BGE 138 III 570 |
85. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit civil dans la cause dame X. contre dame Y. (recours en matière civile) |
5A_423/2011 du 15 mai 2012 |
Regeste |
Art. 1 Abs. 2 Ziff. 1 und Art. 21 aLugÜ (= Art. 1 Ziff. 2 lit. a und Art. 27 revLugÜ), Art. 8 des Übereinkommens vom 3. Januar 1933 zwischen der Schweiz und Italien über die Anerkennung und Vollstreckung gerichtlicher Entscheidungen und Art. 9 IPRG; internationale Rechtshängigkeit auf dem Gebiet des Erbrechts. |
Verhältnis zwischen Forumswahl und Rechtshängigkeit (E. 3). |
Bedingungen der Rechtshängigkeit im Sinn von Art. 8 des italienisch-schweizerischen Übereinkommens, interpretiert vor dem Hintergrund der Rechtsprechung bezüglich des Lugano-Übereinkommens (E. 4). |
Konsequenz der Zulassung der Rechtshängigkeit gemäss Art. 8 des italienisch-schweizerischen Übereinkommens (E. 6). |
Sachverhalt |
B. Des différends étant apparus quant au règlement de la succession, des négociations ont été menées afin de trouver un arrangement. Le 18 février 2004, les prénommées ont conclu un accord transactionnel "pour mettre définitivement un terme à ce litige", lequel prévoit en substance le transfert à dame Y., en pleine propriété, de divers actifs (art. I et II) et la "conclusion d'un pacte successoral" avant le 6 mars 2004 (art. IV), les parties reconnaissant "n'avoir plus aucun droit, directement ou indirectement, dans la succession de [X.], et n'avoir aucune prétention à élever pour quelque motif que ce soit l'une envers l'autre ni à l'égard de quiconque, directement ou de toute autre manière" (art. VIII); cette convention "est exclusivement soumise au droit suisse" et prévoit, en cas de litige au sujet de sa conclusion, de sa validité, de son exécution ou de son interprétation, "la compétence exclusive du Tribunal de première instance de la République et Canton de Genève" (art. XIV). Cette transaction a été exécutée.
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Convaincue que des avoirs ou des libéralités lui avaient été dissimulés lors de la conclusion de l'accord précité, dame Y. a saisi, le 28 mai 2007, le Tribunal de Turin (Italie) d'une demande dirigée à l'encontre de A., B. et C. - tous proches collaborateurs de feu X., chargés de la gestion de ses affaires - ainsi que de dame X.; en bref, elle a conclu:
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- à titre préjudiciel, à la constatation de la nullité, de l'annulabilité ou de l'inefficacité des accords passés entre les héritières après l'ouverture de la succession;
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- à titre principal, à la constatation de sa qualité d'héritière à l'égard de tous les biens concernés par la reddition de comptes;
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- à titre principal éventuel, à la condamnation des gérants à réparer le préjudice éventuellement causé dans le cadre de leur gestion;
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- à titre principal, à la dissolution de la communauté héréditaire moyennant attribution de la propriété individuelle, avec obligation de restituer à la succession, des biens qui font partie de la masse successorale, après estimation de la valeur vénale des biens à partager;
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- à titre subsidiaire, en cas d'impossibilité de partager certains biens, à l'estimation, à la vente, ainsi qu'au partage de leur produit entre les héritières.
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Dame X. a excipé de l'incompétence des tribunaux italiens. Par arrêt du 7 octobre 2008, la Cour de cassation italienne a rejeté cette exception; elle a considéré que les conclusions principales tendaient à la pétition d'hérédité et à la dissolution de la communauté héréditaire, de sorte que les juridictions italiennes étaient compétentes en vertu de l'art. 50 de la loi italienne sur le droit international privé; le chef de conclusions relatif à la validité de l'accord du 18 février 2004 ne modifie pas la nature du litige, qui demeure successoral et, partant, est soustrait au champ d'application de la Convention de Lugano.
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Statuant sur le fond le 17 mars 2010, le Tribunal de Turin a débouté la demanderesse de toutes ses conclusions. Cette décision fait l'objet d'un recours devant la Cour d'appel de Turin.
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C. Le 4 juin 2009, dame X. a déposé devant le Tribunal de première instance de Genève une action à l'encontre de dame Y. tendant à la constatation que "l'accord du 18 février 2004 est valide et lie les parties"; la défenderesse a conclu à ce que l'action en constatation de droit soit déclarée irrecevable, subsidiairement à ce qu'il soit sursis à statuer.
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Statuant "sur fin de non-recevoir de litispendance" le 26 octobre 2010, le Tribunal a déclaré l'action irrecevable. La Cour de justice du canton de Genève a confirmé cette décision le 20 mai 2011. (...)
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(extrait)
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Extrait des considérants: |
Il n'y a pas lieu de se prononcer définitivement sur le bien-fondé de cet avis, puisque l'action (en constatation) ouverte à Genève présente de toute manière aussi un caractère successoral. Il est exact que l'accord du 18 février 2004 est une "transaction" ayant expressément pour but de "mettre définitivement un terme [au] litige" entre les parties. Bien que la question apparaisse controversée, il faut reconnaître une nature successorale au sens de l'art. 1 al. 2 ch. 1 aCL aux litiges relatifs à la validité et aux effets des conventions entre héritiers (sic: DONZALLAZ, La Convention de Lugano, vol. I, 1992, p. 371 n° 945; MANKOWSKI, in Europäisches Zivilprozess- und Kollisionsrecht, vol. I, 2011, n° 16 ad art. 1 Brüssel I-VO; contra: arrêt de la Cour d'appel de Rome du 30 avril 1995, in Rivista di diritto internazionale privato e processuale [ci-après: RDIPP] 1996 p. 750); bien qu'elle n'ait pas eu à trancher ce point, la Cour de céans partage cette position (cf. ATF 137 III 369 consid. 4.3 et les citations). En outre, les clauses de cet accord ont, pour l'essentiel, un contenu indubitablement successoral (cf. supra, let. B); par ailleurs, en droit suisse - applicable à l'accord litigieux -, la transaction extrajudiciaire n'a en principe pas d'effet novatoire et, partant, n'a pas pour effet de remplacer la cause originaire (successorale) par une nouvelle, qui serait ici obligationnelle (sur le sujet: GAUCH, Der aussergerichtliche Vergleich, in Innominatverträge, Festgabe [...] Schluep, 1988, p. 15 et les références). |
D'après le Message du 6 février 1933 concernant la convention conclue avec l'Italie sur la reconnaissance et l'exécution de décisions judiciaires, cette convention n'est pas un "traité réglementant la compétence judiciaire", mais "uniquement une convention d'exécution"; elle "s'occupe de la compétence judiciaire en tant seulement que cette compétence constitue une condition de la reconnaissance ou de l'exécution de la décision dans un autre Etat" (FF 1933 I 242; DUTOIT/KNOEPFLER/LALIVE/MERCIER, Répertoire de droit international privé suisse, vol. II, 1983, p. 213 n° 1, avec les références; ATF 113 II 100 consid. 2). Cependant, deux dispositions "outrepassent ces limites": "l'une - pertinente en l'espèce -, qui vise l'exception de litispendance, est contenue à l'article 8, l'autre, qui traite des mesures provisoires ou conservatoires, à l'article 10" (FF 1933 I 242). Enfin, bien que cette condition ne ressorte pas de son texte, l'art. 8 du traité exige une identité d'objet entre les deux actions (FF 1933 I 250 ["l'exception de litispendance peut être soulevée si la même contestation est portée devant les juridictions de l'autre Etat"]; idem: ATF 65 II 177 p. 179; ATF 109 II 180 consid. 3 ["contestations identiques"]). |
Erwägung 3 |
La juridiction précédente a constaté que le premier juge n'a pas nié qu'il était compétent en vertu de la clause de prorogation de for et ne s'est pas déclaré incompétent (à raison du lieu) pour connaître du litige; il a du reste implicitement admis sa compétence avant d'examiner le moyen tiré de la litispendance; en outre, sa compétence n'a pas été contestée par la partie adverse. Il s'ensuit que le grief pris de la violation de l'art. 5 al. 1 LDIP est "sans objet".
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3.2 L'autorité précédente est partie de la prémisse que le "mécanisme [de la litispendance] n'a de sens que si le tribunal second saisi était compétent s'il avait été saisi seul ou en premier lieu" (BUCHER, op. cit., n° 20 ad art. 9 LDIP). Selon la jurisprudence constante, la Convention italo-suisse ne touche en rien au pouvoir d'un Etat de déterminer, en conformité de son droit de procédure international, dans quels cas et à quelles conditions ses propres juridictions sont compétentes pour connaître de la cause dont elles sont saisies, sans préjudice du sort qui serait réservé à leurs décisions au stade de sa reconnaissance dans l'autre Etat (ATF 84 II 57 consid. 2b/bb; ATF 88 II 6 consid. 3; ATF 96 I 594 let. b; ATF 113 II 100 consid. 2). La validité de la clause d'élection de for stipulée en l'espèce par les parties ne relève donc pas du traité, mais du seul droit interne, en l'occurrence de l'art. 5 al. 1 LDIP (DUTOIT ET AL., op. cit., p. 229 n° 50). Or, sous cet angle - comme l'a souligné à juste titre la cour cantonale -, la compétence du Tribunal de première instance de Genève ne pose aucun problème et n'a d'ailleurs, semble-t-il, jamais été contestée. L'admissibilité d'une clause d'élection de for en matière de litiges du droit des successions est en outre très largement admise (parmi plusieurs: FF 1983 I 291 in fine n° 213.5; BUCHER, op. cit., n° 7 ad art. 5 LDIP; DUTOIT, Commentaire de la loi fédérale du 18 décembre 1987, 4e éd. 2005, n° 4 ad art. 5 LDIP; plus réservé: HEINI, in Zürcher Kommentar zum IPRG, 2e éd. 2004, n° 9 ad art. 86 LDIP). |
Comme le souligne avec raison la recourante, l'autorité précédente ne s'est, en revanche, pas prononcée sur le point de savoir si l'existence de la clause d'élection de for faisait obstacle à la litispendance; c'est la compétence du premier juge saisi qui est alors en question. Conformément au principe énoncé plus haut, les autorités italiennes ont fondé leur compétence sur l'art. 50 de la loi de DIP du 31 mai 1995; que les tribunaux italiens aient ignoré cette clause ou ne lui aient pas attribué d'effet est sans importance, car l'institution de la litispendance a pour but principal d'éviter les jugements contradictoires, non de sanctionner la violation d'une règle de compétence découlant de l'absence de prise en considération d'une clause d'élection de for (cf. REYMOND, L'exception de litispendance, 1991, p. 185 let. A). Sous réserve des conditions de l'art. 8 de la Convention italo-suisse (infra, consid. 4.2), c'est donc au stade de la reconnaissance du jugement italien consécutif à l'action de l'intimée que les tribunaux suisses devront, le cas échéant, s'interroger sur les conséquences de la méconnaissance de ladite clause (cf. sur le sujet: VON OVERBECK, Les élections de for selon la loi fédérale sur le droit international privé du 18 décembre 1987, in Festschrift für Max Keller [...], 1989, p. 624 ss et les citations; ACOCELLA, Internationale Zuständigkeit sowie Anerkennung und Vollstreckung ausländischer Entscheidungen in Zivilsachen im schweizerisch-italienischen Rechtsverkehr, 1989, p. 249 et 301; cf. pour le cas où un tribunal étatique étranger a statué malgré l'existence d'une convention d'arbitrage: ATF 127 III 186 consid. 2); il n'y a dès lors pas lieu d'en débattre ici.
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Erwägung 4 |
L'autorité précédente a rappelé que le but de la litispendance est de prévenir des jugements contradictoires; aussi ne faut-il pas s'attacher à l'aspect formel des procédures, mais déterminer le "centre de gravité des litiges". Il y a dès lors identité de l'objet du litige lorsque les parties soumettent au juge la même prétention en se fondant sur les mêmes causes juridiques et les mêmes faits, étant précisé que cette condition doit s'analyser dans un sens matériel, et non d'après la teneur formelle des conclusions. En l'espèce, la décision du premier juge, qui a admis que cette condition était remplie, échappe à toute critique. L'intimée a introduit en Italie une demande qui tend à titre principal à une pétition d'hérédité ainsi qu'au partage; or, "cette action revient sans conteste à remettre en question la validité de l'accord du 18 février 2004", lors même que l'intéressée n'a pas formulé de chef de conclusions principal sur ce point en première instance en Italie. Les deux procès "gravitent ainsi bien autour de la même problématique, à savoir la validité de l'accord du 18 février 2004", celui-ci comportant une renonciation des parties à toute autre prétention dans la succession du de cujus.
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Erwägung 4.2 |
4.2.2 Sans le dire expressément, l'autorité précédente s'est fondée sur la jurisprudence que la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE; actuellement Cour de justice de l'Union européenne) a rendue sur l'art. 21 de la Convention de Bruxelles de 1968 (= art. 21 aCL); dans son arrêt du 8 décembre 1987 Gubisch Maschinenfabrik AG contre Palumbo 144/86, Rec. 1987 p. 4861, cette autorité a considéré, en bref, que la notion d'identité d'objet ne devait pas être "restreinte à l'identité formelle des deux demandes", mais qu'il fallait mettre l'accent sur la question juridique qui se trouve au centre des deux procès; elle a ainsi admis l'identité entre une action en exécution d'un contrat de vente, ouverte d'abord en Allemagne, et une action en déclaration de nullité, en annulation et en résolution dudit contrat, car la "force obligatoire du contrat [est] au centre des deux litiges". Ce principe a été confirmé dans plusieurs arrêts ultérieurs (cf. arrêts Tatry du 6 décembre 1994, C-406/92, Rec. 1994 I 5439; Gantner du 8 mai 2003, C-111/01, Rec. 2003 I 4207; Maersk du 14 octobre 2004, C-39/02, Rec. 2004 I 9657). Le Tribunal fédéral s'y est rallié pour interpréter, non seulement l'art. 21 aCL (ATF 123 III 414 consid. 5; ATF 125 III 346 consid. 4b; ATF 136 III 523 consid. 6.1), mais aussi l'art. 9 LDIP (arrêt 5C.289/2006 du 7 juin 2007 consid. 3.2) et l'art. 35 LFors (RO 2000 2355; ATF 128 III 284 consid. 3b). |
Cette conception unitaire de l'identité d'objet doit être approuvée. Elle est d'abord justifiée par le but commun que poursuivent les normes consacrées à la litispendance - qu'elle soit interne ou internationale -, à savoir d'éviter des jugements contradictoires lorsque des demandes identiques sont déposées à plusieurs endroits (notamment: ATF 128 III 284 consid. 3b/bb et les références). Elle apparaît en outre conforme à la jurisprudence récente selon laquelle la "notion d'identité d'objet doit être comprise de la même manière en droit interne et en droit international privé" (arrêt 5C.289/2006 précité; dans ce sens: BUCHER, op. cit., n° 10 ad art. 9 LDIP; le même, L'examen de la compétence internationale par le juge suisse, SJ 2007 II p. 168). Il s'ensuit que l'art. 8 de la Convention italo-suisse doit être interprété à la lumière des principes qui précèdent. A cet égard, on peut relever que la Cour de cassation italienne, dans une décision du 17 mai 2002, a considéré que la notion d'"identità di oggetto" au sens de la Convention du 6 avril 1962 entre l'Italie et la Belgique devait être "interpretata in base all'orientamento seguito nella interpretazione dell'art. 21 della convenzione di Bruxelles del 1968" (RDIPP 2002 p. 1061 ss, 1066/ 1067 consid. 2); cela étant, on peut penser qu'elle interpréterait de la même manière l'art. 8 de la Convention avec la Suisse. |
En appliquant la notion (large) de litispendance consacrée par la Cour de justice des Communautés européennes, force est d'admettre que la question de la validité de l'accord du 18 février 2004 est au centre des deux procédures: si elle constitue l'unique aspect du procès genevois, elle est soumise préjudiciellement aux juges italiens; comme on l'a vu, le fait que l'intimée a formé à titre préjudiciel en première instance, puis à titre principal en instance d'appel, le chef de conclusions tendant à remettre en cause l'accord précité est dénué de pertinence. En outre, on ne saurait nier le risque de jugements inconciliables: en effet, si le Tribunal italien devait accueillir les conclusions en pétition d'hérédité et en partage, sa décision concernerait des biens successoraux auxquels l'intimée est censée avoir renoncé (cf. art. VIII de l'accord), alors que, si le juge genevois devait admettre, de son côté, la validité de l'accord, sa décision serait sur ce point incompatible avec celle de son collègue italien, en tant qu'elle confirmerait la renonciation (transactionnelle) de l'intimée à l'égard des biens visés par l'action en pétition d'hérédité et en partage. |
La compétence du tribunal italien doit s'apprécier, non par rapport au chef de conclusions ayant pour objet la question - préjudicielle - de la validité de l'accord du 18 février 2004, mais par rapport aux conclusions en pétition d'hérédité et en partage formulées à titre principal. Sous cet angle, cette compétence est donnée au regard de l'art. 2 al. 1 ch. 6 de la Convention italo-suisse, qui reconnaît la compétence internationale des juridictions de l'Etat où la décision a été prise "lorsqu'il s'agit d'une contestation successorale entre les héritiers d'un ressortissant du pays où la décision a été rendue" (cf. par exemple: arrêt de la Ire Chambre civile du Tribunal d'appel du canton du Tessin précité consid. 7a, in RtiD 2009 I 747; ATF 62 II 20 consid. 1, a contrario); dans le cas présent, le procès ouvert en Italie concerne la succession d'un ressortissant italien, domicilié en Italie au moment du décès. Comme l'avait déjà observé le Conseil fédéral (FF 1933 I 244), la compétence des autorités italiennes pourrait s'appuyer sur l'art. 17 al. 3 de Convention d'établissement et consulaire entre la Suisse et l'Italie du 22 juillet 1868; en dépit de sa formulation, il est admis - à l'instar de l'art. 5 de la Convention franco-suisse de 1869 (ATF 119 II 77 consid. 2c et les citations) - que cette disposition s'applique aux contestations relatives à la succession d'un Italien, que son dernier domicile ait été en Suisse ou en Italie (DUTOIT ET AL., op. cit., vol. III, 1986, p. 125 ss et les citations; sur l'évolution de la jurisprudence: CHENEVARD, Le régime civil des successions dans les rapports italo-suisses, 1985, p. 47 ss).
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La réponse serait plus délicate si la compétence du juge italien devait être examinée par rapport à la question (préjudicielle) de la validité de l'accord du 18 février 2004. En admettant la nature successorale du contentieux (cf. supra, consid. 2.1), l'art. 2 al. 1 ch. 6 de la Convention serait également applicable dans ce cas. Certes, l'art. 2 al. 2 du traité déclare que les dispositions contenues aux ch. 1 à 4 ne s'appliquent pas aux contestations pour lesquelles le droit de l'Etat requis "reconnaît comme exclusivement compétentes ses propres juridictions". Dans son avis de droit du 4 décembre 2009 (n° 09-132cc), l'Institut suisse de droit comparé (ISDC) a toutefois démontré que, en matière successorale, la compétence exclusive que pourraient revendiquer les tribunaux suisses sur la base de la clause d'élection de for ne pourrait pas faire obstacle à la litispendance, "étant donné que la nature exclusive d'une telle compétence ne peut, d'après la teneur de la disposition légale, jouer que dans les cas énumérés aux chiffres 1 à 4, mais non dans le cas du chiffre 6" (p. 21 ch. 50; cf. sur les avis de droit de l'ISDC: ATF 137 III 517 consid. 3.3 et les citations). La question de savoir si l'existence d'une clause d'élection de for pourrait contrecarrer, en vertu de l'art. 8 de la Convention, la reconnaissance du jugement italien est examinée plus loin (cf. infra, consid. 4.4). |
Contrairement à l'art. 9 al. 1 LDIP, la Convention italo-suisse n'exige pas de "pronostic de reconnaissance" du jugement italien à intervenir (WITTIBSCHLAGER, Rechtshängigkeit in internationalen Verhältnissen, 1992, p. 45; de l'opinion contraire: arrêt de la Ire Chambre civile du Tribunal d'appel du canton du Tessin précité, in RtiD 2009 I 746 consid. 6, qui se réfère à ACOCELLA, op. cit., p. 135); l'Institut suisse de droit comparé l'a explicitement rappelé dans son avis de droit. A ce stade, les tribunaux genevois n'avaient donc pas à se demander - fût-ce sur la base d'un examen sommaire - si le jugement italien serait ou non susceptible de reconnaissance en Suisse (notamment en raison de la non-application de la clause d'élection de for; supra, consid. 3.2).
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(...)
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Erwägung 6 |
6.2 Aux termes de l'art. 8 de la Convention italo-suisse, l'admission de l'exception de litispendance conduit au dessaisissement du juge saisi en second lieu. Cette solution s'écarte de celle de l'art. 9 al. 1 LDIP, qui prévoit - dans un premier temps (art. 9 al. 3 LDIP) - la suspension de la procédure introduite devant le tribunal suisse (cf. sur les diverses solutions possibles: SCHNEIDER, op. cit., p. 313/314). Certes, il est parfois soutenu que, nonobstant le texte du traité, le juge suisse ne serait pas tenu d'écarter la demande, mais pourrait ordonner la suspension de la procédure, si cette mesure lui semble plus opportune (arrêt de la Ire Chambre civile du Tribunal d'appel du canton du Tessin précité consid. 6, in RtiD 2009 I 746/747, qui se réfère à ACOCELLA, op. cit., p. 142 ss). Il n'y a toutefois aucun motif de déroger à la lettre claire de la convention (cf. SCHNEIDER, op. cit., p. 314; WITTIBSCHLAGER, op. cit., p. 45/46; WALDER, Einführung in das Internationale Zivilprozessrecht der Schweiz, 1989, § 4 p. 108 n° 46); dans un arrêt du 28 mai 1998, la Cour de cassation italienne a aussi relevé que, contrairement à l'art. 21 aCL (= art. 27 CL révisée), "il giudice successivamente adito deve [...] spogliarsi della causa e nonsemplicemente sospendere il proprio giudizio" (RDIPP 1999 p. 296 ss, 301 consid. 1.2). Au demeurant, d'autres conventions bilatérales conclues par la Confédération adoptent un régime identique (SCHNEIDER, loc. cit.): l'art. 7 de la Convention du 15 janvier 1936 avec la Suède (FF 1936 I 697 ss, 702 ch. IV; WITTIBSCHLAGER, op. cit., p. 48), l'art. 10 de la Convention du 29 avril 1959 avec la Belgique (FF 1959 II 301 ss, 312 [s'abstenir de statuer]; WITTIBSCHLAGER, op. cit., p. 49), l'art. 8 de la Convention du 16 décembre 1960 avec l'Autriche (FF 1961 I 1585 ss, 1591: "refuser d'office [d']instruire [unlitige]"; WITTIBSCHLAGER, op. cit., p. 46) et l'art. 9 al. 1 de la Convention du 25 avril 1968 avec la Principauté du Liechtenstein (FF 1968 II 713 ss, 722: "refuser d'office [d']instruire[un litige]"; WITTIBSCHLAGER, op. cit., p. 47). |