Urteilskopf
135 III 496
73. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit civil dans la cause A. et consorts contre Commune de F. et SI G. SA (recours en matière civile)
5A_32/2008 du 29 janvier 2009
Regeste
Art. 731, 968 und 971 ZGB;
Art. 48 SchlT ZGB;
Art. 25 Abs. 4 und Art. 35 GBV; Eintragung einer Grunddienstbarkeit.
Bestimmungen über die Eintragung von Grunddienstbarkeiten (E. 4.1).
Die Praxis des Kantons Freiburg, wonach das herrschende und das dienende Grundstück anhand von "Vermutungen" bestimmt werden (vgl. E. 3.1 für die Angabe "Weg gemäss Plan"), ist bundesrechtswidrig (E. 4.2.1).
A. La commune de F. est propriétaire de l'immeuble correspondant à l'article 244a du registre foncier de ladite commune situé en zone à bâtir d'intérêt général (i.e. extension du cycle d'orientation); le feuillet du registre foncier de ce bien-fonds indique sous la rubrique "Servitudes": "b) chemin de servitude comme au plan". La SI G. SA est propriétaire de l'immeuble correspondant à l'article 748 du registre foncier de la commune de F., sis à l'ouest de l'article 244a, situé en zone industrielle à faible densité (i.e. villas); le feuillet de ce bien-fonds indique sous la rubrique "Servitudes": "a) CH chemin de servitude selon plan".
A., B., C. et D. sont propriétaires, en communauté héréditaire, de l'immeuble formant l'article 94 du registre foncier de la commune de F., sis au sud des immeubles précités; E., père des propriétaires, jouit d'un usufruit de ½ sur cet immeuble; le feuillet du registre foncier indique en outre, sous la rubrique "Servitudes": "a) chemin de servitude selon le plan".
Sur le plan, auquel renvoie l'inscription du registre foncier, figure en traitillé un "chemin de servitude" qui relie la route X. (à l'est) et la limite de l'immeuble constituant l'article 487 (sis à l'ouest de l'immeuble l'article 748). Le chemin débute sur la parcelle article 94 (sur 80 mètres environ, le long des immeubles articles 241 et 604), puis se poursuit sur les parcelles 244a et 748 et aboutit à l'ouest, à la limite de la parcelle 487 (ex article 208); à cet endroit, arrive un sentier qui borde la parcelle 1022. Au registre foncier, il n'y a aucune inscription au sujet d'un quelconque bénéficiaire de la servitude inscrite sur les immeubles articles 94, 244a et 748.
B. Le 1
er avril 2005, la commune de F. et la SI G. SA ont introduit à l'encontre des propriétaires et de l'usufruitier de l'immeuble article 94 une action tendant à faire constater principalement que la servitude avait été constituée à l'époque en faveur de l'ancien immeuble article 487 (dont les propriétaires actuels consentent à la radiation de la servitude) et qu'elle n'était due ni à l'article 94, ni à ses propriétaires ou ayants droit. Subsidiairement, l'action visait à faire constater que la servitude ne présentait plus d'utilité pour l'immeuble article 94 et devait être radiée du registre foncier. De leur côté, les défendeurs ont conclu par voie reconventionnelle à l'inscription au registre foncier, à la charge des immeubles articles 244a et 748, et en faveur de l'immeuble article 94, d'une servitude de "passage pour véhicules à moteur se pratiquant conformément au tracé du plan cadastral".
BGE 135 III 496 S. 498
C. Par jugement du 10 janvier 2007, le Tribunal civil de l'arrondissement de la Sarine a accueilli l'action principale, constaté que la servitude ne profitait ni à l'immeuble formant l'article 94, ni à ses propriétaires ou à ses ayants droit, et rejeté la demande reconventionnelle.
Statuant le 22 octobre 2007, le Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg a rejeté le recours des défendeurs.
D. Le Tribunal fédéral a admis le recours en matière civile des défendeurs, annulé l'arrêt attaqué et renvoyé la cause à l'autorité précédente pour complément d'instruction et nouvelle décision.
(résumé)
Extrait des considérants:
3.1 Faute d'indication du fonds dominant de la servitude figurant aux feuillets des immeubles concernés - qui ne comportent que la mention "chemin de servitude comme au plan", respectivement "chemin de servitude selon plan" -, la cour cantonale a examiné le "plan cadastral", qui constitue un "document complémentaire du grand livre du registre foncier", dont devaient ressortir les "éléments nécessaires à la détermination du ou des fonds dominant(s)". Pour fonder leur raisonnement, les juges cantonaux se sont référés à leur propre jurisprudence (Revue fribourgeoise de jurisprudence [RFJ] 2006 p. 373 ss), d'après laquelle l'indication "chemin selon [le] plan" est une technique d'inscription des servitudes qui s'est établie depuis plusieurs décennies dans les registres fonciers fribourgeois, une telle inscription faisant ressortir dans l'esprit de ceux qui l'ont opérée, les fonds qui bénéficient du droit de passage. Comme le précise cet arrêt, on peut présumer que, si le chemin relie deux voies publiques, chacun des immeubles traversés est à la fois fonds servant et fonds dominant; en outre, lorsque le "chemin selon plan" est destiné à relier plusieurs immeubles à une seule voie publique, on peut présumer que celui qui est situé immédiatement au bord de la voie publique n'est que fonds servant, tandis que celui qui est le plus éloigné n'est que fonds dominant.
Appliquant ces présomptions, l'autorité précédente a considéré que, si le chemin de servitude reliait deux voies, à savoir - comme le soutenaient les recourants - la route X. à la route Y., la première présomption était applicable, et l'immeuble article 94 était fonds dominant; en revanche, si ce chemin reliait une voie à un seul fonds,
BGE 135 III 496 S. 499
c'est-à-dire la route X. à l'immeuble article 487, il fallait appliquer la seconde présomption, et considérer que l'immeuble article 94 n'était que fonds servant. Après avoir examiné le plan cadastral de la commune de F. de 1845, différentes cartes topographiques et le plan cadastral actuel, la juridiction précédente a constaté que la servitude de chemin litigieuse reliait l'actuel article 487 à la route X. et n'allait pas jusqu'à l'habitation se trouvant sur ce dernier fonds; seul un sentier prolongeait le chemin sur l'immeuble article 487, en passant par cette habitation, jusqu'à la route communale, sentier qui avait progressivement disparu des cartes. Il en résultait que la servitude en question, qui portait sur un passage en forme de chemin, n'avait pas pour but de relier deux voies publiques, mais seulement de permettre aux immeubles correspondant aux actuels articles 487, 748 et 244a de rejoindre la route X. Par conséquent, il fallait s'en tenir à la présomption d'après laquelle l'immeuble des recourants, qui se trouvait au bord de la route X., était uniquement fonds servant. Cette présomption n'avait pas été tenue en échec par les intéressés, qui prétendaient être titulaires de la servitude parce qu'elle était une "servitude de chemin rural" au sens de l'art. 249 de la loi du 22 novembre 1911 d'application du code civil suisse pour le canton de Fribourg (RSF 210.1; ci-après: LACC/FR) car cette disposition n'a pas pour objet de dire quel fonds bénéficie d'un chemin rural lorsque celui-ci existe.
(...)
4.1 L'inscription au registre foncier est nécessaire pour la constitution d'une servitude (
art. 731 al. 1 CC). Selon l'
art. 971 al. 1 CC, applicable par renvoi de l'
art. 731 al. 2 CC, une servitude n'existe comme droit réel que si cette inscription a eu lieu (principe de l'effet négatif du registre foncier: cf.
ATF 123 III 346 consid. 2c p. 352/353). L'inscription doit contenir tous les éléments essentiels du droit réel. Il en va de l'inscription comme du contrat constitutif de la servitude foncière. Il ne suffit pas que l'inscription mentionne uniquement la servitude; le fonds dominant et le fonds servant doivent être aussi déterminés ou, à tout le moins, déterminables (
ATF 124 III 293 consid. 2a p. 295); par "déterminable", il faut entendre que le fonds dominant doit être déterminable d'après le contrat constitutif de servitude (
ATF 122 III 150 consid. 3b p. 157). En vertu de l'
art. 968 CC, les servitudes foncières sont inscrites au feuillet du fonds servant et du fonds dominant (art. 35 al. 1 de l'ordonnance du 22 février 1910 sur le registre foncier [ORF; RS 211.432.1]); cependant, seule
BGE 135 III 496 S. 500
l'inscription au feuillet du fonds servant est essentielle pour la constitution de la servitude (
art. 25 al. 4 ORF; STEINAUER, Les droits réels, t. II, 3
e éd. 2003, n° 2234), l'inscription au feuillet du fonds dominant étant une simple prescription d'ordre (STEINAUER, loc. cit., et la doctrine citée en note 81; cf. aussi: DESCHENAUX, Le registre foncier, TDPS vol. V/II/2, 1983, p. 91 n. 26). L'inscription sur le feuillet du fonds servant doit désigner le fonds qui bénéficie de la servitude ou, pour les servitudes personnelles, la personne titulaire du droit (
art. 35 al. 2 let. d ORF); une inscription qui ne comprend pas cette indication est lacunaire et équivaut à une absence d'inscription (
ATF 124 III 293 consid. 2a p. 295/296; arrêt 5C.40/2000 du 23 mars 2000 consid. 2a, commenté par SCHMID-TSCHIRREN, Jusletter du 31 juillet 2000).
4.2 Dans le cas particulier, il est constant que les feuillets concernant les parcelles n° 244a et 748, respectivement 94, contiennent uniquement les mentions: "chemin de servitude comme au plan" ou "... selon plan", sans préciser quel(s) est(sont) le(s) fonds dominant(s); en outre, les feuillets des articles 244a et 94 ne comportent aucune indication permettant de déterminer si la servitude consiste en une charge (CH) ou un droit (D), tandis que le feuillet de l'article 748 la désigne en tant que charge (CH), mais sans indiquer le fonds dominant.
4.2.1 La décision attaquée n'est pas très claire quant à son fondement juridique. Elle parle toujours d'"articles du registre foncier", alors que les pièces du dossier révèlent qu'il s'agit, en réalité, du "cadastre cantonal"; la Cour de céans peut compléter ce point d'office (
art. 105 al. 2 LTF; arrêt 4A_214/2008 du 9 juillet 2008 consid. 1.2, non publié in
ATF 134 III 570 ss). En outre, on ignore quel est le "plan" auquel il est fait référence (1845, 1903 ou 1938); les intimés évoquent à ce sujet le plan de 1903, que le géomètre a repris dans son extrait du 10 janvier 2005. Enfin, l'état de fait de l'arrêt entrepris ne permet pas de déterminer avec précision si la servitude est antérieure ou non à 1912; faute d'acte constitutif, le cadastre cantonal n'indique pas son "origine".
La législation cantonale n'est réservée que pour la
publicité des droits réels. En effet, selon l'
art. 48 Tit. fin. CC, les cantons pourront, avant l'introduction du registre foncier, désigner les formalités susceptibles de produire immédiatement les effets attachés audit registre (al. 1
er ); les cantons peuvent prescrire que ces formalités produiront
BGE 135 III 496 S. 501
même avant l'introduction du registre foncier les effets attachés au registre relativement à la constitution, au transfert, à la modification et à l'extinction des droits réels (al. 2). L'institution de publicité foncière du canton de Fribourg produit tous les effets du registre foncier (fédéral), mais pour les servitudes dans la mesure où la procédure de sommation a eu lieu (voir notamment: DESCHENAUX, op. cit., p. 39/40; STEINAUER, op. cit., t. I, 4
e éd. 2007, n° 552; DENIS PIOTET, Droit cantonal complémentaire, TDPS vol. I/II, 1998, n° 746 et les références en n. 70).
La pratique fribourgeoise fondée sur des "présomptions" apparaît, en revanche, contraire aux exigences prévues par l'
art. 968 CC. Comme le rappelle la juridiction précédente, le rapporteur de la Commission au Grand Conseil du projet de loi d'application du code civil suisse pour le canton de Fribourg (LACC/FR) avait exposé que "les chemins ruraux sont souvent inscrits au cadastre avec la seule mention 'chemin de servitude', sans indication des fonds auxquels la servitude est due; mais une telle inscription est incomplète
et ne sera plus possible après l'introduction du registre foncier" (consid. 5.5 p. 7, avec référence au procès-verbal du Grand Conseil, mai 1911, p. 223 ss). Ce principe ne vaut pas seulement pour les servitudes nées après 1912, mais aussi pour les servitudes qui ont été constituées antérieurement et résultent des cadastres cantonaux (d'un avis contraire: SCHMID-TSCHIRREN, op. cit., n° 7 in fine). L'arrêt publié aux
ATF 124 III 293 ss n'aborde pas cette problématique. Dans l'arrêt 5C.40/2000 du 23 mars 2000 - qui concernait une servitude constituée en 1886 et inscrite dans un "
Interimsregister " -, la Cour de céans a jugé, en substance, que la distinction entre le registre foncier fédéral et le cadastre cantonal n'était pertinente que sous l'angle de la publicité, et non de l'inscription. Conformément à cette jurisprudence, il faut admettre que les "présomptions" sur lesquelles s'est fondée la cour cantonale ne sauraient dès lors suppléer à l'absence d'indication, dans le feuillet cadastral du fonds servant, du fonds qui bénéficie de la servitude, quelle que soit la date de la naissance de celle-ci. L'application de ces présomptions est au surplus inopérante en l'occurrence, car le droit de passage litigieux ne porte pas sur un chemin de desserte d'habitation, mais sur un chemin rural (RFJ 2006 p. 373 ss, 378 consid. 9).
4.2.2 En l'espèce, la cour cantonale aurait dû préalablement examiner si les recourants étaient ou non titulaires d'un droit de passage, puis s'interroger sur la problématique de l'inscription de cette
BGE 135 III 496 S. 502
servitude; elle a préféré déterminer, à l'aide des présomptions posées par la pratique cantonale, si leur immeuble avait ou non la qualité de fonds dominant.
Les recourants affirment, en invoquant notamment l'art. 249 LACC/FR, que leur fonds bénéficie depuis des temps "immémoriaux", en tout cas avant 1912, d'une servitude de passage. Le caractère rural du chemin litigieux n'est pas contesté; en revanche, l'autorité précédente n'a pas résolu le point de savoir si ce chemin était affecté à un usage agricole, et non seulement utilisé comme accès à la voie publique. Ce n'est donc que dans l'éventualité où les recourants jouissent d'un droit de passage qu'il y aura lieu d'examiner le traitement tabulaire de la servitude. Il y a lieu, par conséquent, de renvoyer la cause à l'autorité précédente pour complément d'instruction et nouvelle décision (cf. art. 107 al. 2 LTF), en tenant compte des motifs exposés plus haut (consid. 4.2.1).