Urteilskopf
107 III 33
9. Arrêt de la Chambre des poursuites et des faillites du 11 février 1981 dans la cause Interbras Cayman Company (recours LP)
Regeste
Arrestierung von Vermögensstücken, die als Eigentum des Schuldners bezeichnet werden, jedoch einem Dritten zu gehören scheinen (
Art. 271 Abs. 1, Art. 272 und Art. 275 SchKG).
1. Der Gläubiger, der Vermögensstücke mit Arrest belegen lassen will, die Dritten zu gehören scheinen, hat glaubhaft zu machen, dass jene in Wirklichkeit Eigentum seines Schuldners sind (Erw. 2).
2. Darüber zu befinden, ob dem Gläubiger diese Glaubhaftmachung gelungen sei, ist Sache der Arrestbehörde, nicht der Vollzugsbehörde. Diese hat dem Arrestbefehl selbst dann Folge zu leisten, wenn die Arrestbehörde den Gläubiger von jeglichem Beweis entbunden hat (Erw. 3-5).
A.- Le 24 septembre 1980, la société Interbras Cayman Company obtint du Président du Tribunal de première instance de Genève une autorisation de séquestre au préjudice de la société Jassica S.A. pour une créance de vingt-neuf millions de francs en capital (ordonnance no 1280 SQ 420). La mesure devait être exécutée auprès de douze banques et sociétés commerciales établies à Genève; elle frappait les choses, créances et autres avoirs inscrits au nom de la débitrice ou au nom des
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sociétés Prosol-Finexco S.A., Carsim S.A., Cedex S.A., Cifin Holding S.A., Contenta S.A., Eparina S.A., Nova Atlantis S.A., Newgold S.A., Socimer S.A., Somico S.A., Granorice Milling and Trading S.A., Copalma Inc. Panama, Comatrans Holding S.A., Unicoma S.A. et Consulting and Services S.A. L'ordonnance précisait que les biens visés, s'ils appartenaient apparemment aux sociétés prénommées, étaient en réalité la propriété de la débitrice Jassica S.A. et devaient être séquestrés comme tels. L'Office des poursuites de Genève exécuta la mesure le jour même, par l'envoi d'avis aux douze tiers détenteurs ou débiteurs.
B.- La débitrice et les sociétés dont les biens avaient été appréhendés ont porté plainte contre l'exécution du séquestre.
Par décision du 11 décembre 1980, l'Autorité de surveillance des offices de poursuite pour dettes et de faillite du canton de Genève a admis les plaintes et annulé l'exécution du séquestre no 1280 SQ 420.
C.- La société créancière, Interbras Cayman Company, a interjeté auprès du Tribunal fédéral un recours tendant à l'annulation de la décision de l'autorité cantonale de surveillance. Elle a requis et obtenu l'octroi de l'effet suspensif.
La débitrice Jassica S.A. et les tiers séquestrés Prosol-Finexco S.A., Carsim S.A., Cedex S.A., Cifin Holding S.A., Contenta S.A., Eparina S.A., Nova Atlantis S.A., Newgold S.A., Somico S.A., Granorice Milling and Trading S.A., Comatrans Holding S.A., Unicoma S.A. et Consulting and Services S.A. proposent le rejet du recours et la confirmation de la décision attaquée.
Considérant en droit:
1. Une jurisprudence constante reconnaît au créancier muni d'une autorisation de séquestre le droit de faire exécuter la mesure sur tous les biens désignés dans l'ordonnance, même quand ils appartiennent apparemment à des tiers. Les litiges sur la propriété des biens appréhendés relèvent de la procédure de revendication et ressortissent au juge civil. L'office des poursuites ne doit dès lors refuser d'exécuter le séquestre que si le créancier lui-même reconnaît les droits des tiers ou si les faits et les principes juridiques invoqués à l'appui des revendications sont évidents et ne souffrent aucune discussion (
ATF 105 III 114 consid. 4;
ATF 104 III 58 s.
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consid. 3;
96 III 109 s. consid. 2;
93 III 91 s. consid. 2;
82 III 70;
82 III 151 consid. 2;
80 III 90 consid. 4;
63 III 67).
L'autorité cantonale s'est écartée de cette jurisprudence. Sur le fond, elle a jugé que, pour obtenir le séquestre de biens appartenant apparemment à des tiers, le créancier doit démontrer ou rendre vraisemblable qu'ils sont en réalité la propriété de son débiteur. Elle a considéré certes que ce commencement de preuve devrait normalement être apporté dans la procédure d'autorisation. A son avis toutefois, celui qui en a été dispensé par l'autorité de séquestre devrait le fournir devant l'autorité de surveillance saisie d'une plainte contre l'exécution de la mesure.
2. Le séquestre est une mesure conservatoire permettant au créancier d'obtenir à certaines conditions la mise sous main de justice de biens que, faute d'avoir accompli les formalités de la poursuite, il ne peut faire saisir ou inventorier. Le séquestre empêche le débiteur de disposer de son patrimoine, de le dissimuler ou de compromettre de toute autre manière le résultat d'une poursuite pendante ou future. De la nature et de la fonction de la mesure suit que sa légitimité suppose l'existence d'une créance valable, d'un cas légal de séquestre, de biens soumis à l'exécution par la voie de la poursuite. La protection que doit assurer le séquestre ne saurait certes être subordonnée à la preuve stricte de tous ces points. Celui qui requiert une mesure conservatoire demeure néanmoins tenu, si la loi n'en dispose autrement, de rendre vraisemblable l'existence des conditions qui permettent de la considérer comme légitime (GULDENER, Schweizerisches Zivilprozessrecht, 3e éd., p. 581). Or, aux termes de l'
art. 271 al. 1 LP, le séquestre ne peut frapper que les "biens du débiteur". L'autorité cantonale a donc jugé à bon droit, sur le fond, que le créancier doit rendre vraisemblable la propriété de son débiteur sur les biens à séquestrer, dans tous les cas du moins où les apparences font naître une présomption contraire.
L'
art. 272 LP, qui règle les justifications à fournir par le créancier, ne mentionne, il est vrai, que l'existence de la créance et celle du cas de séquestre. On peut admettre que le législateur n'a pas entendu exiger une preuve de la présence de biens à séquestrer: l'exécution de la mesure permet d'établir sans peine si les biens désignés dans l'ordonnance existent ou peuvent exister; et s'ils font entièrement défaut, le séquestre est infructueux et doit être levé incontinent. On ne peut en
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revanche voir dans le silence de la loi la dispense faite au créancier de rendre vraisemblable la propriété de son débiteur sur les biens à appréhender, lorsqu'ils paraissent appartenir à des tiers en raison notamment de la possession, de l'inscription dans le registre foncier, du contenu du titre, ou de l'intitulé du compte ou du dépôt bancaire. Pareille solution serait inacceptable, car elle livrerait les tiers à l'arbitraire d'un créancier qui pourrait paralyser leur activité et les conduire à la ruine, et cela sans même être au bénéfice d'un commandement de payer exécutoire contre son propre débiteur.
3. Le séquestre est ordonné par l'autorité que désigne la loi cantonale. Il appartient à cette autorité de vérifier l'existence des conditions de la mesure. Le créancier est tenu de justifier devant elle de sa créance et du cas de séquestre. Il doit, de la même manière, rendre vraisemblable la propriété de son débiteur sur les biens à appréhender, ébranler la présomption contraire que les circonstances extérieures peuvent susciter. Faute de ce commencement de preuve, l'autorité de séquestre doit débouter le requérant, totalement ou partiellement. La décision attaquée reconnaît à juste titre la compétence de l'autorité de séquestre en la matière, mais elle lui dénie un caractère exclusif. L'office, plus précisément l'autorité de surveillance saisie d'une plainte contre l'exécution, pourrait exiger des justifications sur la propriété des biens à séquestrer lorsqu'elles n'ont pas été demandées dans la procédure d'autorisation. Sur ce point, l'opinion de l'autorité cantonale ne peut être suivie.
4. L'autorité qui accorde le séquestre charge le préposé de l'exécuter et, à cet effet, elle lui remet une ordonnance contenant les indications prévues par la loi (
art. 274 LP). Cet acte est un titre exécutoire; il contient un ordre auquel le préposé est en principe tenu de déférer. Aussi la jurisprudence constante dénie-t-elle à l'office la faculté d'examiner le bien-fondé de l'ordonnance de séquestre, de vérifier notamment l'existence des conditions justifiant l'octroi de la mesure (
ATF 105 III 141;
ATF 104 III 38;
ATF 99 III 23 consid. 1;
ATF 93 III 93 consid. 4;
ATF 92 III 23 s. consid. 1;
ATF 82 III 43 s consid. 1;
ATF 75 III 26 consid. 1;
ATF 73 III 101;
ATF 66 III 73;
ATF 64 III 127 ss;
ATF 27 I 267 consid. 1). La solution contraire permettrait à l'autorité de surveillance, saisie d'une plainte contre l'exécution, de réformer la décision de l'autorité
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de séquestre, en dérogation à l'
art. 279 LP. L'obligation pour le préposé de donner suite à l'ordonnance n'est toutefois pas absolue. Dans certains cas, la jurisprudence l'autorise ou même l'astreint à refuser l'exécution du séquestre.
Le préposé doit en premier lieu vérifier la régularité formelle de l'ordonnance qui lui est remise, et s'assurer donc qu'elle contient toutes les indications prescrites par la loi (
ATF 105 III 141;
ATF 93 III 93 s. consid. 4;
73 III 101 s. consid. 1). Si l'une des énonciations essentielles fait défaut ou n'est formulée que de manière insuffisante, le préposé ne peut prêter son concours à l'exécution. De plus, l'
art. 275 LP renvoie, pour l'exécution du séquestre, aux règles prévues pour la saisie aux art. 91 à 109. Le préposé qui donne suite à l'ordonnance doit donc respecter toutes les normes qui s'imposeraient à lui s'il devait procéder à une saisie. Font exception celles auxquelles le législateur n'a pas voulu renvoyer, notamment l'art. 89 et l'
art. 90 LP, et celles qui seraient contraires à des dispositions particulières au séquestre ou incompatibles avec la nature de la mesure. Sous cette réserve, l'obligation de déférer à l'ordonnance de séquestre ne peut conduire le préposé à enfreindre les règles auxquelles il devrait se tenir en cas de saisie (
ATF 92 III 23 s. consid. 1;
ATF 82 III 69;
ATF 75 III 26 consid. 1;
ATF 68 III 66 consid. 1;
64 III 129). C'est ainsi que le préposé refusera de mettre sous main de justice les biens désignés par l'autorité de séquestre s'ils sont insaisissables par nature ou par l'effet de la loi (
ATF 106 III 106;
ATF 76 III 34 s.;
ATF 71 III 13;
71 III 98 s.;
ATF 68 III 66 consid. 1). De même, il ne peut franchir les limites ordinaires de sa compétence territoriale et, de ce fait, séquestrer des biens situés hors de son ressort (
ATF 80 III 126;
ATF 75 III 26 consid. 1;
ATF 64 III 127 ss).
Le préposé doit en principe obtempérer aux ordonnances de séquestre régulières en la forme, sous réserve des règles auxquelles il devrait se tenir en cas de saisie. Il n'en va toutefois pas ainsi lorsque la mise sous main de justice des biens visés est impossible, se heurte à une cause de nullité ou consacrerait l'abus manifeste d'un droit. Le préposé peut alors et doit refuser son concours à l'exécution de la mesure. On ne saurait, de toute évidence, le contraindre à séquestrer les biens désignés dans l'ordonnance s'il s'avère qu'ils n'existent pas (
ATF 105 III 141;
ATF 80 III 87). Le refus fondé sur l'impossibilité de l'exécution, il est vrai, demeure exceptionnel pour les droits non incorporés dans des papiers-valeurs;
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il se limite aux cas où l'inanité des prétentions à séquestrer apparaît d'emblée indiscutable (
ATF 90 III 96;
ATF 82 III 130;
ATF 80 III 87 s.). Le préposé n'est par ailleurs pas tenu d'exécuter un séquestre qui serait affecté d'un vice entraînant sa nullité; l'inefficacité de la mesure serait en effet irrémédiable et pourrait être relevée d'office en tout temps. Tel est notamment le cas lorsque l'ordonnance vise des biens qui, au dire même du créancier ou de toute évidence, n'appartiennent pas au débiteur, ou pas à lui seul: la mise sous main de justice serait alors incompatible avec la nature du séquestre, qui est de garantir l'exécution forcée sur le patrimoine du débiteur (
ATF 105 III 114 consid. 4;
ATF 104 III 58 s. consid. 3;
ATF 96 III 109 s. consid. 2;
ATF 93 III 91 ss consid. 2;
ATF 82 III 70 s. consid. 2). Enfin, la loi ne protège pas l'abus manifeste d'un droit. Le préposé doit refuser de donner suite à l'ordonnance de séquestre lorsque la mesure, bien que conforme aux dispositions légales, a été obtenue à des fins ou dans des conditions qui font apparaître l'attitude du créancier requérant comme absolument incompatible avec les règles de la bonne foi (
ATF 105 III 18 s.). En pareil cas, l'autorité de séquestre pourrait certes et devrait rejeter la requête qui lui est présentée; réduite cependant aux allégations du créancier et aux pièces produites pour les étayer, elle ne peut généralement avoir connaissance des circonstances qui rendent la démarche abusive. L'exception d'abus de droit perdrait toute portée pratique si elle ne pouvait plus être soulevée lors de l'exécution de la mesure.
5. En l'espèce, l'ordonnance remise à l'Office des poursuites apparaît régulière en la forme et contient les énonciations prévues à l'
art. 274 al. 2 LP. L'autorité de séquestre a déterminé par leur genre les biens à mettre sous main de justice. La mesure frappe les choses déposées chez douze tiers détenteurs et les droits dirigés contre eux, que ces actifs soient inscrits au nom de la débitrice ou de l'une des quinze sociétés tierces nommément désignées. Une telle indication satisfait aux exigences de la jurisprudence, laquelle admet qu'un séquestre soit ordonné et exécuté sur des biens désignés par leur genre seulement (
ATF 96 III 110 consid. 3;
ATF 80 III 87 s. consid. 2;
ATF 75 III 107 s. consid. 1.;
ATF 63 III 65 ss).
Les règles de la saisie, applicables au séquestre, n'obligent pas l'office à refuser la mise d'un bien sous main de justice tant
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que son appartenance au débiteur n'est pas rendue vraisemblable. Au contraire, l'office doit saisir tous les biens que le créancier déclare propriété de son débiteur, à moins que les droits préférables d'un tiers ne puissent d'emblée être établis de manière indiscutable (
ATF 105 III 114 s. consid. 4;
ATF 59 III 92 s.). La Chambre de céans s'est certes demandé si les règles de la bonne foi n'obligent pas le créancier à indiquer au moins sommairement les raisons qui l'amènent à penser que les biens détenus par un tiers appartiennent en réalité au débiteur (
ATF 105 III 115). Elle a toutefois laissé la question indécise. Et elle n'a en tout cas pas envisagé d'imposer au créancier un commencement de preuve. Sur ce point, d'ailleurs, ce qui vaut pour la saisie s'applique à plus forte raison au séquestre. La mesure doit être exécutée incontinent (cf.
art. 56 LP). Le préposé doit pouvoir déterminer, sur le vu du texte qui lui est remis, si la loi lui permet de donner suite à l'ordonnance. On compromettrait la rapidité et l'efficacité des séquestres en astreignant le préposé à instruire sur la propriété des biens à appréhender. Sa position, en la matière, diffère donc de celle de l'autorité de séquestre.
Des doutes ou des litiges sur la propriété des choses ou des droits séquestrés n'entraînent pas la nullité de la mesure, mais obligent uniquement l'office à ouvrir une procédure de revendication. Il n'en va différemment que si les droits préférables de tiers sont évidents et incontestables, ou reconnus par le créancier lui-même (
ATF 105 III 114 et les arrêts cités). Or l'autorité cantonale a jugé souverainement que les sociétés tierces désignées dans l'ordonnance n'ont pas apporté de preuves décisives et absolument concluantes à l'appui de leurs revendications. L'exécution du séquestre n'est donc pas entachée d'un vice qui emporterait sa nullité. On ne voit pas en quoi, par ailleurs, elle consacrerait l'abus manifeste d'un droit. L'Office des poursuites n'avait dès lors aucun motif de refuser son concours à l'exécution de la mesure. Il s'est conformé à la loi en donnant suite à l'ordonnance qui lui avait été remise.
La voie de la plainte permet le contrôle, par l'autorité de surveillance, de la légalité et de l'opportunité des mesures et décisions que l'office prend dans l'exécution de ses tâches. Le pouvoir d'examen de l'autorité de surveillance ne s'étend pas aux points soustraits à celui de l'office. La plainte n'est pas une procédure d'opposition qui donnerait droit à une instruction sur un objet plus ample que celui soumis à l'autorité
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dont émane l'acte attaqué. En l'espèce, l'Office des poursuites, à juste titre, n'a pas subordonné l'exécution du séquestre no 1280 SQ 420 à un commencement de preuve de la propriété de la débitrice sur les biens visés. C'est donc à tort que l'autorité cantonale a annulé l'acte de l'Office, faute pour la créancière d'avoir satisfait à cette exigence.