Urteilskopf
107 Ib 380
67. Arrêt de la Ire Cour de droit public du 18 novembre 1981 dans la cause Kocher c. Commune d'Orbe et Chambre des recours du Tribunal cantonal vaudois (recours de droit administratif)
Regeste
Materielle Enteignung. Eigentumsbeschränkung, die nur einen einzigen privaten Eigentümer trifft.
Art. 22ter Abs. 3 BV,
Art. 5 Abs. 2, 26 und 34 RPG.
1. Die Verwaltungsgerichtsbeschwerde gemäss Art. 34 RPG ist auch dann gegeben, wenn die Eigentumsbeschränkung auf einer Raumplanungsmassnahme beruht, die vor der Inkraftsetzung des eidgenössischen Raumplanungsgesetzes nach kantonalem Recht in Rechtskraft erwachsen ist (E. 1).
2. Materielle Enteignung: Voraussetzungen eines Entschädigungsanspruchs; Zusammenfassung der Rechtsprechung (E. 2).
3. Beschränkung, die nur einen einzigen privaten Eigentümer trifft (E. 3).
Gilbert Kocher est propriétaire d'une parcelle de 2122 m2,
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située au lieu dit "Sous le Signal", à Orbe. Cette parcelle comprend d'abord, à l'ouest, une partie plate sise à la hauteur de la route du Signal, puis une partie qui descend en une pente moyenne d'environ 60% et enfin, dans sa partie inférieure, une bande peu inclinée dont la largeur varie de 10 à 15 m et qui est limitée à l'est par le chemin de la Colline. A l'ouest de la route du Signal, d'où la vue s'étend sur toute la plaine et sur la ville d'Orbe, la commune a aménagé une zone de détente pour la population.
En 1976/77, la Municipalité d'Orbe a fait établir un projet de "plan d'extension partiel de la Magnenette", qui englobe notamment la parcelle Kocher et la parcelle voisine (No 2106) de même configuration et qui appartient à la commune; les autres parcelles comprises dans le périmètre du plan sont situées dans la partie inférieure du terrain.
Le plan fixe pour chaque parcelle le périmètre à l'intérieur duquel des bâtiments peuvent être édifiés. Ce périmètre se trouve généralement limité par les distances à observer par rapport aux limites des parcelles (généralement 6 m) et aux voies de communication (10 m, 7 m, ou 3 m 50, suivant l'importance des routes et chemins).
Pour la parcelle Kocher, le plan fixe le périmètre de construction au bas du talus, sous la forme d'un rectangle de 46 m sur 10 m; il en va de même de la parcelle voisine No 2106, propriété de la commune. Le reste de ces parcelles, notamment leur partie supérieure d'où la vue est la plus favorable, est classé en zone de verdure et en zone à arboriser, ce qui exclut toute construction.
Après s'être opposé sans succès au projet de plan, auquel il reprochait de ne lui permettre de construire que dans la partie la moins favorable de sa parcelle, Kocher a ouvert contre la commune d'Orbe une action en indemnisation pour expropriation matérielle, concluant principalement au transfert de la propriété de sa parcelle à la commune, subsidiairement au versement d'une indemnité en capital de 106'100 francs, correspondant à 50 francs le m2. Par jugement du 5 mars 1980, le Tribunal d'expropriation du district d'Orbe a admis partiellement la demande et condamné la commune à verser à Kocher une indemnité de 20'000 francs.
Saisi d'un recours de la commune d'Orbe, la Chambre des recours du Tribunal cantonal vaudois a cassé la décision de première instance, estimant que les conditions d'une expropriation matérielle n'étaient pas remplies.
Agissant par la voie du recours de droit administratif, Kocher
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demande au Tribunal fédéral d'annuler la décision de la Chambre des recours et conclut au paiement d'une indemnité de 63'660 francs; à titre subsidiaire, il propose le renvoi du dossier à l'autorité cantonale pour une nouvelle décision admettant l'expropriation matérielle.
Considérant en droit:
1. Il y a lieu d'examiner tout d'abord si c'est bien par la voie du recours de droit administratif que la décision de la Chambre des recours du Tribunal cantonal devait être attaquée.
Selon l'art. 34 al. 1 de la loi fédérale du 22 juin 1979 sur l'aménagement du territoire (en abrégé: LAT), entrée en vigueur le 1er janvier 1980, la voie du recours de droit administratif est ouverte notamment "contre les décisions prises par l'autorité cantonale de dernière instance sur des indemnisations résultant de restrictions apportées au droit de propriété (art. 5)". L'
art. 5 LAT auquel renvoie l'art. 34 prévoit, en son alinéa 2, qu'"une juste indemnité est accordée lorsque des mesures d'aménagement apportent au droit de propriété des restrictions équivalant à une expropriation". Le texte allemand emploie à cet endroit le terme "Planungen" et non celui qui correspond à "mesures d'aménagement" et précise à l'alinéa 1er qu'il s'agit de "Planungen nach diesem Gesetz" (plans selon la présente loi); quant au texte italien, il emploie aux deux alinéas l'expression "pianificazioni secondo la presente legge" (plans selon la présente loi). La Cour de céans a jugé récemment qu'il fallait entendre par là non seulement les plans qui sont entrés ou entrent en vigueur sous l'empire de la nouvelle loi fédérale et qui sont approuvés selon l'
art. 26 LAT, mais aussi tous ceux qui contribuent à la réalisation de l'objectif constitutionnel de l'
art. 22quater Cst. - à savoir: "assurer une utilisation judicieuse du sol et une occupation rationnelle du territoire" - et qui, de ce fait, rentrent dans le champ de la loi fédérale (décision préliminaire sur la recevabilité du recours d'une commune contre une décision cantonale admettant l'existence d'une expropriation matérielle, - dans une affaire qui n'est pas encore tranchée au fond; cf. sur ce point un arrêt ultérieur publié aux
ATF 107 Ib 229 consid. 1).
En l'espèce, la décision attaquée a été rendue le 28 novembre 1980, soit sous l'empire de la nouvelle loi fédérale. La restriction de propriété sur laquelle se fonde le recourant pour justifier sa
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demande d'indemnisation découle du plan d'extension partiel de la Magnenette, adopté par le Conseil communal d'Orbe le 10 novembre 1977 et ratifié par le Conseil d'Etat le 11 janvier 1978. En vertu de la jurisprudence précitée, ce plan doit être considéré comme une mesure d'aménagement au sens des
art. 5 al. 2 et 34 LAT, de sorte que c'est bien la voie du recours de droit administratif qui était ouverte contre la décision de la Chambre des recours du Tribunal cantonal vaudois du 28 novembre 1980.
2. Selon la jurisprudence, il y a expropriation matérielle lorsque l'usage actuel de la chose ou un usage futur prévisible est interdit ou restreint d'une manière particulièrement grave, de telle sorte que le lésé se trouve privé d'un attribut essentiel dont il jouissait au nom de son droit de propriété. Une atteinte de moindre importance peut également constituer une expropriation matérielle si elle frappe une seule personne - ou quelques propriétaires seulement - de telle manière que, s'ils n'étaient pas indemnisés, ils devraient supporter un sacrifice par trop considérable en faveur de la collectivité (
ATF 106 Ia 372 consid. 2a,
ATF 101 Ia 469 et les arrêts cités).
La jurisprudence envisage ainsi deux cas dans lesquels une indemnité pour expropriation matérielle peut entrer en considération. Dans le premier cas, qui se fonde exclusivement sur la garantie de la propriété, c'est la substance même de ce droit, déterminée par rapport aux circonstances concrètes de l'espèce, qui est atteinte. Cette atteinte substantielle constitue à elle seule une expropriation matérielle (cf. PIERRE MOOR, Aménagement du territoire et propriété privée, dans RDS 1976 II 403 ss). Il est généralement admis qu'une interdiction de construire frappant des terrains équipés et situés en zone à bâtir constitue une telle atteinte grave au droit de propriété, qui doit être considérée, en principe, comme une expropriation matérielle (GRISEL, Droit administratif suisse, p. 405; AUBERT, Traité de droit constitutionnel suisse, p. 768 No 2199; IMBODEN/RHINOW, Schweizerische Verwaltungsrechtsprechung, vol. II No 130 p. 960), sous réserve éventuellement des réductions de surface de zones à bâtir trop largement dimensionnées.
La question est plus délicate de déterminer l'existence d'une expropriation matérielle dans la deuxième hypothèse envisagée par la jurisprudence. Celle-ci se réfère davantage au principe de l'égalité de traitement qu'à la garantie de la propriété, puisque aucune faculté essentielle découlant de ce droit n'est enlevée au propriétaire.
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Une indemnité ne sera due en pareil cas que si le sacrifice qu'une restriction impose à un propriétaire particulier le frappe à tel point, par rapport aux autres, que seule une compensation pécuniaire pourrait rétablir un certain équilibre.
L'expropriation matérielle alléguée par le recourant ne relève pas de la première hypothèse jurisprudentielle puisque, contrairement à ce qu'il paraît soutenir à titre principal, il n'est nullement privé d'un attribut essentiel de son droit de propriété. Il est en effet manifeste que les restrictions que le plan litigieux impose à la parcelle du recourant n'enlève pas à celui-ci ses possibilités de bâtir, ni ne les réduit quantitativement. Seul l'emplacement de sa construction est désormais déterminé de manière impérative, alors qu'il ne l'était auparavant que par les distances à respecter en vertu des dispositions ordinaires de la police des constructions. Ses prétentions relèvent donc de la deuxième hypothèse. Le Tribunal d'expropriation s'est, au demeurant, fondé sur celle-ci pour reconnaître le droit du recourant à une indemnité, dans la mesure où il a admis qu'il n'avait pas à faire seul les frais d'une restriction de propriété justifiée par l'intérêt public. C'est, dès lors, sous cet angle qu'il y a lieu d'apprécier le mérite du présent recours; le Tribunal fédéral examine librement si une atteinte déterminée à la propriété équivaut à une expropriation et fait naître, par conséquent, le droit à une indemnité pour expropriation matérielle (
ATF 106 Ia 372 consid. 2 et les arrêts cités).
3. Le plan d'extension partiel de la Magnenette n'a pas modifié l'affectation des parcelles qu'il concerne. La parcelle du recourant demeure ainsi, comme les autres biens-fonds compris dans le plan, soumise en principe au régime de la zone de villas (art. 28 du règlement communal), avec les particularités prévues dans le règlement annexé au plan partiel. L'examen du plan révèle en outre que, sous réserve de la localisation imposée des places de parc et des garages, ce plan n'entraîne que des restrictions insensibles pour les propriétaires intéressés. Hormis la commune, propriétaire de la parcelle voisine, seul le recourant se voit imposer un périmètre d'implantation très réduit et strictement limité à la partie inférieure de son terrain, sur une surface maximale de 460 m2 représentant moins d'un quart de la surface totale. La commune d'Orbe paraît soutenir dans ses observations que cette restriction répond fondamentalement à la topographie de la parcelle; on pourrait dès lors penser
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qu'elle s'apparente à des mesures de police qui, en principe, n'entraînent pas l'obligation d'indemniser (
ATF 105 Ia 335 consid. 3b,
ATF 96 I 360).
En réalité, la détermination d'un périmètre spécial pour la parcelle du recourant, de même que pour la parcelle voisine de la commune, a été décidée en vue d'atteindre un but d'intérêt public, soit la protection du site du Signal aménagé en zone de détente par la commune. Le traitement auquel le plan litigieux soumet le terrain du recourant a ainsi une portée analogue à la constitution d'une servitude qui grèverait d'une interdiction de bâtir tant la plate-forme supérieure, à la hauteur de la route du Signal, que le talus intermédiaire. Or, si l'inspection des lieux a démontré que la plate-forme supérieure paraît trop étroite pour recevoir une construction, il n'en va pas de même du talus intermédiaire. Il est au contraire apparu que, à priori, c'est là l'endroit qui serait le plus favorable à une construction du point de vue de l'exposition et des dégagements visuels, sous réserve des conditions techniques de réalisation. La possibilité d'y construire constituerait sans nul doute un élément de valorisation de la parcelle aux yeux de son propriétaire ou aux yeux d'un tiers acquéreur. L'état des lieux impose cette constatation, sans qu'il soit utile d'examiner les raisons pour lesquelles la commune avait promis de vendre la parcelle voisine - soumise au même régime que celle du recourant - à un prix inférieur à celui de ses terrains aliénés antérieurement dans la même région et sans qu'il faille se référer au plan d'implantation déposé par le recourant immédiatement avant la mise à l'enquête publique du plan d'extension partiel. S'il ne faut guère attacher d'importance à l'argumentation du recourant tirée du trafic automobile sur le chemin de la Colline, qui se termine en cul-de-sac et ne dessert qu'un nombre limité de parcelles, on doit reconnaître en revanche que la partie inférieure du terrain à laquelle se limite le périmètre de construction ne présente pas, en ce qui concerne les dégagements visuels, les avantages du talus intermédiaire. La présence d'une nouvelle construction sur la parcelle No 2114 à l'ouest du chemin de la Colline a permis à la délégation du Tribunal fédéral, lors de l'inspection des lieux, d'apprécier la réalité des inconvénients dont pâtirait un bâtiment construit dans le périmètre imposé au recourant, si les propriétaires inférieurs utilisaient, le plus avantageusement pour eux, les possibilités de construire qui leur sont reconnues par le nouveau plan. Les limitations du droit de construire que celui-ci fixe pour le seul recourant pourraient revêtir la forme d'un
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sacrifice particulier en faveur de la collectivité, si la possibilité de construire dans le talus se révélait réalisable sans frais excessifs; un tel sacrifice pourrait entraîner l'obligation d'indemnité, dans la mesure où il serait suffisamment important. L'autorité de première instance a admis l'existence d'une telle obligation, tandis que l'autorité de recours l'a niée; ni l'une ni l'autre n'a cependant procédé à une étude approfondie des possibilités de bâtir dans le talus et du coût d'une telle construction. Le dossier ne fournit en effet aucun élément concret de nature à permettre au Tribunal fédéral de se prononcer à ce sujet et, en définitive, de dire s'il y a ou non expropriation matérielle. Il appartiendra donc à l'autorité compétente d'examiner attentivement si la situation géologique et topographique du terrain permet d'édifier, sans frais excessifs, une construction dans le talus ou si au contraire elle rendrait une telle construction à ce point onéreuse qu'un propriétaire raisonnable y renoncerait d'emblée.
Seul cet examen permettra de dire si les restrictions du plan ont porté à l'usage du bien-fonds une atteinte suffisamment importante pour que l'on puisse admettre l'existence d'une expropriation matérielle. L'élévation à 0,4 de l'indice d'utilisation ne saurait jouer dans cette appréciation un rôle déterminant, dans la mesure où il s'agit là d'un avantage - au reste théorique pour le recourant - dont profitent aussi les autres propriétaires auxquels le plan n'impose aucune restriction sensible.
Ainsi la décision attaquée doit être annulée et l'affaire renvoyée à l'autorité cantonale de recours, à qui il incombera d'examiner si elle peut statuer elle-même sur le fond ou renvoyer au Tribunal d'expropriation.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral:
Admet le recours, annule l'arrêt attaqué et renvoie l'affaire à l'autorité cantonale pour complément de l'état de fait et nouvelle décision.