Urteilskopf
94 I 97
16. Arrêt du 27 mars 1968 dans la cause X. contre Y. et Ministère public du canton de Genève.
Regeste
1. Art. 4 BV. Eine Behörde begeht keine formelle Rechtsverweigerung
- wenn sie einem bei ihr eingereichten Gesuch nicht sofort entspricht; die Frist, die ihr zur Verfügung steht, bestimmt sich nach der Natur der in Frage stehenden Angelegenheit (Erw. 1).
- wenn sie eine von ihr verlangte Massnahme wegen sachlicher Unzuständigkeit nicht anordnet (Erw. 2).
2. Art. 284 ZGB. Wenn das Kind, das bei der Ehescheidung unter die elterliche Gewalt des Vaters gestellt wurde, diesen aus eigenem Entschluss verlässt und sich zur Mutter begibt, sind die vormundschaftlichen Behörden zuständig, das Erforderliche anzuordnen (Erw. 2).
A.- Le 12 septembre 1960, le Tribunal de première instance de Genève a déclaré dissous par le divorce le mariage contracté le 20 mai 1947 par X. et Y. Elle a attribué au père la garde des enfants issus de l'union, J. F. né en 1951, C. né en 1952 et J. né en 1955. Elle a réservé le droit de visite de la mère, qui s'est remariée depuis.
B.- X. est actuellement domicilié avec ses enfants à N. Le 14 janvier 1968, C. s'enfuit du domicile paternel et se rendit à Genève auprès de sa mère, chez laquelle son frère ainé J.-F. séjournait déjà d'entente entre les parties. Le lendemain 15 janvier, son père s'adressa par téléphone à son ex-épouse, qui lui aurait déclaré ne pouvoir contraindre le jeune C. à retourner chez lui. X. se rendit alors le même jour au Parquet du Ministère public de Genève pour requérir son assistance. Il fut reçu par l'un des substituts du Procureur général; celui-ci lui fit part de la pratique du Ministère public en matière de droit de garde: convocation des parties, puis, à défaut d'entente, ouverture d'une information pénale fondée sur l'art. 292 CP contre celui des parents qui refuse d'exécuter le jugement de divorce. Il invita X. à déposer plainte contre dame Y. son ex-épouse.
Le 23 janvier 1968, par l'intermédiaire de son avocat, X. requit par écrit le Ministère public d'exécuter le jugement de divorce du 12 septembre 1960. Le 26 janvier, le Parquet fit savoir à X. qu'il entendait ne pas recourir à la force publique, et convoqua les parties pour le 29 janvier à une séance de conciliation. A cette date, il signifia le jugement à dame Y. conformément à l'art. 465 de la loi genevoise de procédure civile du 13 octobre 1920 (LPC), et l'avertit qu'une information pénale serait ouverte contre elle. Le dossier fut effectivement transmis au juge d'instruction.
Le même jour, le Procureur général confirma à X. son refus d'utiliser la force publique.
C.- C'est contre ce refus que X. déposa, en date du 31 janvier 1968, un recours de droit public. Il se plaint d'un déni de justice formel. Se référant aux art. 116, 465 et 466 LPC et aux art. 38 et suiv., en particulier à l'art. 45 de la loi genevoise d'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 (OJG), il prétend que les jugements passés en force doivent être exécutés sans délai par le Ministère public dès le lendemain de leur signification ou, le cas échéant, de la réitération de la signification.
Dans sa réponse, déposée le 28 février 1968, le Ministère
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public allègue que le substitut du Procureur général a eu plusieurs entrevues avec le recourant, les 29 janvier, 1er et 13 février. Dame Y. était présente à cette dernière entrevue, au cours de laquelle il fut question d'organiser une rencontre entre père et fils avec la collaboration d'une assistante sociale; selon le Ministère public, le recourant ne répondit pas dans la suite aux propositions faites par cette dernière. Le Ministère public considère dès lors comme inexact de prétendre qu'il refuse purement et simplement d'exécuter le jugement. Dans les limites de la loi, il entend conserver le choix des moyens les plus opportuns pour contraindre les parties à le respecter, d'autant plus que, dans le domaine du droit de garde, c'est en premier lieu les intérêts des mineurs qui doivent être sauvegardés. Il estime en conséquence qu'en aucun cas il ne s'est rendu coupable d'un déni de justice formel.Dans le but d'introduire une demande de modification du jugement de divorce du 12 septembre 1960, dame Y. a fait citer X. à une audience de conciliation civile, qui a eu lieu le 19 février. Le recourant ne s'y est pas présenté.
Considérant en droit:
1. a) Aux termes de l'art. 465 LPC, "l'exécution forcée (d'un jugement) peut avoir lieu dès le lendemain de la signification et dès le jour même si le jugement l'autorise" (cf. art. 116 LPC); cependant, l'alinéa 2 de cette disposition prévoit qu'après un an, il ne peut y être procédé que si la signification est réitérée. En vertu de l'art. 466 de cette même loi, "si la partie condamnée n'exécute pas les obligations qui lui sont imposées dans le délai fixé par le jugement ou, à défaut de délai fixé, dès le lendemain de la signification ... le jugement est exécuté par force et autorité de justice". Le Procureur général et ses substituts sont compétents; ils "sont chargés de tenir la main à l'exécution des jugements", en dehors des cas où celle-ci a lieu en conformité de la LP (art. 44 et 45 OJG); ils peuvent à cet effet recourir non seulement aux huissiers, mais aussi aux agents de la force publique.
b) Le jugement de divorce prononcé le 12 septembre 1960 entre les époux X. et Y. accordait la puissance paternelle au père. Le jeune C. s'étant enfui de son domicile légal le 14 janvier 1968 pour se réfugier chez sa mère, le jugement ne pouvait être exécuté "par force et autorité de justice" sans que la
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signification en fût réitérée. Après que le recourant l'en eut requis par lettre du 23 janvier 1968, le Ministère public procéda à la réitération le 29 du même mois. Il pouvait donc dès le lendemain ordonner l'exécution du jugement en faisant chercher l'enfant soit par un huissier, soit par un agent de la force publique, et contraindre ainsi le jeune C. à réintégrer le domicile paternel. L'autorité cantonale a cependant préféré essayer d'abord d'obtenir par la conciliation une exécution librement consentie. Pour le recourant, en revanche, le Ministère public était tenu de prendre sans aucun délai toutes mesures utiles pour renvoyer C., fût-ce par la force, au domicile paternel. Il ressort du dossier que, le 29 janvier, soit le jour de la réitération, il a déclaré au représentant du Parquet qu'il considérerait comme un déni de justice le fait que son enfant ne soit pas de retour chez lui le soir même. Et en effet, conformément à cette déclaration, le recourant déposait le 31 janvier le présent recours, dans lequel il incrimine précisément le Ministère public de déni de justice formel: deux jours seulement s'étaient écoulés depuis la réitération.c) Pareille conception du déni de justice formel ne peut être défendue. En matière de droit de garde, on ne saurait en effet méconnaître les intérêts de l'enfant mineur. Ainsi, il est évidemment contraire, non seulement d'ailleurs à de tels intérêts, mais aussi à des considérations élémentaires d'humanité, de contraindre un enfant par la seule force à réintégrer le domicile paternel. Si C. s'est enfui de chez son père, il n'est pas interdit de penser que les relations qu'il avait avec ce dernier devaient être assez tendues. Il est vrai que le Tribunal fédéral n'a pas à se prononcer sur cette question et, d'ailleurs, les pièces du dossier ne le lui permettraient pas. Cependant, en l'espèce, pratiquement, elle se posait à l'autorité cantonale, qui pouvait légitimement en tenir compte. De toute manière, l'emploi de la force publique, qui seule rendait concevable un retour immédiat, n'était pas de nature à aplanir les difficultés, ni surtout à éviter que C. ne s'échappe à nouveau. On ne saurait dès lors considérer comme un déni de justice formel le fait que le Ministère public n'ait pas exécuté par n'importe quel moyen, dans les deux jours suivant la réitération, le jugement de divorce du 12 septembre 1960, mais ait cru bon de prendre des mesures mieux adaptées, même si celles-ci devaient reculer la date du retour de l'enfant. En l'occurrence, l'audition des parties, voire
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celle de l'enfant, et l'intervention d'une assistante sociale, par exemple, paraissent plus adéquates que l'emploi immédiat de la force publique: ce sont d'ailleurs des mesures que le Parquet a prises au courant du mois de février. Avant qu'elle puisse être incriminée, dans des affaires de ce genre, de déni de justice, il faut que l'autorité ait au moins le temps matériel d'intervenir de manière appropriée. Si un délai, dont l'étendue doit s'apprécier en rapport avec la nature de l'affaire et au vu des circonstances, s'est écoulé sans qu'elle ne fasse rien, alors, mais alors seulement, elle se rend coupable d'un déni de justice formel. Or, en l'espèce, le recourant n'a laissé passer qu'un laps de temps de deux jours entre le moment à partir duquel l'autorité pouvait faire exécuter le jugement et le dépôt de son recours de droit public. Ce délai est manifestement trop bref pour motiver le grief que X. adresse à l'autorité cantonale.
2. a) De toute manière, l'exécution du jugement de divorce n'est pas la voie de droit que le recourant devait emprunter en l'espèce. Il est vrai qu'il attribue à ce dernier, et non à l'intimée, la puissance paternelle sur les trois enfants issus de l'union, et que c'est chez sa mère que le jeune C. s'est réfugié. Mais la voie de l'exécution forcée n'est ouverte que lorsque l'une des parties s'approprie la jouissance ou l'exercice d'un droit que la loi ou un jugement attribue à l'autre. Tel aurait été le cas si la mère de l'enfant s'était effectivement opposée à l'exercice de la puissance paternelle du recourant; si, par exemple, elle avait attiré elle-même C. chez elle, si elle l'y avait retenu de force ou l'avait envoyé dans un quelconque endroit pour l'y dissimuler, ou encore si, d'une façon ou d'une autre, elle avait disposé de son éducation ou de son instruction. Or rien de pareil ne ressort des pièces du dossier. En particulier, X. admet que c'est à l'instigation de son frère aîné, et non de sa mère, que C. s'est rendu chez elle. Par conséquent, la conduite de l'intimée n'a pas mis en cause la puissance paternelle du recourant; elle ne lésait dès lors nullement les droits que le jugement du 12 septembre 1960 accorde à celui-ci. L'exécution forcée requise par celui-ci était donc sans objet.
b) En l'espèce, seule la volonté du jeune C. fait obstacle à l'exercice de la puissance paternelle du recourant. S'il persiste dans son refus de réintégrer le domicile de son père, c'est à son égard que les mesures appropriées doivent être prises. Or ces
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mesures sont prévues par le code civil. Celui-ci dispose, à son art. 284 al. 2, qu'à la demande des parents, et à moins que des moyens moins graves puissent être employés, l'enfant qui oppose par méchanceté à leurs ordres une résistance opiniâtre pourra être enlevé à leur garde ou placé dans une famille ou un établissement. La compétence en la matière appartient aux autorités de tutelle, qui, mieux que toute autre, sont à même d'intervenir à bon escient, en sauvegardant non seulement les droits des parents, mais également les intérêts de l'enfant. Le comportement du jeune C. rentre sans conteste dans ceux qui sont visés par cette disposition. Peu importe que les parents soient divorcés, et que la puissance paternelle ait été attribuée au père par jugement (cf. RO 89 II 12). Les droits et obligations du titulaire de la puissance paternelle restent en effet définis par les art. 273 et suiv. CC, sous réserve des dispositions spéciales que le divorce impose de prendre (frais d'entretien, droit de visite) et qui ne sont pas en cause dans la présente affaire.C'est donc aux autorités de tutelle que le recourant devait s'adresser pour obtenir le retour de son fils, et non au Ministère public; il devait requérir les mesures prévues dans le cadre des art. 283 et suiv. CC, et non l'exécution du jugement de divorce lui accordant la puissance paternelle. Le Ministère public, étant incompétent, ne saurait donc s'être rendu coupable d'un déni de justice formel.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral:
Rejette le recours.