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Urteilskopf

119 II 183


37. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 7 mai 1993 dans la cause S. S.A. contre dame I. (recours en réforme)

Regeste

Art. 2 ÜbBest. BV; Art. 48 OG; kantonale Zuständigkeitsordnung und Grundsatz der derogatorischen Kraft des Bundesrechts.
Kantonale Zuständigkeitsvorschriften, welche die Möglichkeit der Berufung in Streitsachen, die an sich berufungsfähig sind, ausschliessen, verletzen den Grundsatz der derogatorischen Kraft des Bundesrechts (E. 4). Bei Vorliegen einer Berufung (E. 3) verpflichtet das Bundesgericht das obere kantonale Gericht infolgedessen, auf ein ordentliches Rechtsmittel gegen einen von einem unteren Gericht als einziger Instanz gefällten Entscheid einzutreten, wenn die Voraussetzungen von Art. 44 bis 46 OG erfüllt sind (Präzisierung der Rechtsprechung, E. 5).

Sachverhalt ab Seite 184

BGE 119 II 183 S. 184

A.- Dans le cadre d'un différend en matière de contrat de travail, la Commission cantonale d'arbitrage du canton du Valais, statuant le 21 février 1990, a condamné S. S.A. à payer un montant brut de 16'800 fr., plus intérêts, à dame I.
Par jugement du 18 mai 1992, la Cour civile I du Tribunal cantonal valaisan a déclaré irrecevable l'appel interjeté par S. S.A., motif pris de ce que le droit de procédure cantonal ne prévoit aucun recours à l'encontre des jugements de la Commission cantonale d'arbitrage.

B.- Par la voie d'un recours en nullité, S. S.A. demande au Tribunal fédéral d'annuler le jugement du Tribunal cantonal.
Dame I. propose le rejet du recours. Le Tribunal cantonal se réfère aux considérants de son jugement.
Traitant le recours en nullité comme recours en réforme, le Tribunal fédéral admet le recours, annule le jugement attaqué et renvoie la cause à la cour cantonale pour nouveau jugement.

Erwägungen

Extrait des considérants:

3. L'objet du présent recours n'est pas la décision de la Commission cantonale, mais le jugement par lequel le Tribunal cantonal a refusé d'entrer en matière sur un moyen de droit ordinaire. Pour la recourante, l'irrecevabilité de son appel équivaut à une violation du droit fédéral.
Le jugement attaqué est une décision finale prise par le tribunal suprême d'un canton, au sens de l'art. 48 al. 1 OJ. Il est susceptible d'un recours en réforme, les droits contestés dans la dernière instance cantonale atteignant une valeur de 16'800 fr. (art. 46 OJ). Par conséquent, la violation du principe de la force dérogatoire du droit fédéral pouvait être invoquée en l'espèce dans le cadre d'un tel recours (ATF 116 II 217 consid. 2b et les références), ce qui exclut la possibilité d'interjeter un recours en nullité (art. 68 al. 1 OJ). Cependant, la désignation erronée du présent recours ne nuit pas à son auteur. En effet, du moment qu'il en remplit toutes les conditions, le recours en nullité sera traité comme recours en réforme (ATF 110 II 56 consid. 1a).
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4. a) L'art. 58 al. 1 aOJ admettait la recevabilité du recours en réforme "contre les jugements au fond rendus en dernière instance cantonale". La dernière instance cantonale, telle que l'entendait cette disposition, était celle dont la décision ne pouvait être attaquée par aucun moyen ordinaire de droit cantonal comportant effet suspensif et dévolutif (ATF 63 II 326ss). Ainsi, le recours en réforme était recevable contre les jugements rendus par des tribunaux inférieurs statuant en dernière instance cantonale. Dans les cantons des Grisons et de Vaud, les actions matrimoniales et en paternité (dans le canton de Vaud, les affaires d'interdiction également) étaient jugées par les tribunaux de district en instance cantonale unique, de sorte qu'il n'y avait, en ces matières, aucun recours ordinaire au tribunal cantonal. Cette situation avait valu au Tribunal fédéral un surcroît de travail. Elle est à l'origine de l'introduction, à l'art. 48 al. 1 OJ, d'une limitation à l'exercice du droit de recours, en ce sens que, désormais, le recours en réforme n'est plus recevable, en règle générale, que contre les jugements rendus par les "tribunaux ou autres autorités suprêmes des cantons". Le législateur fédéral a considéré, à ce propos, que le rôle de la loi fédérale d'organisation judiciaire n'était pas de permettre au canton de supprimer le recours ordinaire au tribunal cantonal contre les jugements des juridictions inférieures, eu égard à l'existence du recours en réforme au Tribunal fédéral. Cela était d'autant plus vrai que la suppression du recours ordinaire au tribunal cantonal avait aussi des inconvénients pour les parties, étant donné que le jugement de la juridiction inférieure pouvait présenter des lacunes que le Tribunal fédéral, saisi d'un recours en réforme, n'avait pas le pouvoir de corriger puisqu'il devait se borner à vérifier si le droit fédéral avait été appliqué correctement. Aussi, avec le nouvel art. 48 al. 1 OJ, ne serait-il plus possible d'éviter le recours ordinaire au tribunal cantonal (Message du Conseil fédéral à l'appui de l'OJ, FF 1943 126/127; pour l'historique de l'art. 48 OJ, voir aussi POUDRET, COJ, n. 1.2.1 ad art. 48, et surtout SACHS, Die Voraussetzungen für die Berufung an das Bundesgericht gegen Entscheide nach Art. 48-50 OG unter besonderer Berücksichtigung des bernischen Rechts, thèse Berne 1947, p. 11 ss).
b) La limitation, prévue à l'art. 48 OJ, en ce qui concerne la décision attaquable, permet aux cantons, à s'en tenir à la lettre de cette disposition, d'attribuer à un tribunal inférieur statuant comme juridiction unique la compétence exclusive de jugement
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en matière de contestations pouvant être l'objet d'un recours en réforme et, ce faisant, de priver les parties de la possibilité d'interjeter un tel recours contre les jugements rendus dans ce cadre-là. Il sied de rechercher si pareille solution est encore compatible avec le sens et le but du droit fédéral.
aa) La loi s'interprète en premier lieu pour elle-même, c'est-à-dire selon sa lettre, son esprit, son but ainsi que les valeurs sur lesquelles elle repose. A cet égard, les travaux préparatoires ne sont pas directement déterminants pour l'interprétation et ne lient pas le Tribunal fédéral; ils ne sont toutefois pas dénués d'intérêt et peuvent s'avérer utiles pour dégager le sens d'une norme, car ils révèlent la volonté du législateur, laquelle demeure, avec les jugements de valeur qui la sous-tendent, un élément décisif dont le juge ne saurait faire abstraction même dans le cadre d'une interprétation téléologique (ATF 117 II 499 consid. 6a, ATF 116 II 415 consid. 5b, ATF 115 II 99 consid. 2b, 114 Ia 196/197 consid. 3b/bb).
Il ressort clairement de l'historique de l'art. 48 OJ que le législateur fédéral, en modifiant la définition de la décision pouvant faire l'objet d'un recours en réforme, n'a pas voulu tempérer le devoir du Tribunal fédéral d'assurer l'application uniforme du droit civil fédéral (art. 114 Cst.), mais obliger les cantons à instituer la compétence d'un tribunal (ou d'une autre autorité) suprême pour connaître des causes susceptibles d'être portées devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en réforme (FF 1943 127 in limine). L'interprétation historique suggère donc l'idée que le droit civil fédéral impose aux cantons l'obligation de faire trancher les affaires pouvant être l'objet de recours en réforme par un tribunal ou une autre autorité, dont les jugements ou décisions répondent aux conditions de l'art. 48 OJ.
bb) La doctrine ancienne, en particulier LEUCH (n. 1 ad art. 314 CPC bern.), enseignait que l'art. 48 OJ laissait aux cantons le soin de décider s'ils entendaient soumettre ou non leurs jugements à l'examen du Tribunal fédéral et, partant, d'organiser la compétence de leurs autorités judiciaires en fonction de leur choix entre ces deux solutions. La doctrine dominante estime, au contraire, que l'organisation judiciaire fédérale influe directement sur les cantons, en ce sens qu'elle leur interdit d'instituer un tribunal inférieur comme juridiction cantonale unique, si le droit fédéral ne le prévoit pas. Aussi, pour la plupart des auteurs, les règles de compétence cantonales qui ont pour effet d'exclure le recours en réforme dans les causes qui en sont susceptibles violent le droit
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fédéral (POUDRET, op.cit., n. 1.2.4 ad art. 48 OJ; HABSCHEID, Schweizerisches Zivilprozess- und Gerichtsorganisationsrecht, 2e éd., p. 110, n. 193; STAEHELIN, Die objektiven Voraussetzungen der Berufung an das Bundesgericht, in: RDS 94/1975 II 13 ss, 30; SACHS, op. cit., p. 30; WURZBURGER, Les conditions objectives du recours en réforme au Tribunal fédéral, thèse Lausanne 1964, p. 172 ss; GIRARDET, Le recours en nullité en procédure civile vaudoise, thèse Lausanne 1985, p. 187/188). Quant à BIRCHMEIER (n. 4 ad art. 48 OJ) et MESSMER/IMBODEN (Die eidgenössischen Rechtsmittel in Zivilsachen, p. 90, note de pied 8), ils ne prennent pas clairement position sur la question.
Selon l'art. 373 CC, les cantons désignent les autorités compétentes pour prononcer l'interdiction et déterminent la procédure à suivre. Le recours au Tribunal fédéral demeure réservé. De tout temps, la doctrine a déduit de cette disposition l'impossibilité pour les cantons d'établir une procédure d'interdiction qui ne débouche pas sur une décision attaquable, au sens de l'art. 48 OJ (EGGER, n. 72 ad art. 373 CC; SCHNYDER/MURER, n. 163 ad art. 373 CC; POUDRET, op.cit., n. 2.5.1 ad art. 44).
cc) Dans une jurisprudence constante, le Tribunal fédéral a indiqué aux cantons qu'il leur incombait d'adapter leur procédure à l'art. 48 OJ (ATF 95 II 75 consid. 2e, ATF 94 II 133, ATF 85 II 286 no 45, ATF 77 II 281 consid. 2). Il a déploré, à plusieurs reprises, que l'organisation judiciaire de tel ou tel canton le mît dans l'impossibilité d'entrer en matière sur un recours en réforme dans des affaires susceptibles d'en être l'objet, mais s'est refusé jusqu'à ce jour à toucher par voie jurisprudentielle à l'autonomie cantonale en matière de procédure et d'organisation judiciaire (ATF 115 II 368, ATF 110 II 252 consid. 2a, ATF 109 II 48 consid. 2, ATF 95 II 75 consid. 2e, ATF 85 II 286 no 45). Dans un arrêt de 1968 relatif à un cas de mainlevée d'une interdiction volontaire, il a donné à entendre qu'il tenait pour contraire au droit fédéral le fait de ne pas entrer en matière sur un moyen ordinaire de droit cantonal dirigé contre un jugement de première instance et de priver ainsi les parties de la faculté de porter la cause devant la juridiction fédérale de réforme. Il n'a cependant pas eu à trancher la question, le canton intéressé (Vaud) ayant déjà modifié sa jurisprudence en la matière (ATF 94 II 133). Enfin, dans un arrêt récent, le Tribunal fédéral s'est expressément demandé si - et, dans l'affirmative, par quel moyen de droit - des prescriptions cantonales incompatibles avec l'art. 48 OJ peuvent être attaquées, mais il a laissé la question
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en suspens faute d'un grief formulé sur ce point (ATF 117 II 508 no 92).
dd) Pour ce qui est de la jurisprudence cantonale, il sied de mentionner un arrêt de 1962 dans lequel la Chambre des recours du Tribunal cantonal vaudois a reconnu que le droit fédéral obligeait le canton de Vaud à prévoir une juridiction de recours contre les décisions des justices de paix instituant ou levant une curatelle et s'est saisie d'un tel recours (JdT 1963 III 42ss; voir aussi l' ATF 94 II 133).
Le Tribunal cantonal valaisan considère, lui aussi, que l'art. 48 OJ impose aux cantons d'organiser une voie de recours ordinaire auprès de l'autorité judiciaire supérieure, pour garantir au justiciable la faculté d'interjeter ultérieurement un recours en réforme. Telle est la raison qui l'a conduit, dans une jurisprudence constante, à combler les lacunes de l'organisation judiciaire cantonale en ouvrant la voie de l'appel pour toutes les causes jugées en première instance par un tribunal inférieur et susceptibles d'un recours en réforme (RVJ 1975 p. 314, 1977 p. 285, 1985 p. 88, 1987 p. 226 et 235). Dans la présente affaire, il a cru pouvoir s'en dispenser, d'une part, au motif que le Tribunal fédéral n'aurait rien trouvé à redire quant à la manière dont le canton du Valais a organisé la compétence de jugement pour les litiges relevant du contrat de travail (ATF 115 II 366) et, d'autre part, eu égard à la révision en cours de la loi cantonale sur le travail. Il lui a toutefois échappé que, dans l'arrêt précité, le Tribunal fédéral s'est borné à examiner si les jugements de la Commission cantonale pouvaient être attaqués directement par la voie du recours en réforme, car il n'avait pas à se prononcer alors, contrairement à ce qui est le cas aujourd'hui, sur le système procédural valaisan en tant que tel.
ee) L'opinion selon laquelle l'organisation judiciaire cantonale qui soustrait au recours en réforme des causes visées aux art. 43 à 46 OJ n'est pas compatible avec le droit fédéral ne peut qu'être suivie. Elle correspond, en effet, à la volonté du législateur, conforme à l'esprit et au but de l'organisation judiciaire fédérale, de contraindre les cantons à rendre, dans ces causes-là, des jugements qui répondent aux conditions formelles de recevabilité du recours en réforme fixées à l'art. 48 OJ. L'opinion inverse impliquerait la possibilité pour les cantons d'empêcher le Tribunal fédéral d'assurer l'application uniforme du droit civil fédéral sur tout le territoire de la Confédération, autrement dit d'assumer la
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tâche que lui assigne la loi fédérale d'organisation judiciaire (art. 43 ss), dans le prolongement de l'art. 114 Cst. De fait, le législateur fédéral a voulu, de toute évidence, que le Tribunal fédéral contrôle librement l'application du droit fédéral dans les causes susceptibles de recours en réforme, et les cantons doivent respecter ce voeu.

5. a) L'obligation ainsi faite aux cantons d'organiser la compétence de leurs autorités judiciaires de manière à ne pas exclure la recevabilité du recours en réforme dans les causes pouvant en faire l'objet resterait souvent lettre morte si l'on ne reconnaissait pas directement aux justiciables le droit d'en invoquer la violation. Il n'est donc plus possible d'admettre, comme par le passé, que semblable obligation ne consiste qu'en une simple invitation faite aux législateurs cantonaux. Il faut poser, au contraire, que le tribunal suprême du canton qui refuse - en application du droit de procédure cantonal - d'entrer en matière sur un recours ordinaire formellement recevable et de rendre un jugement au fond pouvant être attaqué par la voie du recours en réforme viole le principe de la force dérogatoire du droit fédéral. Cette violation peut être sanctionnée par le Tribunal fédéral, soit sur recours de droit public, dans le cadre de la procédure du contrôle abstrait des normes (WURZBURGER, op.cit., p. 174), soit sur recours en réforme interjeté dans un cas concret par celui qui la subit (POUDRET, COJ, n. 1.2.4 ad art. 48). Ce dernier moyen de droit permet donc au Tribunal fédéral d'obliger le tribunal suprême d'un canton à entrer en matière sur un recours ordinaire déposé contre un jugement rendu en instance unique par un tribunal inférieur dans l'une des causes visées aux art. 44 à 46 OJ.
b) Au vu de ce qui précède, il apparaît que le Tribunal cantonal valaisan s'est fondé sur des motifs contraires au droit fédéral pour déclarer irrecevable l'appel interjeté par la recourante. Le présent recours doit, en conséquence, être admis, ce qui entraîne l'annulation dudit jugement et le renvoi de la cause à la cour cantonale pour qu'elle examine les moyens soulevés par l'appelante. Il va de soi qu'elle ne le fera que si les conditions formelles de recevabilité sont remplies en l'espèce.
Peu importe, enfin, qu'une révision des dispositions topiques de la loi cantonale sur le travail soit en cours. La recourante n'en conserve pas moins le droit d'exiger que le jugement de la Commission cantonale soit revu par le Tribunal suprême du canton et que celui-ci rende un jugement qui puisse être déféré au Tribunal
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fédéral par la voie du recours en réforme. Dans le cas particulier, le seul moyen de droit cantonal ordinaire dont elle disposait était l'appel, au sens des art. 273 ss CPC val. Elle a eu raison d'en faire usage. Cela étant, le législateur valaisan reste libre d'organiser différemment la compétence judiciaire dans le domaine considéré, pourvu que la nouvelle organisation satisfasse aux exigences déduites de l'art. 48 OJ.

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