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Urteilskopf

94 II 319


48. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 10 décembre 1968 dans la cause Fabrique des montres Vulcain et Studio SA contre Charles Aerni SA et consorts.

Regeste

Art. 4 PatG 1907.
1. Offenkundigkeit liegt vor, wenn die Erfindung auf irgendeine Weise dargelegt und dem Publikum zugänglich gemacht worden ist;
tatsächliche Kenntnisnahme durch die Fachleute ist nicht erforderlich (Erw. IV/1 und 2).
2. Die Neuheit einer Erfindung wird nur durch eine Vorveröffentlichung zerstört, die die gleiche Aufgabe stellt und diese auf genau gleiche Weise löst in Bezug auf alle Merkmale, die der Fachmann zu ihrer Wiederholung benötigt (Erw. IV/3).
3. Vergleichung der neuheitsbegründenden Merkmale zweier Erfindungen (Taschen-Weckeruhr und Armband-Weckeruhr) unter diesem Gesichtspunkt; Fehlen der Identität (Erw. IV/4).
4. Begriff des technischen Fortschritts und der Erfindungshöhe (Erw. V/1-3).
5. Hat ein Verfahren oder eine Vorrichtung trotz Veröffentlichung in einer den Fachleuten zugänglichen Zeitschrift die Technik nicht beeinflusst, sondern ist es seit langem in Vergessenheit geraten, so kann nicht auf diese Veröffentlichung zurückgegriffen werden, um den durch eine neue Erfindung bewirkten technischen Fortschritt zu widerlegen (Erw. V/4-6).

Sachverhalt ab Seite 320

BGE 94 II 319 S. 320

A.- La Fabrique des montres Vulcain et Studio SA, précédemment Ditisheim et Cie, est titulaire du brevet suisse no 259 170, enregistré le 15 janvier 1949 et pour lequel la demande avait été déposée le 27 septembre 1943. Ce brevet comporte la revendication suivante:
Montre-bracelet-réveil caractérisée en ce qu'elle comporte un fond mince constituant une membrane acoustique, et des moyens pour que ladite membrane puisse transmettre dans de bonnes conditions son mouvement vibratoire à l'air ambiant, et pour la préserver du contact de tout objet extérieur à la montre et de toute partie du corps de l'usager pouvant amortir ledit mouvement vibratoire.
BGE 94 II 319 S. 321
La description spécifie que l'organe de protection, qui peut consister en une plaque percée d'ouvertures ou en un treillis, est établi conjointement avec la boîte de façon que le volume d'air compris entre cet organe, la membrane acoustique et la lunette "constitue un petit résonateur et communique avecl'air ambiant, ce qui est nécessaire à la bonne audition de la sonnerie".
La montre fabriquée selon ce brevet fut mise sur le marché sous le nom de montre Cricket. Elle connut d'emblée un grand succès et fut contrefaite par plusieurs entreprises.
En 1950 déjà, Ditisheim a actionné pour contrefaçon Lecoultre et Cie SA et la société Jäger Lecoultre, lesquelles ont conclu reconventionnellement à l'annulation du brevet. Statuant en dernière instance le 18 mars 1958, le Tribunal fédéral a admis la validité du brevet.
En 1960, dans un procès pour contrefaçon, porté en première instance devant le Tribunal fédéral par la Fabrique des montres Vulcain et Studio SA, Enicar SA, fabrique d'horlogerie à Longeau, a conclu à la nullité du brevet. Statuant, le 14 novembre 1961, le Tribunal fédéral en a derechef reconnu la validité.

B.- Le 31 janvier 1963, la Fabrique des montres Vulcain et Studio SA a ouvert action devant le Tribunal cantonal neuchâtelois contre treize fabriques d'horlogerie. Elle demandait des dommages-intérêts pour contrefaçon du brevet no 259 170, décrit ci-dessus et expiré aujourd'hui depuis plus de sept ans. Les défenderesses ont invoqué la nullité du brevet. Contre trois défenderesses, l'action a pris fin par une transaction.
Le 1er juillet 1968, le Tribunal cantonal neuchâtelois a prononcé la nullité du brevet no 259 170.

C.- La Fabrique des montres Vulcain et Studio SA a formé un recours en réforme; elle requiert le Tribunal fédéral de constater la validité du brevet no 259 170 et de renvoyer la cause à la cour cantonale.
Les intimées concluent au rejet du recours.

Erwägungen

Considérant en droit:

I. ...

II. Le brevet litigieux ayant été délivré avant le 1er janvier 1956, sa validité doit, selon l'art. 112 LBI, être établie conformément à l'art. 16 LBI 1907.
BGE 94 II 319 S. 322

III. Les défenderesses, et après elles le Tribunal cantonal neuchâtelois, admettent - ce qui avait déjà été soutenu dans les deux procès précédents - que les brevets français, américain, belge et anglais, obtenus en 1885 et 1886 par Bapst et Falize, ainsi que la montre de poche dite "Cigale", qui en est l'application pratique, constituent une antériorité. Ils soutiennent qu'au regard de celle-ci, le brevet no 259 170 ne définit pas une invention nouvelle et, de plus, qu'en considération de l'état de la technique au jour du dépôt de la demande, état qui serait déterminé par le brevet Bapst et Falize, le brevet no 259 170 n'emporterait pas un progrès technique et ne procéderait pas non plus d'une idée créatrice.

IV.1. Selon l'art. 4 LBI 1907, ne sera pas réputée nouvelle l'invention qui, avant le dépôt de la demande, aura été divulguée en Suisse ou exposée, par des écrits ou des dessins, dans des publications se trouvant en Suisse, de manière à pouvoir être exécutée par des hommes de métier. Il suffit donc en principe que l'invention ait été exposée d'une façon quelconque et rendue accessible au public; peu importe que les gens du métier en aient effectivement pris connaissance et qu'elle ait été ou non insérée dans des publications où ils puisent, d'ordinaire, leurs informations.

IV.2. Du point de vue de la nouveauté, le brevet Bapst et Falize pourrait en tout cas exclure la validité du brevet no 259 170 du fait qu'il a été divulgué en Suisse dans l'acception que ce terme prend à l'art. 4 LBI 1907 et que l'on vient de définir. Premièrement, en effet, trois exemplaires de la montre Cigale ont été périodiquement exposés en vitrine, à Genève, par la maison Vacheron et Constantin et ont été vendus, l'un en 1910, les deux autres en 1923. Secondement, un résumé en anglais du brevet américain de Bapst et Falize a été publié et se trouve à la disposition du public à la bibliothèque de l'Ecole polytechnique fédérale depuis le 21 octobre 1900 au moins; cette publication est assez explicite pour que l'homme du métier puisse exécuter l'objet du brevet. Ces deux faits constituent, à eux seuls, une divulgation suffisante, de sorte qu'il n'est pas nécessaire de rechercher ce qu'il en est à cet égard de la publication
BGE 94 II 319 S. 323
- ignorée avant la présente procédure - d'une description de la montre Cigale dans la revue "La Nature", qui se trouve dans quinze bibliothèques publiques, en Suisse.

IV.3. Selon la doctrine et la jurisprudence constante, l'invention est réputée nouvelle tant qu'une antériorité, fût-elle divulguée, n'en fournit pas, prise isolément, tous les éléments constitutifs. Pour qu'elle exclue la nouveauté, il faut que l'antériorité pose le même problème et le résolve d'une façon identique dans tous les éléments nécessaires à l'homme du métier. Il doit y avoir identité des éléments constitutifs du brevet (RO 58 II 69 s.; BLUM et PEDRAZZINI, n. 7 ad art. 7 LBI, p. 344; TROLLER, Immaterialgüterrecht, t. I, p. 203). La divulgation étant prise, à l'art. 4 LBI 1907, dans un sens très large, il est juste, en revanche, d'exiger que les éléments constitutifs des deux inventions comparées soient strictement identiques.
Se fondant sur l'avis des experts judiciaires, l'autorité cantonale a admis que les brevets Bapst et Falize, divulgués comme on l'a dit plus haut, excluaient la nouveauté du brevet no 259 170, lequel n'innoverait que par la réduction d'une montre de poche au calibre d'une montre-bracelet, réduction qui serait à la portée d'un homme du métier. C'est là une appréciation juridique reposant sur des constatations de fait d'ordre technique, que le Tribunal fédéral revoit librement de par l'art. 67 OJ. La cour recherchera donc s'il y a identité entre les éléments constitutifs de l'un et l'autre brevet.

IV.4. a) Le mécanisme qui provoque la vibration de la membrane diffère dans les deux montres (Cigale et Cricket); il est hors de cause, car il ne fait pas l'objet du brevet.
b) Les montres, objets des deux brevets, diffèrent par leurs dimensions. Les experts estiment cependant que, sur la base du brevet Bapst et Falize tel qu'il a été divulgué en Suisse, l'homme du métier est en mesure d'exécuter, au lieu de la montre de poche décrite, une montre-bracelet, c'est-à-dire un mouvement d'un calibre très sensiblement inférieur. C'est là un point de fait de nature technique. La cour n'a cependant aucune raison de révoquer en doute les constatations des experts, ni d'ordonner un complément d'instruction à cet égard, complément qui n'est du reste pas requis (RO 91 II 70 s.). Du fait qu'un homme du métier pouvait, sur la base de ce qu'on avait divulgué du brevet Bapst et Falize, reproduire la montre de poche à une échelle réduite pour en faire une montrebracelet,
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seul point décisif pour la nouveauté, il ne suit du reste pas encore que le modèle ainsi réduit présenterait les mêmes qualités techniques. A cet égard, par conséquent, la recourante allègue en vain que, si l'on diminuait d'un tiers environ la surface de la membrane acoustique, la sonorité en serait réduite au point que le fonctionnement du dispositif d'alarme ne serait pratiquement plus du tout audible.
c) Sur une autre question, en revanche, les deux inventions diffèrent nettement l'une de l'autre.
Selon le brevet no 259 170, la membrane acoustique sert en même temps de fond à la montre; sa fonction est d'assurer à la fois l'étanchéité de la boîte et de propager avec un rendement élevé les vibrations sonores. Dans le brevet Bapst et Falize, la membrane sonore est, au contraire, fixée à la cuvette, qui est ajourée pour laisser passer le son; un couvercle ajouré lui aussi, s'y ajoute encore. Du côté opposé au cadran, le mouvement de la montre Cigale est ainsi couvert par trois organes successifs, tandis qu'il n'y en a que deux dans la montre Cricket, la membrane sonore et le fond étant combinés en une seule pièce.
Sans doute, dans la montre Cigale, la membrane acoustique, sertie sur le bord de la cuvette, assure-t-elle en fait une certaine étanchéité. Mais, de l'avis des experts judiciaires, elle ne remplit cette fonction que partiellement. Dans la montre Cricket, en revanche, la membrane sonore, du fait qu'elle réalise une étanchéité - dont on ne se préoccupait nullement à l'époque où Bapst et Falize ont pris leur brevet - constitue quelque chose de nouveau, de différent par rapport à la prétendue antériorité. Peu importe, du point de vue de la nouveauté, que, comme le relèvent les experts, cette modification fût commandée par l'abandon de la cuvette dans la montre moderne.
d) Le brevet Bapst et Falize ne s'occupe que de la vibration de la membrane acoustique; il est muet sur les moyens qui permettraient de transmettre cette vibration à l'air ambiant. Cette transmission, au contraire, est gênée par le couvercle. De plus, le même brevet ignore le problème de la protection de la membrane; l'existence d'une cuvette éliminait le problème.
La revendication du brevet no 259 170, en revanche, pose ces deux questions. Les moyens employés pour les résoudre sont exposés dans la description qui est jointe à la revendication et se réfère à deux dessins, l'un en plan, l'autre en coupe: la membrane acoustique avec le couvercle de la montre (qui joue,
BGE 94 II 319 S. 325
lui aussi le rôle d'organe protecteur) et le volume d'air compris entre eux constituent un petit résonateur.
e) Vu ces différences, qui portent sur les éléments constitutifs des deux objets brevetés, on ne saurait admettre que ces objets soient identiques. Partant, la solution adoptée, sur ce point, par la cour cantonale repose sur une application erronée de l'art. 4 LBI 1907. Au contraire de ce qu'a jugé cette cour, le brevet no 259 170 définit un objet nouveau.

V.1. Pour que l'objet d'un brevet constitue une invention, il ne suffit pas qu'il soit nouveau; il faut encore qu'il réalise un progrès technique clairement reconnaissable et essentiel dans le domaine qu'elle concerne. Pour juger si cette condition est remplie, on compare l'état de la technique avant et après le dépôt du brevet litigieux. Enfin, l'objet du brevet doit procéder d'une idée créatrice, d'un certain degré d'originalité, le niveau inventif. Ici encore, il faut se référer à l'état de la technique et rechercher si un homme du métier, possédant une bonne formation et connaissant ainsi l'état de la technique, était capable de réaliser l'invention, grâce à son expérience et à ses capacités, par un effort intellectuel normal (RO 85 II 138 et 513 et les arrêts cités).

V.2. Pour son appréciation du progrès technique et du niveau inventif, la cour cantonale s'est fondée sur l'état de la technique résultant de la description de la montre Cigale, parue dans la revue "La Nature", en 1890.
Elle a jugé à bon droit que si c'est bien ce critère qui détermine l'état de la technique au jour du dépôt de la demande, le brevet no 259 170 n'entraîne pas un progrès technique et n'atteint pas non plus un niveau inventif suffisant. Mais elle a constaté aussi que la publication parue dans la revue "La Nature", touchant la montre Cigale, était le seul élément qui justifiait cette conclusion. Si l'on fait abstraction de cet article, en revanche, il faut admettre que le brevet no 259 170 apporte un progrès technique et une idée nouvelle répondant au niveau inventif indispensable. Les défenderesses, en effet, n'ont offert aucune autre preuve que la montre Cigale et leur démonstration repose uniquement sur sur cette base. Quant à l'expertise, elle se ramène tout entière à une appréciation du brevet no 259 170 par référence à la montre Cigale.
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Le jugement attaqué ne pourra donc subsister que si la cour cantonale s'est fondée sur une juste notion de l'état de la technique et du niveau inventif en faisant intervenir, pour en juger, la publication relative à la montre Cigale dans la revue "La Nature", en 1890.

V.3. Dans son arrêt du 14 novembre 1961, rendu dans une cause qui opposait la présente demanderesse et recourante à Enicar SA (RO 87 II 269), le Tribunal fédéral a défini l'état de la techique dans les termes suivants:
"Une antériorité peut consister, selon l'art. 4 LBI de 1907, dans une realisation ou une publication antérieure ignorée ou complètement oubliée des techniciens. Cette disposition introduit donc, en matière de nouveauté, une notion de l'état de la technique qui est une pure fiction (BLUM/PEDRAZZINI, Das schweiz. Patentrecht I ad art. 7, rem. 6 p. 342; TROLLER, Immaterialgüterrecht I p. 202 et ss.).
" Il n'en est pas de même dans le domaine du progrès techique et du niveau inventif, Ici, l'état de la technique s'apprécie selon les connaissances effectives des hommes du métier. On ne doit tenir compte d'une invention antérieure que si elle a réellement exercé une influence sur l'état de la technique. Lors donc que, par exemple, une publication n'a pas été divulguée ou est tombée dans l'oubli, on ne peut la prendre en considération pour juger si l'objet d'un brevet litigieux constitue une invention (MATTER, Aktuelle Fragen aus dem Gebiet des Patent- und des Patentprozessrechtes, RDS 1944, p. 30 a; TROLLER, op.cit., p. 199)". TROLLER, dans la 2e édition de l'ouvrage précité (p. 220), a souscrit à cette jurisprudence.
On recherchera donc, en l'espèce, si l'invention de Bapst et Falize a réellement exercé une influence sur l'état de la technique et faisait partie des connaissances effectives de l'homme du métier.

V.4. Lorsqu'un périodique largement diffusé dans les milieux techniques décrit un procédé ou un mécanisme nouveau, on peut présumer que les techniciens en ont pris connaissance et que ce procédé ou ce mécanisme s'est inséré dans l'état de la technique. Mais la présomption n'existe pas lorsque la description remonte à de nombreuses années et n'a eu aucune influence sur la technique (très nettement dans ce sens; MATTER, loc.cit.; cf. GRUR Ausl. 1965 p. 577).

V.5. En l'espèce, la cour cantonale, suivant l'avis des experts,
BGE 94 II 319 S. 327
admet que l'existence, en Suisse, depuis 1902, d'une ou plusieurs montres de poche Cigale n'était apparemment connue que de quelques personnes et que l'on n'en saurait conclure que tout homme du métier devait en être informé. En revanche, de l'avis de cette même cour, tel n'est pas le cas de la description de la montre Cigale parue dans "La Nature", et cela à cause de la large diffusion de cette revue. C'est en raison de cet unique "fait nouveau" que la cour cantonale a admis que la montre Cigale avait exercé une influence sur l'état de la technique et que, partant, le brevet no 259 170 n'avait pas entraîné de progrès technique.
Cependant, la publication, dans la revue "La Nature", est antérieure de plus de cinquante ans au dépôt de la demande de brevet. De plus, même si cette revue est largement répandue et accessible au public dans plusieurs bibliothèques, en Suisse, elle n'est cependant pas spécialisée dans les problèmes de l'horlogerie ou, plus généralement, de la mécanique. Elle s'occupe de toutes les sciences, de la géographie à la botanique et à la biologie; c'est une revue de culture scientifique générale. Ce n'est pas là que le technicien de l'horlogerie, au cours de recherches, ira puiser sa documentation technique spéciale.
La cour cantonale n'a pas constaté et les défenderesses ne semblent pas avoir tenté de prouver que la publication touchant la montre Cigale eût encore été connue de quiconque lors du dépôt de la demande. Au surplus, le jugement déféré rappelle lui-même que Guye, directeur de l'Ecole d'horlogerie de La Chaux-de-Fonds, un des meilleurs connaisseurs de l'état de la technique horlogère, chargé par le Département fédéral de l'économie publique d'examiner la valeur du mécanisme breveté sous le no 259 170, n'a pas mentionné le brevet Bapst et Falize au nombre de ceux qu'il cite dans le domaine des montresréveils; il paraît ne pas le connaître.

V.6. Sans doute, il importerait peu que la publication fût oubliée et que l'auteur de l'invention eût sombré dans l'oubli si l'invention, elle, se fût imposée dans la pratique et eût été effectivement connue des horlogers, en 1943. Or, bien au contraire, selon les faits constants, la publication dans la revue "La Nature" n'a pas eu d'influence sur la technique ou, tout au moins, n'en avait plus aucune au mois de septembre 1943 lorsque la demande de brevet fut déposée (montre Cricket). A ce moment en effet et depuis un certain nombre d'années,
BGE 94 II 319 S. 328
selon le jugement attaqué, plusieurs fabriques d'horlogerie importantes s'étaient attaquées, sans parvenir à le résoudre, au problème de la montre-bracelet-réveil. Aucune solution n'avait été trouvée. Divers systèmes ont été proposés dans ce domaine, fondés sur des techniques différentes, allant jusqu'à l'avertisseur tactile; mais ils n'ont eu aucun succès. De plus, la forte sonorité de la montre Cricket a surpris le monde horloger. Par la réalisation de cette montre, la recourante a vaincu un préjugé technique, les gens du métier ne pensant pas que l'on pût obtenir un son aussi intense d'un dispositif acoustique logé dans une boîte de petites dimensions. Enfin, dès son apparition sur le marché, la montre Cricket a été contrefaite par de nombreux fabricants, qui en ont produit des dizaines de milliers d'exemplaires.
Ces faits prouvent qu'au mois de septembre 1943, les connaissances effectives des hommes du métier ne permettaient pas de résoudre convenablement le problème de la montre-braceletréveil. Ils établissent de façon manifeste que le procédé Bapst et Falize, qui, selon la cour cantonale, met à la portée de l'homme du métier la solution de ce problème, n'avait, en réalité, exercé aucune influence sur l'état de la technique et ne faisait pas partie des connaissances effectives de l'homme du métier.
Sur ce point, par conséquent, l'arrêt entrepris se fonde sur une conception erronée de l'état de la technique. Car on ne saurait tenir compte, pour déterminer cet état, de publications qui, comme celle de la revue "La Nature", étaient totalement tombées dans l'oubli, d'où on les a tirées pour les fins d'un procès relatif à un brevet (MATTER, loc.cit.). Dans la présente espèce, la profondeur de l'oubli où était tombée la description de la montre Cigale se mesure à la peine que l'on a eue à la redécouvrir; ce n'est qu'au troisième procès, plus d'une dizaine d'années après les nombreuses mises en garde et démarches diverses de la recourante, que les défenderesses sans doute actives et disposant de moyens de recherche efficaces, ont pu alléguer ce fait nouveau. Du reste, la nouveauté du fait, à elle seule, prouve que les hommes du métier l'ignoraient.

Dispositiv

Par ces motifs, le Tribunal fédéral:
1. Admet le recours, annule l'arrêt attaqué et renvoie la cause à l'autorité cantonale pour nouvelle décision.