Urteilskopf
101 II 357
59. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 2 octobre 1975 dans la cause Blanchard et consorts contre Entreprises Immobilières S.A.
Regeste
Art. 44 f., 48 OG.
Ein summarisches Ausweisungsverfahren wegen Nichtbezahlung des Mietzinses innert der Frist des Art. 265 OR betrifft keine Zivilrechtsstreitigkeit, und die Ausweisungsverfügung ist kein berufungsfähiger Endentscheid.
A.- Les 30 et 31 août 1972, la société Entreprises immobilières S.A. a conclu avec Louis Blanchard, Dino Zanotti et dame Michèle Zanotti trois contrats de bail portant sur divers locaux destinés à l'exploitation d'un café-restaurant, dans l'immeuble 8 rue Beau-Site à Genève, et sur deux appartements de trois et deux pièces, dans le même immeuble. La durée du premier contrat était de cinq ans, celle des deux autres de trois ans. La société louait en outre une cave à Blanchard, selon un bail du 23 août 1968. Par lettre du 26 septembre 1973, constatant que les locataires ne payaient leur loyer qu'après poursuites, la bailleresse leur a signifié qu'elle révoquait la "facilité ... accordée par le bail de payer le loyer par mois d'avance" et qu'elle exigeait qu'il fût payé, dès le 1er décembre 1973, par trimestre d'avance.
B.- Le 27 mars 1974, Entreprises immobilières S.A. a mis en demeure les locataires de payer dans les trente jours diverses sommes correspondant au loyer trimestriel exigible du 1er mars au 31 mai 1974, pour les différents contrats de bail. Cette mise en demeure était signifiée avec menace de résiliation et de requête d'évacuation par voie de procédure sommaire à l'expiration du délai, conformément à l'art. 265 CO. Au début mai 1974, la bailleresse a formé une requête d'expulsion contre les locataires. Ceux-ci ont payé le 13 mai 1974 le loyer du trimestre en question, et la cause a été suspendue le 12 juin. Une nouvelle poursuite pour le loyer du trimestre suivant n'a pas eu de suite.
Un commandement de payer notifié le 3 janvier 1975, relatif aux loyers et provisions de tous les locaux, pour novembre 1974 et le trimestre du 1er décembre 1974 au 28 février 1975, est resté sans opposition. La bailleresse a requis la reprise de l'instance d'expulsion.
Statuant par voie de procédure sommaire le 13 mars 1975, le Tribunal de première instance de Genève a condamné Blanchard, Zanotti et dame Zanotti à évacuer immédiatement les locaux occupés dans l'immeuble 8 rue Beau-Site à Genève.
Saisie d'un appel des défendeurs, la Cour de justice du canton de Genève a confirmé ce jugement par arrêt du 16 mai 1975.
C.- Louis Blanchard, Dino et Michèle Zanotti recourent en réforme au Tribunal fédéral en concluant à ce que l'ordre d'évacuation immédiate à eux signifié fût annulé et à ce qu'ils
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fussent mis au bénéfice de "baux renouvelés tacitement pour une durée indéterminée".L'intimée propose le rejet du recours.
Considérant en droit:
1. Hormis les cas limitativement énumérés aux art. 44 litt. a à d et 45 litt. b OJ, le recours en réforme n'est recevable que dans les contestations civiles (Zivilrechtsstreitigkeiten). La jurisprudence entend par contestation civile une procédure qui vise à provoquer une décision définitive sur des rapports de droit civil et qui se déroule en instance contradictoire, devant un juge ou toute autre autorité ayant pouvoir de statuer, entre deux ou plusieurs personnes physiques ou morales agissant comme titulaires de droits privés, ou entre une telle personne et une autorité à laquelle le droit civil confère la qualité de partie (RO 91 II 139, 396, 92 II 130, 94 II 57, 97 II 13 s., 98 II 149, 275, 100 II 7, 292).
En l'espèce, le litige porte sur une décision d'expulsion de locataires dont les baux ont été résiliés pour cause de non-paiement des loyers dans le délai de 30 jours fixé par le bailleur selon l'art. 265 CO. Lorsque le preneur mis en demeure ne paie pas le loyer échu dans le délai imparti par le bailleur conformément à cette disposition, le bail est résilié. La procédure d'expulsion consécutive à cette résiliation est une procédure d'exécution forcée soumise au droit cantonal (RO 77 I 181). Il s'agit d'une procédure sommaire (OSER/SCHÖNENBERGER, n. 9 ad art. 265 CO; BECKER, n. 9 ad art. 265 CO; E. HAURI, Die Exmission infolge Zahlungsverzuges, thèse Zurich 1932, p. 66; RO 31 I 237, 77 I 182), réglée à Genève par les art. 417 ss de la loi de procédure civile.
Certes, une décision rendue en procédure sommaire peut régler définitivement un litige portant sur des droits privés et constituer alors une "décision finale" ouvrant la voie du recours en réforme (RO 82 II 562, 84 II 78, 85 II 279 s.). Mais la décision d'expulsion du locataire consécutive à la résiliation du bail selon l'art. 265 al. 1 CO n'est pas une décision rendue dans une contestation civile et qui règle définitivement les rapports de droit privé entre le preneur et le bailleur (RO 22 p. 1077; BIRCHMEIER, p. 164 en haut; cf. aussi RO 30 II 99 s. consid. 5, 81 II 85). C'est une décision relevant de l'exécution
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forcée, régie par le droit cantonal, qui a pour objet une obligation de faire, savoir l'évacuation par le preneur des locaux loués (RO 77 I 181). Même si, comme c'est le cas à Genève, le droit cantonal confère au juge compétent pour décider de l'expulsion le pouvoir d'examiner librement si les conditions de celle-ci sont réalisées, ce qui est admissible au regard du droit fédéral (RO 77 I 182), le juge de l'expulsion ne statue pas définitivement sur les droits que le preneur peut avoir contre le bailleur. Ainsi, s'il n'admet pas qu'il y ait eu conclusion d'un nouveau bail, résultant d'une manifestation tacite de volonté du bailleur après la résiliation, et qu'il ordonne l'évacuation des locaux par le preneur, sa décision ne tranche pas définitivement la question de l'existence du nouveau bail allégué, et elle n'est pas susceptible d'acquérir l'autorité de la chose jugée sur ce point. Si le preneur expulsé, qui a dû évacuer les locaux, actionne le bailleur en dommages-intérêts en invoquant derechef la conclusion d'un nouveau bail, le juge du fond saisi de ce procès ne sera pas lié par la décision du juge de l'expulsion niant l'existence d'un tel bail.L'instance en expulsion introduite par l'intimée contre les recourants n'est dès lors pas une contestation civile au sens de l'art. 46 OJ et l'arrêt déféré, qui confirme le jugement de première instance condamnant les recourants à évacuer les locaux, n'est pas une décision finale au sens de l'art. 48 OJ. Le recours en réforme est partant irrecevable. L'arrêt de la Cour de justice ne pouvait être attaqué que par la voie du recours de droit public pour violation de l'art. 4 Cst.