22. Arrêt du 18 mars 1970 dans la cause S.I. La Résidence SA contre Commission valaisanne de recours en matière fiscale.
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Regeste
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Kantonales Steuerrecht, wirtschaftliche Betrachtungsweise, Willkür.
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Dieses Vorgehen ist jedoch ausgeschlossen, wenn das kantonale Steuerrecht es ausdrücklich oder dem Sinne nach verbietet. Das trifft für das Steuerrecht des Kantons Wallis nicht zu (Erw. 2).
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Sachverhalt
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BGE 96 I 115 (116):
A.- La S.I. La Résidence SA - la société - à Crans sur Chermignon, canton du Valais, fondée en 1956, a pour but l'achat, la location, la construction d'immeubles et toutes autres opérations analogues. Le capital social, primitivement de 100 000 fr., a été réduit en 1959 à 95 000 fr. La société a fait construire en 1957/58 un bâtiment comprenant plusieurs appar tements.
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Au 31 décembre 1964, le bilan de la société présentait notam ment les postes suivants:
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Immeubles 2 181 145.10
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Capital-actions 92 500.--
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Créances chirographaires 2 108 248.50
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Jugeant que le capital social était hors de proportion avec la valeur de l'immeuble et qu'en conséquence une partie des emprunts contractés auprès des actionnaires tenait lieu de capital, du point de vue économique, la Commission d'impôt pour les personnes morales, autorité de taxation, fixa le capital imposable à 654 300 fr., soit 30% de la valeur de l'immeuble. Au bénéfice de 4025 fr. déclaré par la société, elle ajouta les impôts comptabilisés, par 10 792 fr., et 26 446 fr. de reprise d'intérêt BGE 96 I 115 (117):
sur la part des prêts d'actionnaires considérée comme capital social (550 964 fr. au taux de 4,8%). L'impôt cantonal s'élevait dès lors à 6084 fr. 45, soit 2290 fr. 05 d'impôt sur le capital, 1821 fr. 35 d'impôt sur le bénéfice, 1552 fr. d'impôt complémentaire et 421 fr. 05 de contribution à la péréquation financière intercommunale. L'impôt communal se montait à 7017 fr. 55.
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B.- La société recourut contre cette taxation auprès de la Commission cantonale de recours en matière fiscale du canton du Valais et demanda à être taxée selon sa déclaration. Elle fut déboutée par décision du 23 février 1968, notifiée le 21 août 1969 et motivée, en substance, comme il suit:
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Il y a une disproportion évidente entre le capital social et la valeur des immeubles. Les fonds étrangers, qui n'auraient pas pu être obtenus auprès de tiers dans une aussi grande mesure, l'ont été auprès des actionnaires. La Commission de taxation était dès lors fondée, bien que le droit valaisan ne contienne aucune disposition expresse à ce sujet, à s'en tenir à la réalité économique et à rétablir une proportion normale entre les fonds propres et les fonds étrangers. Les banques se montrent réservées dans l'octroi de crédits pour des immeubles situés dans des stations de montagne et n'avancent guère plus de 60% du coût de construction ou du prix d'achat. Le surplus devait donc consister en fonds propres, car la société elle-même n'a pas d'autres garanties à offrir. En arrêtant le montant du capital minimum imposable à 30% de la valeur de l'immeuble, l'autorité de taxation n'a nullement abusé de son pouvoir d'appréciation. Le montant de 654 300 fr. ainsi déterminé est imposable comme capital au taux de 3,5% (art. 42 de la loi des finances du 6 février 1960). La Commission a admis, pour la reprise des intérêts passifs au titre de bénéfice, le taux moyen de 4,8% adopté par la recourante elle-même. L'imposition selon la réalité économique est du reste prévue aussi par les directives de l'Administration fédérale des contributions en matière d'impôt pour la défense nationale.
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La loi des finances prescrit, en son art. 46, un impôt complémentaire sur les immeubles de certaines personnes morales, énumérées à l'art. 38. On peut se demander si cet impôt sur les immeubles ne vise pas déjà le but que l'autorité de taxation cherche à atteindre en imposant selon la réalité économique. Mais il n'en est rien, comme le montre la comparaison entre BGE 96 I 115 (118):
les impôts dus par une société anonyme dont le capital social est dans un rapport normal avec ses investissements et ceux que paierait la recourante si elle était taxée selon la forme juridique. Proportionnellement à ses investissements, la charge fiscale de la seconde est presque deux fois moindre.
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C.- Agissant par la voie du recours de droit public pour violation de l'art. 4 Cst., la société requiert le Tribunal fédéral d'annuler la décision de la commission de recours. Son argumentation sera reprise, en tant que de besoin, dans les considérants de droit du présent arrêt.
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D.- La Commission cantonale de recours et le Service cantonal des contributions concluent au rejet du recours.
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Considérant en droit:
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1. Ainsi que la jurisprudence l'admet de façon constante, la forme juridique des relations d'où provient la matière imposable n'est pas nécessairement décisive du point de vue fiscal. Sous certaines conditions, l'autorité peut se fonder au contraire sur la réalité économique. Lorsqu'il statue avec pleins pouvoirs, soit en matière de contributions de droit fédéral et de double imposition, le Tribunal fédéral n'admet ce mode de faire que si la forme juridique à laquelle a recouru le contribuable est insolite et n'a été choisie qu'aux fins d'éluder l'impôt. Lorsque, comme en l'espèce, il ne revoit la décision que sous l'angle restreint de l'arbitraire, il exige seulement que des raisons objectives et pertinentes justifient le procédé. Le fisc ne doit pas toutefois se laisser guider dans son choix uniquement par son propre intérêt. En outre, lorsqu'il se fonde sur la réalité économique, il doit s'y tenir et ne peut, pour la même matière fiscale, se déterminer une fois selon cette réalité et une autre fois selon la forme juridique, à peine de se mettre en contradiction avec lui-même et de violer l'art. 4 Cst. (RO 93 I 691, 90 I 221, 85 I 279/280, et les arrêts cités). Point n'est besoin, contrairement à l'opinion de la recourante, que le droit fiscal cantonal prévoie expressément la possibilité pour l'autorité fiscale de se fonder sur la réalité économique (RO 79 I 19/20 et les références).
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a) La Commission de recours considère que le système adopté par la recourante a pour seul but de diminuer le capital social afin de réduire parallèlement la charge fiscale qu'elle devra supporter. La recourante ne montre pas en quoi cette opinion BGE 96 I 115 (119):
serait insoutenable. Elle s'attache longuement à démontrer que le système de la société d'actionnaires-locataires vise un but économique légitime. En revanche, elle n'explique pas pourquoi elle a recouru au système de financement insolite qui consiste à combiner un capital social très réduit - en l'espèce un peu moins du double du minimum légal - avec des prêts consentis à la société par les actionnaires. Normalement en effet, les actionnaires procurent à la société les moyens financiers nécessaires en libérant le capital social, dont le montant est déterminé en fonction des besoins, et non pas en lui accordant des prêts. En l'absence de toute explication de la part de la société, l'autorité fiscale était fondée à raisonner comme elle l'a fait et à tenir dans une certaine mesure les prêts des actionnaires pour ce qu'ils sont économiquement parlant, soit pour des contributions au capital social. On ne saurait dire qu'elle s'est ainsi laissé guider par ses seuls intérêts propres.
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b) Pour fixer le montant du capital social imposable, l'autorité fiscale a admis, selon les données de l'expérience, que la société aurait pu obtenir, de tiers non liés à elle, des crédits atteignant au maximum 70% de la valeur de l'immeuble. Elle a considéré les prêts des actionnaires comme capital social dans la mesure où ils excédaient ce montant. Ce mode d'estimation ne viole pas l'art. 4 Cst. (RO 90 I 224/225). Il est conforme aux directives émises par l'Administration fédérale des contributions, division de l'impôt pour la défense nationale, dans sa notice du 10 juillet 1968, dont les principes peuvent s'appliquer aussi aux impôts directs des cantons. La recourante prétend bien que la décision attaquée - comme la jurisprudence fédérale précitée - conduit à des résultats absurdes. Mais son argumentation ne résiste pas à l'examen. La décision attaquée et la jurisprudence ne prétendent pas fixer toujours à 30% de la valeur vénale de l'immeuble le montant minimum du capital social. Seuls les prêts des actionnaires sont considérés comme capital social dans la mesure où les dettes de la société dépassent ensemble 70% de la valeur vénale de ses actifs. Dans l'exemple numérique imaginé par la recourante, où la valeur comptable de l'immeuble est de 500 000 fr. et sa valeur vénale de 5 millions de francs, l'ensemble des dettes (440 000 fr.) n'atteint pas le 70% de la valeur vénale de l'immeuble et il n'y a pas - ou il n'y a plus - de capital propre dissimulé. Dans la mesure où la recourante soutiendrait que son propre BGE 96 I 115 (120):
immeuble a une valeur vénale supérieure à sa valeur comptable, il s'agirait d'un moyen nouveau, irrecevable dans un recours pour arbitraire (RO 92 I 346; 94 I 144; cf. RO 94 I 132 consid. 5).
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c) La recourante reproche à la Commission de recours de traiter inégalement les sociétés anonymes industrielles et les sociétés anonymes immobilières. Elle ne motive pas cette assertion et ne nomme pas, notamment, la société qui aurait été imposée autrement qu'elle, nonobstant l'identité des situations. Le Service cantonal des contributions, dans sa réponse au recours, affirme du reste que les sociétés holding et les sociétés anonymes exerçant une industrie sont aussi imposées selon la réalité économique lorsqu'un mode de financement insolite le justifie.
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La recourante se demande si toutes les sociétés immobilières, et non pas seulement celles dont les actionnaires sont aussi locataires, sont taxées par le fisc selon la réalité économique. A supposer qu'elle prétende ainsi être victime d'une inégalité de traitement, le grief est insuffisamment motivé, comme le précédent. L'autorité fiscale affirme quant à elle que toutes les sociétés immobilières sont mises sur le même pied.
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d) Même si, comme la recourante le prétend, l'autorité fiscale s'en était toujours tenue à la forme juridique lors de la taxation pour l'impôt de défense nationale, il ne s'ensuivrait pas que la décision présentement attaquée fût anticonstitutionnelle. Il n'y aurait inégalité de traitement que si la commission de recours elle-même avait traité la recourante différemment dans chacun des cas. Celle-ci ne le prétend pas. Au demeurant, vu les instructions précitées de l'Administration fédérale des contributions, il faut admettre que dès 1968 en tout cas, la taxation pour l'impôt fédéral direct est faite selon les mêmes principes que la taxation cantonale.
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e) Les autres moyens de la recourante sont eux aussi inopérants. Si l'impôt fédéral sur le timbre, perçu sur le capital social, ne l'est pas sur les prêts des actionnaires, il ne s'ensuit pas que la reprise de ces prêts soit exclue lorsqu'il s'agit de déterminer le capital que frapperont les impôts directs cantonaux. Le fait que le transfert d'actions de la recourante est soumis aux droits de mutation cantonaux permettrait tout au plus de conclure que le système adopté ne vise pas à échapper à ces droits, mais n'exclut nullement l'intention d'éluder les impôts sur le capital BGE 96 I 115 (121):
et le bénéfice. Le régime adopté par l'autorité fiscale valaisanne ne conduit évidemment pas à une double imposition: la société et ses actionnaires sont des sujets de droit distinct et les actionnaires seraient assujettis à l'impôt, même s'ils n'avaient pas accordé de prêts à la société, mais participé à la constitution d'un capital social augmenté. Quant à la différence de traitement entre le contribuable dont la fortune est placée en immeubles - taxés à la valeur cadastrale, inférieure à la valeur vénale - et celui qui est propriétaire de valeurs mobilières, elle tient aux principes d'évaluation des divers éléments d'actif et elle est sans pertinence en l'espèce. Il ne s'agit pas d'un cas où la réalité économique ne correspond pas à la forme juridique.
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a) L'art. 46 al. 1 de la loi des finances institue un impôt complémentaire sur les immeubles, dont l'assiette est la part de la taxe cadastrale excédant le montant du capital et des réserves soumis à l'impôt dans le canton. Visant en premier lieu les sociétés étrangères au canton, il frappe cependant aussi celles qui ont leur siège en Valais. Il prend en considération la différence entre le capital imposable et la valeur des biens-fonds dont la société est propriétaire et a ainsi le même but que la reprise d'une partie des prêts des actionnaires au titre de capital social.
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La Commission de recours estime néanmoins que la règle de l'art. 46 al. 1 ne fait pas obstacle à l'application du principe de la taxation selon la réalité économique. Elle démontre de manière précise d'une part que la recourante, taxée comme elle l'a été, n'est pas plus lourdement frappée, proportionnellement à ses actifs, qu'une société immobilière dont le capital est dans un rapport normal avec ses actifs et d'autre part qu'elle serait BGE 96 I 115 (122):
nettement avantagée, par rapport à une telle société, si l'on s'en tenait à la forme juridique insolite qu'elle a donnée à ses relations avec ses actionnaires. Cela revient à dire que la recourante supporte, selon la taxation contestée, une charge fiscale adaptée à sa capacité contributive.
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L'autorité cantonale s'est ainsi déterminée sur la question qu'elle n'avait pas abordée dans la cause S.I. Richemont A et B précitée. La recourante ne montre pas en quoi ses conclusions seraient insoutenables. Elle cite le message adressé par le Conseil d'Etat au Grand Conseil, lors de l'élaboration de la loi des finances de 1951. Selon ce texte, l'impôt complémentaire "se justifie tout particulièrement pour les sociétés immobilières dont le capital est généralement faible au regard de la valeur cadastrale des immeubles". Il en résulte seulement que l'impôt complémentaire s'appliquerait surtout, de l'avis du gouvernement, aux sociétés immobilières. Pour le surplus, le message ne fournit aucun élément pouvant servir à l'interprétation de l'art. 46 de la loi actuelle et, notamment, ne permet pas de dire que l'imposition selon la réalité économique serait contraire à l'intention du législateur. Il faut relever au demeurant que c'est le capital déterminé selon la réalité économique qui est imputé sur la valeur cadastrale pour le calcul de l'impôt complémentaire et que cette valeur cadastrale, selon la recourante elle-même, est en moyenne égale au 50% de la valeur vénale. L'impôt complémentaire est ainsi fortement réduit. Dans ces conditions, on ne saurait dire que la taxation contestée conduise à une double imposition contraire à l'esprit de la loi. La démonstration de l'autorité cantonale apparaît convaincante et le grief d'arbitraire est mal fondé.
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b) Les art. 46 al. 3 et 144 al. 2 de la loi des finances fixent pour l'impôt complémentaire et pour l'impôt foncier communal des taux progressifs, passant de 2 à 3%. La recourante ne prétend pas, avec raison, que l'imposition du capital et du bénéfice rectifiés selon la réalité économique ne se concilierait pas avec ces dispositions.
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c) On ne voit pas, enfin, quelles autres dispositions du droit fiscal valaisan interdiraient de se fonder sur la réalité économique. La recourante cite les art. 41 et 43 de la loi des finances. La première de ces dispositions se borne à préciser que certaines réserves s'ajoutent au capital social versé pour déterminer le capital imposable. La seconde énumère les divers éléments qui BGE 96 I 115 (123):
forment le bénéfice, au sens fiscal. Ni l'une, ni l'autre ne visent à exclure la taxation fondée sur la réalité économique. Il n'est en tout cas pas arbitraire de refuser de leur donner cette portée.
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral:
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