BGE 94 I 328
 
46. Extrait de l'arrêt du 3 avril 1968 dans la cause INCISA contre le canton du Valais.
 
Regeste
Doppelbesteuerung. Art. 46 Abs. 2 BV.
Wenn an keinem andern Ort in der Schweiz eine Zweigniederlassung vorhanden ist, die so bedeutend wäre, dass sie einem Hauptsitz gleichgestellt werden könnte, ist die Rechtsprechung nicht anwendbar, nach der die Gewinne der Baustellen ohne Rücksicht auf deren Dauer am Hauptsitz der Unternehmung zu versteuern sind.
Teilung der Steuerhoheit zwischen dem Kanton, in dem die Baustelle liegt, und dem Kanton, in dem sich der Sitz einer Zweigniederlassung befindet, die nur von untergeordneter Bedeutung, jedoch kein blosser "Briefkasten" ist.
 
Sachverhalt


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A.- I.N.C.I.SA (Impresa nazionale Condotte Industriali, Strade e Affini) est une société italienne à responsabilité limitée, dont le siège est à Parme. Elle s'occupe principalement de travaux de construction de conduites industrielles (gaz, huile,

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eau) et de routes, ainsi que de travaux d'excavation et de dragage.
Du 1er juin 1962 au 30 juin 1963, elle a exécuté sur territoire valaisan les travaux de pose de l'oléoduc Gênes-Collombey, destiné à ravitailler en pétrole les Raffineries du Rhône SA
La société a créé une succursale en Suisse, avec siège à Zoug, dans les bureaux de l'étude de Me Alphons Iten, avocat en dite ville. L'inscription de la succursale a été faite au registre du commerce de Zoug le 10 juin 1962 et publiée dans la Feuille officielle suisse du commerce du 19 juillet 1962.
La société a également exécuté des travaux de construction d'oléoduc dans le canton des Grisons en 1963 (à partir de juillet) et 1964.
B.- Le Service cantonal des contributions du canton du Valais (en abrégé: SCC), estimant que les travaux avaient créé un établissement stable dans ce canton, a revendiqué le droit d'imposer la société sur le bénéfice réalisé en Suisse et sur le capital, en se fondant sur les art. 6 lettre b et 153 de la loi des finances du 6 février 1960. Il a néanmoins admis en fait la prétention du canton de Zoug à un préciput de 10%. Se fondant sur le projet de répartition établi par l'administration fiscale de ce dernier canton le 24 février 1964, il a taxé la société, pour l'année 1963, sur un montant correspondant à 90% du bénéfice et sur une partie du capital.
La société déposa une réclamation contre cette taxation, contestant principalement le droit du canton du Valais de l'imposer et proposant à titre éventuel, pour le cas où ce droit serait néanmoins reconnu, un autre calcul pour déterminer les montants imposables dans ce canton. La réclamation ayant été écartée, la société recourut à la Commission cantonale de recours en matière fiscale (en abrégé: CCR), en reprenant les mêmes conclusions. La CCR écarta le recours et reconnut le droit du canton du Valais d'imposer la société sur le bénéfice réalisé en Valais; elle renvoya l'affaire à l'autorité de taxation pour fixer le montant imposable.
C.- Agissant par la voie du recours de droit public, I.N.C.I.SA requiert le Tribunal fédéral d'annuler la décision prise par la CCR du canton du Valais et d'obliger la CCR à reconnaître au seul canton de Zoug le droit d'imposer la recourante. Elle invoque la violation des art. 4 et 46 al. 2 Cst. Elle s'inscrit en faux contre l'affirmation de la CCR selon

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laquelle le siège social de Zoug ne serait qu'une boîte aux lettres et lui reproche d'avoir admis un tel fait arbitrairement, en l'absence de toute preuve. Elle conteste d'autre part le droit du canton du Valais de l'imposer, du fait qu'il n'existe dans ce canton aucun établissement stable qui puisse créer un domicile fiscal, un chantier de construction n'étant pas reconnu comme un tel établissement par la jurisprudence constante en matière de double imposition intercantonale. L'admission d'un domicile fiscal en Valais est ainsi arbitraire et constitue une violation de l'interdiction de la double imposition.
D.- La CCR et le SCC du canton du Valais concluent au rejet du recours.
Invité à se déterminer, le Conseil d'Etat du canton de Zoug maintient la prétention de son canton à imposer la recourante. Il précise que pour les impôts cantonaux 1962/63, la recourante a été imposée dès le 1er juin 1962, par une taxation devenue définitive et fondée sur le projet de répartition communiqué au canton du Valais par lettre du 24 février 1964. Il confirme que la recourante a son siège à Zoug et y exerce son activité.
Le SCC du canton du Valais rétorque qu'il n'a jamais reconnu le droit du canton de Zoug d'imposer la recourante.
 
Considérant en droit:
a) Pour l'imposition des sociétés étrangères en Suisse, ce sont avant tout les conventions conclues par la Confédération ou les cantons avec les pays étrangers qui sont déterminantes. A défaut de telles conventions, il appartient au législateur fédéral - pour les impôts fédéraux - et au législateur cantonal - pour les impôts cantonaux - d'édicter les prescriptions nécessaires pour éviter les doubles impositions internationales, et de fixer les conditions subjectives et objectives de l'imposition en Suisse des sociétés étrangères. Si de telles prescriptions n'existent pas ou si elles sont insuffisantes pour résoudre un cas d'espèce, il faut appliquer les règles établies par la jurisprudence et faire appel aux principes généraux du droit (RO 73 I 199

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consid. 2; BLUMENSTEIN, System des Steuerrechts, 2e éd., p. 81 ss.).
b) La Suisse n'a pas encore conclu de convention avec l'Italie en vue d'éviter la double imposition; une telle convention est seulement en préparation (cf. RIVIER, L'imposition des entreprises internationales, 1964, p. 19 note 10). Il appartient donc en première ligne à la législation valaisanne de déterminer si les travaux accomplis par la société recourante dans le canton du Valais peuvent être imposés par ce canton. Les autorités valaisannes affirment que la loi des finances du 6 février 1960 permet une telle imposition en son art. 153, qui traite de la répartition intercommunale de l'impôt, assimilant à un établissement stable des installations fixes ou des travaux dont la durée dépasse 6 mois.
c) Il faut noter d'autre part qu'en droit fiscal international, la tendance actuelle est d'admettre qu'un chantier de construction ou de montage constitue un établissement stable créant un domicile fiscal secondaire, si sa durée dépasse un certain temps. Le projet de convention de l'OCDE le prévoit expressément et fixe la durée minimum à 12 mois (cf. Cahiers de droit fiscal international, vol. Lll, 1967, p. 325; RIVIER, p. 69/70). Les conventions conclues par la Suisse depuis 1948 - à l'exception de celle conclue avec les Pays-Bas en 1951 - ont adopté le principe de l'imposition d'un chantier dans le pays de situation dès que la durée dépasse 12 mois (conventions avec la Suède, conclues en 1948 et en 1965, avec la Grande-Bretagne en 1954, avec la Finlande et la Norvège en 1956, avec le Pakistan en 1959, avec l'Espagne en 1966, de même que la nouvelle convention conclue avec la France en 1966, alors que la précédente, datant de 1953, prévoyait une durée minimum de 3 ans) ou 2 ans (Autriche 1953, Danemark 1957 et Irlande 1966). On peut donc dire que le droit fédéral admet la notion de l'établissement stable du droit international, comprenant notamment les chantiers de construction ou de montage qui dépassent une certaine durée, douze mois le plus souvent, comme le recommande l'OCDE. Rien ne s'oppose à ce que cette notion puisse être appliquée dans les rapports de la Suisse avec les pays qui n'ont pas conclu de convention avec elle.
d) De toute façon, en l'espèce, la recourante ne conteste pas qu'elle puisse être imposée en Suisse sur les bénéfices réalisés dans son chantier du Valais, dont la durée a dépassé douze

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mois: elle ne prétend pas que l'Italie l'impose également sur ces bénéfices et ne se plaint donc pas d'être victime d'une double imposition internationale. Elle ne prétend pas non plus que les autorités valaisannes appliquent arbitrairement à son cas la loi des finances de 1960, notamment l'art. 153 qu'elles invoquent pour fonder leur droit de l'imposer.
Si donc l'on admet qu'une entreprise italienne puisse être imposée, sur les bénéfices qu'elle tire d'un chantier de construction en Suisse, par le pays où est situé ce chantier, il faut en tirer la conséquence logique que, sur le plan interne également, elle soit imposée, sur de tels bénéfices, au lieu de situation du chantier.
e) Mais la recourante prétend que cette solution est contraire au principe que la jurisprudence a tiré de l'art. 46 al. 2 Cst., qui interdit la double imposition intercantonale. Selon cette jurisprudence en effet, un chantier de construction ne constitue pas un établissement stable fondant un domicile fiscal secondaire, quelle que soit la durée des travaux (RO 67 I 95). Il est vrai que cette jurisprudence, motivée notamment par le souci d'éviter un émiettement peu souhaitable de la matière fiscale, n'a pas manqué de soulever des critiques (cf. LUDWIG, dans Archives vol. 36 p. 4; RIVIER, p. 68 ss.) et il n'est pas exclu qu'elle soit un jour modifiée, notamment pour être mise en harmonie avec le principe - rappelé ci-dessus - qui prévaut de plus en plus en droit fiscal international. Il n'est cependant pas nécessaire d'envisager ici un tel changement, car en réalité l'imposition du chantier de la recourante par le canton du Valais n'est pas contraire à la jurisprudence en matière de double imposition intercantonale.
Cette jurisprudence en effet suppose qu'il s'agisse d'une entreprise qui ait en Suisse son siège principal, ou tout au moins un siège suffisamment important pour qu'il puisse être mis sur le même pied qu'un siège principal. Or cette condition n'est pas réalisée en l'espèce, comme on va le voir ci-dessous.
La recourante elle-même déclare qu'une succursale en Suisse, inscrite au registre du commerce, a été créée à la demande du maître de l'ouvrage, qui voulait sans doute pouvoir rechercher

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dans ce pays l'entreprise à laquelle il confiait d'importants travaux, devisés à plusieurs millions. Elle reconnaît même qu'elle n'aurait pas obtenu la commande si elle n'avait pas créé en Suisse une succursale avec constitution de for. Il apparaît ainsi que ce ne sont pas des raisons techniques d'exploitation, mais des raisons de nature commerciale et juridique qui sont à la base de la création de la succursale suisse.
D'ailleurs, la succursale de Zoug n'est dirigée que par une personne qui exerce cette fonction à titre accessoire, dans le cadre de son activité principale d'avocat; elle n'a pas engagé de personnel spécial, ni acquis ou loué des locaux particuliers. Il est vrai que l'absence d'installations fixes et permanentes à Zoug n'empêcherait pas que les affaires suisses puissent être en fait dirigées de Zoug (cf. Archives, vol. 29 p. 345; RO 45 I 204; Archives, vol. 34 p. 312).
Mais c'est surtout la nature des travaux accomplis au siège de la succursale qui est déterminante pour apprécier l'importance de cette dernière. Or il s'agit essentiellement, selon les indications données par la recourante, de travaux à caractère juridique (importation et dédouanement de machines et de matériel, liquidation d'un cas de responsabilité civile, rapport avec les autorités, questions fiscales et juridiques), travaux qui auraient fort bien pu être confiés à un bureau d'avocat, sans qu'il soit nécessaire de créer une succursale. La recourante ne prétend pas que sa succursale suisse se soit occupée de la direction technique des travaux, ni de la partie commerciale de l'entreprise, c'est-à-dire des affaires qui sont déterminantes pour la poursuite du but de la société et l'acquisition de ses revenus: recherche de commandes, organisation des travaux du point de vue technique et administratif, engagement et licenciement du personnel, surveillance des chantiers et coordination des travaux de plusieurs chantiers. On voit mal d'ailleurs comment un bureau d'avocat aurait pu s'occuper de tels travaux. Le mandataire de la recourante, qui est en même temps le gérant de la succursale de Zoug, ne prétend pas non plus avoir dû augmenter le nombre de ses collaborateurs et employés pour pouvoir accepter de se charger de cette succursale. Il ressort également du compte de profits et pertes au 28 février 1963 que pour une période de 9 mois, les frais administratifs de la succursale suisse se sont élevés à quelque 600 fr. seulement.


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Ainsi le siège de Zoug, même s'il n'est pas une simple boîte aux lettres comme le prétendent les autorités valaisannes, n'a cependant de loin pas l'importance qui lui permettrait d'être traité comme un siège principal en Suisse. Partant la jurisprudence du Tribunal fédéral, selon laquelle les revenus provenant d'un chantier situé dans un autre canton sont imposables dans le canton où l'entreprise a son administration effective, n'est pas applicable en l'espèce. Rien n'empêche donc d'imposer les revenus de chantier au lieu de situation en Suisse.
La recourante n'ayant pas contesté que le droit valaisan permette l'imposition d'un tel chantier, il n'y a pas lieu d'examiner plus à fond cette question.
5. Le fait que la recourante peut être imposée, pour son activité en Suisse, dans le canton de situation du chantier n'exclut cependant pas la possibilité pour le canton de Zoug de l'imposer aussi en partie. Le siège de Zoug, on l'a vu, n'est pas une simple "boîte aux lettres"; l'activité qui s'y exerce, même si elle n'est que secondaire pour l'obtention des bénéfices réalisés en Suisse, n'est cependant pas sans importance. On ne pourrait dénier la qualité d'établissement au siège de Zoug que si l'activité qu'il déploie était absolument insignifiante (RO 62 I 139, 80 I 197). S'agissant d'une entreprise étrangère, qui n'a en Suisse qu'une succursale inscrite au registre du commerce, on ne peut pas dire que cette succursale soit démunie d'importance; l'inscription au registre du commerce a notamment créé un for en Suisse, où la société étrangère peut être recherchée pour les affaires qu'elle y traite. Il faut donc reconnaître aussi au siège de Zoug le caractère d'établissement, ce qui permet d'y imposer la société sur une partie de ses bénéfices réalisés en Suisse.
On se trouve ainsi en présence de deux domiciles secondaires en Suisse, entre lesquels il y a lieu de répartir la matière fiscale. a) En ce qui concerne les bénéfices imposables, il est difficile d'apprécier dans quelle mesure l'activité déployée à Zoug a contribué à l'obtention des bénéfices réalisés en Suisse. Cependant au cours de la procédure de taxation, le canton de Zoug a proposé une répartition de 90% pour le Valais et de 10% pour lui. Sans reconnaître le droit d'imposition du canton de Zoug, le SCC du canton du Valais a néanmoins admis bénévolement cette répartition et a imposé la recourante sur le montant correspondant à 90% du bénéfice. De son côté, le canton de

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Zoug a prélevé l'impôt sur le 10% restant. Une telle répartition paraît convenable; en tout cas, elle tient suffisamment compte du lien économique de la société avec le canton de Zoug. D'ailleurs on peut déduire de la réponse donnée au recours de droit public par la CCR du canton du Valais, que celle-ci reconnaît non seulement le fait qu'un arrangement soit intervenu sur cette base entre les deux cantons, mais également la validité d'un tel arrangement. Il est vrai que le Conseil d'Etat de Zoug n'a pas prétendu expressément, dans sa réponse, que le Valais avait perdu le droit de revendiquer l'imposition de tout le bénéfice en acceptant bénévolement le projet de répartition de l'administration fiscale zougoise; mais sa réponse, qui se réfère à cette acceptation, a pratiquement bien ce sens.
Dans ces conditions, il se justifie de reconnaître au canton de Zoug le droit d'imposer la recourante sur une quote-part de 10% du bénéfice réalisé en Suisse. Le recours doit donc être admis partiellement dans cette mesure.
b) S'agissant de l'imposition du capital, la cour constate que le projet de répartition du canton de Zoug a aussi été admis pour la taxation dans les deux cantons. Cette imposition n'a pas fait l'objet de conclusions expresses dans les réclamation et recours successifs, ni de décisions expresses dans la procédure cantonale valaisanne. Cependant, en demandant l'annulation de la taxation valaisanne, qui concernait et le bénéfice et le capital, la recourante requiert aussi une décision sur l'imposition du capital.
D'après le bilan de la société au 28 février 1963, 15,57% des actifs, consistant en un avoir en compte courant, se trouvaient dans le canton de Zoug, 7,83% représentant notamment des machines, dans le canton du Valais et le reste à l'étranger. Il est probable que le compte courant de Zoug a servi au financement de l'activité du chantier valaisan; mais l'importance de cette participation n'a pas été prouvée par le fisc valaisan. Il n'est pas exclu que le montant en compte courant contenait une partie des bénéfices à verser au siège de la société en Italie. En tout cas, la localisation du compte courant dans le canton de Zoug n'était pas fortuite, mais en rapport avec l'activité du siège suisse de la société. Dans ces conditions, il se justifie d'attribuer au canton de Zoug la faculté d'imposer cet actif, en suivant également la proposition de répartition admise en fait par le fisc valaisan. Ainsi le recours doit aussi être admis partiellement sur ce point;

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les cantons du Valais et de Zoug pourront imposer dans la proportion sus-indiquée les éléments du capital imposables en Suisse.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral:
Admet partiellement le recours dans le sens des considérants.