BGE 133 III 421
 
52. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit civil dans la cause hoirs Varenne et consorts contre Ville de Genève (recours en matière civile)
 
4A_28/2007 du 30 mai 2007
 
Art. 76 Abs. 1 BGG; Berechtigung zur Beschwerde in Zivilsachen.
 
Art. 249 Ziff. 3 OR; Widerruf der Schenkung wegen Nichterfüllung einer Auflage.
 
Sachverhalt


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A. Par acte authentique du 20 juin 1978, à l'issue de longs pourparlers, les époux Roger et Françoise Varenne ont fait don à la Ville de Genève d'une importante collection de tableaux, de sculptures et d'objets de mobilier; ils agissaient "conjointement et solidairement entre eux".
L'un des tableaux était une Fête au village, dite aussi Danse autour de l'arbre de mai, de Pierre Breughel le jeune; il devait être remis sans délai au Musée d'art et d'histoire de la Ville de Genève. Les deux donateurs se réservaient l'usufruit de tous les autres objets donnés, de sorte que ceux-ci ne seraient remis au musée qu'après la mort du donateur ayant survécu à l'autre. L'acte contenait par ailleurs les clauses suivantes:
    La donation est faite pour assurer l'intégrité et la pérennité de la collection qui doit demeurer inaliénable.
    La donation portera le nom de "Donation de Roger et Françoise Varenne".
    La collection sera présentée d'une façon permanente. Elle sera exposée comme un ensemble cohérent, groupant dans une ou plusieurs salles les tableaux et les objets donnés selon une disposition logique.


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    Toutes les précautions seront prises, notamment pour protéger les oeuvres contres le vol, le vandalisme et l'incendie et pour assurer leur parfait état de conservation.
Roger et Françoise Varenne sont décédés, respectivement, en 1985 et le 25 juillet 2002. Ils ont pour héritiers leurs quatre enfants; Françoise Varenne a désigné deux exécuteurs testamentaires.
B. Le Musée d'art et d'histoire a rapidement pris possession de la Fête au village et il l'a exposée au public avec l'indication "don anonyme". Cette dernière modalité correspondait à la volonté exprimée par les donateurs après la passation de l'acte: pour des raisons de sécurité, ils souhaitaient rester dans l'anonymat jusqu'à leur décès.
La Fête au village fut demandée en prêt par les organisateurs d'expositions temporaires à l'étranger. Le 17 septembre 1996, la direction du musée rejeta une sollicitation de la Fondation culturelle de la Ruhr en vue d'une exposition à Essen, au motif qu'il s'agissait d'une peinture sur bois et que son transport présentait des risques de détérioration inacceptables. En mars 1998, la direction donna suite, au contraire, à une demande semblable du Musée royal des beaux-arts à Anvers, pour une exposition qui eut lieu du 2 mai au 26 juillet de la même année. Les transports d'aller et de retour furent accomplis dans une caisse climatisée construite spécialement pour cette occasion. Néanmoins, après que la Fête au village fut revenue à Genève, on constata que la couche de peinture présentait des cloques en trois endroits et il parut évident que le tableau avait souffert du changement de climat et du transport. Entre-temps, la direction avait accordé un autre prêt pour une exposition à Crémone; elle communiqua à l'organisateur qu'en raison des dégâts déjà survenus, cette opération était désormais exclue.
La Fête au village fut alors confiée à la restauratrice du musée pour la réparation de ces dégâts. D'entente avec la direction, cette spécialiste décida de restaurer le ciel du tableau qui présentait des repeints. De son départ pour Anvers jusqu'à l'achèvement de la restauration, soit d'avril 1998 à avril 2002, l'oeuvre resta inaccessible aux visiteurs du musée. Par ailleurs, contrairement aux usages, on n'établit aucune documentation scientifique concernant son état avant les travaux de réparation et de restauration.
En 1993 déjà, la direction avait adressé un avertissement à la restauratrice en raison des dysfonctionnements de son atelier, et elle

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avait simultanément ordonné, pour l'avenir, diverses modalités concernant surtout la planification des travaux de restauration et le concours de restaurateurs externes pour les oeuvres nécessitant des connaissances particulières. Le 28 janvier 2003, dans le cadre d'une enquête administrative, la direction produisit derechef un rapport défavorable à sa collaboratrice. Elle lui reprochait de ne pas tenir à jour la documentation qui se trouve à la base des constats relatifs à l'état de conservation des oeuvres. Cette absence de rigueur avait entraîné de graves erreurs de jugement sur l'état de certaines oeuvres, lesquelles n'auraient pu être sauvées que par une restauration confiée à des spécialistes externes. La restauratrice ne suivait pas l'évolution et les progrès de son métier et elle se trouvait à l'origine de nombreux retards. Le rapport stigmatisait notamment le retard survenu dans la restauration de la Fête au village.
C. L'un des héritiers est actif dans le commerce des oeuvres d'art. De 1999 à 2001, il a négocié avec la direction du musée en vue d'une éventuelle modification de la donation. La Ville de Genève aurait renoncé à certaines pièces de la collection; en contrepartie, elle aurait été libérée de la charge concernant l'exposition groupée des autres pièces. Ces pourparlers n'ont pas abouti. La direction a d'ailleurs gardé le silence au sujet du prêt de la Fête au village et des dégâts alors survenus. En novembre 2001, un exécuteur testamentaire découvrit que le tableau n'était plus exposé au musée et que l'on ne trouvait, à l'emplacement qui était auparavant le sien, aucune information à son sujet. A son interrogation téléphonique, une employée ne put donner aucune réponse. En décembre 2001, dans une librairie spécialisée à Paris, un autre héritier examina le catalogue de l'exposition d'Anvers et découvrit que le tableau y avait été présenté. Dans des circonstances semblables, un membre de la famille découvrit aussi que la Fête au village apparaissait dans le catalogue de l'exposition de Crémone.
Par lettre du 12 décembre 2001, adressée notamment au Conseil administratif de Genève, Françoise Varenne s'est plainte de ce que la Fête au village avait été, dès sa remise au Musée d'art et d'histoire, mal exposée. Le musée n'avait rien entrepris pour préparer la réception et l'exposition de la collection complète. De plus, le tableau avait disparu du musée. La charge convenue lors de la donation n'était pas honorée et cette libéralité était donc nulle; le tableau devait être restitué. Le 30 janvier 2002, le conseil juridique de Françoise Varenne a confirmé la révocation de la donation.


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Dans la correspondance ultérieure, les représentants de la Ville de Genève ont expliqué qu'une "analyse approfondie" avait révélé la nécessité de restaurer le tableau; ils n'ont pas mentionné le prêt à Anvers ni la détérioration alors survenue. Lorsque le tableau fut de nouveau exposé, dès fin avril 2002, la correspondance porta aussi sur la clause d'anonymat convenue après la donation, clause qui n'était plus respectée. Françoise Varenne et, après son décès, ses héritiers confirmèrent plusieurs fois la révocation de la donation.
D. Le 25 octobre 2002, la Ville de Genève a ouvert action contre les quatre héritiers et les deux exécuteurs testamentaires devant le Tribunal de première instance du canton de Genève. Elle revendiquait les objets à elle donnés le 20 juin 1978, grevés d'un usufruit jusqu'à la mort des donateurs.
Le 10 décembre suivant, devant le même tribunal et au nom des héritiers, les exécuteurs testamentaires ont ouvert action contre la Ville de Genève; leur demande tendait essentiellement à la restitution de la Fête au village.
Après jonction des causes, le tribunal a statué le 7 septembre 2005. Il a accueilli l'action de la Ville de Genève et condamné les défendeurs, sous menace des peines prévues par l'art. 292 CP en cas d'insoumission à une décision de l'autorité, à remettre tous les objets énumérés dans l'acte de donation, hormis la Fête au village que la demanderesse détenait déjà. Le tribunal a rejeté l'action des défendeurs.
Ces derniers ayant appelé du jugement, la Cour de justice a confirmé ce prononcé par arrêt du 19 janvier 2007.
Agissant par la voie du recours en matière civile, les défendeurs ont requis le Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt de la Cour de justice et de condamner la demanderesse, sous menaces des peines de l'art. 292 CP, à leur restituer la Fête au village. Le Tribunal fédéral a rejeté le recours, dans la mesure où celui-ci était recevable.
 
Extrait des considérants:
 
Erwägung 1
1.1 Aux termes de l'art. 76 al. 1 let. b de la loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF; RS 173.110), la qualité pour exercer le recours en matière civile suppose un intérêt juridique à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée. Cette disposition n'avait pas d'équivalent dans les règles antérieures relatives au

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recours en réforme, désormais remplacé par le recours en matière civile. Selon la jurisprudence, le recours n'était ouvert qu'au plaideur lésé par la décision, c'est-à-dire celui qui avait pris des conclusions et qui, selon le dispositif du prononcé, en était au moins partiellement débouté (ATF 94 II 209 consid. 3 p. 210; JEAN-FRANÇOIS POUDRET, Commentaire de la loi fédérale d'organisation judiciaire du 16 décembre 1943, n. 5.1 ad art. 53 OJ). D'après le Message du Conseil fédéral du 28 février 2001 concernant la révision totale de l'organisation judiciaire fédérale, l'introduction de l'art. 76 al. 1 let. b LTF (art. 72 al. 1 let. b dans le projet joint au message, adopté sans changement par l'Assemblée fédérale) n'a pas pour objet de modifier cette situation dans les affaires civiles "proprement dites"; il vise surtout les affaires de droit public qui sont susceptibles du recours en matière civile selon l'art. 72 al. 2 let. b LTF. Du reste, selon le Conseil fédéral, l'intérêt juridique doit aussi être reconnu aux personnes qui ont qualité pour agir ou défendre, d'après le droit déterminant, en leur nom mais pour le compte de tiers (FF 2001 p. 4110/4111). Il suffit donc de retenir, pour entrer en matière, que les six défendeurs ont pris part à l'instance précédente (art. 76 al. 1 let. a LTF) et qu'ils ont succombé dans leurs conclusions; il n'y a pas à opérer de distinction entre les héritiers et les exécuteurs testamentaires.
(...)
3. Selon l'art. 246 al. 1 CO, le donateur peut exiger, dans les termes du contrat, l'exécution d'une charge acceptée par le donataire. Par ailleurs, l'art. 249 ch. 3 CO autorise le donateur à révoquer la donation lorsque, sans cause légitime, le donataire n'exécute pas les charges dont cette libéralité est grevée; le donateur peut alors exiger la restitution de ce qu'il a donné jusqu'à concurrence de l'enrichissement actuel du donataire. De l'art. 251 al. 2 CO, il ressort que le droit de révocation ne se transmet pas aux héritiers du donateur, sinon dans la mesure limitée et temporaire admise par cette disposition, tandis que l'action en exécution de la charge est au contraire transmissible (ATF 96 II 119 consid. 3 p. 126; SANDRA MAISSEN, Der Schenkungsvertrag im schweizerischen Recht, thèse Fribourg 1996, n. 445 et 446 p. 131, n. 509 p. 151).
Il est constant que les modalités prévues pour l'exposition et la conservation de la collection donnée constituent une charge selon les dispositions précitées. Les défendeurs soutiennent qu'en raison

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de l'inexécution par la demanderesse, Françoise Varenne ou, à défaut, eux-mêmes ont valablement révoqué.
4.1 L'acte authentique ne précise pas si la révocation pouvait être déclarée à la demanderesse par Roger ou Françoise Varenne individuellement ou s'il fallait plutôt une déclaration commune des deux époux. Il y est seulement indiqué que ceux-ci donnaient "conjointement et solidairement entre eux". Cette formule n'autorise aucune conclusion au sujet de l'exercice ultérieur des droits appartenant au donateur d'après la loi. En particulier, on ne sait pas si les époux révoqueraient "conjointement", c'est-à-dire en commun, ou "solidairement" selon l'art. 150 CO, c'est-à-dire indépendamment l'un de l'autre mais avec les mêmes effets. Le droit de révoquer est strictement personnel (ATF 96 II 119 ibidem; ATF 85 II 609 consid. 5 p. 617; MAISSEN, op. cit., n. 406 p. 121) mais cela n'a guère de signification lorsque le droit appartient à plusieurs donateurs. En l'occurrence, ce problème doit être résolu d'après ce que les parties à la donation auraient probablement convenu, raisonnablement et de bonne foi, si elles avaient envisagé le cas non réglé; il faut ici s'inspirer de l'économie et du but de leur contrat (ATF 131 III 467 consid. 1.2 p. 470; ATF 127 III 300 consid. 6a p. 307; ATF 115 II 484 consid. 4b p. 488).
Sur les objets de la collection autres que la Fête au village, l'acte authentique conférait aux époux Varenne un usufruit qui, au décès de l'un d'eux, était reporté sur le survivant. Cette modalité devait raisonnablement s'appliquer aussi aux autres droits que les donateurs pouvaient, le cas échéant, faire valoir sur la base de l'acte ou de la loi. On ne discerne pas pour quel motif les parties auraient voulu que le droit de révocation, au contraire, s'éteignît dès le premier décès. Les donateurs ne pouvaient d'ailleurs pas renoncer d'avance à ce droit (MAISSEN, op. cit., n. 407 p. 121; cf. ATF 113 II 252 consid. 5 p. 258). On retiendra donc qu'après la disparition de Roger Varenne, Françoise Varenne était en droit de révoquer seule s'il advenait que la demanderesse n'exécutât pas la charge convenue.
La Cour de justice parvient à la conclusion contraire par référence à la jurisprudence relative au compte qu'une banque ouvre à plusieurs personnes: même si le contrat autorise chacune de ces

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personnes à réclamer individuellement la totalité des valeurs confiées, elles ne peuvent pas, sinon conjointement, résilier ce même contrat (ATF 94 II 313 consid. 6 p. 318). Le compte bancaire et la donation ont en commun que les co-titulaires, comme les co-donateurs, remettent des biens à l'autre partie. En revanche, dans le compte bancaire mais pas dans la donation, ces biens peuvent être repris librement et sans rupture de la relation contractuelle. En raison de cette différence déjà, la jurisprudence ainsi mentionnée n'est pas pertinente.
4.2 C'est également à tort que la Cour de justice reconnaît aux héritiers du donateur un droit de révocation semblable, dans ses conditions, ses modalités d'exercice et ses effets, à celui conféré au donateur par l'art. 249 ch. 3 CO. Cela élude entièrement l'art. 251 al. 2 CO selon lequel ce droit ne se transmet que de manière limitée dans le temps. La Cour applique les art. 107 al. 2 et 109 al. 1 CO à l'action en exécution - qui est, elle, transmissible - prévue par l'art. 246 al. 1 CO. Il est vrai qu'en relation avec cette action, le Tribunal fédéral a accordé des dommages-intérêts pour cause d'inexécution en se référant sans plus de discussion aux règles sur l'inexécution des obligations (ATF 80 II 260 consid. 4 p. 266/267). C'est le donateur qui agissait, non ses héritiers, et le droit aux dommages-intérêts est du reste controversé (CLAUDE RAMONI, Demeure du débiteur et contrats de droit suisse, thèse Lausanne 2002, n. 267 p. 122, avec références à d'autres études). Avec les auteurs qui discutent ce point en particulier, il faut admettre que les règles sur la demeure du débiteur, soit les art. 107 à 109 CO, ne s'appliquent pas en concours avec les art. 246 al. 1 et 249 ch. 3 CO parce que la donation n'est pas un contrat synallagmatique, que le donateur ne se trouve pas dans la position d'un créancier face au donataire et que ces dispositions-ci sont donc des règles spéciales destinées à remplacer, dans leur domaine de validité, ces règles-là (RAMONI, op. cit., n. 269 p. 123; EMANUEL GRÜNINGER, Schenkung unter Auflage, thèse dactyl. Bâle 1941, p. 81/82; WALTER HEINRICH MEIER, Der Widerruf von Schenkungen im schweizerischen Recht, thèse Zurich 1958, p. 70). Par conséquent, les héritiers peuvent peut-être prétendre à des dommages-intérêts mais ils n'ont en tous cas pas le droit de révoquer la donation.


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Selon les défendeurs, les modalités convenues ont été violées, ou elles le seront dans le futur, par le fait que le prêt de la Fête au village pour l'exposition d'Anvers n'avait aucune justification scientifique, contrairement à ce qui a été affirmé par l'adverse partie, et que le tableau en est revenu endommagé; par le fait que l'on a ensuite confié cette oeuvre à une restauratrice dont on savait que le travail manquait de rigueur, et sans prendre les précautions que la direction du musée avait pourtant elle-même ordonnées à la suite de précédentes difficultés; par le fait qu'une restauration a été entreprise et accomplie sans égard aux normes scientifiques et professionnelles et qu'elle a abouti à une dégradation de l'oeuvre; par le fait que la restauration n'a été exécutée qu'avec retard, après que les héritiers se furent plaints de ce que le tableau avait disparu des salles d'exposition; par le fait que le musée n'expose au public qu'une partie de ses possessions et que, de toute évidence, il n'exposera pas la totalité de la collection donnée par les époux Varenne, compte tenu que celle-ci comprend aussi des objets sans grand intérêt; outre d'autres griefs encore, par le fait que, de l'aveu même de la direction, les locaux actuels ne permettent pas une conservation satisfaisante des collections et qu'une rénovation complète du musée, équivalant à une reconstruction, est devenue indispensable. Les défendeurs critiquent aussi le silence de la demanderesse, jusque pendant le procès, au sujet de ce qu'il advenait à la Fête au village.
Dans la mesure où cette version des faits ne repose pas sur les constatations de la Cour de justice, les défendeurs critiquent ces constatations comme manifestement incomplètes et ils se réfèrent aux pièces du dossier.
On observe d'abord que dès la donation, ou peu après, et jusqu'en avril 1998, soit pendant près de vingt ans, la Fête au village a été exposée exactement selon les modalités convenues. Elle est de nouveau exposée depuis avril 2002; sur réquisition des défendeurs, la demanderesse a réappliqué la clause d'anonymat. Les perturbations survenues dans l'intervalle de quatre ans, quoique regrettables, ne suffisent pas à mettre en doute la capacité et la volonté de la demanderesse de respecter ce à quoi elle s'est engagée. Pour apprécier la portée des clauses convenues, il faut prendre en considération que les époux Varenne ont donné après de longs pourparlers, pour un musée qui existait depuis des décennies déjà et qu'ils connaissaient. Cela implique que, dans la mesure où l'acte de donation n'en

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disposait pas autrement, ils s'en remettaient au standard de ce musée pour les modalités d'exposition et de conservation des objets donnés. Le prêt d'oeuvres fait partie des opérations classiques d'un musée, en dépit de risques impossibles à prévenir d'une manière absolue, et les parties n'ont pas convenu de l'exclure pour les objets de la donation. L'atelier de restauration est celui du musée et il n'est pas constaté ni allégué que la Fête au village aurait été traitée avec plus de négligence ou de désinvolture que d'autres tableaux. Si l'obsolescence des locaux est reconnue par la demanderesse, elle nuit à toutes les collections de la même manière; la nécessité d'une rénovation est également reconnue et il s'agit évidemment, pour cette partie, d'une entreprise de longue haleine. La charge acceptée par elle n'a pas conféré aux époux Varenne, ni, après eux, à leurs héritiers, un droit de regard et d'intervention équivalant à celui dont jouit, dans les contrats de prestation de service, la partie ayant confié un objet afin que celui-ci fût réparé ou conservé.
Pour l'avenir, après que la collection complète aura été remise à la demanderesse, les modalités spécifiées dans l'acte semblent très contraignantes. On doit néanmoins prévoir que la donataire s'y conformera. A l'époque où Françoise Varenne a déclaré la révocation, cette donatrice n'avait aucun motif objectif d'en douter. La situation ne s'était pas modifiée depuis la passation de l'acte en 1978. Celui-ci ne prévoyait pas de mesures préparatoires à réaliser déjà avant la fin de l'usufruit. Compte tenu que l'ordre juridique, avec l'art. 249 ch. 3 CO, n'a pas pour objet de sanctionner des comportements simplement discourtois du donataire (cf. ATF 131 III 535 consid. 4.2 p. 539), il importe peu que la Fête au village fût alors absente du musée et que la donatrice n'obtînt aucune information à son sujet. Ainsi, même si l'état de faits était complété selon les allégations des défendeurs, il demeurerait que le cas visé par cette dernière disposition n'était pas réalisé. Si l'avenir confirmait les appréhensions des héritiers, ceux-ci pourraient encore agir contre la demanderesse sur la base de l'art. 246 al. 1 CO.