BGE 80 I 30
 
6. Arrêt du 29 janvier 1954 en la cause V. A.-G. contre Administration fédérale des contributions.
 
Regeste
Emissions- und Couponabgaben:
2. Unter welchen Voraussetzungen darf bei der Besteuerung mehr auf die wirtschaftliche Erscheinung eines Geschäfts als auf dessen Rechtsform abgestellt werden?
 
Sachverhalt


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Résumé des faits:
A. - La V. A.-G. avait à la fin de 1947 un capital de 100 actions au porteur (nominal: 500 fr.). A la fin de 1946 le bilan de la société présentait, comme seuls actifs, des titres pour 237 506 fr. et des avoirs en banque pour 30 795 fr. 75. A la fin de 1947 les titres paraissent avoir été, pour la plus grande partie, réalisés, de sorte que l'actif du bilan se composait de titres pour 16 340 fr., d'avoirs en banque pour 182 116 fr. 61 et de débiteurs pour 82 251 fr. Les derniers titres, d'une valeur de 16 340 fr., ont été réalisés dans le courant d'avril 1948. Après cette dernière réalisation, la société avait environ 65 487 fr. 20 en liquidités, c'est-à-dire en avoirs en banque.
Dans le courant de ce même mois d'avril 1948 la totalité des actions de la V. A.-G. a été vendue à M. La vente est intervenue en deux fois: 60 actions le 2 avril 1948 et 40 actions le 14 avril 1948 pour le prix total de 65 500 fr.


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En même temps, la raison sociale a été modifiée, ainsi que le but. L'administrateur quitta ses fonctions; il devait être remplacé par un nouvel administrateur, mais celui-ci n'a en fait été inscrit comme tel qu'avec beaucoup de retard, c'est-à-dire en octobre 1950.
B.- L'Administration fédérale des contributions (ci-après: l'Administration) a vu là une double opération soumise à l'impôt:
Elle a admis, tout d'abord, qu'il y avait eu transfert d'un cadre d'actions, opération que la loi fédérale sur les droits de timbre, du 4 octobre 1917 (LT), frappe d'un droit de timbre de 2% à payer sur l'apport du capital à la société en fait nouvelle.
Appliquant en outre l'art. 5 al. 2 LC et l'art. 4 al. 1 lit. a AIA, elle a admis qu'il y avait eu distribution aux actionnaires anciens d'un excédent de liquidation, de 15 487 fr. 20, représentant le produit de la vente du cadre d'actions diminué de 50 000 fr., montant du capital social versé.
Le 30 mai 1953, elle a pris, dans ce sens, une décision sur réclamation.
C.- La V. A.-G. a formé le présent recours de droit administratif. Elle conclut à ce qu'il plaise au Tribunal fédéral: annuler la décision de l'Administration, du 30 mai 1953, et dire que la recourante ne doit pas les droits de timbre sur l'émission d'actions, ni sur la distribution d'un bénéfice de liquidation. Son argumentation se résume comme il suit:
Il n'y a pas eu achat d'un cadre d'actions et pas davantage dissolution de fait de l'ancienne société anonyme. L'opération a coûté 5000 fr. de plus que la valeur intrinsèque des actions acquises; il serait absurde, pour économiser 1000 fr. environ de droit de timbre, de faire une opération aussi coûteuse. La société avait un actif immatériel à transférer. Le but du transfert d'actions n'était pas d'éluder le droit de timbre. Au moment de la vente des actions, un tiers du capital existait en titres et la

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liquidation n'était pas achevée. Si le nommé M. a repris les actions, c'était à la demande de personnalités étrangères, qui voulaient disposer en Suisse d'une société pour y traiter des affaires. Il s'ensuit que le timbre d'émission n'est pas dû. Le timbre sur les coupons ne l'est pas davantage. Aucune prestation n'a été accordée aux anciens actionnaires de la société au sens de l'art. 5 al. 2 LC sous forme de bénéfice de liquidation.
D.- L'Administration conclut au rejet du recours. Elle demande que l'Union de banques suisses soit appelée en cause. Son argumentation sera reprise, en tant que besoin, dans l'exposé de droit du présent arrêt.
 
Extrait des motifs:
1. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, le transfert d'un cadre d'actions consiste dans une vente d'actions qui permet à l'acquéreur de disposer d'une société juridiquement non encore dissoute, mais économiquement liquidée et abandonnée par les participants (RO 64 II 363; arrêt Saffir AG, du 18 septembre 1953; SIEGWART, com. ad art. 620 ss CO, Einleitung, n. 24). L'art. 21 al. 2 LT assimile ce cas à celui de la fondation d'une nouvelle société et soumet au droit de timbre le nouvel apport de fonds (Message du Conseil fédéral du 28 mai 1926, FF 1926 I p. 795). Il faut admettre avec l'Administration que, lorsque les autres conditions sont réalisées, il peut y avoir vente d'un cadre d'actions alors même que la société conserve un bilan avec certains actifs, ainsi lorsque ces actifs sont liquides (argent comptant, avoirs en banque) et déterminent la valeur vénale des actions.
2. Tel est le cas dans la présente espèce. Tous les actifs de la société ont été réalisés, les derniers par la vente de titres pour 16 000 fr. environ dans le courant du mois d'avril 1948. Une fois ces réalisations achevées et après paiement des créanciers de la société, il restait environ 65 000 fr. liquides et c'est pour cette somme que les actions se sont vendues. Les acheteurs n'ont donc

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payé aux actionnaires que cet actif. Cela prouve que la société n'avait, comme telle, plus aucune activité ni valeur et avait été abandonnée par ses membres. Aussi bien, les actionnaires et les organes ont-ils entièrement changé, de sorte qu'il n'y a plus rien de commun entre l'ancienne et la nouvelle entreprise, si ce n'est la forme juridique. Peu importe qu'il y ait eu un décalage de quelques jours, du 2 au 14 avril, entre la vente du premier et du second paquet d'actions de la V. A.-G. Cela n'exclut nullement que l'ensemble des opérations n'ait eu pour but la dissolution de fait de la société sous sa forme ancienne et la transmission du cadre d'actions à M. Le 14 avril 1948, celui-ci a acquis les 40 dernières actions et s'est trouvé seul actionnaire. Il s'est aussitôt fait verser le solde des liquidités, ce qui n'aurait pas été possible si l'entreprise avait conservé quelque activité commerciale et ce qui prouve bien qu'il n'avait acquis qu'une simple forme juridique. Au surplus, il allègue lui-même avoir voulu mettre à la disposition d'amis étrangers une société suisse pour faire des affaires. Ces faits prouvent à satisfaction de droit qu'il y a bien eu vente d'un cadre d'actions au sens de l'art. 21 al. 2 LT.
La recourante, du reste, se contente, sur ce point, de simples dénégations. Elle n'allègue aucun fait dont on pourrait conclure que les apparences sont contredites par la réalité des choses. Supposé que l'achat des actions ait en réalité coûté à M. la somme de 5000 fr., cela pourrait s'expliquer suffisamment par l'intérêt qu'avaient ses amis étrangers d'acquérir la maîtrise d'une société anonyme suisse déjà existante pour y dissimuler des placements ou des opérations. On ne voit nullement en quoi aurait pu consister l'actif immatériel dont la recourante fait état pour justifier la dépense supplémentaire de 5000 fr., qu'elle allègue. Il est enfin sans importance que la recourante n'ait pas eu l'intention d'éluder le paiement du timbre d'émission; l'application de l'art. 21 al. 2 LT n'est pas subordonnée à cette condition.


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Il suit de là que l'Administration était en droit de prélever le droit de timbre de par cette disposition légale.
3. L'Administration prétend en outre frapper du droit de timbre sur les coupons une somme de 15 000 fr. que les actionnaires ont touchée, lors de la vente de leurs actions à M., en sus du capital qu'ils avaient engagé dans la société (50 000 fr.); il faudrait, en effet, voir dans cette somme un bénéfice de liquidation. Une telle imposition se justifie si l'on s'en tient à l'aspect purement économique de l'opération, tel qu'on l'a décrit plus haut. Mais il n'en va pas de même si l'on considère la forme juridique, selon laquelle il n'y a pas eu liquidation et dissolution de la société, mais uniquement vente des actions avec un bénéfice qui n'est ni une prestation appréciable en argent, faite par la société à ses actionnaires, ni, en particulier, un bénéfice de liquidation et qui, dès lors, échapperait à l'imposition au titre du droit de timbre sur les coupons (art. 5 al. 2 LC.).
A la différence de la loi sur le droit de timbre (art. 21 al. 2), la loi concernant le droit de timbre sur les coupons ne prescrit pas que, du point de vue fiscal, la vente d'un cadre d'actions doit être considérée comme une liquidation de la société, suivie de dissolution. En d'autres termes, elle ne prévoit pas expressément que, dans ce cas, l'aspect économique de l'opération doit l'emporter sur son aspect juridique. Il doit néanmoins en aller ainsi, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, s'il apparaît, d'une part, que la forme juridique choisie est insolite et, d'autre part, qu'elle a été choisie abusivement et exclusivement aux fins d'éluder une imposition qui aurait eu lieu dans le cas où l'on aurait adopté la forme juridique correspondant aux circonstances économiques (RO 73 I 75, consid. 3). Il n'est pas douteux que cette hypothèse est réalisée dans la présente espèce.
En fait, et comme on l'a montré plus haut, les anciens actionnaires de la recourante avaient complètement liquidé la société - sauf un article de l'actif, qui subsistait, mais

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était liquide - et ils l'avaient abandonnée. Dans de telles circonstances, il était absolument anormal de ne pas procéder à la dissolution et à la radiation au registre du commerce, qui seules correspondaient à la situation réelle. La vente des actions ne peut s'expliquer que par le désir de réaliser le bénéfice de liquidation sans acquitter le droit de timbre sur les coupons que prévoit l'art. 5 al. 2 LC.
Il faut donc considérer l'opération comme si la dissolution de la société était intervenue. Les anciens actionnaires ont laissé à la société une certaine somme (65 000 fr.), égale au montant du capital social, augmenté du bénéfice de liquidation. Ce faisant, ils ont disposé de cette somme, consommant ainsi leur droit au remboursement du capital social augmenté du bénéfice de liquidation et l'on ne saurait dire, comme le fait la recourante, que la société elle-même ne leur aurait pas versé de bénéfice de liquidation imposable de par l'art. 5 al. 2 LC. Ils ont disposé de ce bénéfice et cela suffit pour que l'on doive admettre que la société a fait, en leur faveur, une prestation appréciable en argent, prestation soumise au droit de timbre sur les coupons. Au surplus, cette prestation les a effectivement enrichis, encore que ce soit par le détour de la vente des actions.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral:
Rejette le recours.