Urteilskopf
91 II 94
14. Arrêt de la IIe Cour civile du 14 mai 1965 dans la cause Malan contre Cottier et Blanc.
Regeste
Vermächtnis. Gegenstand ( Art. 484 Abs. 2 und 3 ZGB ).
1. Der Gegenstand des Vermächtnisses kann in der Gewährung eines Wohnrechtes bestehen (Erw. 1).
2. Der Erblasser ist befugt, eine bestimmte Sache, die einem andern gehört, jemandem zu Eigentum zu vermachen oder eine solche Sache im Sinn eines Vermächtnisses mit einem beschränkten dinglichen Rechte zu belasten. Ein dahingehender Willemuss sichjedoch mit Sicherheit aus der letztwilligen Verfügung ergeben, so wie diese nach den gegebenen Umständen auszulegen ist; sonst wird der Schuldner des Vermächtnisses frei (Erw. 2 und 3).
3. Dass das Vermächtnis einer fremden Sache gewollt sei, hat der durch die Verfügung Begünstigte zu beweisen (Erw. 4).
4. Überprüfungsbefugnis des Bundesgerichts hinsichtlich der Auslegung letztwilliger Verfügungen (Erw. 3).
A.- Henri Clerc, né en 1877, et son épouse Henriette Clerc-Tissot, née en 1883, ont adopté le 29 août 1945 leur bru Rosa Clerc-Isoz, après que leur fils Roland fut décédé le 27 février 1945. Ils avaient passé une convention préalable qui supprimait la réserve de la future adoptée dans les successions des futurs adoptants (art. 268 al. 3 CC), afin de conserver la faculté de disposer librement de leurs biens. En 1951, Rosa Clerc-Isoz s'est remariée avec Henry Cottier.
Les époux Clerc-Tissot habitaient une maison sise à Lausanne, avenue Schnetzler 2, que le mari avait achetée le 2 septembre 1926; l'épouse avait remis à cette fin une somme à son conjoint, qui s'en était reconnu débiteur et avait constitué une hypothèque en garantie de la restitution des espèces.
En août 1958, Rosa Cottier-Clerc avait engagé Ernestine Malan, née en 1903, pour tenir le ménage de ses parents adoptifs, tous deux malades.
Henriette Clerc-Tissot est décédée à Lausanne le 14 mars 1961, laissant pour seul héritier son mari Henri Clerc. Elle avait rédigé un testament désignant notamment le notaire Marius Blanc, à Lausanne, comme exécuteur testamentaire. En outre, elle avait inséré dans un codicille du 16 mars 1960 la clause suivante:
"Si Ernestine est avec nous jusqu'à la fin de nos jours lui donner la jouissance du petit appartement du 4e étage cuisine et chambre, cuisine au Nord, chambre au midi et si c'est possible le petit cagnard qui touche la chambre."
L'appartement en question comprend en effet une cuisine avec WC au nord et une chambre au midi, séparées par un corridor qu'utilisent les autres locataires; il est loué.
Henri Clerc, dont la santé avait décliné dès l'année 1960, est décédé à son tour le 26 mai 1961, laissant comme seule héritière
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sa fille adoptive Rosa Cottier, laquelle a accepté la succession. Il a légué à Ernestine Malan une somme nette de tout droit de mutation.Ernestine Malan a quitté son service auprès d'Henri Clerc le 19 avril 1961. Elle a réclamé à l'exécuteur testamentaire Marius Blanc la délivrance du legs qu'Henriette Clerc-Tissot avait ordonné en sa faveur. Elle s'est heurtée à un refus.
B.- Par demande du 9 avril 1964, Ernestine Malan a fait assigner Rosa Cottier et Marius Blanc devant la Cour civile du Tribunal cantonal vaudois. Elle a conclu principalement à la constitution en sa faveur d'un droit d'habitation viager (art. 776 CC) à inscrire au registre foncier. Subsidiairement, elle a requis paiement de la valeur capitalisée du loyer de l'appartement.
Les défendeurs ont conclu à libération des fins de la demande. A titre très subsidiaire, pour le cas où la demande serait admise dans son principe, ils ont offert de mettre à la disposition d'Ernestine Malan l'appartement désigné dans le codicille, contre paiement d'une redevance correspondant à la réduction des legs ordonnés par Henriette Clerc-Tissot, calculée sur le loyer mensuel perçu du tiers locataire.
Statuant le 24 décembre 1964, la Cour civile vaudoise a rejeté la demande. Elle a considéré que la défunte avait légué à Ernestine Malan la jouissance d'un appartement qui n'était pas sa propriété; mariée sous le régime de l'unité des biens de l'ancien droit vaudois, la testatrice se croyait sans doute propriétaire de l'immeuble dans lequel elle avait investi des fonds; en outre, elle n'avait probablement pas pensé qu'elle mourrait avant son mari, mais bien plutôt que celui-ci, apparemment plus gravement malade qu'elle, décéderait le premier et lui léguerait l'immeuble par testament (ce qu'il avait fait le 31 mars 1952); il ne semblait pas, dès lors, que l'intention de la disposante fût réellement de léguer la chose d'autrui. En vertu de l'art. 484 al. 3 CC, le débiteur du legs serait ainsi libéré. Toutefois, la juridiction cantonale n'a pas exclu tout à fait l'éventualité où la testatrice aurait légué consciemment un bien qui ne lui appartenait pas. Mais alors le legs serait nul, parce qu'il était subordonné à la condition que la bénéficiaire fût encore au service de la disposante et de son époux. Or la légataire avait quitté le service d'Henri Clerc avant son décès, de sorte que la condition ne serait pas réalisée.
C.- Ernestine Malan recourt en réforme au Tribunal fédéral en reprenant les conclusions de sa demande.
Les intimés Rosa Clerc et Marius Blanc concluent au rejet du recours.
Considérant en droit:
1. La recourante estime que, dans son codicille du 16 mars 1960, Henriette Clerc-Tissot lui a légué un droit d'habitation (art. 776 CC). Elle réclame la délivrance du legs à Rosa Cottier, seule héritière d'Henri Clerc, qui était lui-même l'unique héritier de son épouse, et partant débiteur du legs (art. 562 CC). Elle agit aussi contre l'exécuteur testamentaire Marius Blanc, que la loi charge notamment d'acquitter les legs (art. 518 al. 2 CC).
Définissant l'objet du legs, l'art. 484 al. 2 CC précise que le disposant "pourra soit léguer un objet dépendant de la succession ou l'usufruit de tout ou partie de celle-ci, soit astreindre ses héritiers ou légataires à faire, sur la valeur des biens, des prestations en faveur d'une personne ou à la libérer d'une obligation". Si l'attribution de la propriété d'une chose est le cas le plus fréquent, et si la loi mentionne encore l'usufruit, rien n'empêche le testateur d'attribuer au légataire un autre droit réel restreint, pourvu que ce droit ait une existence autonome (ESCHER, n. 14 ad part. 484 CC). Par exemple, il est loisible au disposant d'ordonner la constitution d'une servitude en faveur du bénéficiaire (TUOR, n. 14 ad art. 484 CC). Le legs consistant dans l'attribution d'un droit d'habitation est dès lors valable.
Le disposant peut léguer non seulement la propriété ou un droit réel restreint grevant une chose dont il est lui-même propriétaire, mais aussi une chose appartenant au débiteur du legs, voire à un tiers (TUOR, loc.cit., ESCHER, n. 9 et 19 ad art. 484 CC). Toutefois, lorsque le legs a pour objet une chose déterminée qui ne se retrouve pas dans la succession, le débiteur est libéré, à moins que le contraire ne résulte de la disposition (art. 484 al. 3 CC).
2. La faculté pour le testateur de léguer en propriété ou de grever d'un droit réel restreint une chose déterminée, appartenant à autrui, n'est pas réglée de façon uniforme par les législations des pays voisins.
Aux termes de l'art. 1021 du code civil français, "lorsque le testateur aura légué la chose d'autrui, le legs sera nul, soit que le testateur ait connu ou non qu'elle ne lui appartenait pas".
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Mais la jurisprudence a posé des conditions qui limitent le champ d'application de ce texte légal au point de le rendre inefficace. Il faut, d'une part, que le legs ait pour objet un corps certain qui, au moment du décès, appartienne exclusivement à autrui, sans que le testateur jouisse d'aucun droit, même conditionnel, ni d'un droit indivis sur cette chose. D'autre part, la disposition doit avoir pour objet le transfert de la propriété; si le testateur s'est borné à imposer à ses héritiers la charge d'acquérir la chose d'autrui pour la transférer au bénéficiaire, il n'y aurait pas de legs de la chose d'autrui; de même, le disposant peut imposer à son héritier, à titre de charge successorale, l'obligation de transférer la propriété d'un bien qui lui appartient (legs de la chose de l'héritier); si le débiteur trouve la charge trop onéreuse, il lui suffit de renoncer à la succession (PLANIOL/RIPERT, Traité pratique de droit civil français, 2e éd., t. V, Donations et testaments, par TRASBOT/LOUSSOUARN, nos 604/5, p. 757 ss., et t. XIV, Mise à jour, no 604, p. 10; cf. aussi Paris, 17 décembre 1963, Recueil DALLOZ, 1964, sommaires, p. 69/70).
Plus nuancé, l'art. 651 du code civil italien statue que le legs d'une chose appartenant à la personne grevée ou à un tiers est nul, à moins qu'il ne résulte du testament ou d'une autre déclaration écrite du testateur que celui-ci savait que la chose léguée n'était pas sa propriété; la personne grevée est alors obligée d'acquérir la propriété de la chose et de la transférer au légataire; elle a toutefois la faculté de lui en payer le juste prix.
L'art. 662 du code civil autrichien déclare inopérant le legs de la chose d'autrui, qui n'appartient ni au de cujus, ni à l'héritier ou au légataire chargé de la délivrer à un tiers; mais si le testateur ordonne expressément qu'une chose déterminée, propriété d'autrui, soit achetée et remise au légataire, et que le propriétaire refuse de la céder au prix d'estimation, la personne grevée paiera cette valeur au légataire.
Selon l'art. 2169 du code civil allemand, le legs d'une chose déterminée qui n'est pas comprise dans la succession au jour du décès ne produit aucun effet, à moins que le disposant n'ait voulu faire attribuer le bien au légataire même dans ce cas. La personne grevée doit alors procurer la chose léguée au bénéficiaire désigné par le défunt; le legs peut avoir pour objet non seulement la propriété d'une chose déterminée, mais aussi un droit sur une telle chose, par exemple le droit d'habiter gratuitement une maison pendant les cinq ans qui suivront le décès
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du disposant (Reichsgericht, IV. Senat, 22 janvier 1934, in Juristische Rundschau und Höchstrichterliche Rechtsprechung, 1934, no 815).
3. La loi suisse (art. 484 al. 3 CC) présume la libération du débiteur, lorsque la chose déterminée qui est léguée ne se retrouve pas dans la succession. Elle réserve cependant au légataire la faculté de prouver la volonté contraire du testateur. Le texte légal semble exiger que cette intention ressorte de la disposition elle-même. La doctrine se contente toutefois d'indices, sur la base desquels la volonté du disposant sera établie à l'aide d'éléments extrinsèques (ESCHER, n. 19 ad art. 484 CC et rem. prél. 10 ss. ad art. 467 ss. CC; TUOR, n. 24 ad art. 484 CC). S'il est en effet souhaitable de respecter le plus possible la volonté exprimée par le défunt (cf. RO 89 II 191 et 368 concernant la forme des dispositions pour cause de mort), encore faut-il que les circonstances permettent au juge de rétablir cette volonté avec certitude (cf., à propos d'un legs dont l'objet était indéterminable, RO 89 II 182 et la critique de MERZ, RJB 100 (1964) p. 451).
Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral revoit librement l'interprétation que l'autorité cantonale a donnée aux dispositions du testateur, en raisonnant selon l'expérience générale de la vie. Il est seulement lié, en vertu de l'art. 63 al. 2 OJ, aux constatations fondées sur l'appréciation des preuves et se rapportant à des faits concrets, tels que les actes et les attitudes du disposant, dont la volonté a été déduite par le juge. Ces règles valent non seulement pour le contenu de la disposition, mais aussi pour les motifs qui l'ont inspirée (RO 75 II 285 s., 79 II 39 s., 82 II 519, 88 II 71, 90 II 480).
4. En l'espèce, le legs ordonné par Henriette Clerc-Tissot attribuait à la recourante la jouissance d'un appartement déterminé, compris dans la maison sise avenue Schnetzler no 2, à Lausanne. Or, l'immeuble en question appartenait au mari de la disposante, qui lui a survécu, et ne se trouvait donc pas dans la succession. Conformément à l'art. 484 al. 3 CC, il incombait à la légataire de prouver que la testatrice, tout en sachant que l'appartement visé n'était pas sa propriété, avait néanmoins voulu imposer à ses héritiers la charge (art. 482 CC) de lui en laisser la jouissance.
Sur le vu des faits exposés par la Cour civile vaudoise, la preuve requise n'a pas été apportée. Le texte du codicille ne
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révèle pas clairement la volonté de son auteur. Les circonstances ne permettent pas de conclure que la disposante ait voulu léguer la jouissance d'une chose appartenant à autrui. Certes, les juges cantonaux n'ont exprimé aucune constatation certaine quant à la volonté de la testatrice. En particulier, ils n'ont pas affirmé que celle-ci se croyait, par erreur, propriétaire de l'immeuble, dans l'achat duquel elle avait investi des fonds. Ils se sont bornés à relever que les circonstances de la cause incitaient à le penser. Ils ont ajouté que la disposante n'avait probablement pas envisagé qu'elle mourrait avant son mari, qui paraissait plus gravement malade qu'elle, mais bien plutôt qu'il décéderait le premier et lui léguerait l'immeuble par testament, ce qu'il avait fait. Ils ont conclu: "Ainsi, il ne semble pas que l'intention de la testatrice ait réellement été de léguer la chose d'autrui. Toutefois, on ne saurait totalement exclure cette éventualité, de sorte qu'il convient de la prendre également en considération."Les hypothèses qu'envisage la juridiction cantonale pour expliquer la disposition de Henriette Clerc-Tissot en faveur de la recourante ne sont pas contraires à l'expérience générale de la vie. En revanche, la conclusion dubitative qu'en ont tirée les premiers juges méconnaît la présomption posée par l'art. 484 al. 3 CC. Du moment que la recourante n'a pas apporté la preuve positive que la testatrice a voulu lui léguer un droit d'habitation grevant l'immeuble dont elle n'était pas propriétaire, le débiteur du legs est libéré en vertu de la loi.
Le recours est dès lors mal fondé, sans qu'il soit nécessaire d'examiner si les autres motifs retenus par la Cour civile vaudoise conduiraient également à débouter la recourante.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral:
Rejette le recours.