BGE 122 III 458
 
83. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour civile du 18 décembre 1996 en la cause époux L. contre société d'assurances X. (recours en réforme)
 
Regeste
Art. 28 Abs. 2 VVG; wesentliche Gefahrserhöhung durch einen Berufswechsel.
Eine Gefahrstatsache ist wichtig für die Abschätzung des Risikos, wenn dem Versicherer vernünftigerweise zugebilligt werden muss, er hätte bei Kenntnis der neuen Umstände die Aufrechterhaltung des Vertrages verweigert oder den Vertrag nur mit einschränkenderen oder unvorteilhafteren Bedingungen weitergeführt (E. 3b/aa).
Art. 28 Abs. 2 (am Ende) VVG bedeutet, dass die Gefahrserhöhung auf einer Tatsache beruhen muss, zu welcher der Versicherer bei Abschluss des Vertrages schriftlich bestimmte und unzweideutige Fragen gestellt hat; er bedeutet nicht, dass der Versicherungsnehmer eine Zusicherung über die Entwicklung dieser Gefahrstatsache abgegeben haben muss (E. 3b/bb).
 
Sachverhalt


BGE 122 III 458 (459):

Le 15 mars 1988, L. a signé pour sa future épouse une proposition d'assurance individuelle contre les accidents adressée à la société d'assurances X., qui l'a acceptée; sous la rubrique "Professions et activités" de la proposition, il a indiqué que sa future épouse était "employée".
Après son mariage, dame L. a d'abord travaillé comme aide-infirmière dans des établissements médico-sociaux; elle a ensuite décidé de se prostituer dans un salon de massage qu'elle a ouvert avec son mari le 10 avril 1989.
Le 29 mai 1989, dame L. a été agressée par un inconnu; elle est depuis lors invalide à un taux qui varie entre 50% et 100% selon les médecins et les méthodes d'évaluation.
A réception de l'avis de sinistre, la société d'assurances X. a déclaré se départir du contrat pour le motif que l'aggravation du risque constituée par le changement de profession ne lui avait pas été déclarée.
Par jugement du 5 février 1996, la Cour civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud a rejeté l'action des époux L. en paiement des prestations d'assurance.
Le Tribunal fédéral a rejeté le recours en réforme interjeté par les demandeurs contre ce jugement.
 
Extrait des considérants:
3. a) Il convient tout d'abord d'examiner si le changement de profession de la demanderesse entraînait une aggravation du risque. En effet, un changement de profession n'implique pas en lui-même une aggravation du risque dans l'assurance contre les accidents; il

BGE 122 III 458 (460):

faut encore que la profession nouvelle expose l'assuré à des dangers plus graves ou plus fréquents que l'ancienne (ATF 53 II 268 consid. 4; MORITZ KUHN in MORITZ KUHN/PASCAL MONTAVON, Droit des assurances privées, 1994, p. 221; BERNARD VIRET, L'aggravation et les autres modifications du risque en droit suisse des assurances privées, in: RSA 54/1986 p. 87).
En l'espèce, la demanderesse travaillait auparavant comme aide-infirmière dans des établissements médico-sociaux. En cette qualité, elle n'était pas exposée à des risques d'accident particuliers. Les demandeurs évoquent le risque de contracter accidentellement une grave maladie en milieu hospitalier, de s'y irradier par une machine défectueuse, de s'y blesser en transportant un patient: ces hypothèses apparaissent respectivement sans pertinence pour le risque d'accident, fantaisiste s'agissant d'un établissement médico-social et peu démonstrative d'un risque particulier. En revanche, comme l'a constaté à juste titre la cour cantonale en se fondant sur l'expérience générale de la vie, les risques d'accidents indirectement liés à l'activité de prostituée, même exercée non dans la rue mais dans un salon de massage, sont incontestablement plus élevés, le risque d'être agressé par un client étant bien réel. Dès lors, la cour cantonale a considéré à bon droit que le changement de profession de la demanderesse entraînait une aggravation du risque d'accident.
b) Il ne suffit toutefois pas que les faits constitutifs du risque assuré se soient aggravés pour que les art. 28 al. 1 et 30 al. 1 LCA (RS 221.229.1) trouvent application; encore faut-il que cette aggravation puisse être qualifiée d'essentielle. Selon l'art. 28 al. 2 LCA, l'aggravation du risque est essentielle si elle porte sur un fait qui est important pour l'appréciation du risque (art. 4 LCA) et dont les parties avaient déterminé l'étendue lors de la conclusion du contrat.
aa) S'agissant de la première condition posée par l'art. 28 al. 2 LCA, selon laquelle l'aggravation doit porter sur un fait important pour l'appréciation du risque, l'art. 4 LCA déclare importants tous les faits de nature à influer sur la détermination de l'assureur de conclure le contrat ou de le conclure aux conditions convenues (al. 2); il répute importants les faits au sujet desquels l'assureur a posé par écrit des questions précises, non équivoques (al. 3). Selon la jurisprudence, l'aggravation du risque est décisive lorsque l'on doit admettre que l'assureur aurait refusé de maintenir le contrat s'il avait connu les circonstances nouvelles ou ne l'aurait maintenu qu'à d'autres conditions, plus restrictives ou plus onéreuses (ATF 53 II 268; ATF 116 II 338 consid. 3). Point n'est toutefois besoin d'une

BGE 122 III 458 (461):

certitude à cet égard; une conclusion raisonnable suffit (ATF 99 II 67 consid. 4c p. 78/79; cf. ROELLI/KELLER, Kommentar zum Schweizerischen Bundesgesetz über den Versicherungsvertrag, Band I, 2e éd., 1968, p. 98 et les arrêts cités; ANDREA CANTIENI, Gefahrserhöhung mit Zutun des Versicherungsnehmers nach Art. 28 VVG, thèse St-Gall 1994, p. 31/32 et les références citées).
En l'espèce, la profession de la demanderesse avait fait l'objet de la part de la défenderesse d'une question précise, non équivoque. En outre, la cour cantonale a constaté, de manière à lier le Tribunal fédéral en instance de réforme (art. 63 al. 2 OJ), que les contrats assurant l'activité de péripatéticienne sont soumis de cas en cas à la direction de la défenderesse, qui accepte ou non la proposition d'assurance et fixe les primes en cas d'acceptation. Les premiers juges pouvaient donc raisonnablement conclure, sans violer le droit fédéral, que le changement d'activité de la demanderesse était de nature à influer sur la détermination de la défenderesse de maintenir le contrat, tout au moins aux mêmes conditions.
bb) La deuxième condition posée par l'art. 28 al. 2 LCA, selon laquelle l'aggravation du risque doit porter sur un fait dont les parties avaient déterminé l'étendue lors de la conclusion du contrat, est sujette à controverse. Selon la doctrine dominante, elle signifie simplement qu'entrent seuls en considération pour l'aggravation du risque les faits à propos desquels l'assureur avait préalablement posé par écrit des questions précises, non équivoques (VIRET, in: RSA 54/1986 p. 86/87; le même, Droit des assurances privées, 3e éd., 1991, p. 108; WILLY KÖNIG, Schweizerisches Privatrecht, Band VII/II, 1979, p. 596/597; ALFRED MAURER, Schweizerisches Privatversicherungsrecht, 3e éd., 1995, p. 261 note 572; CANTIENI, op.cit., p. 40; BRUNO FLUELER, Die Gefahrserhöhung im Privatversicherungsvertrag, thèse Fribourg 1933, p. 25/26; ROBERT KURMANN, Betrügerische Handlungen des Versicherungsnehmers, thèse Berne 1944, p. 57; MICHEL DE KALBERMATTEN, L'aggravation du risque en matière d'assurance, thèse Berne 1933, p. 38/39; EDUARD HARMS, Die Gefahrserhöhung im Versicherungsvertrag, Thèse Zurich 1956, p. 72/73; HANS KRENGER, die Gefahrstatsachen im schweizerischen Privatversicherungsrecht, thèse Berne 1957, p. 57; BURKHARD GANTENBEIN, Die ausserordentliche Beendigung des Versicherungsvertrages, thèse Zurich 1939, p. 90). Pour d'autres auteurs en revanche, elle doit être comprise en ce sens que l'aggravation du risque est pertinente seulement si le preneur d'assurance a émis, lors de la conclusion du contrat, une garantie concernant l'évolution du fait important

BGE 122 III 458 (462):

pour l'appréciation du risque qui a subi une modification (ROELLI/KELLER, op.cit., p. 400/401; KUHN, op.cit., p. 224); tel ne serait en principe pas le cas des renseignements sur la profession ou sur l'activité exercée (ROELLI/KELLER, op.cit., p. 401; KUHN, op.cit., p. 220). Après avoir apparemment adopté la première solution dans un arrêt ancien (ATF 43 II 534 consid. 3 p. 538), le Tribunal fédéral a plus récemment laissé la question indécise (ATF 99 II 67 consid. 4f p. 84).
L'on ne saurait déduire du texte de l'art. 28 al. 2 LCA - qui parle d'un fait "dont les parties avaient déterminé l'étendue lors de la conclusion du contrat", en allemand "deren Umfang die Parteien beim Vertragsabschlusse festgestellt haben" - l'exigence d'une garantie contractuelle (KRENGER, op.cit., p. 57; KURMANN, op.cit., p. 57; FLUELER, op.cit., p. 25/26). Une telle exigence n'aurait d'ailleurs en fin de compte aucun effet dans la mesure où elle conduirait simplement les assureurs à insérer dans leurs formules de proposition d'assurance une clause conférant un caractère de garantie à tous les faits qui ont donné lieu à déclaration (CANTIENI, op.cit., p. 41; HARMS, op.cit., p. 73). Il y a dès lors lieu d'approuver la solution de la doctrine dominante, qui correspond seule à l'esprit de la loi. L'aggravation du risque est ainsi essentielle au sens de l'art. 28 al. 2 LCA lorsqu'elle porte sur des faits qui sont importants pour l'appréciation du risque et au sujet desquels l'assureur avait lors de la conclusion du contrat posé par écrit des questions précises, non équivoques. Il s'ensuit qu'en l'espèce, la cour cantonale a qualifié à bon droit d'essentielle l'aggravation du risque due au changement de profession, celle-ci ayant fait l'objet lors de la conclusion du contrat d'une question précise.