BGE 112 Ib 164 |
29. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public du 7 mai 1986 dans la cause P. et cons. contre Conseil d'Etat du canton de Vaud et commune de Rougemont (recours de droit administratif, subsidiairement recours de droit public) |
Regeste |
Art. 24 und 33 RPG; Bau einer Kantonsstrasse. |
2. Der Bau einer Strasse gemäss einem speziellen Nutzungsplan ist nicht von den in Art. 24 RPG genannten Voraussetzungen abhängig (E. 2). |
3. Das im Hinblick auf die Projektgenehmigung gemäss waadtländischem Recht vorgesehene Einspracheverfahren genügt den Anforderungen des Art. 33 RPG (E. 4). |
Sachverhalt |
Les 28 et 30 novembre 1983, le Grand Conseil du canton de Vaud a adopté à l'unanimité, en deux débats et définitivement, un décret accordant au Conseil d'Etat un crédit de 8'100'000 francs pour la construction de l'évitement du village de Rougemont par la route cantonale No 702 b. Ce projet s'inscrit dans le cadre de l'amélioration générale de l'axe routier intercantonal qui relie la Gruyère à l'Oberland bernois par le Pays-d'Enhaut. |
Par décision du 26 juin 1985, le Conseil d'Etat a autorisé le Département des travaux publics à exproprier les terrains et les droits nécessaires à la réalisation du projet. Il a levé les oppositions dans le sens des considérants et renvoyé les propriétaires concernés devant le Tribunal d'expropriation du district du Pays-d'Enhaut pour la fixation de toutes les indemnités d'expropriation qui ne pourraient être réglées par voie conventionnelle. Il a en outre autorisé, dans son principe, la prise de possession anticipée des terrains expropriés, la date et les modalités de cette mesure devant être déterminées par le Tribunal d'expropriation.
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C., Z., Y., ainsi que dames S. et P. ont déposé un recours de droit administratif, subsidiairement un recours de droit public auprès du Tribunal fédéral. Celui-ci a rejeté le recours.
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Considérant en droit: |
La jurisprudence, qui tend à éviter tout excès de formalisme en la matière, admet qu'un recours de droit administratif et un recours de droit public soient joints en une seule écriture (ATF 100 Ia 280 consid. 1b). C'est ce qu'ont fait les recourants qui forment contre la décision attaquée un recours de droit administratif, à titre principal, et un recours de droit public à titre subsidiaire. Il convient d'examiner successivement ces deux moyens. I. Recours de droit administratif
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1. Aux termes des art. 97 et 98 lettre g OJ, le Tribunal fédéral connaît en dernière instance des recours de droit administratif contre des décisions au sens de l'art. 5 PA, prises par des autorités statuant en dernière instance cantonale, dans la mesure où aucune des exceptions prévues aux art. 99 à 102 OJ n'est réalisée. Par décision au sens de l'art. 5 PA, il faut entendre les mesures prises dans des cas d'espèces en application du droit public fédéral ou bien celles qui, comme la jurisprudence l'a précisé, auraient dû se fonder sur le droit public fédéral. Ce dernier comprend toutes les normes générales et abstraites édictées par une autorité fédérale ou, en vertu d'une délégation du pouvoir législatif, par une organisation extérieure à l'administration fédérale. Les dispositions d'exécution du droit public fédéral adoptées par les cantons entrent dans cette catégorie dans la mesure où elles n'ont pas une portée propre, c'est-à-dire quand le droit cantonal ne contient rien qui n'ait déjà été édicté par le législateur fédéral (ATF 108 Ib 380 consid. 1a et les arrêts cités). |
La décision attaquée a été rendue en dernière instance cantonale. Elle a été rendue exclusivement en application de la législation cantonale sur les routes et sur l'expropriation. Les recourants soutiennent toutefois que l'autorisation d'exproprier qu'ils critiquent constitue, en fait, une autorisation exceptionnelle qui n'aurait dû être accordée que si les conditions cumulatives énoncées à l'art. 24 al. 1 lettre a et b LAT étaient réunies. Compte tenu de ce grief - dont l'allégation répond pour le surplus aux exigences de forme posées par les art. 97 ss OJ -, le recours de droit administratif est recevable. L'art. 34 al. 1 LAT prévoit du reste expressément cette voie de droit contre les décisions fondées sur l'art. 24 LAT. Conformément à la jurisprudence citée, il en va de même lorsque le recourant prétend que la décision attaquée aurait dû se fonder sur l'art. 24 LAT.
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b) L'état et le développement souhaité de l'urbanisation, des transports et communications, de l'approvisionnement ainsi que des constructions et installations publiques sont définis par les cantons, lorsque ceux-ci établissent leurs plans directeurs (art. 6 LAT). Le mode d'utilisation du sol, notamment son caractère constructible ou non, est réglé par les plans d'affectation au sens des art. 14 ss LAT, lesquels ont force obligatoire pour chacun (art. 21 al. 1 LAT). Tandis que les plans d'affectation généraux déterminent globalement les différents modes d'utilisation du sol, les plans d'affectation spéciaux - tels les plans d'alignement (ATF 111 Ib 13, 109 Ib 122/123 consid. 5a) - fixent la réglementation de détail ou prescrivent les normes qui dérogent à l'affectation générale (DFJP/OFAT, Etude relative à la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, p. 187, n. 2). Dans ce sens, en tant qu'élément de planification, les plans établissant le tracé des routes constituent de tels plans d'affectation spéciaux. Par conséquent, les terrains sur lesquels cette planification spéciale exerce son empire reçoivent une affectation spéciale, distincte de celle du territoire traversé par l'ouvrage routier. Cela étant, si l'adoption d'un plan routier doit répondre aux conditions formelles posées à l'art. 33 LAT, en revanche, la construction de l'ouvrage prévu ne saurait être soumise aux conditions de fond prévues pour la délivrance d'une autorisation exceptionnelle de construire hors de la zone à bâtir selon l'art. 24 LAT. |
Le recours de droit administratif doit partant être rejeté. II. Recours de droit public
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Les recourants ont demandé l'autorisation de déposer un mémoire complétif pour répondre aux observations de l'autorité intimée, car l'exposé de celle-ci comporterait des considérations nouvelles quant à la qualité en laquelle elle a rendu la décision attaquée. Les recourants se sont en réalité exprimés déjà substantiellement sur ce point dans leur acte de recours. Le dépôt d'un mémoire complétif ne s'impose donc pas sous l'angle de l'art. 93 al. 2 et 3 OJ.
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a) Saisi du grief de violation de l'art. 2 Disp. trans. Cst., le Tribunal fédéral examine librement si une règle de droit cantonal ou l'interprétation qui lui a été donnée en l'espèce par l'autorité cantonale de dernière instance est compatible avec le droit fédéral (ATF 106 Ia 132 consid. 1b; ATF 102 Ia 155 consid. 1). La force dérogatoire du droit fédéral implique que la législation fédérale l'emporte sur la législation cantonale, quel que soit leur niveau respectif. Selon cette règle, il est notamment prohibé au législateur cantonal d'intervenir dans les matières que le législateur fédéral a entendu réglementer de façon exhaustive, d'éluder le droit fédéral ou d'en contredire le sens ou l'esprit (ATF 104 Ia 108 consid. 4a et les arrêts cités). |
b) Dans ses observations, l'autorité intimée a exposé que la procédure ayant abouti à la décision critiquée n'avait pas pour seul objet d'exproprier les fonds touchés par le projet de route litigieux, mais aussi d'adopter la conception générale de ce projet et les détails de l'exécution des travaux conformément à l'art. 10 de la loi sur les routes. Il s'agit évidemment là, comme on l'a vu plus haut (cf. consid. 2b), d'une mesure d'aménagement qui règle le mode d'utilisation du sol selon les termes de l'art. 14 al. 1 LAT. Elle a en effet pour conséquence de soustraire concrètement une partie déterminée du territoire communal à l'affectation générale de la zone dans laquelle le projet va se réaliser. En tant qu'un tel projet n'a pas été adopté dans un plan d'ensemble selon une procédure assurant aux intéressés une protection juridique équivalente à celle requise par l'art. 33 LAT, il doit y être soumis, individuellement, étant lui-même assimilable à un plan d'affectation ou tout au moins à une adaptation d'un tel plan. Il y a lieu dès lors d'examiner si les règles de procédure appliquées en l'espèce accordent aux intéressés une protection juridique conforme à cette disposition.
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c) aa) Conformément aux art. 26 al. 1 et 33 al. 1 LAT, la planification du réseau routier cantonal a été mise à l'enquête publique et décidée par une autorité cantonale, soit le Conseil d'Etat (cf. art. 4 de la loi sur les routes).
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bb) La protection juridique minimale instituée à l'art. 33 LAT comporte l'obligation pour le droit cantonal de prévoir au moins une voie de recours contre les décisions et plans d'affectation fondés sur cette loi et sur les dispositions cantonales et fédérales d'exécution (al. 2). La qualité pour recourir doit être reconnue au moins dans les mêmes limites qu'en matière de recours de droit administratif devant le Tribunal fédéral (al. 3 lettre a). Enfin, une autorité de recours au moins doit avoir un libre pouvoir d'examen (al. 3 lettre b).
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Les questions de la qualité pour recourir et du pouvoir d'examen de l'autorité supérieure cantonale ne sont pas litigieuses. La seule question discutée est dès lors celle de savoir si la voie de l'opposition ouverte auprès de l'autorité intimée est assimilable à une "voie de recours" au sens de l'art. 33 al. 2 LAT. |
La jurisprudence interprète largement cette notion. Suivant les travaux préparatoires, elle admet que la voie de l'opposition auprès d'une autorité administrative équivaut à celle du recours au sens de l'art. 33 al. 2 LAT (ATF ATF 111 Ib 11 consid. 2b; ATF 109 Ia 1; ATF 108 Ib 483 consid. 3b) et n'exige pas impérativement l'institution d'une autorité juridictionnelle, les recours ou oppositions pouvant être tranchés par l'autorité chargée d'approuver le plan (ATF 108 Ia 33 ss; ATF 108 Ib 484 consid. 3c).
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La procédure d'opposition instituée par le législateur vaudois pour l'approbation d'un projet routier est définie fondamentalement aux art. 16 ss de la loi cantonale du 25 novembre 1974 sur l'expropriation. La portée de l'enquête publique est indiquée dans un avis qui rappelle à l'intéressé son droit de faire opposition par écrit s'il estime que l'expropriation n'est pas justifiée par un intérêt public suffisant (art. 17 ch. 4). Les oppositions sont formulées à l'intention du greffe municipal qui les transmet au Conseil d'Etat par l'intermédiaire du Département des finances dans les dix jours dès la clôture de l'enquête (art. 18 et 19). Après instruction des oppositions, le Conseil d'Etat statue sur leur bien-fondé et sur le caractère d'intérêt public du projet; il détermine les emprises en veillant à ce que l'expropriation soit contenue dans les limites de ce qu'exige l'exécution du projet (art. 22 à 24). Ces dispositions sont à mettre en relation avec celles de la loi sur les routes et en particulier avec ses art. 10 et 15. Ces textes donnent au Conseil d'Etat la compétence d'adopter les projets et les tracés routiers définitifs, qui sont établis sous la direction du Département des travaux publics.
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Cette méthode de liquidation des oppositions, en définitive, par une seule autorité cantonale n'est pas propre au droit vaudois. Le Tribunal fédéral a eu l'occasion de se prononcer sur la conformité d'une formule analogue instituée par le droit genevois de l'aménagement du territoire et des constructions (ATF 108 Ib 482 consid. 3a à d). Il a retenu comme suffisante au regard de la législation fédérale sur l'aménagement du territoire, la possibilité offerte aux intéressés de faire opposition à un plan de zone auprès de l'autorité cantonale compétente pour l'approuver, celle-ci étant ainsi appelée simultanément à trancher les oppositions et à approuver le plan. Certes, l'autorité compétente était en l'occurrence le Grand Conseil, c'est-à-dire la plus haute autorité du canton. La question essentielle n'est cependant pas la qualité des autorités appelées à statuer sur les oppositions mais la structure des deux procédures, qui est la même, en droit vaudois et en droit genevois; en effet, l'autorité compétente pour donner au plan l'approbation à la suite de laquelle il entre en vigueur est, dans les deux cas, celle qui statue sur les oppositions, après préavis ou proposition des autorités communales ou des organes inférieurs de l'administration cantonale. Il y a lieu de se tenir à cette jurisprudence; elle se situe dans la limite des intentions poursuivies par le législateur fédéral, lorsque celui-ci a élaboré des règles minimales pour la protection juridique des personnes touchées par une mesure d'aménagement. La question déterminante est que ces dernières puissent faire valoir tous les arguments auprès d'une autorité supérieure cantonale statuant en toute indépendance. Ce serait pur formalisme que d'exiger, par exemple, l'échelonnement de la procédure de liquidation des oppositions en deux instances administratives dont la première serait hiérarchiquement subordonnée à la seconde, selon la formule souhaitée par les recourants. On ne voit pas que le recours hiérarchique à l'administrateur-juge offre à l'administré des garanties plus étendues que la voie de l'opposition sur laquelle les autorités inférieures doivent se prononcer par un préavis ou une proposition qu'elles transmettent à l'autorité de décision. |