BGE 107 Ib 303
 
55. Arrêt de la IIe Cour de droit public du 20 novembre 1981 dans la cause Masse Nibbio S.A. en liquidation concordataire contre Administration fédérale des contributions (recours de droit administratif)
 
Regeste
Warenumsatzsteuer. Nachlassvertrag mit Vermögensabtretung. Masseverbindlichkeit oder gewöhnliche Schuld. Art. 316c Abs. 2 SchKG, 13 WUStB.
2. Die auf vor der Bewilligung der Nachlassstundung ausgeführten Bauarbeiten geschuldete Warenumsatzsteuer ist eine gewöhnliche Schuld und keine Masseverbindlichkeit; dies trifft selbst dann zu, wenn die für diese Arbeiten ausgestellten Rechnungen erst nach der Bewilligung der Nachlassstundung bezahlt worden sind (Erw. 2).
 
Sachverhalt


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La société Nibbio S.A., qui exploitait à Lausanne une entreprise de maçonnerie et de génie civil, était grossiste au sens de l'art. 9 al. 1 lettre b de l'arrêté du Conseil fédéral du 29 juillet 1941 instituant un impôt sur le chiffre d'affaires (en abrégé: AChA). Le 3 février 1977, elle a obtenu un sursis concordataire pour une durée de quatre mois; elle entendait proposer à ses créanciers un concordat par abandon d'actif. Après prolongation du sursis, l'autorité compétente a homologué le concordat par abandon d'actif le 30 juin 1977.
L'Administration fédérale des contributions a réclamé au liquidateur concordataire l'impôt sur le chiffre d'affaires dû sur les montants versés, durant la période fiscale du 4 février au 30 juin 1977, par d'anciens clients de Nibbio S.A. pour des travaux de construction effectués avant l'octroi du sursis (les créances de Nibbio S.A. contre ces clients avaient été cédées à une banque); elle a précisé que cet impôt constituait une dette de la masse concordataire et devait être payée intégralement à l'Administration fédérale.
Après un échange de correspondance, l'Administration fédérale a rendu sur cette question une décision formelle le 23 novembre 1978, contre laquelle la masse Nibbio S.A. en liquidation concordataire a formé un recours de droit administratif, tendant à réformer la décision entreprise en ce sens que la dette d'impôt soit déclarée dette ordinaire, à colloquer en 5e classe.
Le Tribunal fédéral a admis le recours.
 
Considérant en droit:
Selon la jurisprudence, il n'appartient pas aux autorités de surveillance de la poursuite et de la faillite de trancher les litiges portant sur une telle question, mais à l'autorité compétente pour statuer sur le fond de la prétention en cause, soit au juge civil ou

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aux autorités et juridiction administratives, suivant la nature du contentieux (ATF 106 III 121 s. consid. 1, ATF 85 I 124 consid. 1 et ATF 75 III 23 s.). S'agissant en l'espèce d'une dette d'impôt fondée sur le droit public fédéral, l'Administration fédérale des contributions était compétente pour trancher le point litigieux, sa décision pouvant faire l'objet d'un recours de droit administratif au Tribunal fédéral.
La question litigieuse doit être tranchée avant tout en application des dispositions de la loi fédérale sur la poursuite pour dette et la faillite (notamment de celles qui ont trait au concordat par abandon d'actif), mais aussi en application de l'arrêté du Conseil fédéral instituant un impôt sur le chiffre d'affaires.
b) Il n'est plus contesté que la débitrice de l'impôt est la masse en faillite, et non pas la banque cessionnaire des créances de Nibbio S.A. en paiement des travaux effectués avant l'octroi du sursis concordataire.
Outre les frais de faillite proprement dits au sens de l'art. 262 al. 1 LP, les dettes de la masse comprennent les obligations contractuelles conclues ou reprises par la masse elle-même, ainsi que des obligations de droit public dont l'origine se trouve dans un fait qui s'est réalisé après l'ouverture de la faillite. Si diverses que puissent être leurs causes, les dettes de la masse ont ceci de commun qu'elles doivent toutes - sauf disposition contraire de la loi - avoir leur origine dans un fait postérieur à l'ouverture de la faillite ou à l'homologation d'un concordat par abandon d'actif. Dans quelques cas particuliers seulement, le législateur a prévu à titre exceptionnel que certaines obligations qui ont pris naissance avant ces deux moments déterminants seraient aussi traitées comme dettes de la masse dans les procédures de liquidation subséquentes (faillite ou concordat par abandon d'actif). Ces dispositions d'exception se trouvent d'une part à l'art. 316c al. 2 LP, d'autre part aux art. 22 al. 2 et 25 al. 2 et 3 de l'ordonnance du Tribunal fédéral du 11 avril 1935 "concernant la procédure de concordat pour les banques et les caisses d'épargne" (OTF; RS 952.831).
En ce qui concerne les contributions de droit public, lesquelles naissent par le seul effet de la loi, la jurisprudence considère

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comme dettes de la masse celles qui prennent naissance durant la procédure de faillite et qui frappent des actifs ou des opérations de la masse (ATF 62 III 130, 51 III 212 ss). Dans une étude intitulée "Die Zwangsvollstreckung für öffentlich-rechtliche Geldforderungen nach schweizerischem Recht" (parue dans la "Festgabe zur Feier des fünfzigjährigen Bestehens des Bundesgerichts", Berne 1924, p. 179 ss), BLUMENSTEIN relève que pour décider si une créance d'impôt doit être considérée comme dette du failli ou comme dette de la masse, il faut examiner si, d'après les dispositions qui lui sont applicables, l'impôt en cause est dû pour la période qui suit la déclaration de faillite ou non. Pour les impôts non périodiques - il s'agit essentiellement en droit suisse des impôts sur les transactions - le critère est facile à déterminer: il faut examiner si l'état de fait qui constitue l'objet de l'impôt s'est réalisé pendant la procédure de faillite (op.cit. p. 249).
b) Si, en procédure de faillite, le moment décisif est l'ouverture de la faillite, ce moment est, en matière de concordat par abandon d'actif, l'homologation du concordat par l'autorité compétente (ATF 105 III 22). Ce dernier mode de liquidation, très proche de la faillite, présente cette particularité que la loi précise elle-même, à l'art. 316c al. 2 LP, que "les dettes contractées pendant le sursis concordataire, avec l'assentiment du commissaire, constituent des dettes de la masse, même dans une faillite subséquente". Ainsi, pour une certaine catégorie de créances, le législateur a avancé le moment où il faut se placer pour déterminer s'il s'agit d'une dette de la masse ou d'une dette ordinaire. En revanche, pour les autres dettes de la masse, le législateur n'a pas adopté de réglementation spéciale, de sorte qu'elles sont soumises aux règles générales applicables en cette matière, c'est-à-dire aux principes développés par la jurisprudence à propos de l'art. 262 LP.
c) Dans la présente espèce, il s'agit de qualifier une créance fiscale qui est née avant l'homologation du concordat. Une telle créance ne pourrait être qualifiée de dette de la masse que si la disposition exceptionnelle de l'art. 316c al. 2 LP permettait de justifier une telle solution. Or, cette disposition ne parle que de dettes contractées avec l'assentiment du commissaire; à côté des obligations résultant d'un contrat, la jurisprudence admet cependant aussi de considérer comme bénéficiant de cette disposition celles des dettes dues en vertu de la loi qui sont liées directement à de telles obligations de la masse (ATF 100 III 31 s.). S'agissant d'un impôt sur le chiffre d'affaires, il se justifie donc de

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le traiter comme dette de la masse uniquement s'il résulte de prestations qui ont été faites avec l'assentiment du commissaire.
Tel n'était pas le cas en l'espèce, puisque les travaux sur lesquels est dû l'impôt litigieux ont été exécutés avant l'octroi du sursis concordataire, ainsi que l'Administration le reconnaît elle-même (décision attaquée, p. 6 al. 3). Il s'impose donc de dénier à l'impôt litigieux le caractère de dette de la masse, en application de l'art. 316c al. 2 LP et en harmonie avec la jurisprudence de la IIe Cour civile et de la Chambre des poursuites et faillites du Tribunal fédéral.
a) L'art. 13 al. 2 AChA dispose: "Sont également soumises à l'impôt les livraisons du grossiste pendant la procédure de liquidation ou de faillite, ou à l'occasion du concordat par abandon d'actif." Or, les livraisons soumises à l'impôt qui fait l'objet du présent litige sont antérieures à l'octroi du sursis. On ne saurait donc se fonder sur la disposition précitée pour prétendre que l'impôt en question, dû pour des livraisons antérieures au sursis, serait une dette de la masse parce que les paiements ont été effectués après l'octroi du sursis. On ne saurait notamment solliciter le texte en disant que "conformément aux dispositions de l'art. 13 al. 2 AChA, l'impôt sur le chiffre d'affaires sur les encaissements réalisés entre l'octroi du sursis concordataire et l'homologation du concordat par abandon d'actif est dû à 100%", comme le fait la décision du 23 novembre 1978 (act. 8 pièce 14), alors que la décision attaquée parle correctement de l'impôt qui frappe les livraisons faites après l'octroi du sursis.
b) Si, dans l'arrêt Starlette (ATF 96 I 244 ss) cité par l'intimée, le Tribunal fédéral a admis le caractère de dette de la masse pour l'impôt sur le chiffre d'affaires litigieux, c'est parce que cet impôt frappait des livraisons faites par le débiteur avec l'assentiment du commissaire, soit donc après l'octroi du sursis (consid. 3 p. 247).
Il est vrai qu'au considérant 2 de cet arrêt (p. 246), après avoir relevé avec raison que les prétentions au titre de l'impôt sur le chiffre d'affaires sont des dettes ordinaires lorsqu'elles sont nées avant la déclaration de faillite et des dettes de la masse lorsqu'elles résultent d'opérations effectuées après la déclaration de faillite, le

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Tribunal fédéral a ajouté que "l'opération déterminante pour la naissance de la créance fiscale est la réception de la contre-prestation", en se référant à l'arrêt publié in Archives vol. 20 p. 517 ss. Or, ce n'est pas en se fondant sur ce motif que le Tribunal fédéral a rejeté le recours dans l'affaire Starlette, mais parce que les livraisons soumises à l'impôt avaient été faites avec l'assentiment du commissaire, donc après l'octroi du sursis. L'affirmation précitée n'était donc nullement nécessaire pour la solution du cas; on peut même considérer qu'elle est contredite par cette solution.
c) Il est vrai que dans l'arrêt E. S.A. du 21 mars 1952 (Archives vol 20 p. 517 ss), le Tribunal fédéral a jugé que la créance d'impôt sur le chiffre d'affaires naît (entsteht) au moment où la contre-prestation est reçue. Bien qu'il ait pris la précaution de dire qu'il s'agissait uniquement de déterminer le moment où la créance naissait et que cette question devait être tranchée exclusivement en application du droit fiscal, il n'empêche que cet arrêt a été rendu au terme d'un conflit entre l'Administration fédérale et le commissaire au sursis au sujet de la qualification de la dette d'impôt due pour des livraisons antérieures au sursis mais dont le paiement était intervenu postérieurement au sursis; il fallait en tirer la conclusion que la dette fiscale, étant née lors du paiement, c'est-à-dire après l'octroi du sursis, constituait une dette de la masse.
Mais cet arrêt ne tient aucun compte de l'art. 316c LP, qui était pourtant déjà en vigueur (depuis le 1er février 1950) et ne faisait d'ailleurs qu'introduire dans la législation ordinaire une disposition adoptée déjà, sous le régime des pleins pouvoirs, par l'ordonnance du Conseil fédéral du 24 janvier 1941 "atténuant à titre temporaire le régime de l'exécution forcée", dont l'art. 51 déclarait applicables par analogie au concordat par abandon d'actif les articles correspondants de l'ordonnance du Tribunal fédéral du 11 avril 1935 "concernant la procédure de concordat pour les banques et les caisses d'épargne" (cf. art. 25 OTF). L'art. 51 de l'ordonnance du 24 janvier 1941 n'a pas été abrogé par l'arrêté du Conseil fédéral du 2 juin 1947 abrogeant partiellement l'ordonnance de 1941; la disposition qui figure actuellement à l'art. 316c LP était donc déjà en vigueur au moment de l'octroi du sursis à la société E. S.A. (7 novembre 1949), comme elle l'était au moment de l'homologation du concordat (27 avril 1950).
On doit en conclure qu'on ne saurait se fonder, pour trancher

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la question de la qualification de la dette d'impôt comme dette de la masse ou comme dette ordinaire, sur un arrêt qui ne tient aucun compte de l'art. 316c LP.
d) L'Administration fédérale cite également l'arrêt Novima AG (ATF 100 III 30 ss) à l'appui de sa décision, en disant (p. 6 al. 3): "Etant donné que les conditions légales pour percevoir l'impôt sont réalisées en l'espèce, c'est-à-dire qu'il y a eu livraison et que la dette fiscale est née pendant la durée du sursis concordataire, le commissaire ne peut qu'y souscrire, conformément à l'art. 316c, al. 2 LP (v. RO ATF 100 III 31 s.)." Or, ce dernier arrêt concerne les cotisations d'assurances sociales obligatoires à payer sur les traitements du personnel pour la période postérieure à l'octroi du sursis concordataire. Comme le débiteur peut, après l'octroi du sursis, continuer ses affaires sous la surveillance du commissaire (art. 298 LP) et que, dans le cas en question, le commissaire n'avait pas ordonné le licenciement du personnel, il était censé avoir consenti aux dettes de salaire contractées pendant la continuation des affaires. C'est pourquoi le Tribunal fédéral a considéré comme dettes de la masse les salaires dus à partir de la date du sursis et, partant, les obligations contractées à l'égard des institutions d'assurances sociales, en raison de leur rapport direct avec ces salaires.
L'Administration fédérale ne saurait donc se fonder sur cet arrêt pour soutenir que l'impôt frappant des livraisons antérieures à l'octroi du sursis sont des dettes de la masse.