Urteilskopf
129 II 453
45. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public dans la cause République fédérale démocratique d'Ethiopie contre Office fédéral de la justice, C. et A. (recours de droit administratif)
1A.131/2003 du 27 octobre 2003
Regeste
Art. 74a und 80h lit. b IRSG; Herausgabebegehren gestützt auf ein ausländisches Urteil.
Die Gelder stammen aus einem veruntreuten Darlehen zwischen Privaten. Das ausländische Urteil räumt dem ersuchenden Staat ein Vorrecht auf diese Guthaben ein (um Vermögenswerte aus anderen Delikten wieder zu erlangen), erkennt aber, dass sie grundsätzlich dem Darleiher zustehen.
Die Zulässigkeit der Beschwerde ist zweifelhaft, da der ersuchende Staat seine Betroffenheit nicht dargelegt hat (E. 2).
Es besteht kein Zusammenhang zwischen den beschlagnahmten Vermögenswerten und den Delikten, welche dem Herausgabebegehren zu Grunde liegen; der Darleiher hat im Übrigen Anspruch auf die Guthaben. Art. 74a IRSG erlaubt somit die Rückgabe nicht (E. 3 und 4).
Le 27 novembre 1997, la République fédérale démocratique d'Ethiopie (ci-après: la RFDE) a adressé à la Suisse une demande d'entraide judiciaire pour les besoins d'une procédure ouverte notamment contre L., ancien Ministre, et dame C. A la demande était joint un acte d'accusation établi le 30 juillet 1997 par le Procureur général de la Cour suprême d'Ethiopie, document qui fait état de trois chefs d'accusation. Selon le premier, L. aurait arbitré un litige opposant la RFDE à une société, en faveur de cette dernière. Pour payer la première moitié du montant dû, L. aurait convaincu un tiers, A., de prêter à la RFDE un montant de 16'000'000 US$, à verser sur un compte ouvert auprès d'une banque londonienne, en promettant à A. un remboursement sous forme de livraisons de café et d'autres matières premières. L. aurait détourné à son profit une partie du prêt, pour un montant de 9'000'000 US$; il aurait notamment fait virer un montant de 6'000'000 US$ sur un compte ouvert par C. auprès d'une banque genevoise. Selon le deuxième chef d'accusation, L. aurait fait exporter illégalement 1'000 tonnes de café et aurait détourné à son profit une partie du produit de la vente. Selon le troisième chef d'accusation, L. aurait abusé de sa position pour attribuer un marché public portant sur la remise en état d'une route nationale, alors que l'offre n'était pas la plus favorable. La demande tendait notamment à la remise des fonds qui se trouvaient sur les comptes ouverts auprès de la banque, et de la documentation y
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relative. Le 5 décembre 1997, l'Office fédéral de la police (ci-après: OFP) est entré en matière, ordonnant le blocage des comptes visés dans la demande. Le 9 février 1998, la banque a remis les documents relatifs notamment à deux comptes détenus par C., présentant un solde de 559'990 US$ (compte no 1) et de 7'671'540 US$ (compte no 2). Le 31 mars 1998, l'OFP a clos la procédure et ordonné la remise à la RFDE des fonds déposés sur ces comptes, et de la documentation y relative. Par arrêt du 27 juillet 1998 (cause 1A.102/1998), le Tribunal fédéral a subordonné l'octroi de l'entraide à des conditions et sursis à la remise des avoirs jusqu'à présentation, par la RFDE, d'une nouvelle demande d'entraide accompagnée d'une copie d'une décision judiciaire, définitive et exécutoire, ordonnant la confiscation ou la restitution de ces avoirs aux ayants droit; le blocage provisoire des fonds a été maintenu.
Le 29 septembre 1998, la RFDE a donné les garanties requises. Le 29 octobre 1998, l'OFP a considéré ces assurances comme suffisantes. Par arrêt du 11 décembre 1998, le Tribunal fédéral a rejeté, dans la mesure où il était recevable, le recours formé par C. contre cette décision (cause 1A.228/1998).
Le 14 mars 2000, la Cour suprême d'Ethiopie a reconnu L. coupable des trois chefs d'accusation portés contre lui et l'a condamné à dix-huit ans de réclusion et à une amende. Il a reconnu C. coupable de participation aux trois chefs d'accusation et l'a condamnée à quinze ans et demi de réclusion et à une amende. La Cour suprême a reconnu que A. était le légitime propriétaire du montant de 16'000'000 US$ qu'il avait prêté, et qu'il était en droit d'exiger de C. la restitution du montant de 9'000'000 US$ acheminé sur les comptes nos 1 et 2. Parallèlement, la RFDE était en droit d'exiger de C. 4'200'000 US$ correspondant au produit de la vente illégale de café, 900'000 US$ correspondant au produit de l'infraction commise en relation avec l'attribution de travaux publics, ainsi que 6'226,88 US$ correspondant au montant de l'amende infligée. La Cour a jugé les créances de l'Etat prioritaires, en ce sens que ce n'était qu'une fois celui-ci dédommagé que A. pourrait faire valoir ses propres prétentions envers C. Le Procureur général a fait appel de ce jugement auprès de la Cour de cassation éthiopienne, en soutenant que les fonds saisis en Suisse devaient être confisqués en faveur de l'Etat exclusivement. Par arrêt du 12 juin 2001, la Cour de cassation a rejeté cet appel.
A. a pour sa part obtenu du Tribunal de première instance du canton de Genève, le 5 juillet 2001, le séquestre civil, à hauteur de 16'000'000 US$, des fonds saisis auprès de la banque. Le séquestre a été validé par une poursuite à laquelle C. ne s'est pas opposée. Une saisie définitive a été prononcée le 19 mai 2002 en faveur de A.
Les 12 juillet et 14 novembre 2002, se fondant sur le jugement du 14 mars 2000, la RFDE a demandé la remise des fonds saisis, à concurrence d'un montant total de 5'106'226,88 US$. A. s'est opposé à cette requête, en faisant valoir ses droits préférables.
Parallèlement, le Ministère public de la Confédération (ci-après: MPC) a ouvert une procédure pour blanchiment d'argent contre L. et C., en relation avec les fonds saisis.
Le 13 mai 2003, l'Office fédéral de la justice (ci après: OFJ, devenu entre-temps compétent) a rejeté la demande de remise. Les fonds saisis provenaient exclusivement du montant prêté par A., de sorte qu'il n'y avait aucune connexité entre les infractions pour lesquelles la restitution était requise et les valeurs saisies en Suisse. Ces dernières devaient être restituées à A., dont le prêt avait été détourné. Le jugement du 14 mars 2000, accordant un droit prioritaire à la RFDE, ne pouvait être exécuté en Suisse au regard de l'art. 74a de la loi fédérale du 20 mars 1981 sur l'entraide internationale en matière pénale (EIMP; RS 351.1). L'OFJ a toutefois maintenu le blocage des fonds pour une période de deux mois à compter de l'entrée en force de sa décision, afin de permettre soit à la RFDE d'agir sur le plan civil, soit au MPC de procéder à un séquestre pénal.
Agissant par la voie du recours de droit administratif, la RFDE demande au Tribunal fédéral d'annuler la décision du 13 mai 2003 et d'ordonner que lui soient remis les fonds saisis à concurrence d'un montant total de 5'106'226,88 US$, plus intérêt à 5% dès le 14 mars 2000.
L'OFJ conclut principalement à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet. A. est intervenu dans la procédure, en prenant les mêmes conclusions et en demandant, à titre plus subsidiaire, que les fonds saisis lui soient remis directement. C. n'a pas répondu au recours.
Le Tribunal fédéral a rejeté le recours, pour autant que recevable.
Extrait des considérants:
2. Le Tribunal fédéral examine d'office et avec une pleine cognition la recevabilité des recours qui lui sont soumis (
ATF 129 I 173 consid. 1 p. 174, 185 consid. 1 p. 188;
ATF 129 II 225 consid. 1 p. 227).
2.1 Dans sa demande initiale du 27 novembre 1997, l'Etat requérant a demandé la remise des fonds se trouvant sur les comptes no 1 et 2, alors que la procédure pénale en était à son commencement. Dans son arrêt 1A.102/1998 du 27 juillet 1998, le Tribunal fédéral a jugé qu'une remise immédiate, exceptionnelle au regard de l'
art. 74a al. 3 EIMP, n'entrait pas en ligne de compte. Il a fait surseoir à la remise jusqu'au prononcé d'une décision définitive et exécutoire (arrêt précité, consid. 7c), en précisant qu'il incomberait alors à l'Etat
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requérant de présenter une nouvelle demande d'entraide (consid. 8). C'est précisément ce qu'a fait la RFDE les 12 juillet et 14 novembre 2002. Cette nouvelle demande s'inscrit dans le sillage de la précédente, même si, dans l'intervalle, la procédure pénale dans l'Etat requérant est terminée. Elle doit ainsi être examinée au regard de l'
art. 74a EIMP.
2.2 A qualité pour recourir quiconque est personnellement et directement touché par une mesure d'entraide et a un intérêt digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée (
art. 103 let. a OJ et 80h let. b EIMP).
2.2.1 En principe, l'Etat requérant n'est pas partie à la procédure d'entraide ou d'extradition (
ATF 119 Ib 64 consid. 3b p. 70;
ATF 115 Ib 193;
ATF 113 Ib 257 consid. 5b p. 272). Pour qu'il en aille différemment, l'Etat requérant doit démontrer qu'il est lésé au sens de l'
art. 21 al. 2 EIMP. Cela suppose la preuve que ses autorités lui ont reconnu cette qualité dans la procédure pénale. Sur cette base, la République des Philippines a été admise à participer aux procédures concernant la remise des avoirs de feu Ferdinand Marcos (décision du 29 juin 1990; cf.
ATF 119 Ib 56; arrêt 1A.103/1997 du 7 janvier 1998), ainsi que les Etats-Unis d'Amérique dans la procédure relative à l'"Irangate" (
ATF 119 Ib 64). A un stade antérieur de la présente affaire, la qualité de partie a été déniée à la recourante, faute pour elle d'avoir démontré que les dispositions de son droit interne lui reconnaissaient la qualité de partie lésée dans la procédure devant la Cour suprême (arrêt 1A.102/1998 du 5 juin 1998, consid. 1c).
Par lésé, au sens de la procédure pénale, il faut entendre la personne qui prétend être atteinte, immédiatement et personnellement, dans ses droits protégés par la loi, par la commission d'une infraction (
ATF 126 IV 42 consid. 2a p. 43-44;
ATF 117 Ia 135 consid. 2a p. 136). Celui dont l'atteinte n'est qu'indirecte, soit en particulier le créancier de la victime, le cessionnaire ou la personne subrogée, n'a pas la qualité de lésé (PIQUEREZ, Procédure pénale suisse, Zurich 2000, p. 293).
2.2.2 Bien qu'elle connaisse les exigences jurisprudentielles en la matière, la RFDE se contente de relever qu'elle subit un préjudice résultant de la vente illégale de café, et que, selon l'arrêt du Tribunal fédéral du 27 juillet 1998 concernant la clôture de la procédure d'entraide judiciaire, l'opération relative au prêt détourné "aurait causé à l'Etat requérant un préjudice illicite résultant de la différence entre la valeur des livraisons effectuées en contrepartie du prêt consenti par A. et le montant effectivement remis à la société E."
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(consid. 4b). La recourante se dit en outre lésée par les infractions ayant donné lieu à l'entraide judiciaire. Elle ne fait en revanche valoir aucune disposition de son droit, ni aucune décision judiciaire qui permettrait d'admettre que son statut de lésée a été reconnu dans la procédure pénale étrangère.
Il apparaît que l'Etat requérant subit un préjudice en relation avec l'exportation illégale de café (deuxième chef d'accusation), ainsi qu'avec l'attribution d'un marché public à une entreprise dont l'offre n'était pas la plus avantageuse (troisième chef d'accusation). En revanche, le détournement du prêt accordé par A. ne cause pas un préjudice direct à cet Etat: tant l'auteur du prêt que le destinataire des fonds sont des personnes tierces, et l'Etat requérant ne prétend pas avoir commencé à rembourser le prêt d'une quelconque manière, contrairement à ce qui est supposé dans l'arrêt du 27 juillet 1998. La recourante ne saurait tirer argument des considérations émises à cette occasion par le Tribunal fédéral, car celles-ci ont trait au respect du principe de la double incrimination, examiné prima facie sur la base des seuls faits présentés à l'appui de la requête. Ainsi, l'absence d'indications quant à l'existence d'une véritable contrepartie au prêt accordé (sous la forme d'une livraison de café) ne faisait pas obstacle à l'entraide. En outre, l'octroi de l'entraide était indépendant de l'intervention de l'Etat, en qualité de partie lésée, dans le jugement au fond. Il en va différemment lorsque la restitution des fonds est demandée sur la base d'un jugement rendu dans l'Etat requérant. L'examen des différents jugements rendus dans cet Etat ne permet pas de reconnaître à ce dernier la qualité de lésé. L'arrêt du 14 mars 2000 mentionne, comme parties à la procédure, le Procureur général et les accusés, mais pas l'Etat en tant que lésé. La procédure pénale a d'ailleurs été mise en oeuvre sur plainte de A., et non de l'Etat éthiopien.
La recourante ne fait par conséquent valoir aucun élément concret qui permettrait de lui reconnaître, à titre exceptionnel, le droit de participer à la procédure, et partant de recourir (cf.
ATF 127 II 104). La question peut toutefois demeurer indécise car, pour des motifs voisins de ceux qui touchent à la recevabilité, le recours doit de toute façon être rejeté.
2.2.3 A. est intervenu dans la procédure, en concluant non seulement à l'irrecevabilité ou au rejet du recours de la RFDE, mais aussi, plus subsidiairement, à ce que les fonds saisis auprès de la banque lui soient remis directement. En dépit du large pouvoir de décision dont dispose le Tribunal fédéral dans le domaine de l'entraide
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judiciaire (
art. 25 al. 6 EIMP), cette dernière conclusion sort du cadre de la contestation, lequel est défini par la demande de remise à l'Etat requérant. L'intimé n'a d'ailleurs pas recouru contre la décision attaquée pour en demander la modification. Sa conclusion subsidiaire est par conséquent irrecevable.
3. A teneur de l'
art. 74a EIMP, sur demande de l'autorité étrangère compétente, les objets ou valeurs saisis à titre conservatoire peuvent lui être remis au terme de la procédure d'entraide, en vue de confiscation ou de restitution à l'ayant droit (al. 1). Selon l'al. 2 de cette disposition, les objets ou valeurs comprennent les instruments ayant servi à commettre l'infraction (let. a); le produit ou le résultat de l'infraction, la valeur de remplacement et l'avantage illicite (let. b); les dons ou autres avantages ayant servi (ou qui devaient servir) à décider ou à récompenser l'auteur de l'infraction, ainsi que la valeur de remplacement (let. d). La remise peut intervenir à tous les stades de la procédure étrangère, en règle générale sur décision définitive et exécutoire de l'Etat requérant (al. 3). Selon l'al. 4, les objets ou valeurs peuvent néanmoins être retenus en Suisse si le lésé réside habituellement en Suisse et qu'ils doivent lui être remis (let. a); si une autorité fait valoir des droits sur eux (let. b); si une personne étrangère à l'infraction et dont les prétentions ne sont pas garanties par l'Etat requérant rend vraisemblable qu'elle a acquis de bonne foi en Suisse des droits sur ces objets ou valeurs ou, si résidant habituellement en Suisse, elle rend vraisemblable qu'elle a acquis de bonne foi des droits sur eux à l'étranger (let. c), ou si les objets ou valeurs sont nécessaires à une procédure pénale pendante en Suisse ou sont susceptibles d'être confisqués en Suisse (let. d).
3.1 Pour la recourante, l'autorité d'exécution saisie d'une demande de restitution n'aurait pas à contrôler le contenu de la décision étrangère; la question de savoir si les valeurs proviennent de l'infraction devrait être considérée comme définitivement tranchée, sous réserve du respect des garanties de procédure. Il s'agirait d'une application du principe de non-ingérence. L'OFJ, après avoir considéré, dans une première décision du 31 mars 1998, que la remise pouvait avoir lieu sans attendre une décision au fond, n'avait dès lors pas à rechercher si le privilège accordé à la RFDE reposait sur un motif juridique suffisant. En cas de doute, il suffisait d'interpeller l'Etat requérant, lequel aurait pu expliquer l'existence d'un privilège de l'Etat lorsque sa créance découle d'actes criminels. Il n'y aurait aucune contrariété avec l'ordre public suisse.
3.2 Lorsque l'Etat requérant produit une décision définitive et exécutoire, la Suisse, en tant qu'Etat requis, n'a en principe pas à juger du bien-fondé de cette décision. La procédure instituée à l'
art. 74a EIMP n'est en effet pas une procédure d'exequatur, et les exceptions prévues notamment aux
art. 95 et 96 EIMP ne sont pas opposables. Cela n'empêche pas la Suisse de se livrer à certaines vérifications. Ainsi, l'autorité requise peut s'assurer que les valeurs dont la restitution est demandée correspondent bien aux objets décrits à l'art. 74 al. 2 let. a à c EIMP, c'est-à-dire qu'il s'agit bien de l'instrument ou du produit de l'infraction, voire de la récompense attribuée à son auteur. La procédure étrangère doit en outre satisfaire aux garanties générales découlant de la CEDH ou du Pacte ONU II. En outre, les prétentions du lésé, d'une autorité ou des tiers acquéreurs de bonne foi, ainsi que les nécessités d'une procédure pénale en Suisse doivent être prises en compte en vertu de l'
art. 74a al. 4 EIMP. L'
art. 74a EIMP est en définitive - comme l'indique le libellé de son premier alinéa - une norme potestative qui confère à l'autorité d'exécution un large pouvoir d'appréciation (
ATF 123 II 595 consid. 4 p. 600 ss;
ATF 123 II 134 consid. 7a p. 143, 268 consid. 4a p. 274). Si ce pouvoir ne lui permet pas de remettre en cause - sous réserve d'une violation de l'ordre public - le contenu de la décision étrangère, l'autorité d'exécution est tenue d'examiner si la collaboration requise reste dans le cadre autorisé par l'
art. 74a EIMP.
4. La demande des 12 juillet et 14 novembre 2002 a été présentée pour l'exécution du jugement du 14 mars 2000. Celui-ci ne tranche pas de la manière la plus limpide le sort des fonds saisis en Suisse, sans que l'on sache si ce défaut affecte l'original en amharique ou sa traduction, en particulier la version française produite par la recourante. A la lecture de ce dernier document, il apparaît toutefois clairement que les comptes no 1 et 2 ont été exclusivement alimentés par des fonds provenant du prêt alloué par A. et détourné par L.
Selon le jugement étranger, le montant des amendes infligées devait être prélevé sur les comptes bancaires des prévenus, ou perçu par voie de saisie. Par ailleurs, les 4'200'000 US$ représentant le produit de la vente illicite de café devaient être restitués au gouvernement, de même que les 900'000 US$ versés en relation avec l'attribution du marché public. En revanche, les 16'000'000 US$ provenant du prêt n'ont pas été considérés comme revenant à l'Etat, mais à A., auquel ils devaient être restitués. Toutefois, sans motiver cette appréciation, les juges considèrent que "le gouvernement
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Ethiopien devra d'abord récupérer l'argent que Mme [C.] doit à [A.] avant de le restituer à ce dernier". Enfin, le jugement autorise le gouvernement à prélever, sur le même compte, 4'200'000 US$ et 900'000 US$, ainsi que l'amende infligée à C. puis, en cas de solde disponible, l'invite à remettre à son légitime propriétaire la somme de 9'000'000 US$. Le jugement affirme à de nombreuses reprises que A. doit être considéré comme le propriétaire des fonds parvenus sur le compte séquestré. Saisie d'une demande d'interprétation, la Cour suprême fédérale a confirmé le caractère définitif de ce jugement, ainsi que le fait que l'Etat éthiopien doit être désintéressé en priorité, relevant qu'il n'y avait aucune contradiction entre le jugement et la demande de restitution présentée à la Suisse.
4.1 La remise prévue par l'
art. 74a EIMP est destinée soit à la confiscation, soit à la restitution à l'ayant droit. Le système mis en place par cette disposition reprend à cet égard celui du code pénal suisse (FF 1995 III 1 ss, p. 52). Ainsi, l'
art. 74a EIMP définit l'objet de la mesure de confiscation ou de restitution, de manière semblable aux
art. 58 et 59 ch. 1 CP. La protection des tiers acquéreurs est aménagée dans des mesures correspondantes.
S'agissant du produit du crime, tant l'
art. 74a al. 2 let. b EIMP que l'
art. 59 ch. 1 CP nécessitent un rapport de connexité entre l'infraction commise, d'une part, et les objets ou valeurs saisis d'autre part. Le rapport de connexité entre l'infraction et les valeurs patrimoniales est établi lorsque celle-là est la cause essentielle et adéquate de celles-ci. Il doit exister entre l'infraction et l'obtention des valeurs patrimoniales un lien de causalité tel que la seconde apparaisse comme la conséquence directe et immédiate de la première. Tel est le cas lorsque le produit original de l'infraction peut être identifié de façon certaine et documentée, à savoir aussi longtemps que sa "trace documentaire" ("Papierspur", "paper trail") peut être reconstituée de manière à établir son lien avec l'infraction. Ainsi, lorsque le produit original formé de valeurs destinées à circuler (billets de banque, effets de change, chèques, etc.) a été transformé à une ou plusieurs reprises en de telles valeurs, il reste confiscable aussi longtemps que son mouvement peut être reconstitué de manière à établir son lien avec l'infraction (
ATF 126 I 97 consid. 3c/bb p. 105; arrêt 6S.667/2000 du 19 février 2001, consid. 3a, publié in SJ 2001 I p. 330; cf. aussi MADELEINE VOUILLOZ, La confiscation en droit pénal -
art. 58 ss CP, in PJA 2001 p. 1391; DOMINIQUE PONCET/ALAIN MACALUSO, Confiscation, restitution et allocation de valeurs patrimoniales: quelques considérations de procédure pénale, in SJ 2001 II p. 223).
4.2 En l'occurrence, le jugement rendu dans l'Etat requérant expose sans ambiguïté que les fonds saisis en Suisse proviennent exclusivement du prêt détourné par L. Il n'y a aucune contestation à ce propos, la juridiction de l'Etat requérant ayant été à même de retracer le cheminement des fonds. Il est aussi admis que la demande de restitution a pour but de permettre le désintéressement de l'Etat requérant à raison des créances résultant des deux autres infractions, qui n'avaient pas donné lieu à l'entraide judiciaire. Par conséquent, outre que le privilège ainsi accordé à l'Etat éthiopien n'est guère compréhensible, il n'y a manifestement aucune connexité entre les fonds bloqués et les infractions pour lesquelles la restitution est demandée. La démarche de l'Etat va au-delà de ce qui est autorisé en droit suisse en matière de confiscation, tant dans le cadre d'une procédure pénale interne qu'au titre de l'entraide judiciaire.
En outre, selon l'art. 59 ch. 1 in fine CP, la restitution au lésé en rétablissement de ses droits constitue un obstacle à la confiscation. En matière d'entraide judiciaire, la protection du lésé ou des tiers de bonne foi est en principe limitée aux cas mentionnés à l'art. 74a al. 4 let. c EIMP: le lésé doit notamment avoir sa résidence en Suisse. Toutefois, compte tenu du parallélisme entre les dispositions du code pénal et de l'EIMP sur ce point, l'autorité d'entraide ne peut faire totalement abstraction des droits du lésé, lorsqu'il apparaît que celui-ci dispose, en vertu du jugement étranger, d'une prétention sur les avoirs bloqués. Or, tel est manifestement le cas en l'espèce: le jugement du 14 mars 2000 affirme à plusieurs reprises que les fonds saisis en Suisse doivent finalement être versés à A. en rétablissement de ses droits. Dans ces conditions, le refus opposé par l'OFJ ne procède pas d'un abus de son pouvoir d'appréciation.