Urteilskopf
103 III 97
19. Arrêt de la IIe Cour civile du 15 décembre 1977 dans la cause Blum contre Banque de commerce et de financement "Bancofin" S.A.
Regeste
Verkaufsversprechen ("promesse de vente") verbunden mit einem im Grundbuch vorgemerkten Kaufsrecht. Nachträglicher definitiver Vertragsschluss. Anfechtungsklage.
1. Art. 285 Abs. 2 Ziff. 1 SchKG. Grundsätzlich kann nur der Gläubiger, der einen endgültigen Verlustschein erhalten hat, ein eine Anfechtungsklage gutheissendes Urteil erwirken (Bestätigung der Rechtsprechung) (E. 1).
2. Das öffentlich beurkundete Verkaufsversprechen ("promesse de vente"), in dem sich die Parteien über alle Vertragspunkte geeinigt haben, stellt einen Grundstückkaufvertrag, nicht einen Vorvertrag, dar: Der Umstand, dass sich der Käufer verpflichtet, "für sich oder für einen von ihm zu bezeichnenden Dritten" zu erwerben, und die Tatsache, dass die Grundbucheintragung für einen späteren Zeitpunkt vorgesehen ist, haben nicht zur Folge, dass die Parteien einen weiteren Vertrag zu schliessen hätten (E. 2a).
3. Es ist zulässig, einen Grundstückkaufvertrag mit einem im Grundbuch vorgemerkten Kaufsrecht zu verbinden. Wurde der Vertrag in der Form eines Verkaufsversprechens ("promesse de vente") geschlossen, schliesst der definitive Vertragsschluss die Ausübung des Kaufsrechtes ein (E. 2b).
4. Wo die versprochene Leistung durch Vormerkung im Grundbuch dinglich gesichert worden ist, ist das Verpflichtungsgeschäft Gegenstand der Anfechtungsklage (E. 2c).
A.- Le 8 octobre 1973, la société anonyme Banque de commerce et de financement Bancofin S.A. (ci-après: Bancofin S.A.) a demandé la continuation de la poursuite No 308.356 de l'Office des poursuites de Genève contre Erwin-Jean Zurcher, alors domicilié à Genève, pour une créance de 15'816 fr. 15, avec intérêt et frais. Elle a ainsi participé à une
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saisie de biens meubles et de salaire opérée par l'Office des poursuites les 26/28 septembre 1973. La saisie étant insuffisante et le débiteur déclarant ne pas posséder d'autres biens, le procès-verbal a eu valeur d'acte de défaut de biens.
Lors de la saisie, Zurcher avait tu qu'il était propriétaire de la parcelle No 37 de la commune de Gingins, sur laquelle était construit un chalet. Il avait acheté cet immeuble le 17 mai 1972, pour le prix de 105'000 fr. L'immeuble était grevé de trois gages immobiliers constitués sous forme de cédules hypothécaires, savoir: en premier rang, une cédule hypothécaire de 50'000 fr. en faveur du Crédit foncier vaudois; en deuxième rang, une cédule hypothécaire au porteur de 15'000 fr. et en troisième rang, une cédule hypothécaire au porteur de 20'000 fr. Le 30 octobre 1973, Zurcher avait passé avec Robert Blum, en la forme authentique, un contrat intitulé "promesse de vente - droit d'emption", dans lequel Zurcher s'engageait à vendre l'immeuble et Blum à l'acquérir "pour soi ou son nommable", pour le prix de 120'000 fr. Blum a versé un acompte de 40'000 fr.; le solde du prix était payable comme il suit: 50'000 fr. par la reprise de la cédule hypothécaire en premier rang et 30'000 fr. en espèces, contre remise à l'acquéreur des deux cédules hypothécaires au porteur. L'acte définitif devait être passé au plus tard le 31 janvier 1974; à l'expiration de ce délai, chacune des parties pourrait assigner l'autre, moyennant préavis de dix jours, "pour procéder au transfert définitif". Au chiffre 11 de la promesse de vente, le vendeur Zurcher accordait à l'acheteur Blum un droit d'emption aux conditions énumérées ci-dessus; il était convenu que ce droit, dont l'échéance était fixée au 28 février 1974, serait annoté au registre foncier. L'annotation a eu lieu le 6 novembre 1973.
Lors de la conclusion du contrat, le notaire Pavillon, qui instrumentait l'acte, a rendu les parties attentives au fait que le solde de 30'000 fr. à payer au moment de la passation de l'acte définitif ne suffirait pas à couvrir le montant nominal des deux cédules hypothécaires au porteur, de 35'000 fr. Mais Zurcher a assuré que les dettes étaient assez amorties pour que le montant de 30'000 fr. permît de satisfaire les créanciers. Blum et Pavillon se sont contentés de cette explication.
Le 14 novembre 1973, Bancofin S.A. a obtenu du Juge de paix du cercle de Gingins un séquestre sur l'immeuble appartenant à Zurcher, pour une créance de 15'960 fr. 15, avec
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intérêt à 5% dès le 12 février 1973. Sur la base de ce séquestre, une restriction du droit d'aliéner a été annotée au registre foncier le 16 novembre 1973. Bancofin S.A. a validé le séquestre le 3 décembre 1973, par poursuite No 372.478 de l'Office des poursuites de Genève. Opposition n'a pas été faite au commandement de payer. Bancofin S.A. a demandé continuation de la poursuite, le 25 janvier 1974 à l'Office des poursuites de Nyon, le 13 février 1974 à celui de Genève. Entre-temps, soit le 26 novembre 1973, l'immeuble de Zurcher avait été saisi par l'Office des poursuites de Genève sur requête d'autres créanciers. Lors de cette saisie, Zurcher avait tu que, le 30 octobre 1973, il avait reçu de Blum un acompte de 40'000 fr. sur le prix de vente. En revanche, au procès-verbal de saisie, figurait également, pour une valeur estimative de 2'000 fr., une automobile Alfa-Romeo, dont la société anonyme Aufina A.G., à Brugg, a revendiqué la propriété sur la base d'un contrat de vente avec réserve de propriété. Bancofin S.A. a été admise à participer à cette saisie le 21 mai 1974.
Il est alors apparu que Blum et Zurcher avaient passé l'acte définitif de vente de l'immeuble le 22 février 1974. En vue de la passation de l'acte, le notaire Pavillon avait demandé aux créanciers hypothécaires de lui indiquer le montant dû par Zurcher à cette date. Ce montant s'élevait au total à 89'653 fr., dépassant ainsi de 9'653 fr. le solde de 80'000 fr. à payer par l'acheteur en vertu de la promesse de vente. Zurcher promit de se procurer ce montant jusqu'au 22 février 1974, mais il n'y parvint pas: il put seulement réunir 4'700 fr., disant qu'il s'agissait du prêt d'une parente. Le notaire Pavillon a avancé le solde de 4'953 fr., car il s'estimait responsable envers Blum.
Le contrat de vente du 22 février 1974, dont l'inscription au registre foncier a été requise le 1er mars 1974, a été établi par le notaire Pavillon sur une formule de réquisition pour le registre foncier; il y est constaté que Zurcher vend l'immeuble à Blum "en exécution d'une promesse de vente". Pour le surplus, le contrat a le même contenu que celui du 30 octobre 1973, à l'exception de la clause sur le droit d'emption dont était demandée la radiation au registre foncier. Au moyen du paiement de 30'000 fr. effectué par Blum, de la somme de 4'700 fr. procurée par Zurcher et des 4'953 fr. qu'il avait avancés lui-même, le notaire Pavillon a payé les dettes garanties
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par les cédules hypothécaires en deuxième et troisième rang, qui lui ont été remises. Il les a remises à son tour à Blum.
Après un long échange de correspondance entre les parties et les offices de poursuite intéressés, l'Office de Genève a finalement été d'avis qu'ensuite de la vente intervenue le 22 février 1974 l'immeuble n'était plus soumis à la saisie et au séquestre; il a dès lors rejeté la demande de vente présentée par Bancofin S.A. Ce point de vue a été approuvé le 23 février 1976, dans le cadre de la procédure de plainte, par la Chambre des poursuites et des faillites du Tribunal fédéral (
ATF 102 III 20 ss). Le Tribunal fédéral a considéré, en substance, ce qui suit:
En concluant le contrat du 22 février 1974, Blum a exercé son droit d'emption. Ce droit a été annoté au registre foncier avant la restriction du droit d'aliéner fondée sur le séquestre et la saisie qui s'est ensuivie. Partant, il la prime. L'exercice du droit d'emption a pour conséquence que l'immeuble n'est plus soumis au séquestre, respectivement à la saisie; celle-ci ne peut plus porter que sur la créance du propriétaire en paiement du prix de vente. Mais, en l'espèce, il ne pouvait être question de saisir la créance de Zurcher: en effet, le montant à payer par l'acheteur ne suffisait même pas pour couvrir les charges hypothécaires, antérieures tant au droit d'emption qu'à la restriction du droit d'aliéner.
B.- Le 3 mai 1976, Bancofin S.A. a introduit action révocatoire contre Blum auprès de la Cour civile du Tribunal cantonal vaudois, demandant que le contrat du 30 octobre 1973 et celui du 22 février 1974 fussent annulés et qu'il fût dit par jugement que la saisie opérée sur la parcelle 37 du registre foncier de la commune de Gingins au profit de la demanderesse dans le cadre de la poursuite No 372.478 de l'Office de Genève "grève à nouveau" l'immeuble. La Cour civile a admis l'action le 29 juillet 1977. Ce jugement est motivé comme il suit:
En ce qui concerne la qualité pour agir, force est de constater que, ni dans la poursuite ordinaire No 308.356, ni dans la poursuite en validation de séquestre No 372.478, un acte de défaut de biens définitif n'a été délivré à la demanderesse. Toutefois, il n'est pas établi que l'Office des poursuites de Genève ait délivré, dans la poursuite en validation de
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séquestre du bien dissimulé lors de la saisie initiale, un acte de défaut de biens définitif qui rendrait sans effet l'acte de défaut de biens provisoire. En conséquence, la perte documentée dans l'acte de défaut de biens provisoire subsiste et celui-ci reste en force. Il s'ensuit que la demanderesse a qualité pour ouvrir action révocatoire.
Sur le fond, on doit considérer qu'en concluant le contrat du 22 février 1974, Blum n'a pas exercé le droit d'emption qui lui avait été accordé le 30 octobre 1973: il y a eu conclusion du contrat principal prévu dans la promesse de vente. Le droit d'emption avait pour seul but de renforcer la prétention du promettant-acheteur à la passation du contrat de vente. Dès l'instant que Zurcher a coopéré de son plein gré à la conclusion du contrat principal, le but de sûreté réelle indirecte du droit d'emption n'a plus eu sa raison d'être et ce droit est devenu sans objet. C'est ce que le Tribunal fédéral a perdu de vue dans son arrêt du 23 février 1976. Dès lors, compte tenu des restrictions du droit d'aliéner annotées au registre foncier les 16/26 novembre 1973, ensuite du séquestre et de la saisie, Zurcher ne pouvait pas vendre son immeuble le 22 février 1974; la vente est nulle, vu les
art. 96 al. 2 LP et 960 al. 2 CC. La poursuite aurait dû suivre son cours comme si le droit de propriété inscrit le 1er mars 1974 n'existait pas et aboutir à la réalisation de l'immeuble. Mais cela n'est plus possible du fait de la décision erronée du Tribunal fédéral; la situation ne peut pas être redressée, car le délai pour requérir la vente est périmé et la poursuite est tombée. Il est inutile d'examiner si le pacte d'emption du 30 octobre 1973 est révocable: le droit d'emption n'a pas été exercé et sa validité est échue le 28 février 1974. Le contrat de vente du 22 février 1974 n'est pas révocable selon les
art. 286 et 287 LP, mais selon l'
art. 288 LP. En le concluant, Zurcher a intentionnellement privé ses créanciers de leur droit réel sur l'immeuble et les a ainsi lésés; il y a en tout cas eu dol éventuel. L'intention frauduleuse était reconnaissable pour le défendeur, qui, comme mandant, répond de ce que le notaire Pavillon savait ou devait savoir.
C.- Robert Blum a recouru en réforme au Tribunal fédéral, demandant que l'action de la demanderesse fût rejetée. Le Tribunal fédéral a admis le recours.
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Considérant en droit:
1. Le recourant nie que l'intimée ait qualité pour intenter action révocatoire. En effet, dit-il, elle n'a ni établi, ni même allégué qu'un acte de défaut de biens définitif lui ait été délivré dans l'une des deux poursuites introduites contre Zurcher. La question de savoir si, ce que l'intimée conteste et qui ne ressort pas des pièces du dossier, la recourante a déjà soulevé cette exception devant la Cour cantonale est sans importance. Le problème doit être examiné d'office, comme l'ont déjà fait les premiers juges (
ATF 37 II 504; FRITZSCHE, Schuldbetreibung und Konkurs, 2e éd., II, p. 287).
Aux termes de l'
art. 285 al. 2 ch. 1 LP, l'action révocatoire appartient à tout créancier porteur d'un acte de défaut de biens provisoire ou définitif. Toutefois, depuis 1911, dans sa jurisprudence constante (
ATF 37 II 500 ss,
ATF 39 II 385 s.,
ATF 47 III 93,
ATF 53 III 215 s.,
ATF 96 III 115), approuvée par la doctrine unanime (cf. les auteurs cités dans
ATF 96 III 115), le Tribunal fédéral ne reconnaît qu'un caractère temporaire à la qualité pour agir découlant de l'acte de défaut de biens provisoire. Cette interprétation a pour raison d'être qu'un acte de défaut de biens provisoire ne permet pas de tenir pour établi que le créancier a subi une perte dans la poursuite. C'est seulement quand il est constaté sans objection possible que tel est le cas et quand on connaît le montant de la perte que doit être accordé au créancier le droit d'obtenir un jugement admettant une action révocatoire. Par conséquent, il faut que le créancier qui a reçu un acte de défaut de biens provisoire avant qu'intervienne le jugement sur l'action révocatoire obtienne délivrance d'un acte de défaut de biens définitif, soit sur la base d'une réquisition de vente faite par lui, soit ensuite de réalisation sur requête d'un autre créancier poursuivant.
Ce principe n'est pas en contradiction avec le texte de l'
art. 285 al. 2 ch. 1 LP. Le fait que, dans cette disposition légale, la qualité pour ouvrir action révocatoire est également reconnue au détenteur d'un acte de défaut de biens provisoire a une double raison. D'une part, il est ainsi clair que le créancier n'a pas à attendre de recevoir un acte de défaut de biens définitif pour ouvrir action révocatoire, mais qu'il peut l'introduire déjà après délivrance de l'acte provisoire, devant seulement faire en sorte qu'en cours d'instance cet acte provisoire
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soit remplacé par un acte définitif (
ATF 37 II 502; cf. FRITZSCHE, op.cit., p. 288 et les références). D'autre part, il peut arriver que le caractère révocable d'un acte juridique doive être tranché par jugement dans le cadre d'une procédure de revendication, donc à un moment où le créancier n'a pas encore eu la possibilité de demander la réalisation et d'obtenir un acte de défaut de biens définitif. Dans un tel cas, il faut qu'il lui soit possible, sur la base de l'acte de défaut de biens provisoire, non seulement d'introduire action révocatoire, mais aussi de mener le procès jusqu'à jugement entrant en force (cas de ce type notamment dans
ATF 39 II 380 ss).
En l'espèce, selon le procès-verbal de saisie délivré à l'intimée le 31 octobre 1973, ont été saisis chez le débiteur Zurcher des meubles pour la valeur d'estimation de 19'340 fr. et un montant de 1'000 fr. par mois sur son salaire. Certes, la saisie était insuffisante, car la série dans laquelle se trouvait l'intimée comprenait cinq créanciers avec des créances de 40'000 fr. au total et les mêmes biens avaient déjà été saisis en faveur de créanciers antérieurs. Dans cette mesure, c'est à juste titre que le procès-verbal de saisie a eu valeur d'acte de défaut de biens provisoire. Toutefois, il ne donne aucun renseignement sur le point de savoir si, dans la poursuite No 308.356, l'intimée a finalement subi une perte et, dans l'affirmative, de quel montant. Seul un acte de défaut de biens définitif pourrait fournir des informations claires à ce sujet.
L'intimée affirme que, dans la poursuite No 308.356 comme dans toutes les autres poursuites qu'elle a introduites contre Zurcher, elle a demandé la vente des biens saisis: elle n'a pas, dit-elle, à supporter les conséquences du fait que, par négligence, l'Office des poursuites de Genève n'a pas établi d'acte de défaut de biens définitif. On ne peut pas se rallier à cette argumentation. L'intimée ne l'a pas présentée dans la procédure cantonale. Dans sa demande devant la cour cantonale, elle a fait valoir que, sur la base de l'acte de défaut de biens provisoire, elle avait obtenu le séquestre de l'immeuble de Zurcher. Il n'a jamais été dit que, dans la poursuite No 308.356, la réalisation ait eu lieu ou qu'elle ait été demandée, ni qu'un acte de défaut de biens définitif ait été délivré ou que les conditions de la délivrance d'un tel acte aient été réalisées. Aussi la juridiction cantonale a-t-elle constaté, d'une
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manière logique, que, au lieu de demander la réalisation, l'intimée a fait séquestrer l'immeuble de Zurcher. Il est ainsi établi, ce qui lie le Tribunal fédéral, que, dans la poursuite No 308.356, l'intimée n'a pas déposé de réquisition de vente. Cela étant, la poursuite No 308.356, conformément à l'art. 116 al. 2 en liaison avec l'
art. 121 LP, est tombée à l'expiration du délai d'un an depuis que l'intimée avait déposé la réquisition de continuer la poursuite. Comme la saisie en faveur de l'intimée a eu lieu le 31 octobre 1973, Bancofin S.A. a dû déposer sa réquisition de continuer la poursuite avant cette date, si bien que le délai d'un an mentionné ci-dessus était expiré le 31 octobre 1974 en tout cas. Ainsi, lors de l'ouverture de la présente action révocatoire, le 3 mai 1976, la poursuite No 308.356 était tombée et le procès-verbal de saisie établi dans cette poursuite et valant acte de défaut de biens provisoire avait perdu sa validité. La qualité de l'intimée pour ouvrir action révocatoire ne saurait donc se fonder sur cet acte.
Un acte de défaut de biens définitif n'a pas été non plus délivré dans la poursuite en validation de séquestre No 372.478. L'intimée ne l'a en tout cas jamais affirmé. Une poursuite en validation de séquestre n'aboutit normalement pas à la délivrance d'un acte de défaut de biens, car elle se limite aux biens séquestrés (FRITZSCHE, op.cit., p. 236). On peut, il est vrai, concevoir une exception à cette règle quand, comme en l'espèce, la poursuite en validation s'est opérée, non pas au lieu de séquestre, mais au lieu du domicile du débiteur. Le créancier a alors la possibilité de demander, dans la poursuite introduite en vue de valider le séquestre, que soient saisis également d'autres biens que les biens séquestrés et, par cette voie, on peut parvenir à la délivrance d'un acte de défaut de biens provisoire ou définitif. Mais, on l'a vu, tel n'a pas été le cas en l'espèce. La poursuite en validation de séquestre a été infructueuse du fait que la réquisition de vente présentée par la créancière a été rejetée en dernière instance par le Tribunal fédéral. Pour que, dans cette poursuite, un acte de défaut de biens définitif pût être délivré à la créancière, celle-ci aurait dû préalablement faire rechercher, par la voie d'une saisie complémentaire, si le débiteur avait encore d'autres biens. Comme tel n'a pas été le cas, la poursuite en validation de séquestre est, elle aussi, tombée un an après qu'avait été déposée la
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réquisition de continuer la poursuite, savoir le 13 février 1975, si bien que l'action révocatoire, introduite le 3 mai 1976, ne pouvait pas non plus se fonder sur l'échec de cette poursuite.
En outre, pour qu'un acte de défaut de biens définitif pût être délivré à la créancière dans la poursuite en validation de séquestre, il aurait fallu qu'on fût aussi au clair sur le sort de la voiture Alfa-Romeo englobée dans la saisie. C'est seulement si ce bien avait échappé à la saisie ensuite de la prétention du tiers revendiquant ou si le produit de sa réalisation avait été connu qu'il y aurait eu base suffisante pour que pût être jugée l'action révocatoire.
On ne saurait se rallier à la cour cantonale quand elle dit que l'échec de la poursuite en validation de séquestre a eu pour effet que l'acte de défaut de biens provisoire délivré dans la poursuite initiale No 308.356 est demeuré en force. La poursuite en validation de séquestre ne pouvait pas avoir d'influence sur l'écoulement du délai d'un an de l'art. 116 LP dans le cadre de la poursuite ordinaire antérieure.
Ainsi, on le voit, non seulement l'intimée ne disposait pas d'un acte de défaut de biens définitif au moment où a été rendu le jugement attaqué, mais, lors de l'ouverture d'action, elle n'avait pas d'acte de défaut de biens provisoire. C'est donc à tort que la cour cantonale lui a reconnu qualité pour agir. Le recours doit dès lors être admis pour ce motif et l'action révocatoire rejetée.
2. Tel devrait d'ailleurs être le cas même si l'intimée avait qualité pour agir. En effet, la cour cantonale a donné une version erronée de la situation juridique qui est à la base du litige: la IIe Cour civile ne peut que se rallier à l'interprétation de la Chambre des poursuites et des faillites, dans son arrêt du 23 février 1976.
a) Tout d'abord, il y a lieu de déterminer la nature juridique du contrat passé devant notaire, le 30 octobre 1973, entre Zurcher et Blum. A première vue. il paraît s'agir, comme le pensent les premiers juges (cf. GILLIÉRON, JdT 1977 II 156), d'une promesse de contracter obligeant les parties à coopérer à la conclusion d'une vente immobilière, au sens des
art. 22 et 216 al. 2 CO. Mais la question a été abondamment discutée par la doctrine de savoir si une telle promesse de contracter est concevable (GUHL/MERZ/KUMMER, Das schweizerische Obligationenrecht, 6e éd., p. 113; VON TUHR/SIEGWART, Allgemeiner
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Teil des schweizerischen Obligationenrechts, 2e éd., I, p. 252 ss; DÉNÉRÉAZ, Promesse de vente, pacte d'emption et pratique notariale vaudoise, thèse Lausanne 1941, notamment, p. 26 ss et 141 ss; CAVIN, La promesse de contracter, SJ 1970, p. 321 ss; MATILE, La forme des pactes d'emption en droit vaudois, JdT 1955 III, p. 10 ss; KUMMER, dans le compte rendu de l'
ATF 97 II 48 in RJB 109/1973, p. 149). Selon ces auteurs, surtout Dénéréaz, Cavin et Kummer, on est en présence de l'alternative suivante: ou bien une convention contient tous les éléments essentiels de l'accord des volontés entre les parties et il n'y a pas promesse de contracter, mais, d'ores et déjà, contrat; ou bien les parties ne se sont pas entendues sur tous les éléments essentiels du contrat et il n'existe pas encore entre elles de lien générateur d'une obligation dont l'exécution puisse être exigée par action. Certes, pour convaincants que paraissent ces arguments, on peut se demander s'il n'est pas possible de concevoir certaines circonstances dans lesquelles il y aurait place pour une promesse de contracter. Mais la question n'a pas à être tranchée dans le cadre du présent litige: en l'espèce, il n'y a manifestement pas promesse de contracter, mais contrat, dans lequel les parties se sont mises d'accord sur tous les éléments, principaux et accessoires. Se conformant à une pratique notariale très répandue dans le canton de Vaud, elles n'ont pas conclu tout de suite un contrat de vente à inscrire immédiatement au registre foncier, selon toute probabilité parce qu'elles entendaient, d'une part, prévoir l'inscription au registre foncier seulement pour plus tard et, d'autre part, donner à l'acheteur Blum la possibilité de se substituer un tiers. Mais cela n'empêche pas de considérer le contrat du 30 octobre 1973 comme un contrat de vente d'ores et déjà définitif. Un contrat de vente peut prévoir que l'inscription au registre foncier aura lieu plus tard et que l'acheteur a la possibilité de se substituer un tiers. Certes, il y a là deux facteurs d'incertitude dans les rapports contractuels, mais ni l'un ni l'autre n'entraîne la nécessité pour les parties de conclure entre elles encore un autre contrat. Au moment de l'échéance de leurs prestations respectives, soit le 31 janvier 1974, les deux contractants pouvaient réclamer directement l'exécution du contrat. Au cas où l'acheteur Blum aurait voulu faire usage de la possibilité de se substituer un tiers, il n'aurait pas été nécessaire que fût conclu un contrat entre
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Zurcher et ce tiers, mais seulement entre Blum et le tiers. Zurcher aurait pu réclamer l'exécution du contrat à Blum directement, le cas échéant au tiers. La convention passée devant notaire le 30 octobre 1973 et intitulée "promesse de vente - droit d'emption" n'était donc pas une promesse de contracter une vente immobilière, mais un contrat de vente immobilière (dans ce sens déjà
ATF 42 II 497; les conventions faisant l'objet des arrêts
ATF 56 I 195 ss et
ATF 97 II 48 ss auraient également pu être qualifiées, de manière plus satisfaisante, de ventes, plutôt que de promesses de vente; cf. KUMMER, RJB 109/1973, p. 149). C'est d'ailleurs ce qui résulte des termes employés dans l'acte. Il y est dit qu'à l'expiration du délai au 31 janvier 1974 "chacune des parties pourra assigner l'autre ... pour procéder au transfert définitif". Or l'action fondée sur l'
art. 665 al. 1 CC présuppose la conclusion du contrat principal ou le prononcé du jugement qui en tient lieu: quand on y voit un précontrat, la promesse de vente ne permet pas de demander d'emblée l'attribution de la propriété, mais seulement la passation du contrat principal (
ATF 97 II 52 b).
b) Le droit d'emption convenu en faveur de l'acheteur et annoté au registre foncier conformément aux
art. 683 et 959 CC avait pour objet de servir de sûreté réelle pour l'obligation du vendeur de transférer à Blum la propriété de l'immeuble, visant ainsi à empêcher que, durant la période intermédiaire entre la conclusion du contrat et l'inscription au registre foncier, donc entre l'acte générateur d'obligation et l'acte de disposition, pussent être annotées des restrictions du droit d'aliéner opposables également au titulaire du droit d'emption. C'est ce qui est assuré par l'
art. 959 al. 2 CC, en vertu duquel un droit d'emption annoté devient opposable à tout droit postérieurement acquis sur l'immeuble.
Certes, dans l'arrêt
ATF 56 I 198, rendu au sujet d'un cas identique, le Tribunal fédéral a dit que, lorsqu'il y a eu simple précontrat entre les parties et que la conclusion d'un contrat principal a été expressément réservée, il n'y a pas droit d'emption, car l'exercice d'un tel droit peut se faire sans conclusion d'un nouveau contrat, simplement par déclaration unilatérale du titulaire. Mais cette décision a été critiquée avec raison (DÉNÉRÉAZ, op.cit., p. 100; CAVIN, op.cit., p. 324). Le Tribunal fédéral a perdu de vue (contrairement à sa jurisprudence
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antérieure:
ATF 42 II 497) que, dans ce cas également, il y a, en réalité, non pas promesse de contracter, mais d'ores et déjà contrat. Au surplus, dans la mesure où elle est concevable, la promesse de contracter obligeant les parties à coopérer à la conclusion d'un contrat de vente contient, d'une part, la promesse du vendeur de vendre l'immeuble, d'autre part, la promesse de l'acheteur de l'acheter. La promesse du vendeur, à laquelle correspond le droit de l'acheteur d'acheter l'immeuble, n'est, dans son concept, qu'un droit d'emption qui, si les parties en sont convenues, peut être annoté au registre foncier sans que rien y fasse obstacle. Peu importe qu'ait été convenu en outre un droit du vendeur de vendre l'immeuble à l'acheteur et de réclamer à celui-ci le prix de vente, droit auquel font pendant les devoirs correspondants de l'acheteur (issus de la promesse d'achat) et dont l'annotation au registre foncier n'est pas concevable: cela n'entame en rien la possibilité de convenir d'un droit d'emption et de le faire annoter au registre foncier (cf. MEIER-HAYOZ, n. 23 ad
art. 683 CC et les références; HAAB, n. 1 ad
art. 683 CC). Meier-Hayoz estime en revanche (n. 14a - 14c ad
art. 683 CC) que le droit, découlant d'un contrat principal, à ce que l'acheteur obtienne le transfert de la propriété ne peut pas être muni d'une sûreté réelle sous forme d'un droit d'emption. Toutefois, son argumentation n'est pas convaincante. Sans doute, il peut paraître, à première vue, contradictoire de convenir d'une part d'une vente, d'autre part d'un simple droit d'emption. Mais le droit d'emption à annoter contient un élément de plus que la prétention au transfert issue du contrat de vente: il peut être renforcé par sûreté réelle. Aussi ne comprendrait-on pas pourquoi un droit personnel découlant d'un précontrat (ainsi que d'autres droits personnels, cf. MEIER-HAYOZ, n. 8-13 ad
art. 683 CC) pourrait être garanti d'une sûreté réelle, mais pas la prétention, issue du contrat de vente, au transfert de la propriété. On ne saurait parler d'un acte juridique simulé. Comme le cas présent le démontre précisément, le droit d'emption doit protéger le titulaire non seulement pour empêcher qu'entre-temps le propriétaire ne transfère à un tiers la propriété du fonds, mais aussi pour éviter que le propriétaire ou, comme en l'espèce, ses créanciers agissant par la voie de la poursuite ne puissent créer sur l'immeuble des droits susceptibles d'être opposés au titulaire du droit d'emption.
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Contrairement à ce que pense Meier-Hayoz, un effet réel n'est pas attribué à l'acte générateur d'obligation, mais cet acte est complété par un autre acte avec effet réel. En conclusion, il y a lieu de se rallier à l'Office fédéral du registre foncier (13 avril 1931: Jurisprudence des autorités administratives de la Confédération 1931, No 74, p. 109 = Revue suisse du notariat et du registre foncier 1936, No 18, p. 19) quand il estime qu'il est possible d'assortir le contrat de vente immobilière d'un droit d'emption à annoter au registre foncier.
En l'espèce, dès l'instant que le droit d'emption avait pour but de munir d'une sûreté réelle les droits personnels de Blum découlant du contrat du 30 octobre 1973 et que cela est possible, il n'y a aucun doute que la conclusion de l'acte définitif du 22 février 1974 ne pouvait rien signifier d'autre que l'exercice du droit d'emption. Estimer, avec la cour cantonale, que Blum n'a pas fait usage de son droit d'emption (dans le même sens Gilliéron, JdT 1977 II 157) conduit à la conclusion paradoxale que, sans motif compréhensible, il a renoncé à la sûreté réelle qui lui était assurée par ce droit. Telle ne saurait en aucun cas avoir été la volonté des parties intéressées et du notaire Pavillon. Certes, Blum aurait pu exercer le droit d'emption sans conclure un nouveau contrat en la forme authentique. Mais le fait qu'il a accompli cette formalité supplémentaire ne saurait, bien évidemment, lui porter un préjudice.
c) Dès lors que le droit d'emption prime la restriction du droit d'aliéner annotée postérieurement sur la base du séquestre et de la saisie, on ne peut pas dire, avec la cour cantonale, que le contrat du 22 février 1974 était nul en raison de la restriction du droit d'aliéner. Par ailleurs, point n'est besoin de rechercher si, le 22 février 1974, Blum connaissait la situation financière précaire de Zurcher. La seule question qui se pose est celle de savoir si les conditions d'une action révocatoire sont réalisées en ce qui concerne le contrat conclu le 30 octobre 1973. La cour cantonale ne s'est pas exprimée à ce sujet, mais le Tribunal fédéral peut trancher la question sur la base des faits constatés dans le jugement attaqué. Zurcher et Blum se sont connus au Rugby-Club de Nyon; c'est ainsi que Blum a su que Zurcher avait l'intention de vendre son immeuble. Le notaire Pavillon et Blum avaient accordé leur confiance à Zurcher, qui s'était présenté comme pasteur,
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docteur en théologie et auteur de plusieurs ouvrages; ils ignoraient sa situation financière. Il ressort clairement de ces faits que, le 30 octobre 1973, les conditions de l'
art. 288 LP n'étaient pas réalisées s'agissant de Blum (les
art. 286 et 287 LP ne sont pas invoqués et n'ont visiblement pas à être pris en considération). L'action révocatoire devait donc, de ce fait aussi, être rejetée.
On ne saurait objecter que, selon la doctrine et la jurisprudence (GAUGLER, Die paulianische Anfechtung, I p. 108; BERZ, Der paulianische Rückerstattungsanspruch, thèse Zurich 1960, p. 43/44; ATF 45 III 182, 91 III 101), ans certains cas, seul l'acte d'exécution est soumis à l'action révocatoire, non l'acte générateur d'obligation. Ce principe n'est manifestement pas valable lorsque la prestation due en vertu de l'acte générateur d'obligation est garantie par une sûreté réelle sous la forme d'une annotation au registre foncier.