102 III 165
Urteilskopf
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31. Arrêt de la IIe Cour civile du 31 août 1976 dans la cause Hangartner contre Société immobilière Port Pregny S.A.
Regeste
Arrestbefehl, der auf ein Grundstück lautet, das im Grundbuch auf den Namen einer Immobiliengesellschaft eingetragen ist, deren sämtliche Aktien der Arrestschuldner erworben hat. Widerspruchsklage (Art. 109 SchKG).
1. Ob der Arrestgläubiger seine Forderung hinreichend glaubhaft gemacht hat, ist im Prozess zwischen dem Drittansprecher und dem Arrestgläubiger nicht zu prüfen (E. I/1).
2. Es geht nicht an, die Zwangsvollstreckung durch eine wörtliche Auslegung von Art. 10 VZG verhindern zu wollen, wenn nach der zivilrechtlichen Praxis die rechtliche Dualität von Gesellschaft und Alleinaktionär wegen Rechtsmissbrauchs unbeachtlich ist (E. I/2).
3. Dass - wie der Gläubiger vorbringt - der Schuldner im Zeitpunkt des Arrestvollzuges noch Inhaber aller Aktien der Gesellschaft war, ergibt sich normalerweise aus einer negativen Tatsache, nämlich aus dem Fehlen einer Zession an einen Dritten. Die Gesellschaft, die geltend macht, die Aktien hätten damals nicht mehr dem Schuldner gehört, hat demzufolge nach Treu und Glauben zum Beweis beizutragen, indem sie eine Zession nachweist (E. II/2).
4. Besondere Gründe, die im vorliegenden Fall gestützt auf die Rechtsprechung den Schluss zulassen, die Gesellschaft hafte für die Schulden des Alleinaktionärs (E. II/3).
A.- a) Se disant créancier de Bernard Cornfeld à concurrence de 200'000 fr., Willy Hangartner a obtenu, le 15 octobre 1973, une ordonnance de séquestre portant notamment sur la villa Elma, à Pregny, propriété de la Société immobilière Port Pregny S.A. selon inscription au Registre foncier. Il invoquait comme titre de créance un droit à des dommages-intérêts pour des actes illicites que Cornfeld aurait commis lors de l'émission de parts du Fund of Funds. Cornfeld était alors et est
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encore sous le coup de poursuites pénales déclenchées par plusieurs de ses créanciers. Au moment de l'exécution du séquestre, soit le 11 septembre 1973, il était détenu préventivement à Genève. Depuis lors, il a été mis en liberté provisoire moyennant versement d'une caution de 5'000'000 de fr.Pour faire reconnaître son droit à des dommages-intérêts, Hangartner a ouvert action contre Cornfeld le 11 octobre 1973. Cette cause est suspendue.
b) Cornfeld a acquis le capital-actions de la Société immobilière Port Pregny S.A. (cent actions au porteur de 1'000 fr.) pour 2'703'711 fr. le 12 décembre 1969. L'avocat X., à Genève, est devenu l'administrateur unique de la société le 3 août 1970.
c) L'immeuble séquestré étant inscrit au Registre foncier au nom d'un autre que le débiteur, l'Office des poursuites de Genève a imparti à Hangartner, en vertu des art. 109 LP et 10 ORI, un délai de dix jours dès réception du procès-verbal de séquestre pour ouvrir action en contestation de revendication contre Port Pregny S.A. C'est ce qu'a fait Hangartner, demandant qu'il fût prononcé que Cornfeld est seul propriétaire du capital-actions de Port Pregny S.A. et qu'étant ainsi propriétaire économique de l'immeuble il agit de mauvaise foi en opposant à ses créanciers séquestrants la personnalité juridique distincte de la société formellement propriétaire.
Port Pregny S.A. a conclu à libération. Elle soutenait, pour l'essentiel, que Cornfeld n'était plus propriétaire du capital-actions de la société et qu'à tout le moins rien ne permettait d'affirmer qu'il fût seul propriétaire économique de la villa.
d) Le Tribunal de première instance de Genève a rejeté l'action le 19 juin 1975.
B.- Hangartner a formé appel auprès de la Cour de justice, qui, le 2 avril 1976, a admis l'action, déclarant que Cornfeld est propriétaire, au sens de l'art. 106 LP, de la parcelle saisie et que le séquestre serait maintenu sans préjudice de l'action en validation.
Cet arrêt est motivé en substance comme il suit:
Cornfeld s'est toujours comporté comme le véritable propriétaire du capital-actions de Port-Pregny S.A. Il n'a jamais apporté la preuve, pourtant facile à fournir, qu'il ne l'était plus. La société défenderesse s'en est également abstenue. On est ainsi en présence d'une société formée par une seule personne (Einmanngesellschaft). Cornfeld s'identifie économiquement
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avec Port Pregny S.A. Or, en vertu de l'art. 2 CC, il faut faire abstraction de l'existence formelle de deux personnes juridiques distinctes quand le fait de s'en prévaloir constitue un abus de droit. Tel est le cas en l'espèce: Cornfeld recourt à la personnalité de la société pour soustraire ses biens à ses créanciers. Lorsque le débiteur dissimule illicitement le capital-actions dont il est propriétaire, il se justifie de saisir les biens constituant la valeur intrinsèque des actions.
C.- Port Pregny S.A. recourt en réforme au Tribunal fédéral. Elle conclut à la nullité du séquestre, subsidiairement au rejet de la demande.
Considérant en droit:
I.1. A l'appui de ses conclusions en nullité du séquestre, la recourante, reprenant un moyen écarté par la Cour de justice, conteste que l'intimé ait rendu vraisemblable l'existence d'une créance contre Cornfeld.
Ce moyen est irrecevable. Le point de savoir si le créancier qui a requis le séquestre a rendu sa créance suffisamment vraisemblable relève de l'autorité qui ordonne le séquestre selon l'art. 272 LP (ATF 93 III 94 consid. 4a in fine). Cette question, qui sera vidée entre le créancier séquestrant et le débiteur dans l'action en reconnaissance de dette, n'a pas à être discutée dans le procès opposant le revendiquant et le créancier séquestrant.
I.2. Invoquant l'arrêt Pannetier (ATF 93 III 89 ss), la recourante soutient que le séquestre doit être déclaré nul d'office dès lors que, de l'aveu du créancier séquestrant, il porte sur des biens n'appartenant pas au débiteur.
Mais elle sollicite la portée de la jurisprudence. Selon l'arrêt précité, le fait que le créancier requiert le séquestre d'un bien implique normalement qu'il entend soutenir que c'est le débiteur qui en est le propriétaire. L'Office doit s'en remettre à cette allégation, sous réserve de la procédure de revendication si un tiers intervient. Cette règle demeure valable lorsque le séquestre porte sur des biens qui "nominalement" appartiennent à un tiers. Il en va autrement, et le séquestre doit être refusé ou annulé d'office, dans le seul cas où le créancier lui-même attribue à un tiers la propriété des choses séquestrées.
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L'arrêt se réfère à un précédent dans lequel le créancier avait requis le séquestre de biens propriété d'un tiers qu'il considérait comme solidairement responsable (ATF 82 III 70 s.).
En l'espèce, il est constant que, si le créancier a bien désigné l'immeuble dont il requérait le séquestre comme appartenant à Port Pregny S.A., il a cependant relevé que Cornfeld avait été seul propriétaire du capital-actions de la société et que la donation qu'il prétendait en avoir faite à un trust de droit américain en faveur de ses héritiers serait nulle en vertu de l'arrêté fédéral du 23 mars 1961 instituant le régime de l'autorisation pour l'acquisition d'immeubles par des personnes domiciliées à l'étranger. Le créancier a entendu faire porter le séquestre sur un bien nominalement au nom d'un tiers, mais qu'il considère comme étant en réalité la propriété du débiteur poursuivi.
C'est en vain que la recourante soutient qu'un immeuble inscrit au nom d'un autre que le débiteur ne peut être saisi que dans les cas limitativement énumérés par l'art. 10 al. 1 ORI. L'ORI, ordonnance d'exécution, ne s'oppose pas à la saisie, et partant au séquestre, d'un immeuble inscrit au nom d'un tiers lorsque le créancier soutient que ce tiers s'identifie avec le débiteur. Certes, le cas n'est pas expressément mentionné à l'art. 10 ORI. Mais cette disposition légale n'est pas exhaustive; elle ne saurait faire obstacle à la procédure d'exécution forcée dans le cas où, selon la loi civile telle que l'interprète la jurisprudence, la dualité juridique de la société et du propriétaire des actions ne doit pas être prise en considération parce qu'il y a abus de droit à l'invoquer. Entendre littéralement l'art. 10 ORI, c'est l'empêcher de remplir sa fonction, qui est de permettre une procédure d'exécution forcée conforme au droit matériel. On peut d'ailleurs admettre que, quand la dualité juridique formelle dissimule une unité économique complète, l'inscription faite au nom de la société est inexacte au sens de l'art. 10 al. 1 ch. 3 ORI.
Le recours doit dès lors être rejeté dans la mesure où il tend à la nullité du séquestre.
II.1. Selon une jurisprudence bien établie (ATF 71 II 274, ATF 72 II 76, ATF 81 II 459, ATF 85 II 115 s., ATF 92 II 166 consid. 3), lorsque
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tout l'actif d'une société anonyme appartient à une seule personne, on ne peut s'en tenir sans réserve à l'existence formelle de deux personnes juridiquement distinctes. Malgré la dualité de personnes à la forme, il n'existe pas des entités indépendantes, la société étant un simple instrument dans la main de son auteur, qui, économiquement, ne fait qu'un avec elle. On doit dès lors admettre, à certains égards, que, conformément à la réalité économique, il y a identité de personnes et que les rapports de droit liant l'une lient également l'autre. Ce sera le cas chaque fois que le fait d'invoquer la diversité des sujets constitue un abus de droit ou a pour effet une atteinte manifeste à des intérêts légitimes.
II.2. a) En l'espèce, il n'est pas contesté que, dès 1969, Cornfeld était propriétaire de l'intégralité du capital-actions de Port-Pregny S.A., laquelle, économiquement, n'était pas une entité indépendante, mais un instrument à son service: il a passé avec la société un bail de cinquante ans, pour lequel il ne paie aucun loyer, fait pour plusieurs millions de travaux au bâtiment et est le seul créancier figurant au bilan. La recourante n'a aucune existence économique propre.
b) Il est d'autre part constant que Cornfeld a réussi jusqu'ici à celer les actions de la société et à les soustraire à l'emprise de ses nombreux créanciers.
c) Le seul point sur lequel porte l'argumentation de la recourante est celui de savoir si, lors du séquestre, en septembre 1973, Cornfeld était toujours propriétaire du capital-actions. En principe, le fardeau de cette preuve incombe au créancier séquestrant. Cependant, étant établi qu'antérieurement, dès 1969, Cornfeld était seul actionnaire, la preuve qu'il l'est demeuré jusqu'en septembre 1973 résulte normalement d'un fait négatif, soit l'absence d'une cession à un tiers. En pareil cas, la jurisprudence impose à l'autre partie, en vertu des règles de la bonne foi, qu'elle participe activement à la procédure probatoire en rapportant elle-même la preuve contraire, l'échec de cette preuve - ou l'inaction de la partie - pouvant constituer un indice de l'inexistence du fait (ATF 95 II 138, 233 consid. 1; ATF 98 II 243; ATF 100 Ia 15 ss).
Sans doute la recourante soutient être dans l'impossibilité d'établir qu'il y a eu cession des actions. C'est théoriquement concevable. Mais, en réalité, la société est représentée par son administrateur, la seule personne physique à part le titulaire
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des actions. Or l'arrêt attaqué retient, avec raison, que, lorsqu'il participe aux assemblées générales, l'administrateur "doit bien avoir l'occasion de rencontrer le porteur des actions" - ou tout au moins son représentant. Les mots "doit bien" sont l'expression, non d'une hypothèse, mais d'une évidence. L'administrateur ne peut ignorer qui se présente ou au nom de qui se présente un mandataire. Etant lui-même actionnaire (art. 707 al. 1 CO) et très vraisemblablement actionnaire fiduciaire, il sait, à coup sûr, pour le compte de qui il détient son ou ses actions. Or il est représentant de la société, de par la loi. La Cour cantonale était dès lors fondée à imputer à la défenderesse le comportement de son administrateur.Elle constate aussi - autre indice de l'inexistence d'une cession - que, dans la procédure en paiement de loyer et en expulsion engagée par le gérant légal, l'avocat X., alors conseil de Cornfeld, avait déjà refusé de fournir des renseignements sur le prétendu nouvel actionnaire.
Mais le comportement de Cornfeld lui-même est plus révélateur encore. Cornfeld n'a donné aucune indication à l'huissier de l'Office des poursuites, lorsqu'il a été interrogé le 25 janvier 1974: il a refusé de dire où les actions se trouvaient. Ce n'est que plus tard, en septembre 1974, devant le juge d'instruction, qu'il a prétendu les avoir cédées à un trust de droit américain constitué en faveur de ses héritiers. Dans le procès en évacuation et en paiement du loyer, il a également refusé de fournir des renseignements. Il n'a de plus jamais apporté la preuve, facile à fournir, d'une cession, et cela "devant toutes les juridictions où pourtant il eût été du plus grand intérêt pour lui qu'il établît la vente ou la cession des actions à un tiers". Il n'a jamais indiqué la date de la prétendue cession.
Dès lors, la Cour cantonale appréciant souverainement ces indices pouvait, sans violer le droit fédéral, constater:
"Il apparaît que durant ces deux dernières années au cours desquelles Sieur Cornfeld a dû affronter les attaques de ses créanciers, ce débiteur a démontré par son comportement qu'il n'a jamais cessé d'être propriétaire du capital-actions de la société, actions qu'il a pris soin de dissimuler d'emblée pour les faire échapper aux divers séquestres."
Ainsi, lié par une constatation de fait, qui n'est entachée d'aucune inadvertance manifeste, ni d'aucune violation des règles de droit fédéral en matière de preuve, le Tribunal fédéral
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doit tenir pour constant qu'actuellement encore Cornfeld est propriétaire du capital-actions de la société.
II.3. L'identité économique entre Cornfeld et Port Pregny S.A. est parfaite: seul actionnaire, seul créancier, Cornfeld dispose à sa guise de la société, qui n'a aucune autonomie, aucune individualité qui ne soit de forme.
En soustrayant les actions à l'emprise de ses créanciers, d'une part, et en suscitant, d'autre part, la revendication par la société de son droit de propriété sur l'immeuble, Cornfeld agit en fraude de la loi, dans le but évident de faire échapper un actif important à ses créanciers. Ce comportement est manifestement abusif au sens de l'art. 2 CC. Admettre le recours consacrerait des agissements malhonnêtes.
Sans doute la jurisprudence a-t-elle le plus souvent conduit à déclarer l'actionnaire responsable de dettes de la société, et non le contraire, comme c'est le cas en l'espèce. Un arrêt marque une certaine réserve lorsque c'est la société qui est recherchée pour les dettes de l'actionnaire qui la domine. Les actifs de la société doivent être affectés à la couverture du passif social au premier chef et partant la société ne peut être recherchée pour les dettes de l'actionnaire unique que pour des motifs particuliers (ATF 85 II 115 s.).
Mais, en l'espèce, il y a précisément de tels motifs dans la conjonction entre la confusion totale des patrimoines et le refus obstiné de l'actionnaire unique d'indiquer où sont les actions. D'autre part, il est constant que la société n'a aucun autre créancier que Cornfeld. Le souci d'affecter les actifs à la couverture du passif social est donc sans pertinence dans le cas particulier.
D'ailleurs, la recourante ne soutient pas un point de vue contraire. Elle se borne à contester qu'il soit établi qu'elle est, actuellement encore, dominée par Cornfeld, en se gardant d'ailleurs d'articuler aucun élément de fait positif à l'appui de ses dénégations.
Le seul argument avancé est qu'elle ne doit pas pâtir de l'incapacité de l'Office des poursuites de mettre la main sur les actions alors qu'elle ne disposerait d'aucun moyen de savoir où sont ces titres. Mais invoquer l'intérêt propre de la société revient à se prévaloir de l'intérêt personnel de Cornfeld dès l'instant qu'il est posé en fait que celui-ci est toujours seul propriétaire des actions.
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L'éventualité d'un préjudice que risquerait de subir un acheteur futur des titres, ignorant le séquestre, n'a pas à être prise en considération. On n'achète pas le capital-actions d'une société immobilière de cette importance sans prendre d'élémentaires renseignements sur la situation juridique des immeubles. Une vente conclue sans que l'acheteur soit au courant du séquestre est hautement improbable; elle serait d'ailleurs nulle pour cause de dol au cas où Cornfeld vendrait les actions en taisant l'existence du séquestre.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral:
Rejette le recours et confirme l'arrêt attaqué.