Urteilskopf
102 II 103
18. Arrêt de la IIe Cour civile du 29 avril 1976 dans la cause Zurich, compagnie d'assurances contre Masse en faillite de la Société en nom collectif Agence immobilière H. Golay et P.E. Chapuis, en liquidation.
Regeste
Art. 401 OR, 197 SchKG: Wirkungen des Konkurses auf das Vermögen des Beauftragten.
1. Die in Art. 401 OR enthaltene Ausnahme von der allgemeinen Regel des Art. 197 SchKG findet auf alle Formen des Auftrages Anwendung, aber sie bezieht sich nur auf die Forderungen oder die beweglichen Sachen, die der Beauftragte in seinem eigenen Namen auf Rechnung des Auftraggebers erworben hat (Erw. I, 1).
2. Grundsätzlich bezieht sich diese Ausnahme daher weder auf die Geldsummen, die der Beauftragte vor seinem Konkurs eingezogen hat (Erw. II, 1), noch auf die Forderungen oder die beweglichen Sachen, die er nicht im Zusammenhang mit der ordentlichen Ausführung seines Auftrages erworben hat (Erw. II, 2 lit. b).
3. Damit Art. 401 OR gegebenenfalls auch auf eine Geldsumme Anwendung finden kann, muss diese zum mindesten individualisiert sein und darf dem Beauftragten nicht mehr zur freien Verfügung stehen (Erw. II, 4 und 5).
A.- La société en nom collectif Agence immobilière H. Golay et P.E. Chapuis (dans la suite: l'agence) pratiquait sur la place de Lausanne la gérance immobilière. Elle gérait notamment plusieurs immeubles locatifs appartenant à la société d'assurances La Zurich. Le 4 février 1975, à la suite de difficultés financières, elle est entrée en liquidation.
Le 3 février, l'associé Chapuis fit connaître par téléphone la situation de la société à La Zurich. Le lendemain, un représentant de cette dernière, le sieur Lutz, se rendit à Lausanne et avisa avec Chapuis aux mesures à prendre.
L'agence percevait en effet les loyers à son compte de chèques postaux et reversait ensuite périodiquement à ses mandants ce qui leur était dû. Lutz et Chapuis convinrent
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d'un nouveau système d'encaissement: un nouveau compte de chèques postaux serait ouvert à Lausanne au nom de "La Zurich, Compagnie d'assurances, bureau de location Lausanne" sur lequel les locataires seraient invités à effectuer leurs paiements à l'avenir, à l'exclusion du compte de Golay et Chapuis. Mais la mise en place de ce nouveau régime demandait du temps. L'ouverture du nouveau compte, l'impression et la distribution de bulletins de versement à l'intention des locataires, exigeaient quelques jours. Les locataires ont ainsi continué dans un premier temps à payer au compte de chèques postaux de l'agence. Les liquidateurs avaient bien demandé aux PTT que ce compte fût résilié immédiatement, mais l'administration s'y est opposée en raison du grand nombre des versements, qui continuaient à affluer.Il avait alors été entendu entre Lutz et Chapuis que les montants des loyers versés sur ce compte seraient virés chaque jour à Zurich. Mais cette rétrocession immédiate n'a pas été effectuée, un des liquidateurs s'y étant opposé.
En revanche, les liquidateurs ont ouvert, le 7 février 1975, au Crédit suisse à Lausanne, un compte dit "Crédit suisse No 2" au nom de "Agence immobilière H. Golay et P.E. Chapuis en liquidation". Dès le 12 février 1975, les montants versés au compte de chèques postaux de l'agence ont été virés par celle-ci à ce compte "Crédit suisse No 2", et cela en deux fois: Fr. 358'394.85 le 12 février et Fr. 182'425 le 18 mars 1975. Ces sommes représentaient des loyers encaissés pour le compte de plusieurs mandants, dont La Zurich.
Pour chacun des immeubles qu'elle gérait, l'agence a établi un décompte où elle a porté
- le solde dû au mandant au 4 février 1975;
- le montant prétendument encaissé dès le 4 février 1975 et viré sur le compte ouvert au Crédit suisse;
- le solde en faveur du mandant sur son compte individualisé;
- les commissions et frais de gérance pour la période du 4 février au 31 mars 1975.
Selon La Zurich, un montant total de Fr. 104'351.25 a été ainsi perçu par l'agence à titre de loyers pour son compte et viré sur le compte "Crédit suisse No 2".
Pendant cette même période du 4 au 28 février 1975, l'agence a encaissé, par versement à son compte de chèques
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postaux, des loyers pour un montant total de Fr. 571'075.65, et ce pour le compte de nombreux mandants.Dès le début de mars 1975, les locataires ont payé leurs loyers directement à La Zurich.
La Zurich a revendiqué dans cette faillite le montant de Fr. 104'351.25 correspondant aux loyers encaissés pour son compte par l'agence et dont le montant a été viré, du 5 au 28 février. D'autres mandants ont formulé la même revendication.
L'administration de la faillite a contesté la revendication de La Zurich. Elle a sursis à statuer sur les revendications des autres mandants jusqu'à droit connu sur la présente revendication.
C.- Les parties ayant convenu de saisir directement le Tribunal fédéral de leur litige, La Zurich a ouvert action le 12 septembre 1975, concluant en substance à la remise par la masse de la somme de Fr. 104'351.25, consignée à l'Office de consignation cantonal vaudois.
La masse défenderesse conclut au rejet de la demande.
Considérant en droit: I.
I.1. En vertu de l'art. 197 LP, les biens propriété du débiteur lors de la déclaration de faillite tombent dans la masse et sont affectés au paiement des créanciers. L'art. 401 CO institue une exception en faveur du mandant. Selon cette règle, le mandant qui a satisfait à ses obligations est légalement subrogé aux droits du mandataire qui a acquis pour son compte des créances ou des choses mobilières. Il peut revendiquer dans la faillite du mandataire les créances et les biens meubles acquis pour son compte. Cette règle s'applique à n'importe quelle forme de mandat, pourvu que ses prémisses soient réalisées (arrêt Feras Anstalt c. Banca Vallugano S.A., RO 99 II 393 consid. 5 in fine, p. 396). Elle ne vise que les créances ou les choses mobilières que le mandataire acquiert en son nom pour le compte du mandant. Cette notion d'acquisition d'une créance contre un tiers a été interprétée
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largement dans un ancien arrêt, l'arrêt Schwob (RO 21, 1895, p. 809): un bailleur dépose en justice une somme d'argent à titre de garantie pour obtenir l'expulsion judiciaire d'un locataire, et cela sur mandat d'un tiers qui s'était porté caution du paiement du loyer et qui avait remis au bailleur la somme à consigner. Dans la faillite du bailleur, le Tribunal fédéral a admis que la caution revendique le montant consigné. Il a jugé que le bailleur avait acquis, contre l'office judiciaire, une créance en restitution de la somme consignée, et cela pour le compte de la caution, son mandant.
I.2. En l'espèce, toutefois, il n'est ni allégué ni établi que l'agence ait fait autre chose que d'encaisser à son nom les loyers versés à son compte de chèques postaux. Elle procédait à ces encaissements pour le compte de ses mandants, à l'égard desquels elle était redevable du montant des loyers après déduction des frais d'entretien et d'administration des immeubles et de son salaire de gérant. A ce titre, elle n'a acquis aucune créance pour le compte de ses mandants, ni contre les locataires, ni contre l'office des chèques postaux. Le produit des loyers, versés à son compte de chèques postaux et mélangés avec d'autres revenus de l'agence, ne constituent pas des créances contre des tiers acquises pour le compte des mandants au sens de l'art. 401 CO. La demanderesse ne le soutient d'ailleurs pas.
Le problème se ramène ainsi à savoir si, en consignant le montant brut des loyers à un compte bancaire spécial ouvert au nom de l'agence, compte dont La Zurich ne disposait donc pas, et où étaient versés également des encaissements ne la concernant pas, les parties ont satisfait à l'exigence de l'art. 401 CO. II.
II.1. Il faut poser qu'en règle générale, l'art. 401 ne s'applique pas à une somme d'argent encaissée par le mandataire avant la faillite (RO 87 III 22, 99 II 398 consid. 7).
Le premier de ces arrêts, par une référence à l'arrêt Schwob, de 1895 - où il s'agissait d'une créance contre un office judiciaire -, paraît admettre, sans trancher la question d'ailleurs, que la subrogation de l'art. 401 CO n'est pas exclue lorsque l'argent reçu par le mandataire a été placé dans un dépôt ou un compte spécial. Se référant à cet arrêt, l'arrêt Feras Anstalt
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admet que l'art. 401 s'applique lorsque l'argent encaissé par le mandataire est crédité "sur un compte libellé au nom du mandant et demeure séparé des autres fonds du mandataire" (consid. 7 p. 398).
II.2. Une telle solution ne doit cependant en aucun cas être généralisée, mais demeurer au contraire exceptionnelle et restreinte aux circonstances particulières de l'espèce.
a) En effet, premièrement l'art. 401 ne vise que les créances et les choses mobilières acquises par le mandataire et non les deniers ou des crédits à un compte de chèques postaux, difficilement individualisables et d'ailleurs non individualisés in casu.
La solution donnée dans la cause Feras Anstalt s'explique par des circonstances très particulières: la Banque Vallugano procédait à des prêts, en général à court terme, trois à quatre mois, sur des eurodollars, ces opérations donnant lieu à des reconductions successives. Parmi celles effectuées pour plusieurs clients, certaines, au jour du sursis concordataire, étaient en cours, avec cette conséquence que la banque était titulaire fiduciaire de créances, acquises pour le compte du client, auxquelles l'art. 401 CO s'appliquait sans discussion. Pour d'autres opérations en revanche, le prêt se trouvait remboursé au jour du sursis concordataire: le montant avait alors été crédité à un compte spécial ouvert au client en attendant soit ses instructions, soit une occasion de reconduction ou de nouvelle opération avec les mêmes fonds. Il était difficile, dans ces circonstances, d'adopter des solutions différentes selon que l'opération était en cours ou terminée - et encore sous réserve de renouvellement - au jour du sursis concordataire. Cela aurait eu pour effet de traiter de façon différente des opérations identiques selon la coïncidence des échéances avec la date du sursis concordataire.
Il a dès lors paru plus juste de considérer chacune de ces opérations comme un tout et d'étendre la subrogation "au crédit constitué par la somme d'argent versée sur les comptes spéciaux". Tant la créance du fiduciaire contre le tiers que les sommes payées en remboursement de cette créance, immédiatement placée sur un compte spécial, sont apparues comme ne devant pas être dissociées et comme propriété des mandants, ces comptes fiduciaires n'étant au surplus pas portés au bilan de la banque.
Cette construction était étayée par le fait que les sommes provenant du remboursement des prêts étaient immédiatement portées au crédit d'un compte spécial ouvert au nom du mandant. Ainsi la banque ne pouvait revenir, sauf instructions nouvelles du mandant, sur l'individualisation ainsi opérée par le versement à un compte spécial dont seul le mandant pouvait disposer.
b) En second lieu et surtout, l'art. 401 institue une subrogation légale aux droits que le mandataire a acquis contre des tiers. Cela implique à tout le moins que dans l'exercice régulier de son mandat, en exécution de son mandat, le mandataire acquière une créance ou des choses mobilières en son nom, pour le compte du mandant, comme cela est régulièrement le cas dans la commission d'achat, la fiducie et d'autres formes de représentation indirecte.
Le privilège, exorbitant du droit commun, de l'art. 401 CO se justifie par l'acte d'acquisition pour le compte du mandant d'une créance ou d'une chose mobilière individualisée, qui est assimilée à une créance ou une chose propriété du mandant. Son effet est d'atténuer la différence entre la représentation directe et la représentation indirecte. Le texte légal ne permet pas d'étendre cette exception au-delà du cas d'acquisition pour le compte du mandant.
Il n'y a notamment aucune raison de mettre au bénéfice de ce privilège toutes les créances du mandant contre le mandataire en faillite, et cela au préjudice de la masse des créanciers. Or c'est à cela que conduirait in casu l'admission de l'action, car l'ouverture d'un compte bancaire au nom du mandataire n'a été qu'un subterfuge tendant à constituer in extremis un tel privilège.
Dans l'affaire Vallugano, c'est parce que les sommes portées au compte spécial du fiduciant étaient le produit de créances acquises pour le compte des fiduciants que, par une sorte de remploi, la subrogation légale a pu être étendue aux sommes encaissées par le fiduciaire.
II.3. Dans la présente espèce, cette condition première d'application de l'art. 401 n'est ni alléguée ni établie. On sait seulement que des loyers ont été encaissés sans que de ce fait l'agence ait acquis une quelconque créance contre des tiers au sens de la disposition précitée.
Si, en déposant à un compte au Crédit suisse les loyers
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encaissés en février 1975, l'agence est bien devenue titulaire d'une créance contre cet établissement, ce n'est pas dans l'exercice de son mandat, lequel ne prévoyait nullement cette opération. Il s'agit d'une mesure prise par un débiteur qui se sait insolvable et qui tente de privilégier certains créanciers.Par ce motif, à lui seul décisif, la demanderesse ne peut invoquer l'art. 401.
Le compte Crédit suisse No 2 a été alimenté par deux versements, par prélèvement sur le compte de chèques postaux de l'agence, compte exclusif de toute individualisation.
Ce compte Crédit suisse No 2 comprend en outre des sommes revenant à d'autres créanciers, placés certes dans la même position juridique que la demanderesse, mais distincts. Les sommes versées globalement à ce compte ne correspondent pas exactement aux sommes encaissées pendant la période du 4 février au 18 mars 1975: s'y sont ajoutées diverses recettes, en ont été déduits divers débits, dont certains sont totalement étrangers aux encaissements en cause.
Il n'y a donc pas individualisation, ni même identité des sommes: c'est par une opération comptable que les liquidateurs de l'agence ont pu déterminer le solde revenant à la demanderesse.
II.5. Enfin, si un compte dit "spécial" a été ouvert, il l'a été au nom du mandataire, qui en a, jusqu'à la faillite, conservé l'entière disposition.
Il était ainsi loisible aux liquidateurs de prélever ce qu'ils voulaient sur ce compte ouvert en faveur de certains de leurs créanciers ou d'étendre le bénéfice de ce compte à d'autre créanciers encore. L'individualisation, toute relative, était ainsi révocable au bon plaisir du débiteur. Si l'on admettait la subrogation dans ce cas, le débiteur aurait le pouvoir de favoriser dans la mesure où il le voudrait tel de ses créanciers, ce qui est inconciliable avec le but de l'art. 401.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral:
Rejette la demande.