BGE 95 I 522 |
75. Extrait de l'arrêt du 29 octobre 1969 dans la cause Gex contre Commission centrale des améliorations foncières du canton de Vaud. |
Regeste |
Güterzusammenlegung. Rechtsgleiche Behandlung. Rechtsverweigerung. |
Sachverhalt |
Propriétaires d'un domaine d'environ 150 000 m2, comprenant une vingtaine de parcelles situées dans le périmètre du remaniement parcellaire de Dizy, Suzanne et Henri Gex ont déposé plusieurs réclamations contre le projet de nouvelle répartition des terres. La Commission de classification a apporté quelques modifications au projet de nouvel état mais a écarté les réclamations sur les autres points. A la suite de cette décision, les nouvelles terres des époux Gex présentaient une augmentation de surface de 1527 m2 par rapport à leurs prétentions, mais une diminution de valeur de 4917 francs, à compenser par une soulte.
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Contre la décision de la Commission de classification, les époux Gex ont déposé un recours à la Commission centrale des améliorations foncières, critiquant notamment le fait que les nouvelles parcelles attribuées comportaient de la terre noire, des talus et des pentes, et soutenant qu'ils ne recevaient pas l'équivalent de leur ancien domaine. La Commission centrale a rejeté le recours, estimant que les nouvelles terres, tout en étant de qualité inférieure, étaient acceptables et se prêtaient parfaitement à la culture. |
Saisi par la voie d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral a admis le recours dans le sens des considérants.
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Extrait des motifs: |
Tandis que le Tribunal fédéral examine librement si les dispositions cantonales en la matière sont conformes aux principes découlant directement de la garantie de la propriété (RO 95 I 373 consid. 4), il ne contrôle en revanche que sous l'angle restreint de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement l'application que l'autorité cantonale a faite de ces dispositions (RO 93 I 138, 90 I 289/90, 85 I 90). Celle-ci jouit, en la matière, d'un large pouvoir d'appréciation et le Tribunal fédéral ne peut intervenir qu'avec une retenue particulière, non seulement parce que l'autorité cantonale est mieux placée que lui pour apprécier les faits, mais aussi parce qu'il faut tenir compte des conséquences que peut entraîner l'annulation d'une décision, en raison de l'étroit rapport qui existe entre les différentes attributions de terrains.
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Le large pouvoir d'appréciation dont elle dispose ne dispense cependant pas l'autorité cantonale de peser avec soin les arguments soulevés par les propriétaires contre le projet de nouvelle répartition. Elle doit comparer la situation ancienne avec celle qui découle, pour chaque propriétaire, du projet de nouvel état, en soupesant tous les éléments en présence. S'agissant d'un remaniement agricole qui touche aux bases mêmes de l'existence d'une exploitation, l'autorité doit tenir compte non seulement de l'emplacement des terres, de leur nature et de leur qualité, mais aussi de l'organisation de l'entreprise et de ses particularités. La procédure de remaniement est destinée, de par son but, à améliorer la situation de tous les propriétaires. Il est certes inévitable que le remaniement entraîne aussi pour eux quelques inconvénients, mais dans l'ensemble la situation doit en principe être améliorée. |
L'autorité cantonale doit aussi veiller à une répartition équitable, entre les membres du syndicat, des bénéfices et des risques de l'opération de remaniement: c'est là une exigence qui découle du principe constitutionnel de l'égalité de traitement. D'où l'obligation pour elle de rechercher s'il n'est pas possible d'améliorer, par des moyens techniques et des modifications appropriées, la situation d'un propriétaire qui ne serait pas satisfaisante dans le nouvel état. Le cas échéant, l'autorité doit examiner si les attributions faites à d'autres propriétaires ne créent pas certaines situations trop favorables et s'il n'y a pas lieu de procéder à des modifications en vue d'une répartition plus équitable. Il s'agit là sans doute d'une tâche particulièrement délicate et difficile, dont la solution est parfois compliquée sur le plan technique. Mais le principe de la compensation réelle, qui découle directement de la garantie de la propriété, exige que l'on y trouve une solution satisfaisante.
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7. d) La Commission centrale a écarté les griefs des recourants en déclarant que leurs terres sont acceptables et se prêtent parfaitement à la culture, ce qu'elle a confirmé dans ses observations au recours. Elle n'a pas examiné les problèmes posés à l'exploitation par la diversité des terres, l'augmentation des surfaces non labourables et l'éloignement des parcelles de pacage. En raison de l'importance vitale que revêtent ces questions pour l'exploitation agricole des recourants, elles méritent d'être examinées de plus près. En particulier, la Commission doit comparer la situation de l'ancien et du nouvel état non seulement sous l'aspect de la nature et de la topographie des terres, mais aussi en fonction des mutations que l'attribution prévue peut entraîner pour l'entreprise des recourants. Si elle aboutit à la conclusion que des désavantages sérieux découlent de l'attribution prévue, elle doit rechercher s'il est techniquement possible de l'améliorer par des changements appropriés. A cet effet, elle doit aussi considérer la situation des autres membres du syndicat et contrôler si la répartition des avantages et des désavantages s'est faite de manière équitable. |