BGE 102 II 343
 
49. Arrêt de la Ire Cour civile du 15 octobre 1976 dans la cause Zufferey contre Etat du Valais
 
Regeste
Art. 58 OR. Verkehrsunfall auf einer kantonalen Nebenstrasse. Haftung des Strasseneigentümers.
2. Sicherheitsschranken sind auf Bergstrassen nur an Stellen anzubringen, wo eine wirkliche Unfallgefahr besteht (Erw. 2a).
3. Randsteine sollen die Fahrbahn begrenzen, nicht von der Bahn abgekommene Fahrzeuge aufhalten (Erw. 2b).
4. Auf Bergstrassen muss der Fahrer im Winter mit Fahrrinnen, die sich im harten Schnee bilden, rechnen und seine Fahrweise darauf einstellen (Erw. 3 und 4).
 
Sachverhalt


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A.- a) Le 5 février 1967, vers 15 h 30, Jean-Yves Zufferey descendait de Vercorin à Chalais au volant d'une automobile qui lui avait été prêtée. La chaussée était recouverte d'une couche de neige glacée dans laquelle le passage des véhicules avait formé des ornières de 7 à 10 cm de profondeur et 15 à 20 cm de largeur. Arrivé un peu au-dessus de Briey, sur un tronçon rectiligne, Zufferey vit venir, en sens inverse, une voiture conduite par Roger Gutmann, qui s'arrêta pour faciliter le croisement. Zufferey ralentit et braqua le volant à droite

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pour gagner une place d'évitement. Son automobile continua cependant à avancer dans les ornières; à 4 ou 5 m du véhicule de Gutmann, elle quitta brusquement les ornières, traversa la place d'évitement et fut précipitée dans le vide sur une pente très raide, où elle ne s'arrêta que 200 m plus bas. Le conducteur fut éjecté au cours de la chute et grièvement blessé.
b) Se fondant sur l'art. 58 CO, Zufferey a ouvert action contre l'Etat du Valais, propriétaire de la route, en réparation des dommages causés par l'accident. Il faisait état d'un vice de construction, faute de barrières de sécurité à l'endroit de l'accident, et d'un défaut d'entretien, le sablage de la chaussée glacée n'étant, selon lui, pas suffisant et les ornières n'ayant pas été supprimées.
B.- Le Tribunal cantonal valaisan a rejeté la demande le 25 novembre 1975. Il a considéré en substance que la responsabilité de l'Etat du Valais n'était pas engagée, car il n'y avait en l'espèce ni vice de construction, ni défaut d'entretien: l'accident était dû exclusivement à la faute du demandeur.
C.- Jean-Yves Zufferey a interjeté un recours de droit public et un recours en réforme. Dans ce dernier recours, il demande principalement que le jugement attaqué soit annulé, la cause étant renvoyée au Tribunal cantonal pour nouveau jugement dans le sens des considérants; subsidiairement, il conclut à la réforme en ce sens que l'Etat du Valais est condamné à lui verser la somme de 48'000 fr., avec intérêt à 5% dès le 5 février 1967.
L'Etat du Valais conclut au rejet du recours.
 
Considérant en droit:
Le Tribunal fédéral a apporté cependant une restriction à ce principe: les modalités de l'entretien d'une route sont déterminées par le droit public cantonal; quand ces dispositions sont observées, on ne peut parler d'un défaut d'entretien qu'en cas d'omission de mesures élémentaires (ATF 76 II 217 /218, ATF 78 II 152, ATF 89 II 334, consid. 4, ATF 91 II 199). Dans l'arrêt ATF 98 II 42 /43, le Tribunal fédéral a laissé indécise la question de

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savoir si cette restriction peut être maintenue eu égard à l'accroissement continuel du trafic automobile; il a estimé également qu'il n'était pas nécessaire de décider si l'obligation de sabler les routes en dehors des localités doit être niée, comme le dit OFTINGER (Haftpflichtrecht II/1, p. 90), ou au contraire admise, tout au moins pour les routes principales, même si le droit public ne le prescrit pas. Dans la cause jugée dans l'arrêt précité, il s'agissait en effet d'un accident survenu sur une route du canton du Valais. Or la loi valaisanne sur les routes, du 3 septembre 1965, prescrit les mesures qui doivent être prises pour l'entretien des routes en hiver.
b) L'existence d'une réglementation cantonale ne signifie pas cependant que tout accident qui est en rapport avec la présence de verglas ou de neige sur une route implique un défaut d'entretien au sens de l'art. 58 CO. Il faut examiner dans chaque cas si la corporation publique propriétaire de la route était en mesure de remplir ses obligations tant sur les plans technique et financier qu'au point de vue du temps disponible. Un réseau routier ne peut pas être surveillé d'aussi près qu'un immeuble, et les dépenses publiques pour l'entretien hivernal des routes doivent rester dans une proportion raisonnable avec les moyens financiers à disposition (ATF 78 II 152 /153, ATF 89 II 334 consid. 4, ATF 98 II 43 consid. 2). Plus le réseau routier est étendu, plus l'obligation de sabler se limitera aux tronçons particulièrement dangereux. Il ne faut pas oublier non plus que le verglas peut se former subitement et que l'action du sel, comme aussi du sable, peut perdre son efficacité en quelques heures déjà, sans qu'on puisse exiger de l'autorité qu'elle fasse procéder constamment à de nouveaux sablages (ATF 98 II 44).
C'est en premier lieu à l'automobiliste de tenir compte de l'état de la chaussée et des changements qui peuvent s'y produire: il a l'obligation d'adapter sa manière de rouler aux conditions de la route (art. 32 al. 1 LCR), lorsque celle-ci est rendue glissante en raison du verglas ou de la neige. Celui qui ne prend pas ces facteurs en considération et ne circule pas avec l'attention et la prudence commandées par les circonstances ne peut se prévaloir de la responsabilité du propriétaire de la route, selon l'art. 58 CO (ATF 98 II 44).
c) Une route, comme tout autre ouvrage, doit être construite et aménagée de manière à offrir une sécurité suffisante

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aux usagers eu égard à la circulation à laquelle elle est affectée (ATF 56 II 92).
Toute source de danger d'un ouvrage ne constitue pas un vice de construction, ni un défaut d'entretien au sens de l'art. 58 CO (ATF 59 II 395). Un ouvrage n'est défectueux que s'il n'offre pas une sécurité suffisante pour l'usage auquel il est destiné et non dès qu'il ne présente pas tous les avantages de la technique la plus récente (ATF 58 II 360, ATF 59 II 395).
D'autre part, comme en matière d'entretien, les dépenses publiques pour l'aménagement des routes doivent rester dans une proportion raisonnable avec les moyens financiers à disposition. On ne saurait exiger des cantons qu'ils munissent immédiatement leurs routes de toutes les installations techniques nouvelles propres à améliorer la sécurité de la circulation. Ils doivent pouvoir y procéder d'après un programme correspondant à leurs moyens financiers, en tenant compte des besoins du trafic suivant l'importance des routes (ATF 100 II 139 /140 consid. 4 et les références).
a) Contrairement à ce qu'affirme le recourant, le fait que ce secteur de route surplombe une pente abrupte ne commandait pas, comme une précaution élémentaire, la pose de barrières de sécurité ("glissières"). En effet, la route étant droite sur une longueur de quelque 100 m et la visibilité bonne, même lorsque la chaussée est glissante en raison de la neige ou du verglas, un conducteur qui est attentif à ces conditions et qui y adapte sa manière de conduire peut circuler sans être exposé au risque de sortir de la route et de dévaler la pente raide qu'elle domine. L'absence de barrières de sécurité ne constitue dès lors pas un vice de construction.
Certes, une barrière aurait empêché la voiture de Zufferey de quitter la route et de s'abîmer dans la pente, mais cela ne signifie pas qu'il était indispensable d'en installer une pour que la circulation pût se dérouler normalement en hiver sur ce tronçon. En effet, les premiers juges ne constatent pas que d'autres accidents du genre de celui dont le recourant a été victime se soient produits à cet endroit ou qu'ils auraient pu y survenir. Ils estiment avec raison que l'installation de barrières

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de sécurité ne s'impose, sur les routes de montagne, qu'aux endroits où il existe un réel danger d'accident, en particulier dans les virages masqués.
b) Le recourant relève que la banquette de la route n'a pas retenu la voiture lorsqu'elle est sortie des ornières, après qu'il eut braqué de plus en plus à droite, et n'a pas empêché le véhicule de quitter la chaussée et de dévaler la pente. Mais il ne s'en découle nullement que la route ait présenté un vice de construction. Comme le dit justement le Tribunal cantonal, la banquette sert à délimiter la chaussée et n'est pas destinée à retenir une voiture déviée de sa course par une manoeuvre intempestive de celui qui la conduit. Selon les constatations des premiers juges, la banquette aménagée sur le tronçon où l'accident est survenu correspond à celles qui existent communément sur les routes de montagne. Il n'est pas établi qu'elle ait été défectueuse ni insuffisante pour délimiter la chaussée de manière appropriée.
"Les routes publiques sont maintenues praticables également en hiver, compte tenu des nécessités du trafic et dans la mesure pouvant être exigée de celui qui en assume la charge.
Le service hivernal comprend essentiellement le déblaiement des neiges et les mesures à prendre contre les effets du verglas et de la neige glissante.
Son étendue dépend de la largeur de la chaussée. Si elle ne permet pas le croisement des véhicules, des places d'évitement sont aménagées partout où cela est possible."
Il est constant qu'à l'endroit où l'accident s'est produit la chaussée était bien déblayée sur la quasi-totalité de sa longueur; la route était verglacée, mais en partie sablée; les roues de l'automobile de Zufferey roulaient dans des ornières, formées dans la glace, qui avaient une profondeur de 7 à 10 cm et une largeur de 15 à 20 cm; le fond des ornières était recouvert d'une glace qui avait légèrement fondu, ce qui la rendait très glissante. Les travaux d'entretien effectués sur la route Chablais-Vercorin, les jours qui ont précédé l'accident ainsi que le lendemain, ont été les suivants:
1o Travaux faits par le cantonnier Caloz: "mercredi 1er, sablage 4 h; jeudi 2, sablage 5 h; vendredi 3, sablage 5 h; samedi 4, nettoyage cailloux 3 h; dimanche 5, néant; lundi 6, sablage 4 h, etc."
2o Travaux effectués par l'entreprise Rémy Voide: "1er février, sablage 3 h; 2 février, sablage 3 h 1/2; 3 février, sablage 3 h 1/2; 6 février, sablage 3 h."


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S'agissant d'une route secondaire, ces travaux étaient suffisants, même si l'état de la chaussée imposait aux usagers d'être attentifs et prudents, en particulier lorsque la route devenait plus glissante en raison de l'abaissement de la température au coucher du soleil.
Contrairement à l'opinion du recourant, on ne saurait exiger des cantons d'éliminer les ornières qui se sont formées dans la neige durcie à la suite du passage des véhicules sur les routes secondaires de montagne aux endroits qui ne présentent pas un danger particulier pour le conducteur prudent et avisé. Cela impliquerait l'emploi de moyens qui entraîneraient des dépenses hors de proportion avec les possibilités financières des cantons.
C'est à l'automobiliste qu'il appartient de tenir compte de la présence d'ornières et d'y adapter sa manière de conduire. Le conducteur qui n'a pas l'expérience nécessaire pour affronter les risques de la circulation hivernale sur une route de montagne doit s'abstenir de s'y aventurer; il recourra au besoin à l'aide d'un automobiliste habitué à ces conditions particulières.
On peut laisser indécise la question de savoir si la faute commise par le demandeur présente une certaine gravité, comme l'admettent les premiers juges. Il suffit qu'elle ait provoqué l'accident: la victime ne saurait réclamer à l'Etat du Valais réparation d'un dommage dont elle est seule responsable.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral:
Rejette le recours.