BGE 131 II 137 |
11. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public dans la cause Etat de Genève contre G. et consorts ainsi que Commission fédérale d'estimation du 1er arrondissement (recours de droit administratif) |
1E.1/2004 du 15 décembre 2004 |
Regeste |
Formelle Enteignung, Nachbarrecht, Einwirkungen aus dem Betrieb eines Flugplatzes (Art. 5 EntG). |
Voraussetzung der Unvorhersehbarkeit, welche für die Zusprechung einer Enteignungsentschädigung wegen Lärmimmissionen bei Landesflughäfen erfüllt sein muss; Zusammenfassung der Rechtsprechung, wonach diese Voraussetzung nicht erfüllt ist, wenn die Liegenschaft des Enteigneten nach dem 1. Januar 1961 erworben wurde (E. 2.1). Gleiches gilt, wenn die öffentliche Beurkundung und der Eigentumsübergang nach diesem Datum erfolgt sind, selbst wenn die Kaufsparteien bereits im Jahr 1960 im Hinblick auf den Bau Verhandlungsgespräche aufgenommen und Vorbereitungshandlungen getroffen hatten (E. 2.3). |
Zusammenfassung der Rechtsprechung zum Anspruch auf eine Entschädigung aus formeller Enteignung beim Landeanflug über ein Grundstück (E. 3.1). Eine solche Entschädigung entfällt in aller Regel, wenn das Grundstück nur beim Start überflogen wird (E. 3.2). |
Sachverhalt |
Par acte authentique du 6 avril 1961, des terrains détachés de trois parcelles sises sur le territoire de la commune de Vernier ont été vendus, par leurs propriétaires respectifs, à dames G. et P. (en copropriété, chacune pour une moitié). Les trois biens-fonds vendus ont été réunis en une seule parcelle, portant le numéro 1809. En 1960, G. et P. avaient mandaté un architecte en vue d'étudier la construction de deux villas jumelées sur ce terrain. Une demande préalable d'autorisation de construire avait été déposée en été 1960 puis une demande d'autorisation définitive le 16 mai 1961. Cette autorisation a été délivrée le 17 juillet 1961 et les deux maisons ont ensuite été bâties. En 1996, la parcelle no 1809 a été divisée en deux nouvelles parcelles, no 4101 et no 4102, qui ont été vendues à des tiers. |
Le 30 août 1992, G. et P. ont écrit au département des travaux publics de la République et canton de Genève pour demander une indemnité d'expropriation de 630'000 fr., y compris le coût d'insonorisation des fenêtres de leurs bâtiments. Cette demande avait un double fondement: d'une part le classement de leur parcelle dans la zone B du plan des zones de bruit de l'aéroport de Genève, entré en vigueur le 2 septembre 1987 (expropriation matérielle); d'autre part la compensation de l'impossibilité d'exercer les droits de voisinage à l'encontre de l'exploitant de l'aéroport (expropriation formelle). Le terrain concerné (ancienne parcelle no 1809), classé dans la 5e zone du plan d'affectation cantonal (zone de villas), se trouve en effet à environ 1.3 km de l'extrémité sud-ouest de la piste de l'Aéroport International de Genève, et à environ 200 m au sud de l'axe de celle-ci. Le 11 décembre 1992, le département cantonal a proposé à G. et P. de suspendre l'instruction de cette affaire, ce qu'elles ont accepté. |
Le 23 décembre 1999, l'Etat de Genève (ci-après: l'expropriant) a communiqué la demande à la Commission fédérale d'estimation du 1er arrondissement (ci-après: la Commission fédérale) en l'invitant à constater que les expropriées n'avaient droit à aucune indemnité. Le Président de la Commission fédérale a entendu les parties les 29 février et 28 juin 2000 (audience de conciliation avec inspection des lieux). Les expropriés - en l'occurrence les héritiers de G. et de P., décédées respectivement en 1994 et 1999 - et l'expropriant ont ensuite précisé leurs argumentation et conclusions par écrit. Les expropriés demandaient en définitive, selon leur mémoire du 16 octobre 2000, le paiement de 293'029 fr. à titre d'indemnité pour l'expropriation formelle des droits de voisinage, avec intérêts compensatoires et moratoires, en raison des immissions de bruit et du survol.
|
La Commission fédérale a rendu sa décision le 28 novembre 2003. Elle a condamné l'expropriant à verser aux expropriés une indemnité de 251'167 fr. 50, pour expropriation formelle des droits de voisinage en raison de l'exploitation de l'Aéroport International de Genève, cette somme portant intérêts, au taux usuel, dès le 1er janvier 1985. La Commission fédérale a considéré, en substance, qu'étaient satisfaites les conditions de l'imprévisibilité, de la spécialité et de la gravité, auxquelles la jurisprudence subordonne l'octroi d'une indemnité pour l'expropriation des droits de voisinage à cause des immissions de bruit de l'aéroport. Elle a en revanche refusé d'allouer une indemnité supplémentaire en raison du survol. |
Agissant par la voie du recours de droit administratif, l'Etat de Genève a demandé au Tribunal fédéral d'annuler la décision de la Commission fédérale et de rejeter la demande d'indemnité pour expropriation formelle des droits de voisinage. Il reproche à cette autorité d'avoir retenu à tort que la condition de l'imprévisibilité était réalisée. Après la communication de ce recours, les expropriés ont déposé un recours joint en demandant que l'expropriant soit condamné à leur verser une indemnité de 251'167 fr. 50, avec intérêts au taux usuel dès le 1er janvier 1985, pour expropriation formelle des droits de voisinage et en raison du survol des parcelles nos 4101 et 4102. Le Tribunal fédéral a admis le recours de droit administratif formé par l'expropriant et annulé la décision de la Commission fédérale; en conséquence il a rejeté les prétentions des expropriés. Le recours joint formé par les expropriés a par ailleurs été déclaré irrecevable.
|
Extrait des considérants: |
1.2 Aux termes de l'art. 78 al. 2 LEx, la partie adverse peut, dans le délai de dix jours dès la réception du recours (principal), se joindre à celui-ci et prendre des conclusions comme si elle avait formé un recours indépendant. Le législateur a institué ce recours joint en s'inspirant de la procédure civile (ATF 101 Ib 217 consid. 1 p. 218; HEINZ HESS/HEINRICH WEIBEL, Das Enteignungsrecht des Bundes, vol. I, Berne 1986, n. 6 ad art. 78 LEx). Cette possibilité est en effet également offerte, en droit fédéral, à l'intimé après le dépôt d'un recours en réforme (art. 59 OJ). Par définition, le recours joint doit nécessairement tendre à une modification du jugement au détriment du recourant principal et ne peut comporter des conclusions identiques à celles prises par celui-ci, ni conclure simplement à la confirmation de la décision attaquée (cf. JEAN-FRANÇOIS POUDRET/SUZETTE SANDOZ-MONOD, Commentaire de la loi fédérale d'organisation judiciaire, vol. II, Berne 1990, p. 474). |
En l'espèce, les expropriés demandent au Tribunal fédéral, par la voie du recours joint, de leur allouer une indemnité d'expropriation d'un montant identique à celui fixé dans la décision attaquée. Leurs conclusions diffèrent sur un seul point du dispositif de cette décision: la Commission fédérale a condamné l'expropriant à verser une "indemnité pour expropriation formelle des droits de voisinage en raison de l'exploitation de l'Aéroport International de Genève" (ch. 1 du dispositif), tandis que les expropriés demandent une "indemnité pour expropriation formelle des droits de voisinage et pour le survol des parcelles n° 4101 et n° 4102 [...] en raison de l'exploitation de l'Aéroport International de Genève". La différence porte ainsi sur la qualification juridique ou le fondement de l'indemnité, les expropriés demandant que le jugement mentionne dans son dispositif non seulement l'expropriation des droits de voisinage (conséquence indirecte de l'exercice de la propriété sur un fonds voisin), mais également le survol des terrains litigieux (ingérence directe dans l'espace aérien d'un fonds).
|
Dans les considérants de sa décision, la Commission fédérale a exposé que les expropriés n'avaient pas droit à une "indemnité supplémentaire en raison du survol". Les expropriés contestent cette argumentation. Dans la procédure de recours de droit administratif, le Tribunal fédéral est lié par les conclusions des parties - il ne saurait, en d'autres termes, statuer ultra petita - mais non par les motifs qu'elles invoquent (art. 114 al. 1 OJ, art. 77 al. 2 LEx). Il pourrait donc confirmer le montant de l'indemnité d'expropriation fixé en première instance tout en adoptant une autre argumentation, prenant en considération non pas les immissions de bruit mais le survol du terrain litigieux. Lorsqu'un propriétaire foncier demande à être indemnisé pour l'"expropriation des droits de voisinage", il soumet en réalité au juge de l'expropriation des prétentions de droit public résultant de la privation des moyens de défense que le droit privé offrirait aussi bien contre les immissions excessives, en particulier le bruit, que le cas échéant contre le survol, ingérence directe dans l'espace aérien du fonds. Si les conditions, prévues par la jurisprudence, pour indemniser le propriétaire d'un terrain survolé sont réalisées (cf. infra, consid. 3), l'indemnité d'expropriation due au titre du survol doit être fixée de manière à réparer entièrement le dommage subi du fait de l'exploitation de l'aéroport dans le voisinage, y compris à cause du bruit du trafic aérien (ATF 129 II 72 consid. 4 p. 81). Dans une telle situation, il n'y aurait pas deux indemnités distinctes, en dépit des fondements juridiques différents (ATF 129 II 72 consid. 2.6 p. 78; arrêt 1E.8/2000 du 12 décembre 2002 dans la cause Etat de Genève c. B., consid. 2.2.2 et 2.3). Il s'ensuit que les conclusions du recours joint ne tendent pas à autre chose qu'à la confirmation de la décision attaquée. Ce recours est partant irrecevable. L'argumentation des expropriés au sujet du survol sera toutefois examinée dans le cadre du recours principal, comme les autres moyens qu'ils ont fait valoir dans leur réponse. |
Dans certaines situations particulières, le propriétaire d'un bien-fonds acquis après le 1er janvier 1961 peut néanmoins se prévaloir de l'imprévisibilité des immissions de l'aéroport. Ainsi, d'après la jurisprudence, la date d'acquisition (avant 1961) de l'immeuble par le précédent propriétaire est déterminante quand la demande d'indemnité d'expropriation est présentée par son héritier, actuel propriétaire - à savoir lorsque celui-ci a acquis l'immeuble plus récemment par la dévolution de la succession -, ou encore lorsque le transfert de propriété à celui qui prétend à une indemnité d'expropriation résulte d'une libéralité entre vifs faite à titre d'avancement d'hoirie (ATF 128 II 231 consid. 2.3 p. 234, ATF 128 II 329 consid. 2.2 p. 331 et les arrêts cités). |
Pour la Commission fédérale, il faut alors tenir compte non pas de la date de la conclusion du contrat de vente immobilière, mais de celle de la décision de G. et de P. d'acquérir l'immeuble; or cette décision est antérieure au 1er janvier 1961. L'expropriant soutient que sur ce point, la Commission fédérale a fait une mauvaise application des critères jurisprudentiels au sujet de l'imprévisibilité (cf. infra, consid. 2.3). Il ne conteste en revanche pas qu'une indemnité pourrait être allouée, le cas échéant (si la condition de l'imprévisibilité était réalisée), aux héritiers de G. et P., soit A., C. et B., auxquels la qualité d'expropriés a été reconnue par la Commission fédérale nonobstant un transfert de propriété postérieur à 1961. Les actuels propriétaires du terrain litigieux (divisé en 1996 en deux nouvelles parcelles), qui l'ont acquis plusieurs années après l'annonce des prétentions des expropriés le 30 août 1992 - acte ayant provoqué l'ouverture de la procédure d'expropriation -, n'ont pas eux-mêmes demandé une indemnité; il n'a pas été question de reconnaître à ces derniers la qualité d'expropriés et l'expropriant ne s'oppose pas à ce que les précédents propriétaires continuent à agir dans la présente procédure (arrêt 1E.8/2000 du 12 décembre 2002 dans la cause Etat de Genève c. B., consid. 2.1). Dès lors, pour résoudre la question de l'imprévisibilité, la Commission fédérale était fondée à examiner les circonstances de l'acquisition du terrain par G. et P.
|
2.3 Dans la décision attaquée, la Commission fédérale fait une dis tinction entre d'une part la conclusion du contrat de vente, par acte notarié du 6 avril 1961, et d'autre part les démarches et décisions relatives à cette vente - la détermination des parties au contrat, le prix de vente au mètre carré, la surface vendue, l'établissement d'un tableau de mutation foncière et cadastrale, la formulation d'une offre ferme acceptée par l'ensemble des vendeurs, l'étude d'un projet de construction concret avec le dépôt d'une demande préalable d'autorisation de construire -, datant toutes de l'année 1960. Comme l'acquisition de l'immeuble avait été décidée et convenue avant le 1er janvier 1961, puis simplement concrétisée par un acte authentique quelques mois plus tard, la condition de l'imprévisibilité était réalisée. |
L'expropriant fait valoir que la Commission fédérale ne pouvait pas, sur la base des faits constatés et sans compléter l'instruction de l'affaire, retenir que toutes les conditions de la vente avaient été convenues entre les futurs cocontractants en 1960 déjà. A titre subsidiaire, il soutient que seule la date de la signature de l'acte de vente, voire celle de la réquisition d'inscription au registre foncier, est déterminante sous l'angle de la condition de l'imprévisibilité.
|
En décidant que l'on ne tient pas compte de la condition de l'imprévisibilité quand le bien-fonds exposé au bruit a été acquis avant le 1er janvier 1961, les effets de l'exploitation de l'aéroport étant en revanche prévisibles pour celui qui a acquis son bien-fonds à partir de cette date (cf. supra, consid. 2.1), le Tribunal fédéral a fixé une règle générale, qui doit être appliquée dans toutes les procédures d'expropriation des droits de voisinage en relation avec l'exploitation des aéroports nationaux. La solution jurisprudentielle est rigoureuse: cette règle ne doit en effet pas être adaptée de cas en cas, ni faire l'objet de dérogations, en fonction des caractéristiques concrètes de la localité voire de circonstances subjectives, telles les connaissances des propriétaires fonciers concernés à propos de l'évolution des nuisances du trafic aérien (ATF 121 II 317 consid. 6b/ bb p. 337; cf. également ATF 123 II 481 consid. 7b p. 491). Ce dernier élément a été pris en compte dans la fixation de la règle, puisqu'il s'agissait de déterminer le moment à partir duquel on pouvait, selon toute vraisemblance, attendre de chacun en Suisse - en d'autres termes du "citoyen moyen", et non seulement du spécialiste de l'aviation ou de la personne habitant dans le voisinage d'un aéroport - qu'il connaisse l'importance des nuisances provoquées par le trafic aérien (ATF 121 II 317 consid. 6a p. 333 et consid. 6b/bb p. 337). A for tiori, le dommage était déjà prévisible avant le 1er janvier 1961 pour certaines catégories de personnes mais, d'après la jurisprudence, cela ne devait pas influencer le droit à une indemnité d'expropriation.
|
Dès lors, le moment décisif est soit celui de l'engagement formel, selon les règles du droit civil, et définitif des parties au contrat de vente de transférer la propriété de l'immeuble, soit éventuellement celui du transfert de propriété. L'observation de la forme authentique est une condition de validité du contrat (art. 657 CC et art. 216 al. 1 CO, en relation avec l'art. 11 CO; cf. ATF 127 II 248 consid. 3c p. 254). Dans le cas particulier, c'est ainsi en présence du notaire, le 6 avril 1961, que les cocontractants ont manifesté valablement leur volonté de transférer la propriété de l'immeuble. L'acquisition est intervenue ultérieurement, également après le 1er janvier 1961, lors de l'inscription au registre foncier (cf. art. 656 al. 1 CC). La conclusion du contrat et l'inscription étant toutes deux postérieures à la date déterminante, il n'y a pas lieu d'examiner plus avant, en l'espèce, lequel de ces deux actes doit en définitive être retenu pour l'application de la condition de l'imprévisibilité. En revanche, les opérations préalables et les pourparlers, sans promesse formelle de contracter au sens de l'art. 22 CO (promesse également soumise à la forme authentique dans les cas de vente immobilière, en vertu de l'art. 216 al. 2 CO), ne sont pas déterminants à ce propos. La Commission fédérale ne pouvait donc pas considérer, sur la base des diverses démarches accomplies en 1960, que le moment décisif pour l'acquisition de l'immeuble litigieux était antérieur au 1er janvier 1961. Sur ce point, les griefs de l'expropriant au sujet de la condition de l'imprévisibilité sont fondés. |
Il apparaît donc que l'une des conditions (cumulatives) auxquelles la jurisprudence subordonne l'octroi d'une indemnité d'expropriation, en raison des immissions de bruit de l'aéroport, n'est pas réalisée. Cela n'entraîne cependant pas nécessairement l'admission du recours de droit administratif de l'expropriant car il faut encore examiner si la décision de la Commission fédérale peut être maintenue après une substitution de motifs, concernant le fondement de l'indemnité.
|
3. Selon les expropriés, l'indemnité fixée par la décision attaquée devrait leur être allouée en raison du survol régulier, au décollage, des deux parcelles litigieuses. Ils invoquent donc un autre fondement juridique pour cette indemnité (cf. supra, consid. 1.2). Cette question n'a pas été examinée en détail par la Commission fédérale, qui a rejeté les prétentions des expropriés à ce sujet parce que le dossier ne contenait aucun élément permettant de retenir un survol des parcelles concernées à une "altitude proche de celle des cas où le Tribunal fédéral [avait] admis l'existence d'une atteinte directe" à l'espace aérien des biens-fonds. |
3.1.2 Il faut ensuite que, dans cette phase d'approche, les avions traversent l'espace aérien du bien-fonds survolé. Les avions en vol se trouvent généralement au-delà de cette limite et une ingérence dans l'espace aérien d'un fonds ne se produit que lorsque le passage s'effectue à faible altitude. Le droit civil n'a pas fixé une fois pour toutes cette altitude car, d'après l'art. 667 al. 1 CC, c'est l'intérêt que présente l'exercice du droit de propriété - notamment l'intérêt à s'opposer aux ingérences de tiers, en fonction de la situation de l'immeuble et d'autres circonstances concrètes - qui définit dans chaque cas l'extension verticale de la propriété foncière. La jurisprudence du Tribunal fédéral en matière d'expropriation n'a pas davantage arrêté une hauteur limite, mais a néanmoins considéré qu'à une altitude de vol de 600 m, l'espace aérien des biens-fonds n'était plus touché (ATF 123 II 481 consid. 8 p. 495). Le droit à une indemnité a cependant été reconnu, dans les environs de l'aéroport de Genève, dans des cas où l'altitude de survol à l'atterrissage était inférieure ou égale à 125 m au-dessus du niveau du sol (75 m, 108 m et 125 m, pour des biens-fonds situés respectivement à environ 1 km, 1.5 km et 2.5 km de l'extrémité de la piste - cf. ATF 129 II 72 consid. 3 p. 80; ATF 122 II 349 consid. 4a/cc p. 355; arrêt 1E.8/2000 du 12 décembre 2002 dans la cause Etat de Genève c. B., consid. 5; arrêt E.22/1992 du 24 juin 1996 dans la cause Etat de Genève c. hoirie S.-H., consid. 9c). L'altitude de survol est déterminée en fonction de la pente de descente fixée pour l'approche de l'aéroport (angle de 3°, avec une légère variation admise, jusqu'au seuil de piste). |
3.1.4 A propos du fondement de l'indemnité d'expropriation en cas de survol stricto sensu à l'atterrissage, le Tribunal fédéral a rappelé que, selon le régime du droit civil - qui serait en principe applicable dans le voisinage d'un aérodrome privé -, un propriétaire foncier peut toujours s'opposer à ce que son bien-fonds soit survolé à faible altitude par des aéronefs. Si ce survol est nécessaire au regard de la situation ou des conditions d'exploitation de l'aérodrome, il incombe au propriétaire de cette installation d'acquérir préalablement le droit de passer dans l'espace aérien du bien-fonds voisin (droit de survol). A défaut d'un tel droit, l'usurpation que représente le survol peut être repoussée sur la base de l'art. 641 al. 2 CC. Demeure éventuellement réservé le passage nécessaire, que le voisin pourrait être tenu de céder au propriétaire de l'aéroport "moyennant pleine indemnité", conformément aux conditions de l'art. 694 al. 1 CC (ATF 129 II 72 consid. 2.3 p. 75 et les arrêts cités). |
Les moyens de défense du droit privé ne sont cependant plus disponibles si les atteintes aux biens-fonds du voisinage - survol stricto sensu ou immissions - proviennent de l'utilisation, conforme à sa destination, d'un aéroport public pour la réalisation et l'exploitation duquel le droit fédéral prévoit l'octroi au concessionnaire du droit d'expropriation. La prétention au versement d'une indemnité d'expropriation se substitue aux actions du droit privé mais les conditions de l'indemnisation ne sont pas identiques lorsque le fonds concerné est uniquement exposé au bruit - les immissions étant une conséquence indirecte que l'exercice de la propriété sur un fonds peut avoir sur les fonds voisins -, d'une part, ou lorsqu'il y a survol stricto sensu, soit une intrusion ou une ingérence directe dans l'espace aérien d'une parcelle, d'autre part.
|
3.1.5 Sur plusieurs points, le même régime juridique s'applique à l'expropriation des droits de voisinage en raison des immissions de bruit et en raison du survol (notamment à propos de la prescription des prétentions - ATF 129 II 72 consid. 2.9 p. 80). Néanmoins, selon la jurisprudence, la condition de l'imprévisibilité (cf. supra, consid. 2.1) n'entre pas en considération en matière d'indemnisation pour le survol stricto sensu. Il s'ensuit qu'une indemnité à ce titre peut être allouée au propriétaire d'un bien-fonds situé dans l'axe de la piste, même si ce bien-fonds a été acheté à une époque où il était déjà survolé par les avions dans la phase d'approche. L'antériorité de l'exploitation de l'aéroport peut toutefois être prise en compte lors de la fixation de l'indemnité, pour des motifs d'équité (ATF 129 II 72 consid. 2.6-2.7 p. 78). |
Il est par ailleurs admissible d'allouer cette indemnité à l'ancien propriétaire du bien-fonds survolé qui a été revendu en cours de procédure, lorsque ce propriétaire maintient ses prétentions et que le nouveau propriétaire n'intervient pas dans cette procédure (cf. supra, consid. 2.2). L'indemnité pour survol ne peut cependant être allouée qu'une seule fois et un nouveau propriétaire ne saurait, ensuite, demander lui aussi une compensation de la moins-value subie par l'immeuble (ATF 129 II 72 consid. 2.8 p. 80).
|
3.2.2 Les données statistiques produites par l'expropriant dans la présente procédure montrent clairement l'importance de la dispersion horizontale et de la dispersion verticale au décollage. Il ressort de ces documents que la majorité des trajectoires des grands avions sont proches de l'axe de la piste (c'est-à-dire, à Vernier, à moins de 100 m de part et d'autre dudit axe) mais que les deux parcelles litigieuses sont aussi survolées occasionnellement car elles se trouvent dans la zone des écarts latéraux usuels. L'altitude de ces survols occasionnels par des grands avions (quelques pourcents du total des vols) est généralement, selon ces statistiques, supérieure à 400 m au dessus du niveau du sol. Il est évident qu'à cette altitude, on ne saurait retenir une ingérence dans l'espace aérien des biens-fonds. Il n'est cependant pas exclu que certains passages s'effectuent à une altitude inférieure, éventuellement à 220 ou 250 m. Il ressort néanmoins des documents précités que les avions à réaction ou à turbopropulseurs du trafic commercial ou de lignes passent généralement à une altitude nettement supérieure à celle des petits aéronefs, dont les trajectoires sont plus dispersées mais dont les nuisances sont sans comparaison avec celles des grands avions. |
Dans la présente affaire concernant l'octroi d'une indemnité d'expropriation, il se justifie de traiter différemment le survol à l'atterrissage, d'une part, et le survol au décollage, d'autre part. A l'emplacement litigieux, malgré la production par l'expropriant de données statistiques fondées sur des relevés de trajectoires durant plusieurs semaines, l'instruction n'a pas permis d'établir l'existence ni la fréquence de cas de survol stricto sensu au décollage, c'est-à-dire d'ingérences dans l'espace aérien des parcelles. En raison de la dispersion horizontale, le passage des avions à la verticale de ces biens-fonds est aléatoire et il se produit en définitive rarement. Contrairement à la situation dans la phase finale d'atterrissage, l'espace survolé ne peut pas être comparé à l'assiette d'une servitude de passage bien délimitée, où sont concentrés tous les mouvements d'avion (cf. supra, consid. 3.1.3). Le cas échéant, l'altitude de survol usuelle (au moins 400 m, par rapport au niveau du sol) est à l'évidence nettement supérieure à la limite de l'espace aérien des biens-fonds - limite qu'il n'y a pas non plus lieu, dans cet arrêt, de définir plus exactement (cf. supra, consid. 3.1.2). |
Dans ces conditions, le survol stricto sensu au décollage, s'il se produit effectivement, est une atteinte trop occasionnelle pour fonder, en tant que tel, un droit à une indemnité d'expropriation. Ce risque, dû à la proximité de l'aéroport, est un inconvénient que l'on ne peut pas distinguer, de ce point de vue, de l'ensemble des immissions provoquées par le trafic aérien (cf. art. 684 CC), qui peuvent justifier une indemnisation des voisins aux conditions prévues par la jurisprudence rendue en application de l'art. 5 LEx (spécialité, imprévisibilité, gravité - cf. supra, 2.1). Comme cela a déjà été exposé, une telle indemnisation est en l'espèce exclue, la condition de l'imprévisibilité n'étant pas satisfaite (supra, consid. 2.3). Les expropriés ne sont donc pas fondés à prétendre à une indemnité en raison du survol. Sur ce point, la décision de la Commission fédérale n'est pas critiquable dans son résultat, en tant qu'elle refuse d'entrer en matière sur les prétentions des expropriés à ce sujet.
|