemande du canton, en français dans la partie française.
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4e et 5e alinéas abrogés.
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Art. 17bis. Les autorités judiciaires compétentes pour l'ensemble du canton emploient en règle générale la langue du district compétent. D'entente avec les parties, le juge peut autoriser l'autre langue nationale.
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Devant ces instances, chaque partie a le choix entre les deux langues nationales.
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Art. 17ter. Le Grand Conseil règle, par décret, l'usage des langues dans le district bilingue de Bienne.
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Art. 26, ch. 20. Il nomme une commission paritaire formée de députés du Jura bernois et de députés d'expression française du district de Bienne d'une part, de députés du reste du canton d'autre part. Cette commission traite à titre consultatif les questions concernant le Jura bernois et les populations d'expression française du district de Bienne.
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Art. 26, ch. 20bis. Il nomme une commission paritaire formée des députés du district de Laufon d'une part, de députés du reste du canton d'autre part. Cette commission traite à titre consultatif les questions concernant le Laufonnais.
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Art. 28bis. Si des décisions concernant les affaires prévues par
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l'article 2 ne réunissent pas la majorité des voix exprimées soit par les députés du Jura bernois et les députés d'expression française du district de Bienne, soit par les députés du Laufonnais, ceux-ci peuvent demander qu'une autre réglementation soit soumise au vote.
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Art. 33 al. 4. Un siège est garanti au Jura bernois.
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Art. 34 al. 3. Sous réserve du droit minimum du Jura bernois, sont élus au Conseil exécutif:
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- au premier tour de scrutin, les candidats qui ont obtenu la majorité absolue dans l'ordre des suffrages valablement exprimés;
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- au scrutin de ballottage, qui est tout à fait libre, les candidats qui ont obtenu le plus grand nombre de suffrages.
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5e alinéa supprimé.
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Les articles 105, 106, 107, 108, 109 du texte actuel sont périmés.
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A leur place figurent les dispositions ci-après:
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Titre VII:
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Dispositions transitoires relatives à la séparation des districts de Delémont, des Franches-Montagnes et de Porrentruy
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Art. 105. Après la séparation, le Grand Conseil termine la législature en cours sans les membres des cercles électoraux concernés.
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Art. 106. Le Conseil exécutif est compétent pour procéder à l'adaptation
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rédactionnelle de lois et décrets qu'implique la séparation.
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Le Conseil exécutif présente au Grand Conseil un rapport portant sur
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les adaptations qu'il opérera. Le Grand Conseil peut former opposition
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contre chacune d'elles.
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Art. 107. Le Conseil exécutif décide souverainement de la conclusion d'accords sur la poursuite exceptionnelle de procès civils, pénaux ou administratifs qui échappent à la compétence des autorités bernoises par l'effet de la séparation.
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Les art. 58 et 59 de la Constitution fédérale demeurent réservés.
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Art. 108. Le Conseil exécutif est compétent pour arrêter des réglementations, édicter des prescriptions et conclure des accords tendant à constater et garantir l'état de la situation et fixant les conditions du transfert ou de l'utilisation provisoires des biens du canton de Berne, ainsi que de ses institutions et de ses corporations.
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Le Conseil exécutif représente le canton de Berne et ses institutions dans les affaires relatives à la séparation.
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Le Conseil exécutif est seul compétent, sous réserve de l'approbation du Grand Conseil, pour conclure des accords portant sur le partage des biens avec le nouveau canton.
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Les conventions qui sont du domaine législatif ou qui portent sur le transfert de litiges à des instances d'arbitrage ou de bons offices sont soumis au référendum facultatif (art. 6quater Cc).
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Art. 109. Supprimé.
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L'art. 110 est nouvellement intitulé comme suit:
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Titre VII bis
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Autres dispositions transitoires
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B.
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Entrée en vigueur
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Les modifications constitutionnelles entreront en vigueur après leur
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adoption par le peuple, à une date fixée par le Conseil exécutif." En décembre 1977, le Conseil des 187 a fait publier ce texte constitutionnel accompagné d'un message adressé aux électeurs et électrices du canton de Berne.
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La votation constitutionnelle a été fixée au 26 février 1978 sur l'ensemble du nouveau territoire du canton de Berne.
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Le 21 février 1978, agissant par la voie du recours de droit public, l'association "Unité Jurassienne", Yvan Vecchi et Alain Charpilloz ont demandé au Tribunal fédéral:
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"I. d'annuler la décision du Conseil des 187 du canton de Berne du 5 décembre 1977 et la décision du Conseil exécutif l'exécutant, de soumettre au corps électoral bernois, le 26 février 1978, la modification des articles 1, 2, 17, 26 chiffre 20, 33 alinéa 4, 34 alinéa 3, le complément par les articles 2bis, 17bis, 17ter, 26 chiffre 20bis, 28bis, 105, 106, 107, 108, la suppression des articles 105, 106, 107, 108, 109 du texte actuel de la Constitution du canton de Berne adoptée par le peuple bernois le 4 juin 1893. |
II. d'annuler la votation constitutionnelle intervenue le 26 février 1978, si elle a été menée à chef."
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La demande d'effet suspensif présentée par les recourants ayant été rejetée, la votation constitutionnelle a eu lieu le 26 février 1978 sur l'ensemble du territoire du canton de Berne, à l'exception des districts des Franches-Montagnes, de Porrentruy et de Delémont. La majorité s'est prononcée nettement en faveur du projet de "Constitution du canton de Berne dans ses nouvelles frontières".
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Considérant en droit: |
1. b) Selon l'art. 6 Cst., les cantons sont tenus de demander à la Confédération la garantie de leurs constitutions. L'Assemblée fédérale est compétente pour examiner les constitutions cantonales et leur accorder la garantie fédérale (art. 85 ch. 7 Cst.). Celle-ci est donnée aux conditions prévues à l'art. 6 al. 2 Cst.; en particulier, les dispositions de ces constitutions ne doivent pas être contraires à celles de la Constitution fédérale. Le Tribunal fédéral connaît des réclamations pour violation de droits constitutionnels des citoyens (art. 113 Cst.). L'art. 84 OJ indique comme objet du recours de droit public les décisions et arrêtes. Il s'agit dès lors de savoir si les prescriptions des constitutions cantonales sont aussi comprises dans les décisions et arrêtes entendus dans ce sens, et s'il entre ainsi dans les attributions du Tribunal fédéral d'examiner les constitutions cantonales pour rechercher si elles violent les droits constitutionnels du citoyen. La jurisprudence a admis que l'art. 85 ch. 7 est une règle spéciale par rapport à l'art. 113, de telle sorte que les prescriptions des constitutions cantonales ne peuvent pas être attaquées par le moyen du recours de droit public. Cette règle a été posée dans un arrêt du 21 novembre 1891 (ATF 17 p. 622). Elle a été confirmée à réitérées reprises depuis lors (ATF 22 p. 1019 consid. 4; 56 I 330 consid. 2; 69 I 177 consid. 1; 71 I 252 consid. 3). Elle a été élargie dans ce sens que la garantie accordée par la Confédération mettait obstacle même à l'examen préjudiciel des dispositions constitutionnelles cantonales et empêchait ainsi d'attaquer celles-ci à propos d'une décision d'espèce (ATF 83 I 181 consid. 6; cf. toutefois ATF 89 I 398 /399). |
Cette jurisprudence a été approuvée par certains auteurs (F. FLEINER, Bundesstaatsrecht p. 59; WERNER GUT, Die Gewährleistung der Kantonsverfassungen durch den Bund, thèse Zurich 1928, p. 31; HANS RÜEGG, Die Verordnung nach zürcherischem Staatsrecht, thèse Zurich 1926, p. 144), mais la plupart l'ont critiquée (BURCKHARDT, Comm. ad art. 6 Cst. p. 71; Z. GIACOMETTI, Verfassungsgerichtsbarkeit, p. 110 ss.; F. FLEINER et Z. GIACOMETTI, Schweizerisches Bundesstaatsrecht, p. 134; BERNARD SCHAUB, Die Aufsicht des Bundes über die Kantone, thèse Zurich 1956, p. 203; LEONHARD JENNY, Die Aufsicht des Bundes über die Kantone, thèse Zurich 1905, p. 107 ss.; HANS MARTI, Probleme der staatsrechtlichen Beschwerde, RDS 81/1962, vol. II, p. 44; CLAUDE BONNARD, Problèmes relatifs au recours de droit public, RDS 81/1962, vol. II, p. 407 ss.; THEODOR DE JONCHEERE, Der Rechtsschutz in Verfassungsstreitigkeiten durch die politischen Bundesbehörden, thèse Zurich 1958, p. 149).
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Dans un arrêt longuement motivé, prononcé le 9 octobre 1963, le Tribunal fédéral a exposé les raisons pour lesquelles il fallait s'en tenir à cette jurisprudence, tout au moins lorsque le recours de droit public est formé à la suite de la publication de la disposition constitutionnelle cantonale et tend au contrôle abstrait de celle-ci. L'intention du constituant ne peut pas avoir été de confier, avant ou après la garantie accordée par l'Assemblée fédérale, le contrôle d'une prescription constitutionnelle cantonale à un autre organe fédéral, soit à la Cour constitutionnelle. Il est vrai que l'arrêté accordant la garantie fédérale est pris sous la forme d'un arrête fédéral simple qui ne lie pas le Tribunal fédéral (art. 113 al. 3 Cst.); mais il ne s'ensuit pas que ce dernier doive être compétent pour se prononcer, avant ou après l'octroi de la garantie, sur la même question de la conformité de la prescription constitutionnelle cantonale à la Constitution et au droit fédéral, même du seul point de vue des droits individuels du citoyen. Cette dualité de décisions serait critiquable sous l'angle de la sécurité du droit. Si les décisions étaient différentes, l'arrête de l'Assemblée fédérale relatif à la garantie s'opposerait à l'arrêt du Tribunal fédéral. On ne saurait pas dans quelle mesure la garantie serait atteinte par un arrêt du Tribunal fédéral. Cela mettrait en question la délimitation exacte entre le contrôle effectué par l'Assemblée fédérale avant l'octroi de la garantie et les tâches qui incombent au Tribunal fédéral en tant que Cour constitutionnelle. Ce danger serait particulièrement grave si l'on devait admettre que l'arrêt du Tribunal fédéral accueillant ou rejetant le recours pourrait être rendu déjà avant l'arrête sur l'octroi de la garantie et si, par la suite, l'Assemblée fédérale refusait celle-ci (ATF 89 I 392 ss. consid. 2, 3 et 4). |
D'une manière générale, les auteurs ont maintenu leurs critiques (voir notamment HANS HUBER, Die staats- und verwaltungsrechtliche Rechtsprechung im Jahre 1963, ZBJV 1964 p. 421 et 422; HANS MARTI, Die staatsrechtliche Beschwerde, 3e éd., p. 88 et 89); seul, Claude Bonnard a déclaré, dans une remarque sur l'arrêt précité, se rallier à la thèse admise par le Tribunal fédéral (JdT 1964 I p. 220 ss.). Récemment, le Tribunal fédéral a encore une fois confirmé cette jurisprudence (ATF 100 Ia 364 consid. 5b), que les recourants ne mettent d'ailleurs pas en cause.
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c) Ainsi, dans la mesure où les recourants entendent tenir pour arbitraire la suppression, dans le nouveau texte de la Constitution du canton de Berne dans ses nouvelles frontières, de la mention de l'existence du peuple du Jura, le présent recours est irrecevable. C'est à l'Assemblée fédérale qu'il appartient, en vertu des art. 6 et 85 ch. 7 Cst., de se prononcer sur la compatibilité de la revision constitutionnelle bernoise avec le droit fédéral.
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Il en va de même en ce qui concerne le motif que les recourants déclarent tirer d'une prétendue violation de l'art. 14 CEDH. Il est vrai que, selon l'art. 6 al. 2 lettre a Cst., la garantie fédérale est accordée pourvu que la constitution cantonale ne renferme rien de contraire aux dispositions de la Constitution fédérale, mais, d'après la jurisprudence, le contrôle de l'Assemblée fédérale n'est pas différent de ce que pourrait être celui du Tribunal fédéral si ce dernier avait à examiner la conformité des constitutions cantonales au droit fédéral (ATF 89 I 395 consid. 3). En vertu du principe constitutionnel de la force dérogatoire du droit fédéral (art. 2 disp. trans. Cst.), l'Assemblée fédérale examine la conformité de la prescription constitutionnelle cantonale au droit fédéral et, en particulier, aux dispositions de la Convention européenne des droits de l'homme. Au surplus, cette Convention impose à la Suisse de garantir à ses propres ressortissants, de même qu'à des tiers, la jouissance des droits protégés par ladite Convention (voir H. SCHORN, Die europäische Konvention zum Schutze der Menschenrechte und Grundfreiheiten, Frankfurt am Main 1965, p. 55). Or, d'après la jurisprudence, ces droits ont, de par leur nature, le caractère de droits constitutionnels (ATF 101 Ia 69 consid. 6). Il en résulte que l'Assemblée fédérale, avant d'accorder la garantie fédérale, doit s'assurer que la revision constitutionnelle cantonale ne viole pas les droits de nature constitutionnelle que garantit la Convention européenne. |
Dés lors, l'exception d'irrecevabilité soulevée par le Gouvernement bernois est fondée. Il convient donc de déclarer irrecevable le recours dans la mesure où il est dirigé, pour arbitraire ou pour violation de l'art. 14 CEDH, contre certaines dispositions matérielles de la Constitution du canton de Berne dans ses nouvelles frontières.
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a) S'agissant d'un recours de droit public en matière d'élections et de votations, le Tribunal fédéral examine librement l'interprétation du droit constitutionnel cantonal et des dispositions légales étroitement liées au droit de vote lui-même, à son contenu et à son étendue (ATF 101 Ia 232). Toutefois, s'il faut considérer deux interprétations possibles du droit constitutionnel cantonal comme également défendables, le Tribunal fédéral donne la préférence à celle qu'a retenue la plus haute autorité du canton (ATF 103 Ia 155; ATF 100 Ia 58; ATF 97 I 32).
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Dans leur mémoire, les recourants citent l'art. 104 Cst. bern. aux termes duquel "si le projet du Grand Conseil ou le projet émané de l'initiative porte sur des objets de nature diverse, le peuple sera appelé à voter séparément sur chacun d'eux". Ils critiquent l'interprétation donnée par le Conseil exécutif dans son rapport complémentaire du 7 septembre 1977 et par le Conseil des 187 dans la décision attaquée, mais ils n'allèguent pas que cette disposition constitutionnelle cantonale pose un principe de l'unité de la matière plus rigoureux qu'en droit fédéral non écrit. Ils se réfèrent expressément à la jurisprudence du Tribunal fédéral. Il n'y a donc pas lieu en l'espèce de rechercher l'interprétation exacte qu'il conviendrait de donner à l'art. 104 Cst. cant. ni même de dire si l'interprétation qu'en a faite le Conseil des 187 (la plus haute autorité du canton) est la bonne. Il faut simplement examiner, au regard de la jurisprudence, si le principe de l'unité de la matière a été violé. C'est là une question que le Tribunal fédéral examinera librement; il s'ensuit que le moyen, que les recourants paraissent vouloir tirer d'une violation de l'art. 4 Cst., n'a pas de sens. |
b) D'après la jurisprudence, le droit de vote garanti par le droit fédéral comprend aussi la liberté de vote, c'est-à-dire le droit pour le citoyen de voter dans le secret, à l'abri de toute influence extérieure, et de remplir son bulletin d'une manière conforme à sa volonté réelle. Le citoyen a donc le droit d'exiger qu'aucun résultat d'élection et de votation ne soit reconnu s'il n'est pas l'expression sûre et véritable de la volonté populaire (ATF 90 I 73 consid. 2a et les arrêts cités). En matière de référendum financier, la conséquence en est que la question posée au peuple ne peut porter que sur un seul objet, à moins qu'il ne s'agisse de dépenses qui sont interdépendantes ou ont un but commun qui les réunit par un lien réel et objectif. Sans doute est-il en principe souhaitable que les citoyens puissent s'exprimer séparément sur chaque crédit particulier, afin que leur soit épargné le dilemme d'avoir à s'exprimer par un seul oui ou par un seul non sur deux objets dont l'un emporte leur adhésion et l'autre pas. Mais l'application stricte de ce principe irait souvent à l'encontre de l'intérêt général. A certaines conditions, les autorités cantonales devraient avoir la possibilité de réunir plusieurs crédits en un seul projet soumis au peuple, et cela non seulement dans les cas où deux dépenses sont à ce point dépendantes l'une de l'autre que l'une ne pouvait se faire sans l'autre, mais aussi lorsqu'elles poursuivent un but commun qui les réunit étroitement par un lien objectif (ATF 99 Ia 183 consid. 3c et les arrêts cités). Cette définition du principe de l'unité de la matière est valable, d'une manière générale, dans tous les cas où le peuple est appelé à se prononcer (ATF 99 Ia 646 consid. 5b, 731 consid. 3). Elle est donc aussi applicable en l'espèce, s'agissant d'un projet de revision d'une constitution cantonale qui est obligatoirement soumis à l'approbation du corps électoral; cela n'est d'ailleurs contesté ni par les recourants, ni par le Conseil exécutif.
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En doctrine, on admet aussi que le principe de l'unité de la matière a un caractère relatif. Il n'exige pas toujours que chaque disposition d'un projet soit soumis séparément au corps électoral; l'essentiel est que ces dispositions aient entre elles un rapport intrinsèque étroit et qu'elles poursuivent le même but (cf. MANFRED BEAT KUHN, Das Prinzip der Einheit der Materie bei Volksinitiative auf Partialrevision der Bundesverfassung, thèse Zurich 1956, p. 118 et 119; voir aussi ARTHUR WOLFFERS, Die Einheit der Materie, Zbl 75, 1974, p. 457 ss.). |
Dans son Message du 20 avril 1977 concernant l'initiative populaire "contre la vie chère et l'inflation", le Conseil fédéral a relevé que la notion du "rapport intrinsèque" entre les diverses exigences d'une initiative laisse une large marge pour apprécier si une initiative portant sur plusieurs objets répond ou non au principe de l'unité de la matière. Rappelant les avis exprimés dans la doctrine, il a constaté que les spécialistes du droit constitutionnel interprètent différemment, mais non contradictoirement, la notion du rapport intrinsèque qui est considéré comme une condition de l'unité de la matière. En revanche, le Conseil fédéral et le Tribunal fédéral en ont une conception commune et claire; les deux autorités estiment que l'unité de la matière n'est pas respectée quand une initiative groupe sans justification objective des buts ou exigences divers (FF 1977 II p. 483 et 484).
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c) En l'espèce, on doit admettre qu'il existait de bonnes raisons de soumettre à l'approbation du corps électoral l'ensemble du projet qui formait un tout. Dans son message aux électeurs et électrices du canton de Berne de décembre 1977, le Conseil des 187 relève en effet que l'objet de la revision soumise au peuple est l'adaptation de la constitution cantonale à la situation issue de la séparation; "seules les dispositions qui concernent directement cette nouvelle situation ont été prises en considération". Le message précise certes que la question d'une revision constitutionnelle s'est posée sous trois aspects (réorganisation de l'Etat cantonal dans ses nouvelles frontières, nouvelle définition des garanties constitutionnelles en faveur de la partie du Jura restée bernoise et du Laufonnais, définition des compétences pour les diverses dispositions à prendre en relation avec la séparation), mais cela ne signifie nullement qu'entre ces trois groupes de dispositions il n'existait pas un rapport intrinsèque étroit. Au contraire, il ressort clairement du texte soumis au peuple le 26 février 1978 que toutes ces dispositions constitutionnelles forment un tout; elles sont en rapport étroit les unes avec les autres et poursuivent toutes le même but, qui est l'adaptation de la constitution cantonale à la situation résultant de la séparation des trois districts du Jura Nord. |
Dans leur mémoire, les recourants ne contestent pas sérieusement cette unité du but. Ils se contentent de reprocher à la Commission du Conseil des 187 de n'avoir pas suivi la proposition faite par le Conseil exécutif dans son rapport complémentaire du 5 septembre 1977. Or, il est clair que le Conseil exécutif n'était pas lié par sa première proposition; de plus, son interprétation du principe de l'unité de la matière n'était pas décisive, car c'est à la plus haute autorité du canton - soit, en l'occurrence, au Conseil des 187 - que la décision appartenait. Par ailleurs, il faut encore relever que les recourants ne prétendent pas, dans leurs mémoires, que chacun des articles du projet de Constitution du canton de Berne dans ses nouvelles frontières aurait dû être soumis séparément à l'approbation du corps électoral; ils ne précisent pas non plus comment ces articles auraient dû être regroupés ni quelles auraient été les questions posées aux citoyens. Tout au plus font-ils valoir que les dispositions nouvelles des art. 2bis et 26 ch. 20 auraient dû faire l'objet de questions distinctes, qu'en outre et surtout, il y aurait une disposition qui, "à elle seule, montre de façon éclatante que la décision cantonale ne respecte pas le principe de l'unité de la matière: il s'agit de l'art. 1er de la Constitution du canton de Berne". Or, cela n'est pas exact: en réalité, les dispositions nouvelles des art. 1er et 2 du projet sont inséparables. Certes, on a supprimé à l'art. 1er la mention de l'existence, dans le canton de Berne, des deux peuples de l'ancien canton et du Jura (mention introduite à l'art. 1er al. 2 par la votation constitutionnelle du 29 octobre 1950), mais à l'art. 2, le Conseil des 187 a tenu à définir à nouveau les garanties constitutionnelles données, d'une part au Jura bernois et, dans certains domaines, à la population de langue française du district de Bienne, d'autre part au Laufonnais. Il apparaît ainsi clairement, contrairement à l'opinion soutenue par les recourants, qu'en tout cas les citoyens ne pouvaient pas se prononcer séparément sur les dispositions nouvelles de l'art. 1er et de l'art. 2.
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En définitive, les recourants n'ont pas démontré que le Conseil des 187 aurait dépassé le pouvoir d'appréciation dont il disposait dans l'application du principe de l'unité de la matière. Il aurait certes été possible de suivre la proposition du Conseil exécutif de répartir les diverses dispositions du projet en plusieurs paquets distincts. Mais il s'agissait là d'une décision de nature politique, que n'imposait pas le respect du principe juridique précité. Dans ces conditions, on ne saurait dire que ce dernier a été violé. Le présent recours doit donc être rejeté. |