Urteilskopf
114 Ia 385
66. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public du 9 novembre 1988 dans la cause X., Y. et Z. contre B. SA, Commune de Suchy et Conseil d'Etat du canton de Vaud (recours de droit public)
Regeste
Art. 4 BV;
Art. 24 USG, 43 und 44 LSV; Teilnutzungsplan, Schutz vor Lärmimmissionen.
Art. 88 OG. Der Eigentümer eines benachbarten Grundstücks ist zur Anfechtung eines Nutzungsplanes legitimiert, der Bestimmungen über den Schutz vor Lärmimmissionen, wie Planungswerte gemäss Art. 24 USG und Empfindlichkeitsstufen gemäss Art. 43 LSV, enthält oder enthalten sollte (E. 3).
Gemäss Art. 24 USG und Art. 3 Abs. 3 lit. b RPG ist bei Erstellung oder Änderung eines Nutzungsplanes der Grundsatz des Lärmschutzes zu beachten, was die Festlegung der Planungswerte (Art. 24 USG) und die Zuordnung der Empfindlichkeitsstufen (Art. 43 LSV) in dem von Art. 44 LSV geregelten Verfahren bedeutet (E. 4).
X., Y. et Z. sont chacun propriétaires, sur le territoire de la commune de Suchy, d'une parcelle comportant une maison familiale. Ces bien-fonds avoisinent la parcelle No 102, d'une surface de 4310 m2, sise au lieu-dit "Sur la Croix", dont est propriétaire A., administrateur de la société B. SA, scierie-charpenterie à Suchy.
Le plan communal des zones de 1979 a classé les parcelles de A. et de X. dans la zone agricole et les autres parcelles dans une zone de village réservée à l'habitat, aux exploitations agricoles, ainsi qu'au commerce ou à l'artisanat compatible avec l'habitation.
Au cours de l'été 1986, un incendie a partiellement détruit les bâtiments, sis à l'intérieur de la localité, dans lesquels la société B. exploite sa scierie. La Municipalité de Suchy a aussitôt envisagé de compléter son projet, alors à l'étude, de modification du plan des zones par la création d'une zone artisanale limitée à la parcelle No 102, sur laquelle la scierie pourrait être reconstruite. Le projet mis à l'enquête publique prévoyait une modification du plan général d'affectation visant notamment à transférer de la zone agricole à la zone de village la parcelle No 102, qui fait en outre l'objet d'un plan partiel d'affectation dit "Sur la Croix". Ce plan spécial permet l'édification d'une halle de sciage et de fabrication de charpentes en bois, d'un bâtiment d'exploitation ainsi que de silos à sciure et copeaux.
Le 18 mars 1987, le Conseil général de Suchy a adopté la modification du plan général d'affectation. Saisi des oppositions de X., Y. et Z., il a en revanche différé l'adoption du plan partiel d'affectation "Sur la Croix", pour l'adopter finalement le 25 mai 1987, après avoir considéré que, parmi les terrains éventuellement disponibles sur le territoire communal, la parcelle No 102 était la mieux appropriée à l'implantation d'une scierie. Les opposants ont alors requis le Conseil d'Etat du canton de Vaud de ne pas approuver le plan partiel d'affectation de la parcelle No 102.
Par décisions du 26 février 1988, le Conseil d'Etat a approuvé ce plan. Il a toutefois admis "très partiellement" les requêtes et
BGE 114 Ia 385 S. 387
modifié le règlement d'exécution du plan par l'ajout d'un art. 4.3 habilitant la Municipalité à autoriser en limite de propriété des aménagements propres à réduire les nuisances dans la mesure nécessaire au respect des exigences de l'ordonnance du Conseil fédéral sur la protection contre le bruit du 15 décembre 1986.
Contre ces décisions, X., d'une part, Y. et Z., d'autre part, ont formé deux recours de droit public distincts. Dans la mesure où ils étaient recevables, le Tribunal fédéral les a admis partiellement au sens des considérants.
Extrait des considérants:
2. Les recours s'en prennent au transfert de la parcelle No 102 de la zone agricole dans une zone destinée à l'artisanat et au logement en vertu d'un plan partiel d'affectation. Ils sont en outre dirigés contre ce plan lui-même qui prévoit l'établissement sur cette parcelle des nouvelles installations de la scierie B. SA. Propriétaires d'un immeuble voisin classé soit dans la zone agricole soit dans la zone de village, les recourants critiquent essentiellement ces mesures parce qu'ils redoutent que l'exploitation de la scierie ne provoque d'insupportables immissions de bruit.
Les mesures d'aménagement litigieuses constituent toutes deux des plans d'affectation ayant force obligatoire pour chacun au sens de l'
art. 21 al. 1 LAT. Les décisions par lesquelles l'autorité cantonale de dernière instance les a approuvées et a rejeté les oppositions des recourants peuvent donc faire l'objet d'un recours de droit public comme le précise l'
art. 34 al. 3 LAT (
ATF 110 Ia 30,
ATF 111 Ib 9, 13).
On pourrait certes se demander si le plan partiel d'affectation n'est pas, eu égard à sa réglementation détaillée, une décision susceptible d'être attaquée par la voie d'un recours de droit administratif conformément à l'
art. 54 LPE en relation avec l'
art. 44 al. 3 de l'ordonnance du 15 décembre 1986 sur la protection contre le bruit entrée en vigueur le 1er avril 1987 (cf. ATF 113 Ib 382). La question peut toutefois rester ouverte compte tenu de l'issue du recours.
3. Le propriétaire d'un bien-fonds compris dans le périmètre d'un plan d'affectation peut l'attaquer par la voie du recours de droit public dans la mesure où il met en cause le statut de son immeuble; cette qualité appartient aussi au propriétaire d'un immeuble voisin s'il fait valoir que la mesure d'aménagement litigieuse
BGE 114 Ia 385 S. 388
le touche dans ses droits constitutionnels, notamment en limitant sa faculté d'utiliser son propre bien-fonds ou en violant des dispositions qui visent aussi à protéger les voisins (
ATF 113 Ia 238 consid. 2b et les arrêts cités).
Le droit du propriétaire d'un immeuble qui n'est pas compris dans le plan d'attaquer celui-ci par la voie du recours de droit public se justifie parce qu'un plan et sa réglementation d'exécution ne peuvent plus être attaqués comme tels dans le cadre d'une procédure d'autorisation de construire. L'approbation d'un plan qui fixe définitivement un alignement ou qui abroge ou restreint la portée de dispositions qui visent aussi à protéger les voisins, telles les règles de protection contre les immissions, cause dès lors un préjudice juridique aux propriétaires voisins touchés par les effets de ce plan (
ATF 112 Ia 92). Il en va de même lorsque le plan contesté fixe ou aurait dû fixer les prescriptions relatives à la protection contre les immissions, tels les valeurs de planification et les degrés de sensibilité au sens des art. 24 de la loi fédérale du 7 octobre 1983 sur la protection de l'environnement (LPE) et 43 de l'ordonnance fédérale du 15 décembre 1986 sur la protection contre le bruit (OPB).
En l'espèce, une zone artisanale est instituée qui fixe l'emprise des constructions. Dans une procédure d'autorisation de construire ultérieure, les recourants n'auraient plus la possibilité de s'en prendre aux effets de ces constructions sur leur propre bien-fonds ou ne pourraient les combattre que de façon limitée. Ils ont donc qualité pour attaquer par la voie du recours de droit public la modification du plan de zones et le plan partiel d'affectation.
4. Le Conseil d'Etat a retenu qu'une "entreprise de scierie est par nature une exploitation gênante pour le voisinage", qui ne peut être autorisée que si elle est "conforme aux exigences de la législation fédérale sur la protection de l'environnement en matière de bruit". Il a considéré que si des mesures spécifiques de protection contre les nuisances ne peuvent être définies qu'au stade de la procédure d'octroi du permis de construire, le règlement afférent au plan partiel d'affectation de la parcelle No 102 devait en tout cas prévoir la possibilité de construire une éventuelle protection contre le bruit en limite de propriété. Il a dès lors complété de lui-même ce règlement en y ajoutant un nouvel art. 4.3 qui habilite la Municipalité à "autoriser en limite de propriété des aménagements propres à réduire les nuisances et les inconvénients pour le voisinage dans la mesure nécessaire au respect des
BGE 114 Ia 385 S. 389
exigences de l'ordonnance fédérale du 15 décembre 1986 sur la protection contre le bruit".
a) Les recourants soutiennent que cette mesure ne change rien à l'illégalité de la zone artisanale et du plan partiel d'affectation car la scierie B. SA est une entreprise industrielle particulièrement gênante. La planification contestée violerait par conséquent les principes de base du droit fédéral et du droit cantonal en la matière, notamment l'art. 3 al. 3 let. b LAT qui commande "de préserver autant que possible les lieux d'habitation des atteintes nuisibles ou incommodantes, telles que la pollution de l'air, le bruit et les trépidations".
Ce principe contraignant pour les autorités chargées de l'aménagement du territoire se réfère à la protection de droit public contre les nuisances (DFJP/OFAT, Etude relative à la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, art. 3 al. 3 let. b n. 45, p. 101 ss). Cette protection - l'autorité intimée l'a reconnu - est assurée dans une large mesure par le droit fédéral depuis l'entrée en vigueur, le 1er janvier 1985, de la loi fédérale sur la protection de l'environnement (art. 11 ss LPE). En ce qui concerne la protection contre le bruit, l'ordonnance du 15 décembre 1986 est déterminante. Ces textes posent en matière de protection contre les immissions des règles contraignantes pour les autorités chargées de l'aménagement du territoire.
L'art. 24 LPE soumet ainsi les zones à bâtir à des exigences précises. La teneur de son al. 1 est la suivante:
"Les nouvelles zones à bâtir destinées à la construction de logements ou d'autres immeubles destinés au séjour prolongé de personnes, ne peuvent être prévues qu'en des endroits où les immissions causées par le bruit ne dépassent pas les valeurs de planification, ou en des endroits dans lesquels des mesures de planification, d'aménagement ou de construction permettent de respecter ces valeurs."
Ces valeurs de planification sont fixées à l'art. 43 OPB de la manière suivante:
"Art. 43 Degrés de sensibilité
Dans les zones d'affectation selon les art. 14 ss de la loi fédérale du 22 juin 1979 sur l'aménagement du territoire, les degrés de sensibilité suivants sont à appliquer:
a) Le degré de sensibilité I dans les zones qui requièrent une protection accrue contre le bruit, notamment dans les zones de détente;
b) Le degré de sensibilité II dans les zones où aucune entreprise gênante n'est autorisée, notamment dans les zones d'habitation ainsi que dans celles réservées à des constructions et installations publiques;
BGE 114 Ia 385 S. 390
c) Le degré de sensibilité III dans les zones où sont admises des entreprises moyennement gênantes, notamment dans les zones d'habitation et artisanales (zones mixtes) ainsi que dans les zones agricoles;
d) Le degré de sensibilité IV dans les zones où sont admises des entreprises fortement gênantes, notamment dans les zones industrielles. On peut déclasser d'un degré les parties de zones d'affectation du degré de sensibilité I ou II, lorsqu'elles sont déjà exposées au bruit."
L'autorité intimée considère à tort qu'en complétant le chiffre 4.3 du règlement du plan partiel d'affectation, elle a tenu suffisamment compte de ces exigences du droit fédéral. Celles-ci ne sont en effet pas satisfaites par la mission donnée au Conseil communal d'abaisser l'impact sur les fonds voisins de l'activité industrielle de la scierie projetée. Seule la fixation des degrés de sensibilité en conformité de l'art. 43 OPB est propre à définir les mesures requises in concreto pour garantir la protection contre le bruit. Ce n'est qu'une fois qu'auront été déterminées les valeurs de planification entrant en ligne de compte que les mesures nécessaires pour en assurer le respect pourront être définies.
b) L'art. 44 OPB est ainsi rédigé:
"Art. 44 Procédure
Les cantons veillent à ce que les degrés de sensibilité soient attribués aux zones d'affectation dans les règlements de construction ou les plans d'affectation communaux.
Les degrés de sensibilité seront attribués lors de la délimitation de la modification des zones d'affectation ou lors de la modification des règlements de construction, mais au plus tard dans les dix ans qui suivent la mise en vigueur de la présente ordonnance.
Avant l'attribution, les degrés de sensibilité seront déterminés cas par cas par les cantons au sens de l'art. 43."
En modifiant son plan de zones et en adoptant le plan partiel d'affectation sans fixer les degrés de sensibilité, la commune n'a pas ou n'a qu'insuffisamment tenu compte des principes posés par le législateur fédéral aux
art. 24 LPE et 3 al. 3 let. b LAT. L'autorité intimée n'a pas réparé cette irrégularité de manière satisfaisante. Sa décision d'approuver la nouvelle réglementation applicable à la parcelle No 102 sans fixer les degrés de sensibilité est insoutenable et partant contraire à l'
art. 4 Cst., car elle élude les obligations faites aux organes de l'aménagement du territoire en matière de protection contre les immissions. Les recours de droit public doivent être admis pour ce motif et la décision attaquée doit être annulée. Il appartient au Conseil d'Etat de
BGE 114 Ia 385 S. 391
veiller à ce que les degrés de sensibilité soient fixés conformément à l'
art. 44 OPB.
5. La procédure suivie par les autorités cantonales remplit les conditions posées soit par l'
art. 33 LAT soit par le droit cantonal. La commune a retenu avec raison que les circonstances s'étaient sensiblement modifiées, selon les termes de l'
art. 21 al. 2 LAT, depuis l'entrée en vigueur de son plan de zones de 1979. Il lui est dès lors loisible de revoir ce plan et de l'adapter aux nécessités actuelles en soumettant la parcelle No 102 à un plan spécial, non sans avoir - comme exposé ci-dessus - fixé, d'entente avec les autorités cantonales, les degrés de sensibilité selon l'
art. 44 OPB et examiné les conséquences qui en résultent pour le projet de nouvelles installations de la scierie B. SA. Le plan partiel d'affectation destiné à cette entreprise ne peut être établi que dans le respect des exigences du droit de l'environnement, ce qui implique une analyse précise des nuisances causées par l'exploitation de la scierie. Cela étant, il n'y a pas lieu d'examiner en l'état le bien-fondé des griefs de violation de l'égalité de traitement et de la proportionnalité.