BGE 90 I 201
 
31. Arrêt du 11 novembre 1964 dans la cause Seinety contre Cour de justice du canton de Genève.
 
Regeste
Art. 86 und 87 OG. Erschöpfung des kantonalen Instanzenzuges.
Art. 4 BV, 181 und 182 Ziff. 4 SchKG. Willkür.
Nicht willkürlich ist
- die Annahme, dass die Nichtbeachtung der in Art. 181 SchKG vorgesehenen Frist von 5 Tagen die Bewilligung des Rechtsvorschlags nicht nichtig mache.
- die Gewährung einer Frist von einigen Tagen zur Hinterlegung der Sicherheiten gemäss Art. 182 Ziff. 4 SchKG, sofern diese Frist vor dem Entscheid über die Bewilligung des Rechtsvorschlags abläuft (Erw. 2).
 
Sachverhalt


BGE 90 I 201 (202):

A.- En 1963 et 1964, la société Fingerco SA, à Genève, négocia avec un sieur H. Dialdas une opération financière en vue de la construction d'immeubles. Dialdas devait déposer pour cinq ans à l'Union de banques suisses une somme de 4 000 000 fr. suisses, fournie par des bailleurs de fonds inconnus pour être prêtée à Fingerco. Il s'était fait promettre un intérêt de 4% par l'UBS, un intérêt supplémentaire de 11/2% par Fingerco, ainsi qu'une commission de 21/2%.
Le 15 janvier 1964, L. Chaillet, administrateur de Fingerco, et Dialdas passèrent une convention. Chaillet accepta de remettre à Dialdas un effet de change de 127 000 fr. représentant les intérêts du 16 décembre 1963 au 31 janvier 1964 par 27 000 fr. et la commission de 2 1/2% par 100 000 fr. Il promit en outre d'obtenir une lettre de garantie de 300 000 fr. pour couvrir la différence d'intérêts entre le taux de 4% accepté par l'UBS et celui de 5 1/2% exigé par les bailleurs de fonds. Cette lettre devait être fournie avant le 31 janvier 1964, faute de quoi le montant de l'effet de change resterait définitivement acquis à Dialdas et aux prêteurs.
Le 30 janvier 1964, l'effet de 127 000 fr. fut remplacé par deux traites, l'une de 100 000 fr. au 31 mars 1964, l'autre de 27 000 fr. au 30 avril 1964. Le 31 janvier 1964, la société Imefbank fit savoir à Dialdas qu'elle acceptait de garantir le paiement de la somme de 300 000 fr. Dialdas refusa toutefois cette garantie. Le 17 février 1964, il céda

BGE 90 I 201 (203):

les deux traites à un sieur Adly Yousseuf Seinety, juriste, "à valoir sur honoraires dus à son étude à Beyrouth". Finalement, il ne put apporter à l'UBS la preuve de l'origine suisse des fonds, de sorte que l'opération financière prévue échoua.
B.- Seinety, se fondant sur les traites qui lui avaient été cédées, fit notifier à Fingerco deux poursuites pour effets de change, l'une le 10 avril 1964 pour 100 000 fr., l'autre le 19 juin 1964 pour 27 000 fr. Les deux commandements de payer furent frappés d'opposition.
L'opposition concernant la poursuite de 100 000 fr. fut transmise au Tribunal de première instance de Genève, chargé d'examiner sa recevabilité. Les parties furent convoquées le 14 avril 1964 à l'audience du 24 avril 1964. La cause fut toutefois suspendue pour permettre le jugement d'une plainte relative à la validité de la poursuite. Elle fut reprise dans une audience du 5 juin 1964. Ce jour-là, Fingerco se vit impartir un délai au 12 juin 1964 pour consigner le montant en poursuite, ce qu'elle fit dans le délai prescrit. De plus, les parties furent invitées à se présenter à une audience de comparution personnelle, fixée au 22 juin 1964. A cette dernière date, elles furent entendues, puis la cause fut renvoyée au 26 juin 1964 pour les plaidoiries. Celles-ci eurent lieu le jour prévu. Le Tribunal statua le 29 juin 1964 en admettant l'opposition, et en fixant à Seinety le délai de dix jours prévu par l'art. 184 al. 2 LP pour intenter son action en paiement.
L'opposition concernant la poursuite de 27 000 fr. fut également transmise au Tribunal de première instance. Fingerco consigna le montant de la créance en poursuite. Le Tribunal statua le 10 juillet 1964 en prenant la même décision que dans l'autre poursuite.
Saisie par Seinety, la Cour de justice du canton de Genève, se prononçant dans deux arrêts du 24 juillet 1964, confirma ces jugements.
C.- Agissant par la voie du recours de droit public, Seinety requiert le Tribunal fédéral d'annuler les arrêts

BGE 90 I 201 (204):

précités. Elle se plaint de diverses violations de l'art. 4 Cst.
La Cour de justice déclare s'en rapporter à justice. Fingerco conclut au rejet du recours.
 
Considérant en droit:
En l'espèce, la juridiction cantonale a déclaré l'opposition recevable en vertu des art. 182 ch. 4 LP et 1007 CO. Elle a considéré que le recourant avait agi de mauvaise foi. Elle lui a imparti le délai de dix jours de l'art. 184 al. 2 LP pour intenter devant la juridiction ordinaire ses actions en paiement. De fait, le recourant a introduit ces procès. Ceux-ci sont précisément destinés à faire examiner par le juge le mérite de l'exception de mauvaise foi basée sur l'art. 1007 CO. Si le tribunal saisi considère que l'exception est mal fondée, il condamnera Fingerco à payer les sommes réclamées, à moins qu'elle ne doive être libérée pour une autre raison. Ainsi, les actions introduites par le recourant lui permettront, s'il a gain de cause, d'éliminer le préjudice juridique qu'il subit du fait de l'admission de l'opposition. Elles constituent dès lors des moyens de droit cantonal au sens des art. 86 et 87 OJ. Comme elles n'ont pas encore été jugées, l'exigence légale de l'épuisement des instances cantonales n'est pas remplie (cf. RO 82 I 81). Le recours de droit public est dès lors irrecevable dans la mesure où il a pour objet une violation prétendûment arbitraire des art. 182 ch. 4 LP et 1007 CO. Il n'y a pas

BGE 90 I 201 (205):

lieu d'examiner si la solution serait la même dans l'hypothèse où l'opposition aurait été reçue en vertu des ch. 1, 2 ou 3 de l'art. 182 LP.
2. Selon l'art. 181 LP, le juge statue sur la recevabilité de l'opposition "au plus tard dans les cinq jours". En l'espèce, il s'est prononcé sur la recevabilité de l'opposition à la poursuite de 100 000 fr. le 29 juin 1964, c'est-à-dire vingt-quatre jours après l'audience de reprise de cause du 5 juin. Le recourant y voit un déni de justice et une violation manifeste de la LP. La Cour de justice a écarté ce grief en exposant que l'inobservation par le juge du délai de l'art. 181 LP n'était pas un motif de nullité du prononcé. Cette opinion n'est pas arbitraire. Elle est défendue par de bons auteurs (JAEGER, rem. 5 ad art. 181). D'ailleurs, si le premier juge a statué trois semaines après la reprise de cause, c'est principalement pour pouvoir entendre les parties personnellement. Or, au regard de la complexité de l'affaire, cette mesure, prise dans l'intérêt des deux parties, pouvait être considérée comme justifiée, voire nécessaire (FRITZSCHE, vol. II, p. 23). Le grief présenté sur ce point est dès lors mal fondé.
Le recourant se réfère aussi à l'art. 182 ch. 4 LP, selon lequel l'opposant qui se prévaut de l'art. 1007 CO doit déposer "au préalable" le montant de l'effet en espèces ou autres valeurs. Il en conclut qu'il a été victime d'un acte arbitraire puisque, contrairement au texte clair de cette disposition, Fingerco a joui d'un délai d'une semaine pour consigner le montant en poursuite. Toutefois, interprété à la lettre, les termes "au préalable" signifient simplement que le dépôt doit être effectué avant le jugement. Tel a été le cas en l'espèce, la consignation ayant eu lieu le 12 juin, soit quinze jours avant le jugement. Au surplus, la doctrine et la jurisprudence ne prennent pas à la lettre les mots "au préalable". Elles admettent que l'opposant consigne les valeurs en cause dans un très court délai après le jugement, voire en seconde instance seulement (JAEGER, rem. 13 ad art. 182, y compris suppl. 1915;

BGE 90 I 201 (206):

FRITZSCHE, vol. II p. 25). Le recourant ne peut dès lors se plaindre d'aucun acte arbitraire quant au délai accordé à l'intimé pour déposer avant le prononcé la somme liti. gieuse.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral
Rejette le recours en tant qu'il est recevable.