Urteilskopf
85 II 131
23. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 28 avril 1959 dans la cause Fabrique suisse de ressorts d'horlogerie SA contre Hausheer et Nerfos S.à r.l.
Regeste
Erfindungspatente.
1. Anforderungen an den Patentanspruch, insbesondere bei Kombinationserfindungen (Erw. 2 und 3).
2. Begriffsmerkmale der Erfindung:
a) Die Erfindung muss auf einer schöpferischen Idee beruhen, die nicht schon für jeden gutausgebildeten Fachmann nahelag (Erw. 4 a aa).
b) Die Erfindung muss einen klar erkennbaren technischen Fortschritt verwirklichen; dieser braucht jedoch nicht ein wesentlicher zu sein (Änderung der Rechtsprechung) (Erw. 4 a bb).
3. Art. 67 Abs. 1 OG verpflichtet das Bundesgericht nicht, beantragte neue Beweismassnahmen anzuordnen (Erw. 4 b aa).
A.- Dans l'horlogerie, le barillet est un logement circulaire à l'intérieur duquel est placé un ressort spiral enroulé autour d'un axe (bonde). En se détendant, le ressort, par sa spire externe, imprime un mouvement de rotation au barillet et celui-ci, par sa paroi extérieure dentée, transmet ce mouvement aux autres organes de la montre.
Lorsque la montre se remonte automatiquement, il est nécessaire de prévoir un dispositif pour éviter une tension excessive, qui provoquerait la rupture du ressort.
Dès 1938, la Manufacture des montres Rolex a construit à cette fin un ressort renforcé par une lame flexible insérée entre la spire extérieure et la spire précédente et fixée à l'extrémité du ressort par un rivet dont la tête fait légèrement saillie sur la face externe de la dernière spire. Ce ressort est placé dans un barillet dont le tambour porte trois petites encoches sur sa face intérieure. La tête du rivet se loge dans une encoche pour entraîner le barillet. Lorsque le ressort est trop tendu, elle saute dans l'encoche suivante, et le désarme ainsi partiellement.
En 1943, Perrin & Co a fait enregistrer un brevet pour un ressort construit selon un système différent (brevet no 228 985). Ce ressort est muni d'une "bride glissante", insérée entre la spire extérieure et le tambour du barillet et fixée à l'extrémité du ressort par un rivet qui ne dépasse pas l'épaisseur des deux lames. Ce ressort est logé dans un barillet à paroi lisse et l'entraîne par friction. Quand il est trop tendu, la bride glisse sur la paroi du barillet, ce qui le désarme dans la mesure nécessaire.
B.- Le 7 juin 1948, la Fabrique suisse de ressorts d'horlogerie SA a déposé une demande de brevet relative à un "ressort moteur pour mouvements d'horlogerie" (ressort dit Sirius). Cette requête contenait la revendication suivante:
"Ressort moteur pour mouvements d'horlogerie, destiné à être logé, enroulé en spirale, dans un tambour de barillet à paroi lisse et à entraîner en rotation ledit tambour par frottement, au moyen de sa spire terminale extérieure, caractérisé en ce qu'il est renforcé par une lame flexible insérée entre sa spire terminale extérieure et la spire précédente, cette lame étant fixée à l'extrémité de ladite spire terminale."
Trois sous-revendications concernaient la fixation et la longueur de la lame flexible.
Dans cette construction, le désarmage du ressort se fait par glissement de la spire terminale sur la paroi du barillet. Selon la description, "la lame a pour fonction de réagir élastiquement sur la spire terminale pendant l'armage et le désarmage du ressort moteur, de façon à exercer sur cette spire un effet correcteur s'opposant au décentrage des spires du ressort moteur, dans le but de diminuer les pertes par frottement entre ces spires, et, d'autre part, d'augmenter la pression de la spire terminale contre la paroi du tambour et, partant, d'assurer un bon entraînement dudit tambour sans l'aide d'une bride ou autre organe d'accrochage".
Le brevet demandé par la Fabrique suisse de ressorts d'horlogerie SA a été enregistré le 15 novembre 1950, sous le numéro 271 693.
C.- En 1954 et 1955, Hermann Hausheer a obtenu deux brevets (nos 303 345 et 305 163) pour un ressort moteur de mouvement d'horlogerie logé dans un barillet à paroi lisse et comprenant deux lames superposées fixées à l'extrémité extérieure du ressort et insérées entre la spire extérieure et la spire précédente.
Hausheer a octroyé une licence sur ces brevets à Nerfos S. à r. 1., qui les exploite actuellement.
D.- Le 6 mars 1956, la Fabrique suisse de ressorts d'horlogerie SA a intenté action à Hausheer et Nerfos S. à r. 1. devant le Tribunal cantonal neuchâtelois, en prenant les conclusions suivantes:
"1. - Prononcer la nullité des brevets Nos 303345 et 305163 classe 71 a.
2. - Faire défense aux défendeurs d'utiliser l'invention protégée par le brevet No 271693.
3. - Condamner les défendeurs solidairement à payer à la demanderesse l'indemnité que justice connaîtra, mais Fr. 50.000. - ... au moins, intérêt 5 % dès ce jour.
4. - Ordonner la publication du jugement dans trois journaux, au choix de la demanderesse et aux frais des défendeurs."
Les défendeurs ont proposé le rejet de l'action et ont conclu reconventionnellement à ce que le Tribunal cantonal prononçât la nullité du brevet no 271 693, relatif au ressort Sirius.
La demanderesse a conclu au rejet de l'action reconventionnelle.
L'autorité neuchâteloise a chargé MM. Pfister et Kirker d'une expertise, après le dépôt de laquelle elle leur a encore demandé un rapport complémentaire.
Après avoir requis sans succès une surexpertise, la demanderesse a déposé des rapports d'expertise privés émanant de MM. Thélin et Augsburger.
Par jugement du 1er décembre 1958, le Tribunal cantonal neuchâtelois a annulé les brevets nos 303 345 et 305 163 enregistrés au nom de Hausheer ainsi que le brevet no 271 693 enregistré au nom de la demanderesse. Il a rejeté la demande principale pour le surplus.
E.- La Fabrique suisse de ressorts d'horlogerie SA recourt en réforme au Tribunal fédéral contre ce jugement. Elle demande que celui-ci soit confirmé dans la mesure où il a annulé les brevets nos 303 345 et 305 163 et elle reprend pour le surplus les conclusions qu'elle a formulées dans l'instance cantonale.
Les intimés proposent le rejet du recours.
Considérant en droit:
2. En vertu de l'art. 112 litt. a LBI, les causes de nullité continuent à être régies par l'ancien droit pour les brevets délivrés avant le 1er janvier 1956, jour où la nouvelle loi est entrée en vigueur. C'est donc à la lumière de la loi ancienne qu'on doit examiner quel est l'objet du brevet et apprécier s'il a le caractère d'une invention et s'il est nouveau (art. 16 ch. 1 et 4 LBI de 1907). Pour juger ces questions, il faut se fonder sur la revendication, qui, selon l'art. 5 al. 2 LBI de 1907, est concluante quant à la nouveauté de l'invention et à l'étendue de la protection accordée au breveté.
Se ralliant à l'avis des experts judiciaires, le jugement attaqué constate que le ressort Sirius ne se distingue du ressort Rolex que par l'abandon de la saillie terminale et des encoches du barillet. Tous les deux sont en effet caractérisés par une lame fixée à l'extrémité de la spire terminale et insérée entre cette dernière et la spire précédente. Dès lors, l'adjonction d'une telle lame, l'endroit où elle est placée et son point de fixation ne constituent pas, pour le ressort Sirius, des éléments nouveaux.
En outre, il est constant qu'on connaissait déjà, avant le brevet litigieux, les autres éléments indiqués dans la revendication, savoir le fait que le ressort est enroulé en spirale, qu'il est logé dans un tambour de barillet à paroi lisse et qu'il l'entraîne par frottement. En particulier, on retrouve ces caractéristiques dans le ressort Perrin. Ainsi, aucun des éléments indiqués dans la revendication du brevet litigieux n'est nouveau.
Cependant, ce qui paraît neuf dans le procédé de la recourante, c'est le fait de loger dans un barillet à paroi lisse un ressort renforcé par une lame fixée à l'extrémité de la spire terminale et insérée entre celle-ci et la spire précédente. En effet, le ressort Rolex, qui est muni de la même lame, est monté dans un barillet à encoches et
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les ressorts logés dans des barillets à paroi lisse étaient jusqu'alors, comme le ressort Perrin, munis d'une bride de freinage placée sur la surface externe de la spire terminale. Il s'agit donc de juger si la protection légale s'applique à la combinaison d'un barillet à paroi lisse avec un ressort muni d'une lame insérée entre les deux dernières spires. Pour qu'on doive répondre à cette question par l'affirmative, il faut que cette combinaison soit couverte par le brevet litigieux et qu'elle constitue une invention (cf. RO 82 II 253 et les arrêts cités).
3. a) Selon l'art. 5 al. 1 à 3 LBI de 1907, le déposant doit, pour chaque invention faisant l'objet d'une demande de brevet, formuler une revendication définissant l'invention par les propriétés qu'il juge nécessaires et suffisantes pour la déterminer; c'est la revendication, interprétée au besoin à l'aide de la description, qui est concluante quant à la nouveauté de l'invention et à l'étendue de la protection. Il incombe donc au déposant de définir avec précision le droit exclusif auquel il prétend. Seuls sont protégés les éléments constitutifs de l'invention tels qu'ils sont indiqués dans la revendication, interprétée le cas échéant au moyen de la description. La sécurité juridique exige que les hommes du métier puissent savoir à quoi s'en tenir à la seule lecture du brevet. Lorsqu'un doute subsiste parce que la revendication et la description sont équivoques, c'est le déposant qui doit en pâtir et non les tiers.
Si l'invention consiste dans une combinaison nouvelle d'éléments connus, la revendication ne peut donc se borner à les énumérer. Elle doit indiquer que le titulaire du brevet prétend à la protection légale pour la combinaison comme telle. Il n'est toutefois pas nécessaire que le mot "combinaison" figure dans la revendication ni même que le déposant se soit rendu compte de la portée exacte de l'invention. La revendication doit s'interpréter objectivement et selon les règles de la bonne foi (RO 64 II 393, 83 II 228). Il suffit donc que, après en avoir pris
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connaissance et avoir au besoin recouru à la description, l'homme du métier se rende compte que l'invention réside dans la combinaison et que c'est pour celle-ci que la protection légale est revendiquée (RO 57 II 230 consid. 3, 58 II 63, 69 II 185 consid. 5).b) En l'espèce, le déposant n'a nullement mis l'accent sur la combinaison des éléments énumérés mais sur l'un d'eux, savoir la fixation, à l'extrémité de la spire terminale, d'une lame insérée entre cette dernière spire et la précédente. L'idée de la combinaison de cet élément avec un barillet à paroi lisse ne peut être recherchée que dans la partie générale de la revendication, qui par le simplement d'un "ressort... destiné à être logé... dans un tambour de barillet à paroi lisse". Quant aux sous-revendications, elles ne concernent point le barillet.
La description ne met pas davantage en relief la combinaison nouvelle. Elle insiste au contraire sur le fait que la lame fixée à l'extrémité du ressort diminue les pertes par frottement entre les spires et augmente la pression de la spire terminale contre la paroi du tambour. Or cette fonction est la même, que le ressort soit logé dans un barillet à paroi lisse ou dans un barillet à encoches. La description ne fait allusion à la combinaison que lorsqu'elle ajoute que le ressort assure un bon entraînement du tambour sans l'aide d'une bride ou d'un autre organe d'accrochage.
Enfin, le titre du brevet met l'accent sur le ressort lui-même et non sur son adaptation à un barillet déterminé. Ainsi, la recourante n'a pas caractérisé son invention comme l'application au barillet à paroi lisse d'un type de ressort connu. Sans doute, celui qui connaît le ressort Rolex peut se rendre compte que la seule nouveauté de l'invention est l'adaptation de ce ressort au barillet à paroi lisse et il peut comprendre dans ce sens le passage de la revendication où il est question d'un ressort "destiné à être logé dans un tambour de barillet à paroi lisse". Mais une telle interprétation fait appel à la connaissance
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d'éléments extrinsèques. L'homme du métier, qui peut ignorer l'existence du ressort Rolex, ne se rendra pas nécessairement compte que l'invention alléguée consiste dans une combinaison et que c'est pour cette combinaison que la protection légale est revendiquée.Dès lors, la revendication n'indiquant pas le seul caractère nouveau du dispositif Sirius, le brevet litigieux est nul.
4. a) Au surplus, le recours doit également être rejeté parce que, même s'il consiste dans une combinaison nouvelle, l'objet du brevet n'est pas une invention au sens de l'art. 1er LBI de 1907, qui, du reste, ne diffère pas de la nouvelle loi sur ce point.
Il est de jurisprudence constante que l'invention implique une idée créatrice et un progrès technique. A partir de 1937, le Tribunal fédéral a exigé que ces deux éléments atteignent un degré particulier: l'idée créatrice doit dépasser ce qui était à la portée d'un homme du métier ayant une bonne formation (niveau inventif; RO 63 II 276, 69 II 200 et 423 consid. 3, 74 II 140, 81 II 298, 82 II 251); quant au progrès technique, il faut qu'il soit clairement reconnaissable et d'une importance essentielle dans le domaine qui lui est propre (RO 63 II 276, 74 II 140).
aa) Les commentateurs BLUM et PEDRAZZINI (Das schweizerische Patentrecht, I, ad art. 1er LBI, rem. 18, p. 105 et suiv., et rem. 20, p. 118 et suiv.) critiquent le critère de l'idée créatrice. A leur avis, il doit être abandonné, car il repose souvent sur une fiction, et il faut admettre l'existence d'une invention dès qu'est réalisé un progrès technique qui n'était pas à la portée d'un homme du métier moyen (Durchschnittsfachmann). Leur commentaire est consacré, il est vrai, à la loi de 1954; mais celle-ci n'introduit pas une nouvelle notion de l'invention, de sorte que la thèse de BLUM et PEDRAZZINI concerne également la loi de 1907, applicable en l'espèce. Il convient donc d'examiner le mérite de leur argumentation.
Le progrès technique est toujours un résultat. Il constitue l'aboutissement d'une activité intellectuelle, qui peut
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revêtir les formes les plus variées, allant de l'intuition subite à la recherche méthodique et persévérante. En outre, l'invention devant être nouvelle, l'idée qu'elle concrétise ne peut être que créatrice. La notion d'idée créatrice, loin d'être une fiction, se déduit donc nécessairement du fait que la réalisation de l'invention procède toujours d'un effort intellectuel qui ouvre une voie nouvelle dans la technique. Aussi bien, BLUM et PEDRAZZINI (op. cit., ad art. 1er, rem. 6, p. 73) voient eux-mêmes l'essence de l'invention dans une idée qui réalise un progrès technique et qui est concrétisée dans un résultat; et ils ajoutent qu'en d'autres termes, il y a invention lorsque le résultat technique procède d'une idée nouvelle.Cependant, on ne doit accorder la protection légale qu'à des réalisations qui la méritent par leur valeur particulière. Des brevets délivrés trop libéralement conduisent à des abus et paralysent la concurrence. En outre, le fonds commun de la formation technique s'est développé grâce à la collectivité et les résultats qui peuvent être obtenus par la simple utilisation de ce fonds ne doivent pas être monopolisés. On ne saurait donc protéger par un brevet tout progrès technique dû à une idée créatrice (cf. RO 63 II 271 et suiv.). BLUM et PEDRAZZINI n'en disconviennent pas. Ils admettent même le critère que le Tribunal fédéral tire des capacités de l'homme du métier. Sans doute tiennent-ils compte de l'"homme du métier moyen", tandis que le Tribunal fédéral prend en considération celles de l'"homme du métier ayant une bonne formation". Mais cette divergence est purement verbale et, en réalité, les deux notions se recouvrent. On peut admettre, en effet, que l'homme du métier moyen a une bonne formation (cf. BLUM/PEDRAZZINI, op.cit., ad art. 1er LBI, rem. 19, p. 112 et 113).
Toutefois, BLUM et PEDRAZZINI veulent appliquer ce critère au progrès technique et non, comme le Tribunal fédéral le fait, à l'idée créatrice. Mais le résultat pratique n'est pas différent. Il revient au même, en effet, de juger
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si un homme du métier - moyen ou ayant une bonne formation - était en mesure d'obtenir un résultat déterminé ou d'apprécier s'il était capable de l'effort intellectuel dont cette réalisation est issue. Dans un cas comme dans l'autre, le juge - ou l'expert - doit résoudre la même question, à savoir si, connaissant l'état de la technique, l'homme du métier était capable de réaliser l'invention par un effort de réflexion normal.En outre, du point de vue systématique, il est préférable de mettre l'accent sur l'acte de création plutôt que sur son résultat et d'appliquer au premier le critère tiré des capacités de l'homme du métier. En effet, pour décider si celui-ci aurait été à même de réaliser l'invention, le juge - ou l'expert - mesurera la distance qui séparait le point de départ, à savoir l'état de la technique, du point d'arrivée, c'est-à-dire l'invention elle-même; puis il se représentera l'effort intellectuel nécessaire pour arriver de l'un à l'autre et il le comparera aux capacités de l'homme du métier. On pose donc le problème de façon plus claire et plus logique si l'on rattache à l'idée créatrice l'exigence selon laquelle la réalisation ne devait pas être à la portée de l'homme du métier ayant une bonne formation.
Dans ces conditions, il n'y a aucune raison de renoncer aux critères de l'idée créatrice et du niveau inventif, qui sont du reste admis par la doctrine la plus autorisée (cf. notamment MATTER, Aktuelle Fragen aus dem Gebiet des Patent- und Patentprozessrechtes, dans RDS, 1944, p. 7 a à 16 a et 125 a, ainsi que MARTIN-ACHARD, Questions actuelles dans le domaine du droit et de la procédure en matière de brevets d'invention, ibid., p. 198 a et 199 a).
bb) Il est constant, d'autre part, que, pour qu'il y ait invention, il faut que l'idée créatrice provoque un progrès technique clairement démontré. En revanche, on peut se demander si ce progrès doit nécessairement être essentiel. Cette dernière exigence est critiquée par plusieurs auteurs (MATTER, op.cit., p. 41 a à 43 a; BLUM/PEDRAZZINI, op.cit., ad art. 1er LBI, rem. 18, p. 109; OFFERMANN,
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Rechtswissenschaftliche Untersuchungen zum Erfindungsbegriff, p. 172 et suiv.) et a du reste été atténuée par le Tribunal fédéral (cf. notamment RO 69 II 423 consid. 3, ainsi que RO 81 II 298 et 82 II 251). De fait, elle se heurte à des objections importantes.En rendant l'arrêt qui a introduit cette condition supplémentaire (RO 63 II 271), le Tribunal fédéral est parti de l'idée qu'on devait protéger les réalisations qui le méritaient vraiment, mais non les découvertes qui n'avaient exigé qu'une activité intellectuelle minime et constituaient une nouvelle présentation plutôt qu'un effet technique original. Ces considérations gardent toute leur valeur. Cependant, si elles conduisent nécessairement à l'exigence du niveau inventif, elles n'impliquent pas une condition supplémentaire relative à l'importance du progrès technique. Pour réserver la protection légale aux innovations qui procèdent d'une activité réellement originale, il suffit d'exiger strictement une idée créatrice dépassant ce qui était à la portée d'un homme du métier ayant une bonne formation professionnelle.
A cela s'ajoute un argument de texte. Les art. 22 LBI de 1907 et 36 LBI de 1954 instituent exceptionnellement une licence obligatoire en faveur du titulaire d'un brevet qui a pour objet une invention présentant un progrès technique notable. On doit en déduire, a contrario, que l'invention visée par l'art. 1er LBI ne suppose pas nécessairement la réalisation d'un progrès technique notable.
D'autre part, l'importance d'un progrès technique peut ne pas apparaître immédiatement mais se manifester plus tard, par exemple à la suite d'inventions complémentaires. Or il serait injuste de refuser la protection légale à l'auteur d'une invention dont la portée réelle n'était pas visible d'emblée et qui a cependant constitué par la suite la base d'un véritable essor technique.
Enfin, le critère tiré de l'importance du progrès technique est imprécis. Il est d'autant plus difficile de l'appliquer qu'un avantage peut être compensé par des inconvénients
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et qu'il faut également prendre en considération des facteurs économiques, commerciaux, voire esthétiques (cf. RO 74 II 133 et suiv.). Ce critère provoque ainsi une grave insécurité juridique.On doit, dans ces conditions, renoncer à exiger vue le progrès technique soit important ou essentiel. On se trouve donc en présence d'une invention dès qu'un progrès technique nettement établi procède d'une idée créatrice qui n'était pas à la portée d'un homme du métier ayant une bonne formation professionnelle.
b) aa) En l'espèce, le Tribunal cantonal, se fondant sur l'avis des experts judiciaires, a nié que le ressort litigieux procédât d'une idée créatrice d'un niveau suffisamment élevé et constituât un progrès technique. La recourante requiert une nouvelle expertise sur ces deux points, en soutenant que les experts commis par les juges neuchâtelois n'ont pas saisi dans toute son ampleur l'idée protégée par le brevet no 271 693.
Aux termes de l'art. 67 al. 1 OJ, le Tribunal fédéral peut, sur requête ou d'office, revoir les faits d'ordre technique constatés par la juridiction cantonale et ordonner à cet effet les mesures probatoires nécessaires. Mais il n'a pas l'obligation d'ordonner une nouvelle expertise dès qu'il en est requis par une partie (cf. message complémentaire du Conseil fédéral du 28 décembre 1951, FF, 1952, I p. 24; Bull. stén., CN 1952 p. 450 et suiv., CE 1953, p. 406/407). S'il n'est pas lié par les constatations des premiers juges relatives à des faits d'ordre technique, il peut néanmoins, lorsqu'elles apparaissent bien fondées, les admettre sans ordonner de nouvelles mesures probatoires. Pour juger en l'espèce s'il y a lieu de commettre de nouveaux experts, le Tribunal fédéral doit donc examiner d'abord la valeur probante de l'expertise ordonnée par la juridiction neuchâteloise.
bb) En ce qui concerne l'idée créatrice et le niveau inventif... les experts ont déclaré que le passage du système Rolex au système Sirius consistait dans la suppression
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d'inconvénients évidents, encore que peu importants, par un procédé également évident. Cela revient à nier toute idée créatrice. Sans doute est-ce là une appréciation et il n'est pas exclu que d'autres experts arrivent à une conclusion différente. Mais ce n'est pas un motif suffisant pour ordonner une nouvelle expertise. Le Tribunal fédéral ne doit le faire que si l'opinion des experts n'emporte point sa conviction parce qu'elle est fondée sur des prémisses erronées ou ne repose pas sur un raisonnement sain. Ni l'une ni l'autre de ces conditions n'est remplie en l'espèce.cc) La recourante prétend que les experts judiciaires et Tribunal cantonal ont méconnu la véritable portée de son procédé. "L'élément caractéristique de l'invention, dit-elle, n'est pas dans la paroi lisse du barillet, mais bien dans la façon compensatrice dont travaille toute la spire extérieure du ressort contre cette paroi lisse grâce à l'emploi d'une lame flexible de renforcement." Cette thèse est du reste fondée sur l'expertise privée Thélin. Pour celui-ci, en effet, la lame flexible insérée à l'intérieur de la spire terminale ne joue pas, dans le ressort Rolex, le même rôle que dans le ressort Sirius; dans le premier, elle exerce une pression sur l'extrémité du ressort et assure un meilleur embrayage des saillies dans les encoches; dans le second, l'entraînement du barillet est obtenu par la friction d'une partie importante de la spire extérieure contre la paroi lisse du barillet; or la lame accroît précisément la surface de frottement à mesure que le ressort se détend, et cette augmentation de la surface de friction compense la diminution de la tension du ressort. Ainsi, pour arriver au ressort Sirius, il a fallu, selon l'expert Thélin, "se tourner vers une voie nouvelle, celle du ressort coopérant directement avec le barillet".
Il est exact qu'avant le procédé de la recourante, les ressorts logés dans un barillet à paroi lisse ne l'entraînaient pas directement mais coopéraient avec son tambour par l'intermédiaire d'une bride, c'est-à-dire d'une lame fixée
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sur la face externe de la spire terminale. Cependant, cette bride avait déjà été supprimée dans le ressort Rolex, qui coopère directement avec le barillet. Pour parvenir à l'invention litigieuse, il fallait donc simplement, comme l'ont exposé les experts judiciaires, supprimer la saillie et les encoches du système Rolex.Quant à la prétendue supériorité de l'entraînement du barillet, dans le système Sirius, grâce à l'extension progressive de la surface de friction, elle ne concerne que l'amélioration du fonctionnement du barillet. Ce résultat, que la titulaire du brevet litigieux tient pour l'"élément caractéristique" de l'invention, indique donc seulement le progrès technique que celle-ci réalise d'après la recourante et ses experts privés. Mais il n'est pas décisif pour juger si l'invention procède d'une idée créatrice d'un niveau suffisant. En effet, l'idée créatrice ne réside pas dans le progrès technique obtenu par le ressort Sirius mais tout au plus - à supposer qu'on interprète la revendication aussi largement (cf. ci-dessus, consid. 3) - dans la combinaison d'un ressort et d'un barillet déterminés...
c) Ainsi, comme le système litigieux ne procède pas d'une idée créatrice d'un niveau suffisant, le brevet serait nul même s'il avait pour objet une combinaison nouvelle d'un ressort et d'un barillet déterminés. Dans ces conditions, il n'est pas nécessaire de juger si le système Sirius a fait avancer la technique.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral:
Rejette le recours et confirme le jugement attaqué.