BGE 93 I 549 |
67. Arrêt du 13 décembre 1967 dans la cause Zumkeller contre Tribunal cantonal fribourgeois et Eugène Grand SA |
Regeste |
Gerichtsstand des Wohnsitzes. Art. 59 BV. |
2. Die Garantie des Wohnsitzgerichtsstandes kann nicht angerufen werden gegenüber einer Widerklage, die auf Grund des gleichen Rechtsverhältnisses wie die Hauptklage erhoben wird, so dass mit dem Urteil über die eine Klage auch über die andere entschieden werden muss. Prüfung des Zusammenhangs der beiden im vorliegenden Falle erhobenen Klagen (Erw. 2). |
Sachverhalt |
A.- Le 27 mars 1953, Gaston Zumkeller, alors domicilié à Fribourg, a conclu avec Eugène Grand, entrepreneur à Villarssur-Glâne, un contrat d'entreprise ayant pour objet le gros oeuvre d'un bâtiment à construire aux Daillettes, commune de Villars-sur-Glâne. Le 31 juillet 1953, la société anonyme Eugène Grand SA (en abrégé: Grand SA) a repris l'actif et le passif de l'entreprise individuelle d'Eugène Grand. La facture des travaux a été établie le 5 février 1954. Après imputation des acomptes déjà versés, elle présentait un solde de fr. 20 578.40. Zumkeller a contesté devoir ce montant. Il invoquait des malfaçons. |
A la réquisition de Grand SA, le Président du Tribunal de la Sarine a ordonné le 1er mai 1954 l'inscription provisoire d'une hypothèque légale d'entrepreneur grevant l'immeuble de Zumkeller. La société a demandé ensuite l'inscription définitive de l'hypothèque. La procédure a été suspendue jusqu'à droit connu sur l'action en dommages-intérêts pour inexécution du contrat d'entreprise que Zumkeller avait introduite le 7 juillet 1955. Statuant sur cette demande le 11 septembre 1964, le Tribunal de la Sarine a condamné Grand SA à payer à Zumkeller fr. 13 971.10 en capital. Sur quoi l'action en inscription définitive de l'hypothèque légale a été reprise, mais déclarée sans objet par un jugement du Tribunal de la Sarine du 18 février 1966. En effet, les parties étaient convenues le 8 mai 1956 de faire radier l'hypothèque légale provisoire. Zumkeller avait vendu son immeuble et fourni des sûretés en déposant en main d'un notaire une somme de fr. 25 000, qui a été placée, le 6 juin 1962, sur un carnet d'épargne bloqué, auprès de la Banque Populaire Suisse.
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B.- Le 28 juillet 1965, Zumkeller a introduit une action en déconsignation de la somme de fr. 25 000 déposée sur le carnet d'épargne de la Banque Populaire Suisse. Il demandait la libre disposition de ce dépôt.
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Zumkeller, qui est domicilié à Lausanne, a opposé le déclinatoire aux conclusions reconventionnelles de la défenderesse. Il invoquait notamment l'art. 59 al. 1 Cst.
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Grand SA a conclu au rejet de cette exception.
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Par jugement du 13 février 1967, le Tribunal de la Sarine a rejeté l'exception de déclinatoire.
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Le 9 juin 1967, la Cour civile du Tribunal cantonal fribourgeois a rejeté le recours de la défenderesse.
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C.- Agissant par la voie du recours de droit public pour violation de l'art. 59 Cst., Zumkeller requiert le Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt précité.
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D.- Le Tribunal cantonal se réfère à son arrêt.
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Grand SA conclut au rejet du recours.
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Considérant en droit: |
Les parties et la juridiction cantonale ont admis que la demande reconventionnelle formée par Grand SA dans le procès que Zumkeller lui a intenté devant le Tribunal de la Sarine était une réclamation personnelle visée par la disposition constitutionnelle précitée. Assurément, la jurisprudence du Tribunal fédéral range dans les réclamations personnelles les actions en exécution d'un contrat ou en dommages-intérêts pour inexécution, même si le contrat avait pour objet des ouvrages faits à un immeuble (RO 92 I 203). Mais il en va différemment lorsque la créance litigieuse est garantie par un droit de gage ou de rétention (RO 49 I 456 et 81 I 221) ou encore quand l'action tend à la fois à la reconnaissance d'une créance et à l'inscription d'une hypothèque légale d'entrepreneur destinée à garantir l'exécution de l'obligation personnelle (RO 41 I 294, consid. 3).
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La consignation en justice ou le dépôt d'une somme litigieuse bloquée en main tierce ne constitue pas un droit réel, de sorte que l'action en délivrance du montant déposé demeure en principe une réclamation personnelle (RO 10 p. 34, confirmé par l'arrêt du 31 mars 1965 dans la cause Kuhn et Wenk contre Bottani, consid. 9, non publié au RO 91 I 121 ss.). Toutefois, un pareil dépôt constitue une sûreté réelle lorsqu'il est substitué à un droit de gage ou de rétention (RO 10 p. 204 et 24 I 222; BURCKHARDT, Kommentar der schweizerischen Bundesverfassung, 3e éd., p. 553). En revanche, lorsque la sûreté qui remplace l'hypothèque est un cautionnement bancaire, elle est de nature personnelle et l'art. 59 Cst. s'applique à l'action en paiement de la créance ainsi garantie (RO 91 I 121 s.). |
En l'espèce, la demande principale de Zumkeller tend à la délivrance de la somme déposée sur un carnet d'épargne bloqué à la Banque Populaire Suisse. Le dépôt a été effectué - d'abord à l'étude d'un notaire, puis à la banque - afin d'obtenir le consentement de la partie adverse à la radiation d'une hypothèque légale d'entrepreneur qui avait été inscrite à titre provisoire. Il a rendu sans objet l'action en inscription définitive de l'hypothèque légale (cf. art. 839 al. 3 infine CC). La demande reconventionnelle de Grand SA tend au paiement du solde de la créance de l'entrepreneur pour les travaux exécutés en vertu du contrat d'entreprise du 27 mars 1953, et cela au moyen de la somme déposée en banque. Ainsi, Grand SA ne se borne pas à agir en justice pour faire reconnaître sa créance. Elle prétend en outre se faire payer au moyen de fonds prélevés sur le dépôt bancaire. Elle revendique de la sorte le privilège de la sûreté réelle mobilière constituée en lieu et place du gage immobilier dont elle aurait sans cela requis l'inscription définitive. Elle exerce dès lors une action mixte qui n'est pas une réclamation personnelle. Il en résulte que l'art. 59 Cst. ne peut pas être invoqué par le recourant.
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2. Supposé que la demande reconventionnelle fût une réclamation personnelle au sens de l'art. 59 Cst., le recours devrait néanmoins être rejeté en raison de la connexité avec la demande principale. En effet, le défendeur à l'action reconventionnelle ne peut pas se prévaloir de la garantie du for de son domicile lorsque les deux actions sont fondées sur le même rapport juridique et que le jugement de l'une commande de trancher également le sort de l'autre (cf. RO 71 I 346, consid. 2, 87 I 130, consid. 3, 90 I 108, consid. 2 b). Zumkeller s'est porté demandeur afin d'obtenir du Tribunal de la Sarine la délivrance de la somme déposée en banque, parce qu'à son avis la consignation ne se justifie plus. Grand SA s'y oppose. Ainsi, contrairement à l'argumentation du recours, la demande principale est toujours pendante. Mais l'intimée conclut reconventionnellement à la reconnaissance de sa créance en paiement du solde du prix des travaux exécutés en vertu du contrat d'entreprise, et cela au moyen des fonds déposés précisement pour garantir l'exécution de cette obligation, en lieu et place d'une hypothèque légale qui avait été inscrite à titre provisoire au registre foncier et qui a été radiée avec son consentement. Ainsi, les deux actions reposent sur le contrat d'entreprise conclu par les parties et sont en relation juridique étroite l'une avec l'autre. Elles sont connexes au sens de la jurisprudence. |
L'arrêt Longhi et Christen AG (RO 93 I 36, consid. 7), qui est invoqué à l'appui du recours, vise une situation différente. Le débiteur d'une créance garantie par gage immobilier avait introduit une action en radiation de l'hypothèque et pris simultanément des conclusions tendant à faire reconnaître une créance dont il se prétendait titulaire envers le créancier hypothécaire, lequel était domicilié dans un autre canton. Les deux prétentions ne reposaient donc pas sur le même fondement juridique. Aussi le défendeur bénéficiait-il de la garantie du for de son domicile pour ce qui concerne l'action en reconnaissance de dette.
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral:
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