Urteilskopf
101 II 149
29. Arrêt de la IIe Cour civile du 13 mars 1975 dans la cause Bory contre Lullin.
Regeste
1. Überprüfungsbefugnis des Zivilrichters mit Bezug auf Verwaltungsentscheide (E. 3).
2. Die Genehmigung eines landwirtschaftlichen Pachtvertrages, der eine kürzere als die gesetzliche Mindestdauer vorsieht, durch die zuständige kantonale Behörde braucht nicht begründet zu werden; sie ist jedoch in jedem Fall beiden Vertragsparteien zur Kenntnis zu bringen (E. 4).
3. Der Pächter, der einen Pachtvertrag unterzeichnet hat und sich später auf dessen Gesetzwidrigkeit beruft, handelt nicht rechtsmissbräuchlich (E. 5).
A.- Le 1er novembre 1957, Robert Lullin a remis à ferme à Henri Bory le domaine agricole de quelque 22 ha dont il est propriétaire. Les terres affermées se trouvent sur le territoire
BGE 101 II 149 S. 150
des communes de Troinex et de Plan-les-Ouates (canton de Genève). Le bail est entré en vigueur le 30 novembre 1957 et devait à l'origine prendre fin le 30 novembre 1966; il a cependant été prolongé de trois ans, soit jusqu'au 30 novembre 1969. Le délai de résiliation était fixé à une année.Le 28 novembre 1968, Robert Lullin a résilié le contrat pour le 30 novembre 1969. Il s'est toutefois déclaré prêt à reconduire le bail d'année en année, en en excluant toutefois une surface de 6 ha, destinée à la vente. Les parties n'ont pu tomber d'accord sur les modalités de la prolongation du bail.
Le 7 mai 1970, Robert Lullin a proposé à Henri Bory de renouveler l'ancien bail pour la période du 1er décembre 1969 au 30 novembre 1971. La surface affermée était réduite à 16,3 ha et le fermage à 5'400 fr. par an. Faute de résiliation une année avant l'échéance, le bail devait se renouveler tacitement par périodes de deux ans. Henri Bory a signé ce bail.
Robert Lullin a soumis le contrat au Service genevois de l'agriculture, qui a mentionné, sur l'exemplaire du bail en mains du propriétaire:
"Vu le 21.5.70.
Le chef du Service de l'agriculture:
M. Dugerdil".
L'exemplaire du contrat en mains du fermier ne porte en revanche aucun visa.
Le 28 novembre 1970, Robert Lullin a résilié le bail pour le 30 novembre 1971. Henri Bory a contesté le bien-fondé de cette résiliation, faisant valoir que le bail devait être conclu pour une durée minimum de six ans et que, faute d'une autorisation officielle de déroger à cette règle, il ne pouvait être résilié que pour le 30 novembre 1975.
B.- Après l'échec de pourparlers amiables, Robert Lullin a requis l'expulsion de Bory devant le Tribunal de première instance de Genève.
Le 15 novembre 1973, le Tribunal a rejeté l'action; il y a admis que Robert Lullin avait obtenu une dérogation à la règle légale sur la durée minimum des baux mais qu'elle était affectée, sur le plan du droit matériel surtout, de vices de nature à l'empêcher de déployer ses effets.
C.- Sur recours de Lullin, la Cour de justice de Genève a réformé ce jugement et condamné Bory à évacuer les terres et
BGE 101 II 149 S. 151
locaux affermés. Elle a admis que Lullin avait requis et obtenu l'autorisation de conclure un bail de deux ans, qu'il n'incombait pas au juge civil de rechercher si cette autorisation administrative était justifiée sur le plan du droit matériel et que, faute d'être nulle, elle le liait.
D.- Bory recourt en réforme contre ce jugement concluant au rejet des conclusions prises contre lui par Robert Lullin. Celui-ci propose le rejet du recours.
Considérant en droit:
3. Les décisions administratives formellement en vigueur lient en principe le juge civil, qui ne peut les réexaminer d'une manière indépendante. Un tel contrôle constituerait en effet une immixtion inadmissible du juge civil dans la sphère de compétence de l'autorité administrative (GULDENER, Schweizerisches Zivilprozessrecht, 2e éd., p. 30, N. 12, et Grundzüge der freiwilligen Gerichtsbarkeit, p. 68 ss; LEUCH, Die Zivilprozessordnung für den Kanton Bern, 3e éd., p. 9; KUMMER, Grundriss des Zivilprozessrechts, 2e éd., p. 22; GRISEL, Droit administratif suisse, p. 94/95). Ce principe est applicable aux contrats de droit civil lorsqu'ils doivent être approuvés par une autorité administrative (RO 80 II 162).
Dans le seul cas où l'autorisation administrative se révèle absolument nulle, elle ne lie pas le juge civil. Mais le pouvoir d'examen du juge se limite à cette vérification.
4. La Cour cantonale a retenu qu'en apposant son visa sur l'exemplaire du contrat du bailleur, le chef du Service genevois de l'agriculture avait entendu attester son autorisation de conclure le bail pour une durée inférieure au minimum légal. Cette constatation de fait lie le Tribunal fédéral en instance de réforme.
a) Il est établi que cette autorisation n'a pas été signifiée. Le chef du Service de l'agriculture n'a apposé son visa que sur l'exemplaire du bail destiné au propriétaire. Certes, il a eu des entretiens avec le recourant et il l'a orienté sur ses droits. Mais la date exacte de ces entretiens n'est pas connue; il n'est pas non plus établi qu'à cette occasion, le recourant ait donné son accord à la dérogation, ou même ait été informé du fait que l'autorisation de conclure un bail de deux ans avait été consentie.
b) Le recourant invoque une série de vices affectant à son avis la validité de la décision litigieuse. Celle-ci serait nulle faute d'indication de motifs - et d'ailleurs faute de motifs justifiant l'octroi de l'autorisation. En outre, elle serait affectée d'un vice fondamental dès lors qu'elle ne contient pas l'indication des voies de recours et qu'elle n'a pas été régulièrement communiquée aux deux parties.
C'est en vain que le recourant fait valoir l'absence de motifs d'accorder en l'espèce l'autorisation de conclure un bail pour une durée inférieure au minimum légal. Même si tel était le cas, l'autorisation du chef du Service de l'agriculture ne serait pas nulle pour autant. La sécurité du droit exige que, sauf circonstances tout à fait exceptionnelles, les vices affectant un acte administratif sur le plan du droit matériel ne le rendent pas nul (GULDENER, Grundzüge der freiwilligen Gerichtsbarkeit, p. 77 ss; GRISEL, op.cit., p. 207; IMBODEN, Schweizerische Verwaltungsrechtsprechung, 3e éd., vol. I, p. 190/91 et Der nichtige Staatsakt, p. 137 ss).
En revanche, c'est à bon droit que le recourant peut invoquer le fait de n'avoir pas eu connaissance de la décision du Service de l'agriculture et de ses moyens de recours. La questions de la durée du bail a une grande importance pour les deux parties contractantes. L'autorité administrative se trouvait ainsi dans l'obligation de communiquer sa décision non seulement au requérant, mais aussi à son cocontractant (cf. GULDENER, Grundzüge der freiwilligen Gerichtsbarkeit, p. 59 ch. 4), et ce d'autant plus, en l'espèce, que les dispositions sur la durée minimum des baux ont été édictées principalement dans l'intérêt du fermier.
Faute d'avoir connaissance de la décision de l'autorité, le recourant restait dans l'ignorance non seulement de la durée du bail, mais aussi des voies de droit dont il pouvait disposer pour contester le bien-fondé de la dérogation. Le vice affectant ainsi sur le plan formel la décision du chef du Service de l'agriculture est si fondamental qu'il conduit à admettre la nullité absolue de cette décision (IMBODEN, Verwaltungsrechtsprechung, vol. II p. 633/34, ch. V, et Der nichtige Staatsakt, p. 133 ss).
On ne saurait reprocher au recourant de n'avoir pas fait usage de son droit de recours administratif dès qu'il a eu connaissance du fait que la dérogation à la règle légale avait
BGE 101 II 149 S. 153
été accordée et de ses moyens de recours. Quand bien même il a fini par prendre connaissance de la décision du Service de l'agriculture au moment de la résiliation de son bail, cette circonstance ne valait pas communication; d'ailleurs, dans la mesure où elle était intervenue après coup, elle ne pouvait couvrir le vice initial dont la décision était affectée. Enfin, le recourant pouvait légitimement mettre en doute qu'un simple visa vaille autorisation.
5. L'intimé a signé de son plein gré le contrat qui fixait à deux ans la durée du bail. Il ne commet cependant pas un abus de droit en faisant valoir par la suite que, sur ce point, sa signature ne l'engage pas. Lorsque le législateur restreint l'autonomie des parties dans l'intérêt de la partie la plus faible, cela implique que celle-ci peut ensuite faire valoir que le contrat n'est pas conforme aux exigences légales. En l'espèce, le seul fait que le recourant a signé le contrat ne signifie pas qu'il était d'accord avec la dérogation prévue et qu'il l'admettait par avance.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral:
Admet le recours.