Toutefois, le législateur cantonal ne peut, s'il entend faciliter ainsi au plaideur sans ressources la poursuite de son droit, disposer que de ses propres créances et non pas de celles de la partie adverse. La cour de céans n'a pas à revenir aujourd'hui sur une question à laquelle un ancien arrêt répond par la négative (RO 29 I 136 consid. 1) et à décider si l'art. 4 Cst. impose au législateur cantonal de prévoir le remboursement, par la partie qui succombe à la partie victorieuse, des frais de justice avancés par cette dernière. Il suffit de constater que le droit neuchâtelois prévoit cette obligation de remboursement en règle générale (art. 364 PC). L'indigence de la partie qui succombe n'est pas une raison suffisante de déroger à ce principe, même si, en fait, une créance contre cette partie n'a pas grande valeur. Certes, la Chambre de droit public a jugé dans son arrêt Späni c. Tribunal d'appel du canton de Bâle-Ville, du 19 mai 1971, que la règle du droit bâlois, selon laquelle le plaideur au bénéfice de l'assistance judiciaire est dispensé de payer, s'il succombe, les honoraires de l'avocat de la partie adverse, n'était pas contraire à l'art. 4 Cst. Selon cette jurisprudence, le recourant ne pourrait se plaindre de n'avoir pas obtenu le remboursement de ses honoraires d'avocat. Il ne le fait pas du reste. Mais ce qui vaut pour ces honoraires, dus par le plaideur en vertu d'un mandat qu'il confère de sa propre volonté, ne s'applique pas aux frais de justice, que le plaideur est contraint par l'Etat lui-même de payer, sous peine de se voir refuser le concours des tribunaux et de perdre son procès. L'application de l'art. 4 LAJ équivaut à faire supporter les frais de l'assistance judiciaire par un particulier. Elle aboutit à un traitement discriminatoire de la partie non assistée victorieuse, traitement qui ne trouve pas de justification suffisante dans la différence des situations de fait. L'ordonnance attaquée doit ainsi être annulée. Le législateur cantonal aurait pu ne point poser la règle de
BGE 97 I 629 (632):
l'art. 4 LAJ et se borner, conformément au principe déduit de l'art. 4 Cst., à dispenser le plaideur indigent de l'avance des frais du procès. Il pouvait aussi lui faire remise de ces frais à titre définitif. Il pouvait encore le libérer de l'obligation de supporter, en cas d'échec, les honoraires d'avocat de la partie adverse. Mais s'il voulait le libérer, de plus, de l'obligation de rembourser, dans le même cas, les frais de justice payés par la partie victorieuse, il devait mettre ce remboursement à la charge de l'Etat. La situation faite à l'adversaire victorieux d'un plaideur assisté est d'autant moins équitable que l'Etat se réserve de poursuivre le remboursement des frais avancés ou remis, si la partie assistée revient à meilleure fortune (art. 17 LAJ), alors que la partie victorieuse est totalement privée de tout droit contre le plaideur assisté ou contre l'Etat.