BGE 128 II 156
 
20. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public dans la cause R. contre Département fédéral de justice et police (recours de droit administratif) 2A.151/2001 du 9 avril 2002
 
Regeste
Art. 97 ff. OG, Art. 5 VwVG, Art. 26 AsylG, Art. 16 ff. AsylV 1, Verordnung des EJPD vom 14. März 2001 zum Betrieb von Empfangsstellen; Rechtsschutzbedürfnis von Asylbewerbern in Empfangsstellen.
Notwendigkeit, den Asylbewerbern für die Dauer ihres Aufenthalts in Empfangsstellen in gewissen Fällen einen speziell geregelten Rechtsschutz zu gewähren (E. 2).
Merkmale der förmlichen Verfügung, die gemäss Bundesverwaltungsrecht ein Rechtsschutzbedürfnis begründet. Besonderheiten des Aufenthalts in einer Empfangsstelle; kein allgemeiner und unbeschränkter Anspruch auf eine förmliche, anfechtbare Verfügung (E. 3).
Schon bei der jetzigen Rechtslage ermöglicht das Bundesgesetz über das Verwaltungsverfahren, eine förmliche Verfügung zu erwirken und diese mit einem Rechtsmittel anzufechten, wenn sich ein Rechtsschutz als notwendig erweist. Es wäre nützlich, spezielle Regeln zu erarbeiten, um das Verfügungsverfahren in den Empfangsstellen zu konkretisieren (E. 4).
 
Sachverhalt


BGE 128 II 156 (157):

R. s'est présenté le 5 février 2001 au Centre d'enregistrement de X. et a déposé une demande d'asile. Il a ensuite été placé dans ce centre d'enregistrement.
Les requérants d'asile placés dans un centre d'enregistrement ont besoin d'une autorisation de sortie octroyée par le personnel chaque fois qu'ils veulent quitter leur logement. Le 19 février 2001 au matin, le personnel du centre d'enregistrement précité n'a pas accordé d'autorisation de sortie à R., parce qu'il était convoqué l'après-midi même pour se voir notifier son attribution à un canton.
Le 21 février 2001, après que R. eut définitivement quitté le centre d'enregistrement susmentionné, le Service d'Aide Juridique aux Exilé-e-s à Vallorbe, agissant pour le prénommé, a adressé au Département fédéral de justice et police (ci-après: le Département fédéral) une requête intitulée recours administratif, tendant à l'annulation de la décision attaquée, c'est-à-dire de l'interdiction de quitter le Centre d'enregistrement de X. le 19 février 2001.
Par lettre du 15 mars 2001, le Département fédéral a fait savoir à R. que son cas n'était pas régi par la loi fédérale sur la procédure administrative. Il s'est cependant déclaré prêt à examiner la requête susmentionnée sous l'angle de la dénonciation conformément à l'art. 71 PA (RS 172.021).
Par recours de droit administratif du 26 mars 2001, R. demande au Tribunal fédéral d'annuler la décision du Département fédéral du 15 mars 2001.


BGE 128 II 156 (158):

Le Tribunal fédéral a rejeté le recours.
 
Extrait des considérants:
En considérant comme une simple dénonciation la requête précitée tendant à interjeter formellement recours, le Département fédéral a pris une décision de non-entrée en matière en ce qui concerne le recours administratif; il existe donc une décision mettant un terme à la procédure de recours au sens des art. 44 ss PA. Cette décision porte sur une matière régie par le droit public fédéral et elle a pour objet (du point de vue procédural) des droits et obligations du recourant. Ainsi, elle constitue en tant que décision de procédure, une décision au sens de l'art. 5 PA, à l'encontre de laquelle la voie du recours de droit administratif est ouverte selon l'art. 97 OJ.
b) En outre, la recevabilité du recours de droit administratif est soumise à la condition que cette voie de droit ne soit exclue ni par la loi fédérale d'organisation judiciaire ni par une loi spéciale. L'art. 100 al. 1 let. b OJ déclare le recours de droit administratif irrecevable en matière de police des étrangers, en particulier dans le domaine du droit d'asile, contre les décisions sur l'octroi ou le refus de l'asile (ch. 2), contre le renvoi (ch. 4) et contre les décisions concernant l'admission provisoire des étrangers (ch. 5). Le contrôle de la liberté de mouvement des requérants d'asile dans les centres d'enregistrement ne tombe sous aucun de ces motifs d'irrecevabilité. En outre, la loi sur l'asile du 26 juin 1998 (LAsi; RS 142.31) ne contient pas non plus de motif d'exclusion à ce sujet. Pour autant que la Commission suisse de recours en matière d'asile ne soit pas compétente, le Département fédéral statue définitivement, sous réserve du recours de droit administratif au Tribunal fédéral (art. 105 al. 4 LAsi); la loi sur l'asile renvoie sur ce point à la loi fédérale d'organisation judiciaire, qui précisément n'exclut pas le recours de droit administratif.
c) Enfin, seul a qualité pour former un recours de droit administratif celui qui est atteint par la décision attaquée et a un intérêt

BGE 128 II 156 (159):

digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée (art. 103 let. a OJ).
L'intérêt digne de protection exigé par l'art. 103 let. a OJ doit en principe être actuel. Comme le recourant ne séjourne plus dans le Centre d'enregistrement de X., il n'a pas d'intérêt actuel à la solution du litige. Cependant, le séjour des requérants d'asile dans les centres d'enregistrement est généralement de courte durée; en outre, comme la question de la forme à respecter, soit de la procédure à suivre, pour soulever des griefs concernant l'hébergement dans de tels centres se posera vraisemblablement souvent à l'avenir mais n'est pas encore clarifiée, le Tribunal fédéral ne peut guère être saisi à temps. Dans ces circonstances, il se justifie de faire abstraction de l'exigence d'un intérêt actuel (cf. ATF 125 II 497 consid. 1a/bb p. 499/500 et la jurisprudence citée). Par conséquent, le Tribunal fédéral n'est pas obligé de s'en tenir aux circonstances concrètes telles qu'elles se présentaient au moment où le recours a été déposé; dans un pareil cas, il faut au contraire se fonder sur la situation de fait et de droit existant au moment du jugement et prévisible pour la suite (cf., en matière de recours de droit public, ATF 126 I 250 consid. 1b in fine p. 252). Concrètement, dans la présente espèce, il y a lieu de prendre en considération l'ordonnance du DFJP du 14 mars 2001 relative à l'exploitation des centres d'enregistrement (ci-après: l'Ordonnance ou OCEnr; RS 142.311.23) et le règlement interne des centres d'enregistrement pour requérants d'asile et personnes à protéger (ci-après: le Règlement) édicté par l'Office fédéral des réfugiés (ci-après: l'Office fédéral), bien que ces deux textes ne soient entrés en vigueur que le 1er avril 2001 donc après le départ du recourant du Centre d'enregistrement de X.
d) Par conséquent, le Tribunal fédéral doit entrer en matière sur le présent recours. Comme le Département fédéral a pris en définitive une décision de non-entrée en matière, ce recours ne peut porter que sur la question de savoir si l'autorité intimée aurait dû considérer la requête précitée du 21 février 2001 comme un recours formel, point de vue que défend apparemment le recourant. Pour répondre à cette question, il est indispensable d'examiner s'il existe une voie de droit permettant de faire contrôler les restrictions imposées à un étranger en rapport avec son séjour dans un centre d'enregistrement et, le cas échéant, à quelles conditions un tel contrôle est soumis.
2. a) L'art. 26 al. 1 LAsi prévoit que la Confédération crée pour les requérants d'asile des centres d'enregistrement dont elle confie

BGE 128 II 156 (160):

la gestion à l'Office fédéral. Selon l'art. 26 al. 2 LAsi, le centre d'enregistrement recueille les données personnelles du requérant d'asile; en règle générale, il relève ses empreintes digitales et le photographie; il peut l'interroger sommairement sur les motifs qui l'ont fait quitter son pays et sur l'itinéraire qu'il a emprunté. L'art. 26 al. 3 LAsi habilite le Département fédéral à édicter des dispositions relatives aux centres d'enregistrement afin d'en assurer le bon fonctionnement et de garantir une procédure rapide.
Les centres d'enregistrement ne sont pas simplement des bureaux où les requérants d'asile doivent s'annoncer et participer à des auditions. Il s'agit plutôt de bâtiments disposant notamment de réfectoires et de dortoirs; les centres d'enregistrement doivent être de véritables locaux collectifs, comme cela ressort en particulier des débats parlementaires (cf. BO 1997 CN 1226 ss et, avant déjà, BO 1989 CN 1009). Durant les premiers jours suivant le dépôt d'une demande d'asile, les requérants d'asile habitent dans de tels centres d'enregistrement; ils y sont en fait obligés en l'absence d'autres possibilités d'hébergement. Normalement, l'Office fédéral n'a pas besoin de prendre de décision expresse pour assigner formellement au requérant d'asile un centre d'enregistrement comme lieu d'hébergement. Une telle compétence d'assignation existe cependant légalement. Elle ne résulte pas clairement du texte de l'article 26 LAsi, mais bien de l'art. 28 LAsi qui habilite l'Office fédéral à assigner au requérant d'asile un lieu de séjour, soit un logement, et à l'héberger le cas échéant dans un logement collectif.
b) Le législateur lui-même n'a pas réglé en détail les modalités du séjour dans les centres d'enregistrement. Il a délégué cette compétence au Département fédéral (art. 26 al. 3 LAsi). Le Conseil fédéral a concrétisé ladite compétence à l'art. 20 de l'ordonnance 1 du 11 août 1999 sur l'asile relative à la procédure (OA 1; RS 142.311): le Département fédéral doit réglementer en particulier les heures d'ouverture, le droit d'accès, les conditions d'entrée et de sortie, ainsi que la garde des objets appartenant aux requérants d'asile. C'est sur la base de la délégation précitée que le Département fédéral a édicté l'Ordonnance qui est entrée en vigueur le 1er avril 2001. L'art. 1 al. 2 OCEnr dispose que l'Office fédéral précise, dans un règlement interne (dans la version allemande: "Hausordnung"), les mesures d'organisation liées à l'exploitation des logements de la Confédération. C'est en se fondant sur cet article que l'Office fédéral a mis le Règlement en vigueur, le 1er avril 2001.


BGE 128 II 156 (161):

L'Ordonnance contient des dispositions concernant les heures d'ouverture durant lesquelles les requérants d'asile et les personnes à protéger peuvent être enregistrés (art. 2 OCEnr), le repos nocturne (art. 3 OCEnr), la saisie d'objets et de valeurs patrimoniales (art. 4 OCEnr), le mode d'hébergement (art. 5 OCEnr), l'obligation pour les personnes hébergées de participer à l'entretien des locaux (art. 7 OCEnr), les contacts (art. 9 OCEnr) ainsi que l'accès des visiteurs (art. 10 OCEnr). En l'espèce, c'est surtout l'art. 8 OCEnr qui est important. Selon l'art. 8 al. 2 et 3 OCEnr, les requérants d'asile ne peuvent quitter le logement qu'à des moments déterminés (en semaine de 9 à 17 heures, le week-end du vendredi à 9 heures au dimanche à 19 heures). Pour cela, ils ont besoin d'une autorisation écrite de sortie accordée par le personnel (art. 8 al. 1 OCEnr). L'autorisation de sortie peut notamment être refusée si la présence du requérant d'asile est requise dans le cadre de l'examen de sa demande ou de l'exécution de son renvoi; elle est également refusée si l'intéressé est tenu de participer à l'entretien des locaux (art. 8 al. 4 OCEnr).
c) La présence dans un centre d'enregistrement aux conditions précitées (réglementation du déroulement de la journée, règlement intérieur, interdiction de sortir durant des périodes bloquées pour tout le monde, exigence d'une autorisation pour sortir en dehors de ces périodes) impose au requérant d'asile des restrictions dans l'organisation de sa journée. Compte tenu en particulier de la possibilité qu'a le personnel du centre d'enregistrement de refuser une autorisation de sortie au requérant d'asile, ce dernier peut subir une atteinte à son droit fondamental à la liberté personnelle, respectivement à la liberté de mouvement. Si le séjour dans le centre d'enregistrement se limitait à quelques jours, cette situation ne poserait guère de problème de protection juridique sérieux. Au départ, le requérant d'asile ne dispose pas d'un autre logement; de plus, il est normalement prêt à se tenir à disposition sur place pour de premiers éclaircissements. Le séjour dans un centre d'enregistrement sert simplement, d'après le concept initial, à recueillir des données personnelles et à effectuer un examen médical; puis le requérant d'asile peut être sommairement interrogé sur les motifs qui l'ont fait quitter son pays et sur l'itinéraire qu'il a emprunté (art. 26 al. 2 LAsi et 19 OA 1). Ensuite intervient l'attribution à un canton (art. 27 LAsi). En principe, l'audition sur les motifs de la demande d'asile a lieu là-bas et elle est effectuée par l'autorité cantonale (art. 29 LAsi). Le législateur prévoyait que le séjour dans un centre d'enregistrement durerait quatre à dix jours

BGE 128 II 156 (162):

(BO 1997 CN 1228), respectivement deux à cinq jours seulement (BO 1989 CN 1009).
En réalité, les requérants d'asile restent nettement plus longtemps dans un centre d'enregistrement. Déjà sous l'empire de la législation antérieure, le séjour moyen dans le Centre d'enregistrement de Genève atteignait treize jours, dans quelques cas seulement quatre à cinq jours, mais dans d'autres deux à trois ou même cinq à six semaines (cf. PHILIP GRANT/NICOLAS WISARD, La liberté personnelle des requérants d'asile dans les Centres d'enregistrement, in ASYL 1996/3 p. 82). Cela est dû notamment au fait que l'Office fédéral procède parfois lui-même à l'audition du requérant d'asile sur les motifs de sa demande (PHILIP GRANT/NICOLAS WISARD, op. cit., loc. cit.). L'Office fédéral règle de toute façon certains cas sans l'aide des cantons. Il n'attribue pas l'étranger à un canton et le retient dans le centre d'enregistrement s'il envisage un renvoi préventif au sens de l'art. 42 LAsi ou une décision de non-entrée en matière; dans des cas clairs, des requérants d'asile sont même retenus jusqu'à ce qu'une décision matérielle d'asile soit prise (cf., à ce sujet, URSINA STGIER, Rechtsschutzdefizite im Empfangsstellenverfahren, in ASYL 2000/3 p. 25 ss). L'étranger ne peut souvent pas prévoir jusqu'à quel stade de la procédure il devra rester dans un centre d'enregistrement et s'il sera attribué, le cas échéant, à un canton; il ne peut guère évaluer la durée probable de son séjour dans un tel centre. En l'espèce, le recourant a été attribué à un canton deux semaines après son admission dans le Centre d'enregistrement de X.
Une protection juridique réglementée peut être nécessaire dans des cas particuliers, au moins lorsque le séjour dans un centre d'enregistrement ne reste pas limité à un court laps de temps (ATF 126 I 250 consid. 2d p. 255; ATF 123 II 402 consid. 4b/aa p. 413; ATF 121 I 87 consid. 1a et 1b p. 90/91; arrêt 2P.96/2000 du 8 juin 2001, consid. 5c). Il convient dès lors d'examiner à quelles conditions et de quelle manière le requérant d'asile doit pouvoir obtenir un contrôle juridique de sa situation.
3. a) En droit administratif fédéral, le point de départ de la protection juridique est la décision. Seule une décision est sujette à recours (art. 44 PA), étant précisé qu'un recours aboutit à un contrôle réglementé de l'acte émanant de l'autorité fédérale à laquelle on reproche d'avoir violé le droit. Sont considérées comme décisions, selon l'art. 5 al. 1 PA, les mesures prises par les autorités dans des cas d'espèce, fondées sur le droit public fédéral et ayant pour objet de créer, de modifier ou d'annuler des droits ou des obligations

BGE 128 II 156 (163):

(let. a), de constater l'existence, l'inexistence ou l'étendue de droits ou d'obligations (let. b), de rejeter ou de déclarer irrecevables des demandes tendant à créer, modifier, annuler ou constater des droits ou obligations (let. c).
La décision a la particularité de toucher, par son contenu, la situation juridique du destinataire. Vu sa portée, elle doit satisfaire à certaines exigences de forme. En principe, il faut accorder à l'intéressé le droit d'être entendu au préalable (art. 30 PA). La décision doit revêtir la forme écrite (art. 34 PA), être désignée comme telle, être motivée et indiquer les voies de droit (art. 35 PA). Il n'est pas nécessaire que toute intervention étatique prenne la forme d'une décision; sinon, le bon fonctionnement de l'administration pourrait en être affecté. Il est souvent indispensable que les autorités procèdent de façon informelle (cf. LUKAS S. BRÜHWILER-FRÉSEY, Verfügung, Vertrag, Realakt und andere verwaltungsrechtliche Handlungssysteme, Berne 1984, p. 274 ss; ALEXANDRE FLÜCKIGER, L'extension du contrôle juridictionnel des activités de l'administration, Berne 1998, p. 3; PAUL RICHLI, Zum verfahrens- und prozessrechtlichen Regelungsdefizit beim verfügungsfreien Staatshandeln, in PJA 1992 p. 196 ss, p. 200/201).
b) Au début de la procédure, le requérant d'asile ne dispose pas encore de points de repère propres par rapport au pays et doit recevoir une large assistance. Pour que ses besoins puissent être satisfaits, il faut le rattacher à une organisation structurée. Certaines des restrictions qu'il doit supporter sont dues au séjour comme tel dans un centre d'enregistrement, c'est-à-dire au règlement intérieur ou d'exploitation prévu pour l'essentiel par l'Ordonnance. Le requérant d'asile se trouve ainsi dans un rapport de droit particulier (cf. ALBERTO ACHERMANN/CHRISTINA HAUSAMMANN, Handbuch des Asylrechts, 2e éd., Berne/Stuttgart 1991, p. 368). Dans de telles conditions, il est impensable d'exiger des décisions formelles pour tous les actes appliquant la réglementation liée à ce statut. Des décisions formelles et concrètes sont inutiles, par exemple, pour fixer les heures des repas ou le menu de chaque repas particulier, pour assigner l'entretien des locaux ou attribuer les dortoirs; même le respect des heures de visite (art. 10 al. 4 OCEnr) se règle de manière informelle. Dans cette optique, le personnel procède par des instructions qui, bien qu'obligatoires, peuvent être données de façon informelle. Compte tenu de la situation inhérente à ce statut spécial, on ne peut parler en principe d'atteintes particulières aux droits fondamentaux à propos des circonstances et des tâches, respectivement

BGE 128 II 156 (164):

des injonctions, quotidiennes les plus diverses; en définitive, pour autant qu'un véritable besoin de protection juridique existe, il ne saurait en tout cas pas fonder un droit général et illimité à la prise de décisions formelles.
Il en va toutefois autrement en ce qui concerne les ordres du personnel du centre d'enregistrement qui peuvent porter une atteinte non négligeable à la personnalité et à la liberté du requérant d'asile. Les autorisations de sortie (respectivement leur refus) en font partie. Au bout d'un ou deux jours, une fois que les empreintes digitales et les photographies ont été prises, les requérants d'asile ont en principe le droit de quitter le centre d'enregistrement pour des périodes limitées. Le personnel bien en vue à l'entrée du centre d'enregistrement accorde l'autorisation en apposant sur un document un tampon approuvant la sortie. Si l'autorisation doit exceptionnellement être refusée selon l'art. 8 al. 4 OCEnr (par exemple, en cas d'audition le jour en question), l'apposition du tampon est refusée et le requérant d'asile est empêché de sortir. En principe, une telle mesure interviendra dans le court terme et ne sera pas prévisible longtemps à l'avance. D'après l'organisation prévue par l'Ordonnance et le Règlement, une autorisation de sortie est nécessaire chaque jour. Dans ces circonstances, une véritable procédure de décision pour chaque sortie en particulier ne paraît ni indiquée ni praticable; l'opinion du Département fédéral, selon laquelle les dispositions de la loi fédérale sur la procédure administrative ne sont pas applicables en raison de l'art. 3 let. f PA, part de cette idée.
Pour autant que, concrètement, la violation de la liberté personnelle soit invoquée, une simple dénonciation - seule possibilité prise en considération par le Département fédéral - n'est pas toujours suffisante puisque, dans ce cas, l'intéressé ne jouit pas des droits reconnus à la partie et ne peut pas exiger que son affaire soit

BGE 128 II 156 (165):

traitée (art. 71 al. 2 PA; cf. également, au sujet du manque d'efficacité de la dénonciation, ATF 121 I 87 consid. 1a p. 90). En outre, il n'est pas admissible de renvoyer à la voie de l'action en responsabilité de l'Etat le requérant d'asile qui se sent atteint dans sa liberté par l'organisation de son séjour dans un centre d'enregistrement. Une protection juridique de ce genre, simplement indirecte et a posteriori, ne peut pas suffire et n'est finalement pas dans l'intérêt de la collectivité publique. Il convient au contraire de permettre au requérant d'asile qui estime ses droits fondamentaux gravement lésés de faire valoir ses griefs à l'encontre d'actes étatiques qui viennent de se produire, durent encore ou sont imminents.
b) La nécessité d'une protection juridique a pour origine, comme on l'a constaté, l'existence d'un intérêt digne de protection au contrôle d'une intervention étatique prétendument illicite. En soi et comme on l'a vu plus haut, l'existence d'un intérêt digne de protection ne doit pas conduire à transformer l'action étatique incriminée en une décision. En revanche, quiconque est à tel point touché par une intervention étatique qu'il risque d'être atteint de façon inadmissible dans ses droits fondamentaux doit avoir la possibilité de demander à l'autorité compétente (de première instance) une décision attaquable, normalement en constatation (cf. ATF 123 II 402 consid. 4b/aa p. 413; ATF 121 I 87 consid. 1b p. 90/91). D'ailleurs, une telle possibilité existe déjà dans le droit en vigueur: si le requérant prouve qu'il a un intérêt digne de protection, l'autorité (compétente) concernée doit entrer en matière sur sa demande en constatation (art. 25 al. 2 PA). De la sorte, une voie de recours s'ouvre à l'intéressé contre la décision en cause, que celle-ci soit constatatoire, formatrice ou même d'irrecevabilité, si l'autorité refuse d'entrer en matière.
c) Ainsi, les principes et les dispositions de la loi fédérale sur la procédure administrative permettent l'obtention d'une décision et rendent possible l'ouverture d'une voie de droit. Mais ils ne donnent pas assez d'indications concrètes pour montrer, dans le cas particulier d'un centre d'enregistrement, comment et à quelles conditions existe cette protection juridique. Comme cela a été exposé ci-dessus, étant donné les particularités du séjour dans un centre d'enregistrement, le requérant d'asile doit en principe se soumettre au règlement intérieur et obtempérer aux injonctions (informelles) du personnel. L'autorité ne doit qu'exceptionnellement libeller par écrit et motiver un ordre qui pourrait porter sérieusement atteinte aux droits fondamentaux du requérant d'asile, et cela seulement si ce dernier

BGE 128 II 156 (166):

conteste l'ordre et demande expressément une décision formelle. Dans l'intérêt de la sécurité du droit en général et d'une bonne gestion des centres d'enregistrement en particulier, il paraît utile d'établir des règles spéciales afin de concrétiser cette procédure de décision. La réglementation de ladite procédure ne devrait nullement émaner du législateur ordinaire ni même forcément du Conseil fédéral. Il conviendrait d'examiner si, le cas échéant, le Département fédéral lui-même ne pourrait pas, sur la base de l'art. 26 al. 3 LAsi et dans un délai raisonnable, édicter une réglementation, respectivement insérer des règles à ce sujet dans l'Ordonnance. Cette réglementation déterminerait avant tout l'autorité à laquelle l'intéressé devrait s'adresser pour demander une décision et celle auprès de laquelle il pourrait déposer un recours. Il serait opportun d'attribuer la compétence décisionnelle à la Direction de l'établissement. On pourrait alors concevoir que l'Office fédéral fonctionne comme instance de recours. La réglementation fixerait concrètement (grâce à une énumération ou à une clause générale) pour quelles catégories d'ordres, respectivement à quelles conditions (par exemple, à partir d'une durée de séjour minimale), le requérant d'asile serait en droit d'exiger une décision.
d) En l'absence de texte réglementant cette procédure, le recourant n'a pas obtenu de décision formelle sur la requête susmentionnée lorsqu'elle était d'actualité. Il a omis de demander une décision formelle à l'Office fédéral, en se fondant directement sur la loi fédérale sur la procédure administrative, bien que cela fût envisageable. En tout cas, la requête précitée n'était pas dirigée contre une décision formelle. C'est pourquoi le Département fédéral était en droit de refuser de la traiter comme un recours administratif et pouvait la considérer comme une simple dénonciation. Dès lors, le recours de droit administratif tendant à obliger le Département fédéral à traiter formellement cette requête n'est pas fondé et doit être rejeté.
e) Les griefs soulevés par le recourant à l'encontre de son séjour dans le Centre d'enregistrement de X. n'ont pas été jugés matériellement. Il n'y a plus d'intérêt actuel à ce qu'ils soient examinés (cf. consid. 1c ci-dessus). Le Tribunal fédéral a renoncé en l'espèce à l'existence d'un intérêt actuel digne de protection pour pouvoir se prononcer sur des questions de procédure qui, sans cela, n'auraient probablement jamais pu être tranchées. Il faut partir du fait que les requérants d'asile séjournant dans un centre d'enregistrement auront désormais l'occasion de faire contrôler les conditions essentielles de

BGE 128 II 156 (167):

séjour dans un tel centre, en particulier la réglementation des sorties sous l'angle de la liberté personnelle, respectivement de la liberté de mouvement. Pour le moment, en l'absence d'une réglementation attribuant une compétence décisionnelle à ce sujet à la Direction de l'établissement, l'Office fédéral devrait être directement compétent. Mais, en l'état, il n'y a pas de raison de transmettre la requête susmentionnée avec toutes les pièces du dossier audit Office fédéral pour qu'il se prononce concrètement a posteriori sur les conditions de séjour du recourant dans le Centre d'enregistrement de X., dans le cadre d'une procédure de décision formelle au sens des considérants qui précèdent.