BGE 102 Ib 110 |
20. Arrêt de la Ire Cour civile du 4 mai 1976 dans la cause Consult Overseas Limited contre Office fédéral du registre du commerce |
Regeste |
Geschäftsfirmen. |
Art. 944 Abs. 2 OR, 45 und 46 HRegV. Begriff der territorialen Bezeichnung. Das Wort "overseas" ist keine solche Bezeichnung (Erw. 3). |
Art. 944 Abs. 1 OR, 44 Abs. 1 HRegV. Zulässigkeit der Firma "Consult Overseas limited, Vaduz, succursale de Genève" für die Zweigniederlassung einer Gesellschaft, die ihre Tätigkeit vor allem ausserhalb Europas entfaltet (Erw. 4). |
Sachverhalt |
Par décision du 23 janvier 1976, l'Office fédéral du registre du commerce a informé le préposé au registre du commerce de Genève qu'il ne pouvait admettre cette inscription, la désignation "Overseas" tombant sous le coup de l'art. 46 ORC et aucune demande d'autorisation selon cette disposition n'ayant été présentée. L'Office relevait encore qu'il manquait à la raison l'élément d'individualisation exigé par la jurisprudence du Tribunal fédéral. |
Le 28 janvier 1976, le préposé au registre du commerce de Genève a informé la société de cette décision.
|
B.- Consult Overseas Limited forme devant le Tribunal fédéral un recours de droit administratif concluant à l'annulation de la décision du 23 janvier 1976, le préposé au registre du commerce de Genève étant invité à procéder à l'inscription de la société "Consult Overseas Limited, Vaduz, succursale de Genève".
|
L'Office intimé propose le rejet du recours.
|
Considérant en droit: |
3. L'Office considère le mot "Overseas" comme une désignation territoriale au sens des art. 944 al. 2 CO et 46 ORC; il s'agit en effet, dit-il, d'une "référence à des territoires et singulièrement... aux territoires coloniaux", qui vise à désigner, pour les Européens, les terres situées hors du continent européen et au-delà des mers. |
La recourante conteste que le mot "Overseas" constitue une désignation territoriale, celle-ci supposant l'indication d'un certain espace géographique.
|
a) Par désignation territoriale au sens des art. 944 al. 2 CO et 46 ORC, la jurisprudence entend non seulement le territoire d'un Etat ou d'une partie administrativement déterminée de celui-ci, comme les cantons, districts et communes, mais aussi toute région géographique (RO 86 I 247 s., 96 I 611). Il faut comprendre par là la désignation d'un territoire défini, même s'il ne constitue pas une circonscription politique ou administrative, tel qu'un continent, une région, une province, une île, etc. Echappent en revanche à la réglementation des art. 45-46 ORC des désignations indéterminées concernant le monde, la terre, l'océan, la mer, etc.
|
b) En l'espèce, le mot anglais "Overseas" correspond exactement à la locution adverbiale française "outre-mer". Il qualifie ce qui se trouve au-delà de la mer (cf. les dictionnaires français Larousse, Littré, Robert et, sous le mot "overseas", Harrap's Dictionary). Il n'évoque pas un territoire précis, défini par des frontières géographiques, et s'apparente à la désignation "international" dont le Tribunal fédéral a nié le caractère territorial au sens des art. 944 al. 2 CO et 46 ORC (RO 87 I 306 s. consid. 1, 93 I 564 consid. 3, 95 I 279 consid. 2). Peu importe qu'en France, l'expression "outremer" désigne aussi certains départements et territoires déterminés, par opposition à la France métropolitaine.
|
c) L'Office fait valoir qu'il a régulièrement considéré le terme "overseas" comme une désignation territoriale ou "quasi territoriale". Cette dernière notion est toutefois étrangère à la législation sur la formation des raisons de commerce et elle ne saurait être introduite pour étendre la notion de désignation territoriale, telle qu'on vient de la définir.
|
d) Le mot "Overseas" ne constituant pas une désignation territoriale, la raison sociale litigieuse n'est pas soumise à la procédure d'autorisation des art. 45 et 46 ORC, et elle doit être admise si elle répond aux exigences ordinaires de la loi.
|
4. La raison de commerce qui vise à individualiser l'entreprise peut contenir des indications sur la nature de celle-ci, pourvu qu'elle soit conforme à la vérité, ne puisse induire en erreur et ne lèse aucun intérêt public (art. 944 al. 1 CO). Elle ne doit pas renfermer de désignations servant uniquement de réclame (art. 44 al. 1 ORC). |
a) Selon l'art. 3 des statuts de la recourante, dont les administrateurs sont domiciliés à Vaduz, au Sierra Leone et au Liban, le but de la société consiste dans des conseils pour la promotion, le financement et la réalisation de projets commerciaux, immobiliers et industriels, des activités d'entrepreneur, transactions commerciales, participations, etc. "im In- Oser Ausland". Il ressort d'une lettre-circulaire du 17 mars 1969 que la société offre ses services à des entreprises internationales désirant pénétrer dans les marchés du Moyen-Orient et d'Afrique orientale et occidentale. Les termes "Consult Overseas", que la recourante se propose d'employer dans la raison de sa succursale de Genève, sont conformes au but ainsi défini, et répondent dès lors à l'exigence de la véracité.
|
b) Considérant que "c'est une vérité première pour les sociétés de conseils que d'étendre leur rayon d'action vers les pays d'outre-mer" et que "cela n'est donc pas un caractère spécifique de la recourante", l'Office est d'avis que la désignation "Overseas" aboutirait à conférer à celle-ci, par rapport à ses concurrents, une "prééminence, ou en tout cas une importance particulière" que rien ne justifierait; la recourante apparaîtrait comme "la société de conseils pour les pays d'outremer", ce qui tromperait le public et avantagerait indûment la titulaire d'une raison aussi prestigieuse.
|
Cette argumentation méconnaît que la raison litigieuse se borne à indiquer la nature et le caractère intercontinental des services offerts par la recourante. Ces indications, conformes à la réalité, ne renferment pas d'appréciation sur la qualité desdits services ni sur l'importance de l'entreprise; contrairement à ce que déclare l'Office, elles n'opèrent donc pas une distinction qualitative entre la recourante et ses concurrents. La désignation "Overseas" n'apparaît pas non plus motivée seulement par le souci de la réclame et ne contrevient dès lors pas à l'art. 44 al. 1 ORC. Rien ne s'oppose à ce qu'une société choisisse une raison attrayante, pourvu qu'elle soit conforme à la vérité et ne puisse induire en erreur.
|
c) L'Office considère à tort que la raison litigieuse est assimilable à celle de "Inkasso AG", récemment refusée par le Tribunal fédéral (RO 101 Ib 362). Dans cet arrêt, le Tribunal fédéral laisse ouverte la question de savoir si, pour le lecteur moyen, une désignation aussi générale que "Inkasso AG" suscite l'impression que l'entreprise en question occupe une position dominante sur le marché et si elle doit être considérée comme trompeuse et servant uniquement de réclame (consid. 5b). Relevant que l'art. 944 al. 1 CO n'autorise des indications sur la nature de l'entreprise que "outre les éléments essentiels prescrits par la loi" et que la raison de commerce a pour but d'individualiser une entreprise et de la distinguer des autres, la cour de céans a admis qu'il n'était pas contraire à cette disposition de refuser une raison formée uniquement d'une désignation générique parce qu'elle en assurerait le monopole à son titulaire (consid. 5d). Ces considérations ne s'appliquent pas en l'espèce. Conformément à l'art. 952 al. 2 CO, la raison litigieuse indique le siège de l'établissement principal de la recourante et celui de la succursale, la qualité de celle-ci étant expressément mentionnée. Compte tenu de tous ces éléments, elle ne saurait être comparée à une raison formée d'une seule désignation générique, et elle est propre à distinguer l'entreprise titulaire tant de la société mère que des maisons concurrentes. |
d) Selon l'art. 952 CO, la raison de commerce des succursales doit être la même que celle de l'établissement principal (al. 1), avec les adjonctions prescrites par la loi pour les succursales d'entreprises étrangères. En l'espèce, la Suisse et le Liechtenstein sont parties à la Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle, dans sa teneur de Stockholm du 14 juillet 1967, dont l'art. 8 prévoit la protection du nom commercial dans tous les pays de l'Union. Bien que la succursale suisse d'une entreprise étrangère doive se conformer au droit suisse, pour la formation de sa raison sociale (cf. consid. 2 ci-dessus), il convient d'observer une certaine réserve dans l'appréciation des raisons de commerce d'entreprises établies dans les pays parties à l'Union pour la protection de la propriété industrielle, dans la mesure où elles ne sont pas contraires à l'ordre public suisse. Or tel n'est manifestement pas le cas en l'occurrence.
|
Par ces motifs, le Tribunal fédéral:
|