BGE 138 III 628
 
94. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit civil dans la cause X. SA contre Masse en faillite de A. (recours en matière civile)
 
5A_170/2012 du 24 août 2012
 
Art. 17 SchKG; Berechtigung zur SchKG-Beschwerde.
 
Art. 170 Abs. 1 und Art. 172 Abs. 1 IPRG; Art. 260 Abs. 1 und 2 SchKG; Art. 262 Abs. 2, Art. 144 Abs. 3 und Art. 131 Abs. 1 SchKG sowie Art. 85 KOV; Abtretung der Rechtsansprüche der Hilfskonkursmasse.
 
Sachverhalt


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A. Par jugement du 11 décembre 2007, le Tribunal d'arrondissement de B. (Pologne), a prononcé la faillite de la société polonaise à responsabilité limitée A. Le 24 juin 2010, sur requête du syndic de la masse en faillite de ladite société, le Tribunal de première instance du canton de Genève a, conformément aux art. 166 ss LDIP (RS 291), reconnu en Suisse le jugement de faillite en question et ordonné l'exécution de la faillite ancillaire.
Le dépôt de l'état de collocation et de l'inventaire, sur lequel figuraient, à son point 1, deux créances à l'encontre de Z. SA et Y. SA pour les sommes de 12'155'747.16 USD et 49'437.75 PLN (17'521.18 USD), a été annoncé par publication dans la Feuille officielle suisse du commerce (FOSC) du 27 avril 2011. X. SA est la seule créancière à avoir été admise à l'état de collocation en "gage mobilier" pour une créance de 1'576'756 fr. 49 garantie par le nantissement des créances de A. figurant au chiffre 1 de l'inventaire, créances qui sont sises en Suisse en vertu de l'art. 167 al. 3 LDIP.
B. Par circulaire du 28 juin 2011, l'office a demandé à X. SA, seule créancière colloquée, si elle renonçait à ce que l'administration procède au recouvrement des créances portées au chiffre 1 de l'inventaire et lui a offert la cession des droits de la masse conformément à l'art. 260 LP, cession que celle-ci a acceptée par courrier du 5 juillet 2011.

BGE 138 III 628 (630):

Par décision du 9 février 2012, la Cour de justice du canton de Genève, autorité de surveillance des Offices des poursuites et faillites, a, sur plainte de la masse en faillite polonaise, annulé la décision de l'office du 28 juin 2011 et a invité celui-ci à céder les droits de la masse ancillaire à la masse en faillite étrangère.
C. Par arrêt du 24 août 2012, le Tribunal fédéral a partiellement admis le recours en matière civile formé par X. SA contre cet arrêt et a invité l'Office des faillites de Genève à donner en paiement à celle-ci les créances de A. contre Z. SA et Y. SA à concurrence de 1'576'756 fr. 49 et à en céder le solde à la masse en faillite étrangère.
(résumé)
 
Extrait des considérants:
La qualité pour porter plainte selon l'art. 17 LP est reconnue à toute personne lésée ou exposée à l'être dans ses intérêts juridiquement protégés, ou à tout le moins atteinte dans ses intérêts de fait, par une mesure ou une omission d'un organe de la poursuite (ATF 138 III 219 consid. 2.3; ATF 129 III 595 consid. 3; ATF 120 III 42 consid. 3). En cas de faillite internationale, une fois que la faillite ancillaire a été ouverte (art. 170 al. 1 LDIP), l'office suisse des faillites est exclusivement compétent pour administrer et réaliser les droits patrimoniaux du débiteur commun en Suisse à l'exclusion de l'administration de la faillite étrangère (ATF 135 III 40 consid. 2.5.1; ATF 137 III 631 consid. 2.3.3). Cela étant, dès lors que la masse de la faillite étrangère invoque qu'elle a un droit à obtenir une cession, même partielle, des droits de la masse ancillaire, son intérêt à former plainte contre une décision de céder l'entier de ceux-ci à un créancier colloqué ne fait aucun doute.
5.1 En vertu de l'art. 170 al. 1 LDIP, la reconnaissance de la décision de faillite rendue à l'étranger a, en principe, les effets de la faillite tels que les prévoit le droit suisse pour tout le patrimoine du débiteur sis

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en Suisse. La procédure en Suisse est désignée par le terme de "faillite ancillaire". Par le mécanisme particulier de cette mini-faillite, le droit international suisse de l'exécution forcée tend à assurer la protection des créanciers gagistes dont le gage est situé en Suisse et celle des créanciers privilégiés domiciliés en Suisse (ATF 134 III 366 consid. 5.1.2 et les références citées). Les effets de la faillite ancillaire sont régis par le droit suisse, à savoir la LP, sauf dispositions contraires de la LDIP (art. 170 al. 1 LDIP).
Dans la faillite ancillaire en Suisse, les actifs servent en premier lieu à payer les créanciers gagistes désignés à l'art. 219 LP et les créanciers non gagistes privilégiés qui ont leur domicile en Suisse (art. 172 al. 1 LDIP). Un solde éventuel est remis à la masse en faillite étrangère ou à ceux des créanciers qui y ont droit (art. 173 al. 1 LDIP). Toutefois, ce solde ne peut être remis qu'après reconnaissance de l'état de collocation étranger (art. 173 al. 2 LDIP). Lorsque cet état ne peut pas être reconnu, le solde n'est pas remis à la masse en faillite étrangère ou aux créanciers de la faillite principale, mais il est réparti entre les créanciers non privilégiés de la faillite ancillaire suisse (art. 174 al. 1 LDIP).
5.2 Selon la jurisprudence, lorsque la masse en faillite ancillaire renonce à réaliser une prétention, l'art. 260 LP s'applique et chacun des créanciers peut en demander la cession. A défaut de créanciers, la prétention peut être cédée à l'administration de la faillite étrangère (ATF 137 III 374 consid. 3 et les références citées). Le Tribunal fédéral a considéré que l'art. 171 LP prévoit expressément que la masse étrangère peut faire valoir des prétentions révocatoires, mais que cette disposition a pour seul but de clarifier la qualité pour agir de l'administration de la faillite étrangère, les art. 260, 285 ss et 214 LP étant déjà applicables à la faillite ancillaire par le renvoi de l'art. 170 al. 1 LDIP (ATF cité; s'agissant des prétentions fondées sur l'art. 214 LP, cf. BERTI, in Basler Kommentar, Internationales Privatrecht, 2e éd. 2007, n° 14 ad art. 171 LDIP; BRACONI, in Commentaire romand, Loi sur le droit international privé, Convention de Lugano, 2011, n° 3 ad art. 171 LDIP; KAUFMANN-KOHLER/SCHÖLL, in Commentaire romand, Poursuite et faillite, 2005, n° 4 ad art. 171 LDIP). Il a jugé qu'il en allait donc de même des autres prétentions que la masse ancillaire renoncerait à recouvrer (art. 170 al. 1 LDIP). Dans cet arrêt, le Tribunal fédéral a appliqué l'art. 260 LP alors qu'il n'y avait pas de créanciers colloqués dans la faillite ancillaire et a admis, de manière générale, que lorsqu'aucun des créanciers colloqués ne demande la

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cession des droits litigieux, la cession peut être allouée à la masse étrangère (ATF cité).
La question de savoir si les créanciers qui doivent renoncer à demander la cession sont les seuls créanciers privilégiés (art. 172 al. 1 let. b LDIP) ou les créanciers gagistes et les créanciers privilégiés (art. 172 al. 1 let. a et b LDIP) n'a cependant jamais été expressément tranchée. Dans des obiter dicta, le Tribunal fédéral semble toutefois avoir admis que l'offre ne doit être faite qu'aux créanciers privilégiés (cf. ATF 135 III 666 consid. 3.2.1 qui mentionne les créanciers privilégiés, mais renvoie à l' ATF 135 III 40 consid. 2.5.1, qui lui retient le terme de créanciers colloqués, et l'arrêt 5A_483/2010 du 8 février 2011 consid. 2.2 où il est fait référence aux seuls créanciers privilégiés avec indication de l'art. 171 al. 1 let. b LDIP).
Il y a ainsi lieu d'examiner plus avant cette question qui est controversée en doctrine (pour une renonciation des seuls créanciers privilégiés au sens de l'art. 172 al. 1 let. b LDIP: cf. BRACONI, op. cit., n° 19 ad art. 171 LDIP; GEHRI/KOSTKIEWICZ, Anerkennung ausländischer Insolvenzentscheide in der Schweiz - ein neuer Réduit National?, RSDIE 2009 p. 215 s.; WÜTHRICH, Kann eine ausländische Konkursmasse in der Schweiz eine Klage gegen einen ihrer Schuldner mit Sitz oder Wohnsitz in der Schweiz einleiten?, Jusletter du 25 octobre 2004, n. 5; plus nuancé dès lors qu'ils ne font pas référence à l'art. 172 al. 1 let. b LDIP mais utilisent le terme de créanciers privilégiés: STAEHELIN, Konkurs im Ausland - Drittschuldner in der Schweiz, in Festschrift für Karl Spühler, Schweizerisches und internationales Zwangsvollstreckungsrecht, 2005, p. 416 s.; WALTHER, Paulianische Anfechtungsansprüche im internationalen Verhältnis - ausgewählte Probleme, in Internationales Zivilprozess- und Verfahrensrecht V, 2005, p. 97; pour une renonciation de tous les créanciers colloqués: cf. BERTI, op. cit., n° 9 ad art. 171 LDIP; BOMMER, Die Zuständigkeit für Widerspruchs- und Anfechtungsklagen im internationalen Verhältnis, 2001, p. 158; BREITENSTEIN, Internationales Insolvenzrecht der Schweiz und der Vereinigten Staaten, 1990, n. 308; DUTOIT, Droit international privé suisse, Commentaire de la LDIP, 4e éd. 2005, n° 1 ad art. 171 LDIP; GILLIÉRON, Les dispositions de la nouvelle loi fédérale sur le droit international privé sur la faillite internationale, 1991, [ci-après: Dispositions], p. 100;JUCKER, Der internationale Gerichtsstand der schweizerischen paulianischen Anfechtungsklage, 2007, p. 332; KAUFMANN-KOHLER/SCHÖLL, op. cit., n° 15 ad art. 171 LDIP; THEUS SIMONI, Englische, walisische und

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französische Konkursverwalter in der Schweiz, 1997, p. 351; VOLKEN, in Zürcher Kommentar zum IPRG, 2004, n° 17 ad art. 171 LDIP).
5.3.1 Lorsqu'un débiteur est déclaré en faillite, ses biens sur lesquels il existe un gage entrent dans la masse en faillite, sous réserve des droits de préférence du créancier gagiste (art. 198 LP). Le produit de la réalisation du gage doit profiter audit créancier dans une mesure rigoureusement identique à ce qui serait survenu si ce gage avait été réalisé indépendamment de la procédure de liquidation; sa réalisation n'est placée dans les mains de l'administration de la faillite que dans la mesure où un excédent éventuel doit revenir à la masse (arrêt 7B.172/2002 du 12 novembre 2002 consid. 2; STAEHELIN, in Basler Kommentar, Bundesgesetz über Schuldbetreibung und Konkurs, vol. II, 2e éd. 2010 [ci-après: Basler Kommentar], n° 38 ad art. 262 LP;JEANDIN/ CASONATO, in Commentaire romand, Poursuite et faillite, 2005, n° 32 ad art. 262 LP; JAEGER/WALDER/KULL/KOTTMANN, Bundesgesetz über Schuldbetreibung und Konkurs, vol. II, 4e éd. 1997/99, n° 9 ad art. 262 LP). Inversement, la masse en faillite ne doit pas payer les frais de la réalisation des gages (STAEHELIN, Basler Kommentar, n° 41 ad art. 262 LP).
Les créances garanties par un gage sont colloquées par préférence sur le produit de ce gage (art. 219 al. 1 LP). Ainsi, le produit de la réalisation de ce gage sert à couvrir en premier lieu les frais d'inventaire, d'administration, de réalisation et de distribution dudit gage (art. 262 al. 2 et 144 al. 3 LP), puis les prétentions garanties par le gage et admises au passif (GILLIÉRON, Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, vol. III, 2001 [ci-après:Commentaire], n° 30 ad art. 261 LP). Conformément à l'art. 85 del'ordonnance du 13 juillet 1911 sur l'administration des offices de faillite (OAOF; RS 281.32), le tableau de distribution de la faillite indique en premier lieu, d'une manière précise, pour chaque objet remis en gage, le produit de sa réalisation ainsi que les frais d'inventaire, d'administration et de réalisation auxquels il a donné lieu, frais qui doivent être prélevés sur ce produit (art. 85 premier tiret OAOF). Ce n'est que s'il reste un excédent après le paiement des frais et le remboursement intégral des créances garanties par gage que cet excédent est versé au compte général de réalisation de l'actif; si, au

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contraire, la réalisation n'a pas suffi pour désintéresser les créanciers gagistes, ceux-ci seront inscrits dans les classes une à trois pour le montant dont ils restent à découvert, lorsque le failli était personnellement obligé au paiement de leurs créances (art. 85 2e tiret OAOF).
En conséquence, à moins que le failli ne se soit personnellement obligé à l'égard du créancier (gagiste), celui-ci n'est pas colloqué dans les classes de l'art. 219 al. 4 LP.
L'office accorde la cession à tous les créanciers de la masse qui la demandent. Le droit d'obtenir une cession des droits de la masse au sens de l'art. 260 LP est lié ex lege à la qualité d'intervenant du créancier colloqué (ATF 55 III 65 consid. 2; GILLIÉRON, Commentaire, n° 15 ad art. 260 LP). Ainsi, chaque créancier porté à l'état de collocation a le droit de requérir et d'obtenir la cession des droits de la masse aussi longtemps que sa créance n'a pas été définitivement écartée de l'état de collocation à la suite d'un procès intenté conformément à l'art. 250 LP (ATF 128 III 291 consid. 4; BERTI, in Basler Kommentar, Bundesgesetz über Schuldbetreibung und Konkurs, vol. I, 2e éd. 2010, n° 28 ad art. 260 LP; GILLIÉRON, Commentaire, n° 42 ad art. 260 LP; JAEGER/WALDER/KULL/KOTTMANN, op. cit., n° 2 ad art. 260 LP; JEANNERET/CARRON, in Commentaire romand, Poursuite et faillite, 2005, n° 15 ad art. 260 LP). Chaque créancier cessionnaire se voit transférer, à titre individuel, le droit d'agir (Prozessführungsrecht) à la place de la masse, en son propre nom, pour son propre compte et à ses propres risques, mais il ne devient pas le titulaire de la prétention de droit matériel, qui continue d'appartenir à la masse (ATF 132 III 342 consid. 2.2; ATF 121 III 488 consid. 2a et 2b; arrêt 5A_169/2008 du 29 janvier 2009 consid. 2.3.2, non publié in ATF 135 III 321; HOHL, Procédure civile, tome I, 2001, n. 543). Lorsque plusieurs créanciers cessionnaires font valoir en justice la prétention cédée, ils forment une consorité nécessaire (ATF 136 III 534 consid. 2.1; ATF 121 III 488 consid. 2). Le créancier cessionnaire a la faculté d'agir: il n'est pas obligé d'intenter action; s'il laisse s'écouler le délai qui lui a été fixé sans agir, la cession ne devient caduque que pour autant que l'administration de la faillite la révoque (ATF 121 III 291 consid. 3c; arrêt

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5C.194/2001 du 25 février 2002 consid. 5a, in SJ 2002 I p. 494). Il peut conclure une transaction extrajudiciaire ou judiciaire (ATF 102 III 29; HOHL, op. cit., n. 546).
Le système instauré par les art. 166 ss LDIP ne permet donc pas d'attribuer au créancier gagiste plus que le montant de sa créance. Il y a ainsi lieu d'appliquer par analogie les règles relatives à la poursuite en réalisation de gage (art. 156 et 131 LP). Selon l'art. 131 al. 1 LP, lorsque tous les créanciers gagistes le demandent, les créances du débiteur non cotées à la bourse ou au marché leur sont données en paiement (dation en paiement; Hingabe an Zahlungsstatt). Une attribution partielle des créances du débiteur (Teil-Zession) suffit lorsque la créance du créancier gagiste est d'un montant inférieur à celles-là; le créancier n'est subrogé aux droits du débiteur que jusqu'à concurrence de sa créance (art. 131 al. 1, 2e phrase, LP; AMONN/WALTHER, Grundriss des Schuldbetreibungs- und Konkursrechts, 2008, § 27 n. 51 p. 260; BETTSCHART, in Commentaire romand, Poursuite et faillite, 2005, n° 15 ad art. 131 LP). Le reste des créances du débiteur est cédé aux créanciers privilégiés (art. 172 al. 1 let. b LDIP) conformément à l'art. 260 LP et, à défaut de tels créanciers, à la masse en faillite étrangère conformément à la jurisprudence (cf. supra consid. 5.2).
5.5 En l'espèce, la créance garantie par gage mobilier de la recourante se monte, selon l'état de collocation à 1'576'756 fr. 49. Elle doit être payée par le produit de la réalisation du gage et, dès lors que la recourante est la seule créancière gagiste, par remise à titre de dation

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en paiement des créances de A. contre Z. SA et Y. SA à concurrence de 1'576'756 fr. 49. Pour ce faire, il y aura lieu de convertir cette somme en USD, selon le site http://www.fxtop.com, qui donne les taux officiels diffusés par la Banque centrale européenne (cf. ATF 135 III 88 consid. 4.1 in fine), au moment de la dation en paiement.
L'objection formulée par l'intimée à toute cession doit être rejetée. En effet, elle invoque qu'il serait contraire à la bonne foi et à la ratio legis de l'art. 260 LP que la recourante, société mère de Z. SA, une des débitrices, obtienne des créances de la faillie. Elle requiert l'application analogique de la jurisprudence prohibant la cession des droits à un cessionnaire qui en est lui-même débiteur. Certes, la jurisprudence considère comme inadmissible la cession des droits à un cessionnaire qui est lui-même débiteur des droits cédés (ATF 54 III 211; 113 III 135 consid. 2b), mais on ne saurait simplement assimiler le cas d'espèce à cette situation. Il est tout à fait possible qu'une société mère puisse faire valoir une prétention contre sa société fille. L'intimée ne démontre d'ailleurs pas que les conditions d'une application du principe de la transparence seraient manifestement réalisées en l'espèce.