Urteilskopf
105 Ib 418
62. Arrêt de la IIe Cour de droit public du 28 septembre 1979 dans la cause Société G. et P. contre Office fédéral de la police, (recours de droit administratif)
Regeste
Internationale Rechtshilfe in Strafsachen. Staatsvertrag mit den Vereinigten Staaten von Amerika.
1. Bei der Beurteilung einer Einsprache gegen eine Auslieferung ist das Bundesgericht an den in den Auslieferungsdokumenten dargestellten Sachverhalt gebunden, ausser bei offensichtlichen Fehlern, Lücken und Widersprüchen in den vorgelegten Dokumenten; um so mehr ist es an den in einem Rechtshilfeersuchen dargestellten Sachverhalt gebunden, da jenes für die Betroffenen weniger einschneidende Massnahmen zur Folge hat als die Auslieferung (E. 4b).
2. Für die Anwendung von Zwangsmassnahmen muss der ersuchte Staat nur prüfen, ob der im Rechtshilfeersuchen dargestellte Sachverhalt die objektiven Merkmale eines Straftatbestands erfüllt, der in der Liste im Anhang zum Staatsvertrag aufgeführt ist und zudem nach seinem eigenen Recht strafbar wäre (Art. 4 Abs. 2 Staatsvertrag); im Unterschied zum Auslieferungsrecht muss nicht untersucht werden, ob der Sachverhalt auch einen Straftatbestand nach dem Recht des ersuchenden Staats erfüllt (E. 5).
Das Bundesgericht prüft diese Frage frei (E. 5b).
Le 6 septembre 1978, le Département de la justice des Etats-Unis d'Amérique a adressé à la Division de police (actuellement: Office fédéral
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de la police) du Département fédéral de justice et police une demande d'entraide judiciaire fondée sur le traité entre la Confédération suisse et les Etats-Unis d'Amérique sur l'entraide judiciaire en matière pénale, du 25 mai 1973 (RO 1977 I 42 ss.; ci-après: le traité). Cette demande tend à obtenir le concours des autorités suisses pour l'instruction d'une enquête pénale ouverte aux Etats-Unis au sujet d'un délit contre le patrimoine dont aurait été victime la société A., chargée de travaux très importants dans le pays P.; ladite société aurait été amenée à sous-traiter une partie des travaux aux sociétés X. et Y., à des conditions financières défavorables pour elle (prix dépassant la valeur des biens et services fournis). Selon la requête et les indications complémentaires données par l'autorité requérante à la demande de l'Office fédéral de la police, il y a de fortes raisons de penser que ces deux sociétés ont corrompu des employés de A. en leur promettant puis leur payant des pots-de-vin, pour les amener à faire conclure de tels contrats par A. à des conditions défavorables à ses intérêts pécuniaires, ce qu'elle ignorait. Les employés soupçonnés sont C., qui était directeur du projet de A. dans le pays P., où il résidait, et L., qui était directeur d'approvisionnement d'une société filiale de A., fournissant le matériel pour le projet de A. dans le pays P.
La société X. contrôle financièrement la société G., qui possède un compte dans une banque de Genève. De grosses sommes d'argent auraient été d'abord placées en dépôt sur ce compte, voire sur d'autres comptes, par les sociétés X. et Y., puis versées à C. et L: qui les auraient virés sur des comptes en banque à Genève, dont ils auraient le contrôle. L'épouse de C. aurait fait un séjour à Genève au printemps ou au début de l'été 1977 et s'y serait rendue dans une ou plusieurs banques pour virer une partie des fonds.
Selon l'autorité requérante, les faits mentionnés peuvent tomber sous le coup des dispositions de la section 1341 du Titre 18 du Code des Etats-Unis (USC) relatives à l'escroquerie commise avec utilisation de la poste (mail fraud).
L'autorité requérante aimerait avoir connaissance des écritures passées dans ladite banque et dans d'autres banques à Genève, aux comptes de C., L., S. et des sociétés X. et G., pour déterminer si et dans quelle mesure des fonds provenant de X. et d'autres sociétés ont été payés à C. et L.
Le 11 octobre 1978, la Division de police a transmis la demande pour exécution au doyen des juges d'instruction du canton de Genève. Elle signalait que les faits dénoncés rempliraient les conditions d'application des art. 148 CP et 13 lettre e LCD, infractions figurant dans la liste annexée au traité (ch. 19 et 22). Informée par la banque, la société G. a formé une opposition motivée que la division de la police a transmise au Département de la justice des Etats-Unis, qui y répondit par lettre du 25 janvier 1979. Ayant pris connaissance de cette lettre, la société G. a déclaré maintenir son opposition.
Le 19 janvier 1979, le Département de la justice des Etats-Unis a transmis à la Division de police une requête complémentaire. Il indiquait avoir appris que les paiements irréguliers auraient été faits sous forme de remise d'un chèque de 775'000 § à l'ordre de la société G., endossé par celle-ci sous la signature de son administrateur délégué P. à Genève, le chèque ayant ensuite été mis en dépôt. L'entraide demandée avait pour objet l'audition de P. (et la production par lui des documents voulus) par le soin des autorités suisses, en présence d'un représentant du Département de la justice des Etats-Unis. Cette requête complémentaire a été transmise le 1er février 1979 au doyen des juges d'instruction de Genève. Représenté par le même avocat que la société G., P. a déclaré y faire opposition en faisant siens les motifs de G.
Par décision du 10 avril 1979, la Division de police a rejeté les deux oppositions. Elle a admis que les faits exposés dans la demande réunissaient les conditions des infractions d'escroquerie, de gestion déloyale et de concurrence déloyale, mentionnées dans la liste annexée au traité (ch. 19 et 22) et punissables en vertu des
art. 148 et 159 CP et 13 lettre e de la loi fédérale du 30 septembre 1943 sur la concurrence déloyale (LCD).
Elle a relevé que la société G. et P., auxquels on reproche d'avoir servi d'intermédiaire pour le paiement des pots-de-vin, ne sauraient être considérés comme des personnes n'ayant apparemment aucun rapport avec l'infraction, au sens de l'art. 10 al. 2 du traité. Elle a dès lors autorisé le doyen des juges d'instruction de Genève à faire exécuter la demande américaine.
La société G. et P. ont formé contre cette décision un recours de droit administratif que le Tribunal fédéral a rejeté.
Considérant en droit:
1. La voie du recours de droit administratif est expressément prévue par l'art. 17 de la loi fédérale du 3 octobre 1975 relative au traité conclu avec les Etats-Unis d'Amérique sur l'entraide judiciaire en matière pénale (LEEU; RS 351.93). Le recours a été déposé dans le délai fixé par la loi d'organisation judiciaire et indiqué dans la décision attaquée. Les recourants sont d'une part une société privée, G., sur les opérations financières de laquelle des renseignements sont demandés, d'autre part l'administrateur de cette société, astreint à déposer comme témoin et à produire des pièces concernant son activité d'administrateur; ils sont ainsi concernés par les actes d'entraide demandés et ont un intérêt digne de protection pour former opposition (art. 16 LEEU) et partant pour déposer un recours de droit administratif (
art. 103 lettre a OJ).
Le recours est donc recevable.
2. a) Les recourants soutiennent que l'entraide ne serait pas due dans le cas d'espèce, car la demande porterait, en réalité, sur une infraction aux dispositions américaines relatives au service des paiements avec l'étranger et au contrôle des changes, cas auquel le traité n'est pas applicable, selon son art. 2 al. 1 lettre c ch. 5.
Le grief est recevable, l'opposition pouvant se fonder sur toute violation du droit fédéral (art. 16 al. 2 LEEU) et les traités internationaux faisant directement partie du droit fédéral.
Il n'est cependant pas nécessaire de rechercher ce qu'il faut entendre par le terme de "prescriptions concernant... le service des paiements avec l'étranger". En effet, seules des dispositions du droit commun sont invoquées dans la demande d'entraide. Il résulte a contrario de l'art. 2 al. 4 du traité que si les faits de la demande réunissent les éléments constitutifs d'une infraction pour laquelle l'entraide peut ou doit être accordée et d'une infraction pour laquelle elle ne peut pas l'être, la demande doit être prise en considération si, d'après le droit de l'Etat requis, les faits signalés tombent sous le coup des dispositions d'une infraction pour laquelle l'entraide peut ou doit être accordée. Il y a donc lieu d'examiner si les conditions d'une infraction visée par le traité sont remplies.
b) Les opposants soutiennent en outre, en substance, que l'autorité requérante n'invoquerait une cause d'entraide prévue par le traité qu'à
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titre frauduleux pour se procurer des moyens de preuve dans une poursuite pour laquelle l'entraide ne peut pas être requise.
Le traité ne prévoit pas expressément un tel moyen d'opposition. A supposer qu'un Etat ne respecte pas ses engagements, cela pourrait être un motif pour l'autre de résilier le traité. On peut se demander si et - le cas échéant - dans quelle mesure, dans la même hypothèse, l'autorité suisse d'exécution pourrait aussi refuser d'exécuter une obligation prévue par le traité (cf. SCHULTZ, Schweizerisches Auslieferungsrecht, p. 240). Il n'est cependant pas nécessaire de trancher cette question en l'espèce.
En effet, les conventions bilatérales et multilatérales en matière d'extradition et d'entraide judiciaire reposent sur la confiance réciproque des Etats parties à la convention, notamment en ce qui concerne l'exécution de la convention et le respect du principe de la spécialité (
ATF 104 Ia 55, 58). Or, en l'occurrence, rien ne permet de douter de la présomption de bonne foi dont jouit l'Etat requérant. Les recourants n'établissent aucun fait de nature à l'ébranler. Au contraire, l'Office fédéral de la police relève que, selon son expérience, les Etats-Unis se sont montrés très respectueux du principe de la spécialité.
Le grief doit donc être rejeté.
c) Les recourants prétendent que les autorités américaines n'auraient délivré jusqu'à ce jour aucun mandat de comparution faisant état de la prévention de "mail fraud". Mais cette circonstance ne saurait les empêcher d'ouvrir une instruction à ce sujet et de se renseigner avant d'avoir entendu les intéressés sous cette prévention. On ne voit pas en quoi les Etats-Unis auraient, sur ce point, violé le traité; ils ne sauraient non plus être soupçonnés d'avoir une telle intention.
La même remarque s'impose au sujet de l'allégation selon laquelle l'enquête a été confiée au début au service des douanes. Les circonstances dont les recourants s'étonnent sont dues en grande partie aux particularités de la procédure préparatoire en droit américain, dont les rédacteurs du traité ont tenu compte en s'efforçant de coordonner deux systèmes profondément différents (FF 1974 II 584; MARKEES, Aktuelle Fragen aus dem Gebiete der internationalen Rechtshilfe, RPS 1973, p. 253 ss.; SCHULTZ, Le secret bancaire et le traité d'entraide judiciaire en matière pénale conclu entre la Suisse et les Etats-Unis d'Amérique, cahier SBS No 11, 1976, p. 27 ss.).
Le moyen n'est donc pas fondé.
3. Les recourants soutiennent que les conditions objectives d'une infraction au sens de l'art. 4 du traité ne sont pas remplies, du fait que l'utilisation de la poste, élément constitutif de l'infraction de "mail fraud", n'est ni rendue vraisemblable, ni même alléguée.
Ils ne contestent cependant pas que l'utilisation de la poste pour commettre une escroquerie soit un élément qui motive la compétence de l'autorité fédérale américaine dans la poursuite d'une telle infraction (cf. MARKEES, op.cit., p. 255). Or l'art. 4 al. 4 du traité, relatif à l'examen de l'existence des conditions objectives d'une infraction, précise que "les éléments constitutifs ajoutés pour motiver la juridiction ne seront pas pris en considération". Il n'était donc pas nécessaire que l'autorité américaine donne des précisions sur ce point et c'est avec raison que l'Office fédéral de la police n'a pas tenu compte de cet élément en examinant si les faits indiqués dans la demande réunissaient les conditions d'une infraction visée par le traité.
D'ailleurs, les recourants n'ont pas non plus prétendu que l'escroquerie "simple", c'est-à-dire non commise avec utilisation de la poste, ne serait pas punissable sur le territoire des Etats-Unis. Or le traité s'applique aux procédures judiciaires qui relèvent de la juridiction non seulement de l'Etat fédéral américain, mais aussi des Etats membres (art. 1er al. 1, lettres a et b). D'autre part, le Département de la justice des Etats-Unis est l'office central désigné directement par le traité (art. 28 al. 1 et 2) pour présenter les demandes d'entraide pour le compte des autorités des Etats membres aussi bien que de l'Etat fédéral. Le fait qu'à défaut d'utilisation de la poste, la poursuite des infractions alléguées serait de la compétence non pas de l'Etat fédéral, mais d'un des Etats membres, est donc sans importance dans la présente espèce, de sorte que le grief soulevé sur ce point doit être rejeté.
Dans ces conditions, il n'y a pas lieu d'examiner si l'art. 17 al. 3 LEEU, invoqué par les recourants et selon lequel "le recours peut également porter sur l'application inadmissible ou inexacte de droit américain", est applicable en l'espèce, ce dont on peut d'ailleurs douter. En effet, l'Etat requis applique uniquement son propre droit lorsqu'il examine si les faits indiqués dans la demande réunissent les conditions objectives d'une infraction mentionnée dans la liste et punissable selon son droit
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(art. 4 al. 4 du traité); l'art. 17 al. 3 LEEU ne vise donc pas ce cas, mais uniquement les cas où le droit des Etats-Unis s'applique directement pour l'exécution d'une demande d'entraide, tel le cas de l'art. 9 al. 2 du traité (cf. FF 1974 II 642).
4. Soutenant que les conditions objectives d'une infraction en droit suisse ne sont pas remplies, les recourants prétendent notamment que la demande américaine est muette sur un des éléments constitutifs objectifs des trois infractions retenues dans la décision attaquée, c'est-à-dire sur le comportement adopté par le prétendu lésé. Ils soutiennent aussi que les faits sont constatés de manière inexacte et incomplète et qu'ils ne sont pas vraisemblables.
a) Il est vrai que les faits devant constituer les infractions au sujet desquelles l'entraide est requise sont exposés de façon assez brève dans la demande, alors que des renseignements plus abondants sur ce point faciliteraient la tâche des autorités de l'Etat requis. Mais il faut tenir compte de ce que l'enquête n'est encore pas très avancée et qu'à ce stade de la procédure l'autorité ne dispose pas encore de renseignements très détaillés; d'ailleurs, l'enquête au cours de laquelle la demande d'entraide est présentée a précisément pour but de rassembler les éléments qui doivent permettre de déterminer si une infraction a été commise ou pas; c'est pourquoi la jurisprudence en matière d'entraide judiciaire pénale se montre moins exigeante quant à l'exposé des faits lorsque la demande est présentée avant qu'une instruction régulière et approfondie ait eu lieu (cf.
ATF 103 Ia 211 consid. 5 et les arrêts cités).
Quoi qu'il en soit, la demande contient des éléments suffisants sur le point soulevé par les recourants, c'est-à-dire sur le comportement de la société A. et sur le dommage qu'elle aurait subi. Elle indique expressément que, grâce à des pots-de-vin versés à des employés de A., les sous-traitants auraient obtenu des contrats leur assurant des prix substantiellement plus élevés que la valeur des biens et des services fournis à A. et que, par le paiement de ces pots-de-vin, X. et Y. ont escroqué A. en l'incitant à passer des contrats à des prix très supérieurs à leur valeur réelle.
b) Selon la jurisprudence constante en matière d'extradition, le Tribunal fédéral est lié par les faits énoncés dans l'acte de poursuite qui est à la base de la demande d'extradition, sous réserve cependant du cas d'erreurs,
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lacunes ou contradictions entachant les pièces présentées (
ATF 103 Ia 629 consid. 4 et les arrêts cités). A plus forte raison est-il lié par les faits présentés dans une demande d'entraide judiciaire, laquelle implique pour les intéressés des mesures bien moins graves que l'extradition (cf.
ATF 104 Ia 55).
c) Les recourants se trompent quand ils invoquent l'art. 8 al. 2 du traité pour affirmer qu'il incombe à l'Etat requis "d'examiner l'appréciation de l'Etat requérant lorsqu'elle n'est pas vraisemblable". Cette disposition, qui figure au chapitre II du traité, ne s'applique qu'en matière de crime organisé, qui fait l'objet du chapitre précité et qui n'est pas en cause ici; selon le texte clair de l'art. 8 al. 2, c'est "l'appréciation de l'Etat requérant touchant l'applicabilité du présent chapitre" que l'office central de l'Etat requis a le droit d'examiner (cf. MARKEES, Die Rechtshilfe in Strafsachen im Verkehr mit den USA nach dem Vertrag vom 25.5.1973 und dem Bundesgesetz vom 3.10.1975, RPS 1978, p. 133; MAURICE AUBERT, Arch. vol. 46, p. 287).
5. Selon l'art. 4 al. 2 du traité, l'Etat requis doit, s'il s'agit d'une demande d'entraide impliquant des mesures de contrainte, s'assurer que les faits indiqués dans cette demande réunissent les conditions objectives d'une infraction qui soit, d'une part, mentionnée dans la liste annexée au traité et, d'autre part, punissable selon le droit en vigueur sur son territoire; contrairement à ce qui est le cas en matière d'extradition, il n'a pas à examiner si les faits en cause constituent une infraction selon le droit de l'Etat requérant.
a) La décision attaquée a retenu que les faits indiqués dans la demande réunissaient les conditions objectives de trois infractions: l'escroquerie, la gestion déloyale et la concurrence déloyale.
L'escroquerie et la gestion déloyale figurent dans la "liste des infractions permettant l'application de mesures de contrainte" (ch. 19 et 21). L'entraide devrait donc être accordée si les faits indiqués dans la demande réunissent aussi les conditions objectives d'une infraction punissable selon le droit suisse, question qui sera examinée ci-dessous (consid. 5b).
En revanche, la concurrence déloyale ne figure pas dans ladite liste, de sorte qu'une telle infraction ne pourrait donner lieu à entraide. L'Office
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fédéral de la police pense que le délit visé à l'art. 13 lettre e LCD entre dans le cadre de la "corruption, y compris l'incitation à la corruption, corruption active ou passive" ("Bestechung", dit le texte allemand) selon le ch. 22 de la liste. Mais on ne saurait voir dans la corruption selon cette disposition autre chose qu'une atteinte à l'autorité publique (
art. 288 CP) et aux devoirs de fonction (
art. 315 CP), et cela d'autant moins que, dans l'échange de lettres du 25 mai 1973 (annexées au traité), le ch. 22 figure parmi les infractions toujours considérées comme "graves", ce qui se comprend pour la corruption proprement dite, active ou passive, mais s'expliquerait difficilement pour la concurrence déloyale de l'art. 13 lettre e LCD.
Si donc l'entraide est accordée pour les autres infractions, l'Etat requérant ne pourra pas utiliser les renseignements obtenus grâce à l'entraide pour des investigations ou dans des procédures relatives à une infraction de concurrence déloyale (art. 5 al. 1 du traité).
b) Il faut encore examiner si les faits indiqués dans la demande d'entraide réunissent les conditions objectives d'une infraction punissable selon le droit suisse. Le Tribunal fédéral examine librement cette question, alors qu'il est lié par les faits présentés par l'Etat requérant (cf. consid. 4 ci-dessus), n'ayant pas à examiner la réalité de ces faits, mais uniquement à contrôler s'ils sont allégués de façon suffisante.
aa) On peut dire d'emblée que les conditions objectives de la gestion déloyale sont réunies. L'
art. 159 CP punit en effet de l'emprisonnement "celui qui, tenu par une obligation légale ou contractuelle de veiller sur les intérêts pécuniaires d'autrui, y aura porté atteinte". L'auteur doit avoir eu la position d'un gérant, c'est-à-dire disposer d'une indépendance suffisante et jouir d'un pouvoir de disposition autonome sur les biens qui lui sont remis (
ATF 102 IV 92 et les arrêts cités).
Les indications données dans la demande permettent de retenir que C., directeur de l'important projet dans le pays P., et L., directeur des approvisionnements d'une société filiale, avaient par rapport à leur employeur une indépendance suffisante et un pouvoir de disposition autonome, de sorte qu'ils peuvent être considérés comme gérants. Par ailleurs, ils étaient contractuellement tenus de veiller aux intérêts pécuniaires de leur employeur. S'ils ont porté atteinte à ces intérêts
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en amenant la société A. à conclure des contrats défavorables, ils tomberaient en Suisse sous le coup de l'
art. 159 CP.
C'est en vain que les recourants objectent l'absence de dommage subi par la société A. et qu'ils produisent - d'ailleurs hors délai - les déclarations dans ce sens faites par C. et L.; on a vu ci-dessus (consid. 4) que la condition du dommage subi peut être considérée comme suffisamment alléguée dans la demande d'entraide.
bb) La question est plus délicate en revanche en ce qui concerne l'escroquerie.
L'art. 148 CP punit de réclusion ou d'emprisonnement "celui qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura astucieusement induit en erreur une personne par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais, ou aura astucieusement exploité l'erreur où se trouvait une personne et aura de la sorte déterminé la victime à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d'un tiers".
Si l'élément du préjudice patrimonial doit être considéré comme suffisamment allégué dans la demande, ainsi qu'on l'a vu ci-dessus (consid. 4), on peut en revanche se demander si l'élément de tromperie astucieuse, ainsi que la relation de cause à effet entre la tromperie et le comportement de la victime, le sont suffisamment. La question peut cependant rester indécise.
En effet, comme les faits indiqués dans la demande réunissent les conditions objectives de la gestion déloyale, mentionnée dans la liste et punissable selon le droit suisse, l'entraide judiciaire doit être accordée et les mesures de contrainte visées par l'art. 4 du traité peuvent être appliquées. En vertu de l'art. 5 al. 1 du traité, les autorités américaines pourront donc utiliser les informations et documents obtenus grâce à l'entraide pour des investigations ou dans des procédures relatives à une infraction correspondant aux faits indiqués dans la demande (leur qualification selon le droit américain pouvant être différente - cf.
ATF 101 Ia 410 consid. 4 et 595 consid. 5a) et sous réserve des al. 2 et 3 de l'art. 5 du traité, les infractions de concurrence déloyale (qui ne figure pas dans la liste) et de versement ou d'acceptation de pots-de-vin (non punissables selon le droit suisse, s'agissant d'entreprises privées) étant cependant exclues.
6. L'entraide devant être accordée, les recourants sont tenus de collaborer à la preuve, selon l'art. 10 al. 1 du traité. Ils ne prétendent pas être en droit de refuser cette collaboration selon le droit suisse ou américain. Avec raison, ils n'invoquent pas le secret bancaire, lequel doit, le cas échéant, céder le pas face aux obligations imposées par les traités (
ATF 104 Ia 53 consid. 4a).
G. et son administrateur étant soupçonnés d'avoir été des intermédiaires dans le paiement de pots-de-vin en vue de la commission de l'infraction en cause, c'est avec raison que l'Office fédéral de la police a considéré que les conditions d'application de l'art. 10 al. 2 du traité n'étaient pas remplies.
7. a) Dans une première conclusion subsidiaire, d'ailleurs non motivée, les recourants demandent à la Cour de céans de préciser la mission du juge d'instruction chargé de l'exécution des mesures d'entraide et de circonscrire la production aux seules pièces portant mention des personnes nommées dans la requête d'entraide.
Les recourants n'ont pas d'intérêt propre à demander que l'enquête ne soit pas étendue à d'autres personnes; le cas échéant, celles-ci pourront faire valoir elles-mêmes, en temps opportun, leur propre intérêt.
Pour le surplus, il n'y a pas lieu de restreindre la mission du juge d'instruction davantage que ne l'a fait l'Office fédéral de la police, dès lors que précisément les faits ne sont pas encore assez élucidés.
b) Dans une seconde conclusion subsidiaire, qui n'est pas davantage motivée, les recourants demandent que soit réservée leur faculté de saisir la Commission consultative en application des art. 6 et 20 LEEU. Il n'appartient pas au Tribunal fédéral de statuer sur cet objet; un dispositif dans le sens demandé serait d'ailleurs sans effet sur la situation juridique des recourants.
8. Le Département de la justice des Etats-Unis a demandé que le huis clos soit ordonné pour toute la procédure judiciaire en rapport avec ce recours, afin que le caractère confidentiel de l'information pénale du Grand Jury américain soit respecté.
L'
art. 17 OJ prévoit que, sauf disposition contraire de la loi, les débats, délibérations et votations des sections du Tribunal fédéral ont lieu en séance publique, exception faire des délibérations et votations des sections pénales, de la Chambre des poursuites et faillites et, lorsqu'il
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s'agit d'affaires disciplinaires, des Cours de droit public.
En l'espèce, le Tribunal est saisi d'un recours de droit administratif, qui relève de la deuxième Cour de droit public. Une telle cause ne tombe donc pas sous le coup des exceptions au principe de la publicité des délibérations.
En matière d'extradition - domaine voisin de l'entraide judiciaire - la loi fédérale de 1892 prévoit expressément que "l'audience sera publique, à moins que le huis clos ne soit ordonné pour motifs graves" (art. 23 al. 3 LExtr.). En fait, les affaires d'extradition et d'entraide judiciaire ont été traitées de tout temps en séance publique par le Tribunal fédéral. Les motifs indiqués par le Département de la justice des Etats-Unis ne sauraient entraîner une exception à ce principe, du moment qu'il est possible de traiter cette affaire en faisant abstraction des noms des personnes impliquées ou intéressées.