Urteilskopf
81 II 279
46. Arrêt de la He Cour civile du 22 septembre 1955 dans la cause Genier contre Masse en failllte Allaz.
Regeste
Gesetzliches Grundpfand der Handwerker und Unternehmer (Art. 837 ZGB).
Ein Unternehmer, der sein Pfandrecht nicht vor dem Konkurs des Bauherrn und Eigentümers des Grundstückes eintragen liess, kann es nicht gegen die Masse geltend machen (Bestätigung der Rechtsprechung).
Kann das Pfandrecht im Hinblick auf einen Konkurswiderruf eingetragen werden? (Frage vorbehalten).
A.- Victor Allaz est propriétaire à Lonay d'un terrain sur lequel il a fait édifier trois bâtiments. Il a confié les travaux de plâtrerie, peinture et papiers peints à Jacques Genier. Ces travaux ont été exécutés au cours des années 1953 et 1954.
Le 3 juillet 1954, Victor Allaz a obtenu un sursis concordataire de quatre mois.
Le 24 août, Genier, se fondant sur l'art. 839 CC, a demandé au Président du Tribunal de Morges d'inviter le conservateur du registre foncier à procéder à l'inscription d'une hypothèque légale du montant de 16 276 fr. destinée à garantir sa créance contre Allaz.
La faillite d'Allaz a été prononcée le 9 septembre 1954. Par ordonnance du 13 septembre, le Président du Tribunal de Morges a fait droit à la demande de Genier et fixé au demandeur un délai au 15 décembre pour introduire action aux fins de convertir l'inscription provisoire en inscription définitive.
Cette décision a été confirmée par le Tribunal cantonal le 25 novembre 1954. Un recours a été interjeté contre cet arrêt par la masse auprès du Tribunal fédéral. Ce recours a été déclaré irrecevable.
B.- La masse s'étant opposée à l'inscription définitive par le motif que cette inscription n'était plus possible à la suite de la faillite, les parties sont convenues de porter leur différend directement devant le Tribunal fédéral, le délai pour l'inscription ayant été prolongé jusqu'au 28 février 1955.
C.- Par demande du 26 février 1955, dirigée tant contre la masse que contre Allaz personnellement, Genier a conclu à ce qu'il plaise au Tribunal fédéral:
1. le reconnaître, dès le 13 septembre 1954, au bénéfice d'une hypothèque légale d'entrepreneur, du montant de 16 276 fr. 50 plus intérêt à 5% à compter du 13 septembre 1954, sur l'immeuble pour lequel il avait fourni du travail et des matériaux;
2. dire que cette hypothèque était opposable à la masse;
3. ordonner au conservateur du registre foncier de Morges de procéder à titre définitif à l'inscription de cette hypothèque;
4. mettre les frais à la charge des défendeurs, la question des dépens étant réglée conformément à la convention de procédure du 15 février 1955.
La masse et Victor Allaz ont conclu à ce qu'il plaise au Tribunal fédéral débouter le demandeur de ses conclusions; inviter le conservateur du registre foncier du district de Morges à procéder immédiatement à la radiation de l'inscription provisoire opérée en faveur de Jacques Genier sur les immeubles de Victor Allaz; condamner le demandeur aux frais de la cause et régler la question des dépens conformément à la convention du 15 février 1955.
A l'audience préliminaire du 2 juin 1955, Genier a déclaré retirer sa demande en tant qu'elle était dirigée
BGE 81 II 279 S. 281
contre Allaz. Il l'a maintenue envers la masse en en réduisant toutefois le montant à 13 476 fr. 50 avec intérêt à 5% dès le 13 septembre 1955.A l'audience de ce jour, les conseils des parties ont plaidé et persisté dans leurs conclusions.
Considérant en droit:
... 2.- Au fond, la question qui se pose en l'espèce est celle-là même que le Tribunal fédéral avait à trancher dans la cause masse Waldvogel contre Frutiger fils, jugée le 18 novembre 1914 (RO 40 II 452 et suiv.), autrement dit celle de savoir si le droit que l'art. 837 CC confère à l'entrepreneur de requérir l'inscription d'une hypothèque en garantie de sa créance contre le maître de l'ouvrage peut être encore exercé utilement après que la faillite de ce dernier a été déclarée. La question de savoir s'il peut être exercé contre le tiers acquéreur de l'immeuble peut demeurer indécise en l'espèce. Le Tribunal fédéral a exposé de façon détaillée les motifs pour lesquels on ne pouvait ni admettre que l'entrepreneur soit au bénéfice de l'hypothèque légale avant l'inscription, ni attribuer au droit que la loi lui reconnaît de requérir cette inscription le caractère réel qui lui serait nécessaire pour pouvoir être opposé à la masse. Il ne voit pas de raisons de modifier son opinion. Comme il a été dit alors, la thèse selon laquelle l'hypothèque légale de l'entrepreneur existe déjà avant l'inscription, celle-ci n'ayant pour effet que de l'empêcher de devenir caduque à l'expiration du délai de trois mois prévu à l'art. 839 CC, n'est pas conciliable avec les principes qui régissent l'acquisition des droits de gage immobiliers en droit suisse, que rappelle du reste expressément la note marginale de l'art. 837, en opposant les hypothèques qui prennent naissance "avec inscription" et parmi lesquelles figure l'hypothèque légale de l'entrepreneur, à celles qui existent "sans inscription" (cf. WIELAND, SJZ IX p. 83; SCHEIDEGGER,
BGE 81 II 279 S. 282
ZSR N.F. 32 p. 19; SIMOND, L'hypothèque légale de l'entrepreneur en droit suisse, p. 54 et suiv.).Il est exact que la solution à laquelle le Tribunal fédéral a été conduit dans l'arrêt masse Waldvogel contre Frutiger fils n'a pas rencontré l'adhésion unanime des auteurs ni des tribunaux. Mais les arguments qui ont été avancés à ce propos ne sont pas convaincants.
C'est à tort tout d'abord que l'on a cru pouvoir opposer à l'arrêt masse Waldvogel contre Frutiger fils la décision rendue par la Cour de droit public dans la cause Meier-Maurer contre Labhart (RO 41 I 284 et suiv.). Il s'agissait alors uniquement de savoir si l'action tendant à la reconnaissance de la créance de l'entrepreneur et à l'inscription définitive de l'hypothèque légale, provisoirement inscrite pour ce montant, devait être portée devant le tribunal du lieu de situation de l'immeuble ou devant le tribunal du domicile du maître de l'ouvrage, lorsque ces tribunaux ne se trouvaient pas dans le même canton, et la Cour a expressément relevé que cette question n'était pas préjujée par l'arrêt masse Waldvogel contre Frutiger fils. Elle a relevé en effet que même si l'inscription de l'hypothèque était nécessaire pour conférer à la prétention de l'entrepreneur le caractère d'un droit réel pourvu de tous ses effets, cette prétention pouvait néanmoins être considérée comme impliquant virtuellement ("hypothetisch"), autrement dit "en puissance", un élément de réalité suffisant pour devoir être soustrait à l'application de l'art. 59 Cst. On ne saurait donc, comme le fait notamment LEEMANN dans son commentaire (art. 837 notes 25 et suiv.), invoquer cette décision à l'appui de la thèse selon laquelle le Tribunal fédéral aurait admis lui-même le caractère réel du droit à l'inscription.
Il est clair, d'autre part, que lorsque la loi ne confère au créancier que le droit d'exiger la constitution d'un droit réel, tel que l'hypothèque, ce droit ne peut être constitué que moyennant l'accomplissement des formalités nécessaires à son existence, et que jusqu'alors le
BGE 81 II 279 S. 283
droit ne peut être pourvu d'effet réel. Faute de pouvoir considérer le droit à l'inscription comme un droit réel avant même que cette inscription ait eu lieu, on a cherché également à le définir comme un droit personnel dont les effets seraient cependant "renforcés." (cf. GUHL 'Festgabe der Jur. Fakultät Bern für das Bundesgericht, 1924, p. 149). Le Tribunal fédéral n'a pas, à l'occasion de la présente affaire, à se prononcer sur la question de savoir si l'existence de ces droits particuliers, qui tiendraient, semble-t-il, à la fois de la nature des droits réels et de celle des droits personnels, est compatible avec le système général des droits tel qu'il découle de la législation suisse. Il suffit ici de relever que pour Guhl lui-même cette théorie pourrait justifier le droit de l'entrepreneur de requérir l'inscription de l'hypothèque légale contre le tiers acquéreur de l'immeuble mais non pas permettre à l'entrepreneur de faire valoir l'hypothèque à l'encontre du créancier du maître de l'ouvrage une fois sa faillite déclarée. La faillite n'empêcherait pas, il est vrai, selon lui, l'inscription de l'hypothèque; celle-ci ne produirait effet que si la faillite venait à être révoquée. Mais, en l'espèce, les parties sont précisément d'accord pour exclure cette hypothèse, et c'est aussi bien la raison pour laquelle le demandeur, après avoir d'abord formulé ses conclusions tant contre Victor Allaz personnellement que contre la masse, ne les a plus maintenues finalement que contre cette dernière, partant évidemment de l'idée que c'est uniquement contre la masse que sa prétention pourrait présenter encore quelque intérêt.Au regard des motifs qui précèdent, l'argument consistant à dire que cela serait aller à l'encontre du but visé par le législateur que de refuser à l'entrepreneur la possibilité de garantir sa créance une fois déclarée la faillite de son débiteur, c'est-à-dire au moment précisément où il en aurait le plus besoin (cf. HOMBERGER et MARTI, Fiches juridiques suisses, no 611), est sans valeur. Lorsque la loi est claire, ainsi qu'il en est en la matière
BGE 81 II 279 S. 284
présentement en question, le juge doit se borner à l'appliquer, sans se demander si le législateur aurait pu ou dû disposer autrement qu'il ne l'a fait. Il est possible, d'autre part, que l'entrepreneur tarde à faire valoir sa prétention pour des motifs respectables, par crainte, par exemple, d'être évincé au profit d'un concurrent plus accommodant ou d'indisposer le maître de l'ouvrage. Mais ce n'est pas une raison non plus pour étendre son droit au-delà des limites fixées par la loi.Le Tribunal fédéral prononce:
La demande est rejetée et les conclusions de la défen deresse sont admises.