BGE 89 I 185 |
29. Extrait de l'arrêt du 26 juln 1963 dans la cause Martinetti contre Chambre d'accusation du canton de Genève. |
Regeste |
Derogatorische Kraft des Bundesrechts. Vereinbarkeit der strafprozessualen Beschlagnahme des kantonalen Rechts mit dem im SchKG geregelten Arrest (Erw. 3). |
Sachverhalt |
A.- Le juge d'instruction IV de Genève s'occupe d'une enquête pour vols dirigée contre dame Rosetta Martinetti sur plainte de dame Valentine Noverraz. Le 15 janvier 1963, il a séquestré divers objets ainsi qu'une somme de 4725 fr. se composant de 325 fr. en rouleaux de pièces de 50 ct., de deux billets de 1000 fr., d'un de 500 fr. et de dix-neuf de 100 fr. trouvés chez dame Martinetti. |
Le 29 mars 1963, la Chambre d'accusation du canton de Genève, saisie d'un recours de dame Martinetti, a modifié la décision du juge d'instruction IV en ce sens qu'elle n'a maintenu le séquestre que sur une somme de 1825 fr., comprenant le montant de 325 fr. en rouleaux de pièces de 50 ct. A l'appui de sa décision, elle a exposé en bref ce qui suit: |
Les art. 113 et 24 PPG autorisent le juge d'instruction à saisir "les armes ou autres instruments qui paraissent avoir servi à commettre le crime ou le délit, ainsi que tout ce qui peut être utile à la manifestation de la vérité". Cette règle est rédigée de telle manière qu'elle permet au juge de séquestrer aussi le produit de l'infraction, notamment une somme d'argent provenant directement du délit ou obtenue par la vente d'un objet volé. D'ailleurs, la nature et l'importance du patrimoine de l'inculpé est un élément "qui peut être utile à la manifestation de la vérité" au sens de l'art. 24 PPG. A cet égard, l'autorité de jugement devrait savoir qu'au moment de son arrestation, l'accusée avait chez elle près de 5000 fr. Toutefois, l'objet saisi ne doit pas être sans rapport avec l'infraction. C'est pourquoi le séquestre ne saurait être maintenu que jusqu'à concurrence de la somme de 1825 fr., seul montant pour lequel la plaignante a allégué des faits susceptibles de constituer, lors du renvoi en jugement, des indices suffisants de culpabilité.
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B.- Agissant par la voie du recours de droit public, dame Martinetti requiert le Tribunal fédéral d'annuler l'ordonnance de la Chambre d'accusation en tant qu'elle a maintenu le séquestre à concurrence de 1825 fr. La recourante se plaint d'une atteinte au principe de la force dérogatoire du droit fédéral et d'une interprétation arbitraire des art. 24 et 113 PPG.
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Considérant en droit: |
3. Selon la recourante, la juridiction cantonale a violé le principe de la force dérogatoire du droit fédéral parce qu'elle a substitué un séquestre de la procédure pénale cantonale à un séquestre que le droit fédéral de la poursuite pour dettes n'autorise pas. Certes, ces deux séquestres frappent d'indisponibilité les objets visés. Toutefois, celui de la procédure pénale cantonale a un caractère purement conservatoire. Il ne vise qu'à maintenir les biens auxquels il s'applique à la disposition de l'autorité de jugement. En revanche, le séquestre de la poursuite pour dettes est le premier acte d'une procédure tendant à la réalisation des biens saisis au profit du créancier séquestrant. Il poursuit donc un but entièrement différent. Dès lors, le grief tiré d'une atteinte au principe de la force dérogatoire du droit fédéral est manifestement mal fondé. Dans ces conditions, il est inutile d'examiner si même il n'est pas irrecevable faute d'être suffisamment motivé. La Chambre de droit public chargée des recours fondés sur l'art. 4 Cst. peut le rejeter sans transmettre la cause à la section générale, puisqu'une délégation de trois juges aurait le même pouvoir (art. 92 OJ). |
La juridiction cantonale estime que l'art. 24 PPG permet de saisir le produit de l'infraction. La recourante ne considère pas que cette opinion soit arbitraire. Elle a raison, car on ne concevrait guère que la loi permette à l'autorité de jugement de garder à sa disposition les instruments ayant servi au délit, mais non le produit de ce dernier. La recourante soutient en revanche qu'il doit exister un lien direct et immédiat entre l'acte délictueux et l'objet séquestré. Il n'est pas nécessaire de discuter cette manière de voir. En effet, le lien, qui serait ainsi nécessaire, existe - du moins peut-on l'admettre sans arbitraire - en ce qui concerne les rouleaux de pièces de 50 ct., ear la recourante a reconnu pendant l'enquête (audition des 18, 19, 28 juillet 1961) les avoir confectionnés à l'aide de l'argent dérobé à l'intimée. Mais il existe aussi quant aux billets de banque dont le vol a été allégué. Sans doute ces billets ont été mélangés avec ceux de l'accusée, de sorte qu'ils ne pourraient plus être individualisés pour être reconnus propriété de l'intimée. Néanmoins, il y a de bonnes raisons de penser, au regard des circonstances de la cause, notamment des explications de l'intimée et des actes délictueux admis par la recourante, que les billets litigieux sont le produit du vol. Dès lors, la juridiction cantonale pouvait, sans violer l'art. 4 Cst., décider de garder les biens litigieux à la disposition des organes de la justice pénale jusqu'à ce que l'autorité de jugement se soit prononcée sur leur sort. Peu importe de savoir si, comme l'allègue la recourante, ces biens devront nécessairement lui être rendus. Ce n'est pas aux autorités d'accusation de statuer à ce propos, mais à la juridiction de jugement. En attendant la décision de cette dernière, la mesure conservatoire et provisoire de saisie n'est pas injustifiable. Elle l'est d'autant moins que la présence d'une somme relativement importante chez l'auteur d'un vol dont les ressources sont par ailleurs limitées est un indice de sa culpabilité et, partant, un élément de fait qui, au sens de l'art. 24 PPG, "peut être utile à la manifestation de la vérité". |
Par ces motifs, le Tribunal fédéral:
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