Urteilskopf
102 Ib 133
23. Extrait de l'arrêt du 25 juin 1976 dans la cause Anson contre la Division fédérale de justice
Regeste
Erwerb von Grundstücken durch Personen im Ausland. Art. 6 Abs. 2 lit. b BB vom 23. März 1961; Art. 13 Abs. 2 Verordnung vom 21. Dezember 1973.
1. Die Bewilligung für den Erwerb eines Grundstücks zum Betrieb einer einzigen Unternehmung in der Schweiz wird nur erteilt, wenn feststeht, dass der Erwerber nicht unter einem Vorwand eine Kapitalanlage in der Schweiz behalten will.
2. Der Grundpfandgläubiger, der das belastete Grundstück ersteigern will, um den Verlust der unvorteilhaften Kapitalanlage zu decken, hat kein berechtigtes Interesse am Erwerb.
3. Das Grundstück dient nicht dem Erwerber, wenn dieser die Geschäftsführung einem Verwalter anvertrauen und eine Kontrolle durch einen Rechtsanwalt und eine Treuhandgesellschaft schaffen will, um die nach den Umständen gebotenen Entscheidungen treffen zu können.
Hugo Anson, né en 1908, de nationalité britannique, ingénieur agronome, et sa femme Anna Francesca, née en 1912, sont établis à Rome. En février 1966, ils ont accordé à Louis Bulliard, industriel à Villars-sur-Glâne, un prêt de 400'000 fr. Ce prêt était garanti par trois obligations hypothécaires au porteur grevant en troisième rang l'immeuble dont l'emprunteur est propriétaire à Villars-sur-Glâne, immeuble où se trouve l'Hôtel du Moléson. La faillite de Bulliard fut prononcée le 5 janvier 1970.
Faisant valoir leur intérêt à participer aux enchères, les époux Anson ont requis l'autorisation d'acquérir l'immeuble. Cette autorisation leur a été accordée successivement par la Commission cantonale pour l'autorisation de
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l'acquisition d'immeubles par des personnes domiciliées à l'étranger, puis, malgré le recours du Ministère public cantonal, par arrêt du Conseil d'Etat fribourgeois. En bref, le Conseil d'Etat s'est fondé sur la déclaration suivante, établie le 28 octobre 1975 par les requérants invités à préciser leurs intentions:"S'ils deviennent acquéreurs de l'immeuble, les époux Anson entendent
conclure un contrat de gérance avec M. Widmer (l'actuel tenancier de
l'Hôtel du Moléson) ou, si ce dernier s'y refuse, avec un autre intéressé.
Les époux Anson mandateront sur place un avocat et une fiduciaire, de façon
à ce qu'un contrôle efficace de gestion soit régulièrement effectué et que,
sur la base des rapports qui leur seront régulièrement soumis, ils puissent
prendre toutes décisions commandées par les circonstances et leurs
intérêts".
Contre la décision du Conseil d'Etat, la Division fédérale de justice recourt: en bref, elle conteste que les acquéreurs aient eux-mêmes l'intention d'exploiter l'entreprise et soutient que l'exploitation par l'acquéreur lui-même est une condition de l'autorisation d'acquérir l'immeuble, au sens de l'art. 6 al. 2 litt. b AF.
Considérant en droit:
1. Selon l'art. 6 al. 2 litt. b AF, l'étranger justifie d'un intérêt légitime lorsqu'il est établi que l'immeuble servira à l'acquéreur pour y abriter l'établissement stable d'une entreprise commerciale ou industrielle. L'art. 13 al. 2 de l'ordonnance du Conseil fédéral du 21 décembre 1973 sur l'acquisition d'immeubles par des personnes domiciliées à l'étranger précise que l'acquisition est considérée comme un placement de capitaux - et que l'intérêt n'est dès lors plus légitime, sauf dans certains cas sans importance ici - lorsque l'acquéreur n'assume pas la direction effective de l'entreprise.
2. a) La possibilité d'obtenir une autorisation d'achat immobilier pour exploiter une industrie ou un commerce a été introduite dans la législation en 1961, par les Chambres fédérales; elle l'a été pour que des entreprises étrangères puissent s'installer en Suisse et y acquérir les immeubles nécessaires et, partant, pour éviter que les entreprises suisses, désirant créer des établissements à l'étranger, ne s'exposent à des mesures de rétorsion. Ainsi, l'art. 6 al. 2, litt. b AF vise surtout le
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cas des entreprises exerçant leur activité dans un ou plusieurs pays étrangers et souhaitant s'établir aussi en Suisse. Cette disposition n'exclut pas nécessairement l'octroi d'une autorisation à un industriel ou à un commerçant gardant son domicile à l'étranger et désireux d'exploiter un établissement unique en Suisse. Cependant, sous réserve de cas exceptionnels - celui du frontalier, par exemple -, la requête de l'étranger, fondée sur l'allégation qu'il dirigera de l'étranger une entreprise unique en Suisse, sort des prévisions du législateur. Elle mérite un examen particulier et ne peut être admise que s'il est établi que le requérant n'invoque pas un prétexte en vue de conserver en Suisse un placement de capitaux. A cet égard, les intimés n'apportent aucune preuve satisfaisante. Les époux Anson sont respectivement âgés de 68 et 64 ans; ressortissants Anglais, ils sont établis à Rome; le mari est ingénieur agronome. Il n'est guère contestable que leur intention est avant tout de protéger des intérêts financiers menacés par la faillite du débiteur. Si compréhensible que soit cet intérêt, il n'est pas légitime au sens de la législation applicable. Toute autre solution permettrait au créancier étranger d'éluder les restrictions voulues par le législateur en accordant, à un débiteur obéré, des prêts garantis par des immeubles sis en Suisse. Le Tribunal fédéral a d'ailleurs déjà jugé que l'acquisition d'un immeuble pour couvrir la perte d'un placement désavantageux ne constitue pas un motif légitime d'acquérir (arrêt non publié du 25 septembre 1970 dans la cause Heitmann).b) Le recours est d'autant plus fondé que les intimés, dans l'hypothèse où l'autorisation serait accordée, n'exploiteraient pas eux-mêmes l'Hôtel du Moléson. L'exigence d'une exploitation personnelle par l'acquéreur résulte déjà de la jurisprudence de l'ancienne commission fédérale de recours (RNRF 1965, p. 231, cause Maraschi). Cette jurisprudence a été consacrée par le législateur (FF 1969 II p. 1400) en ce sens que l'art. 6 al. 2 litt. b de l'arrêté, depuis la révision de 1970, veut que l'immeuble serve "à l'acquéreur". Elle a été rappelée par le Tribunal fédéral (ATF 99 Ib 445). Enfin, l'art. 13 al. 2 de l'ordonnance du 21 décembre 1973 va dans le même sens.
Or, de la déclaration même des intimés, il ressort que ceux-ci entendaient confier la gestion de l'hôtel à un gérant et instituer un contrôle par avocat et société fiduciaire pour prendre les décisions commandées par
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les circonstances. C'est dire qu'ils se proposaient de confier à d'autres la direction effective de l'établissement en ne gardant que la propriété économique.