Urteilskopf
140 III 86
15. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit civil dans la cause A.X. et B.X. contre C. (recours en matière civile)
5A_420/2013 du 23 janvier 2014
Regeste
Art. 42 Abs. 2 BGG,
Art. 18 Abs. 1 und Art. 32 Abs. 1 OR; Pflicht zur Begründung der Rechtsverletzungen; Willenserklärung durch einen Vertreter.
Anforderungen an die Begründung, welche die Verfahrensparteien zu erfüllen haben (E. 2). Auslegung des Willens des Vertreters, der dem Vertretenen zugerechnet wird (E. 4).
A.a L'immeuble sis à D. est constitué en propriété par étages depuis le 18 juillet 1968. La régie F. SA en assume l'administration depuis 1975.
A.b C. a hérité de sa mère, décédée le 22 juillet 1998, un appartement sis au rez-de-chaussée de l'immeuble ainsi que les lots n
os 8.01 (50 m
2 ), 8.02 (9 m
2 ) et 8.03 (14 m
2 ).
Elle a été inscrite au registre foncier en qualité de propriétaire de ces biens le 6 juin 2000.
A.c Par contrat du 16 avril 1999, les époux X. ont pris à bail, au 1
er étage de l'immeuble, un appartement de 8,5 pièces appartenant à G.Y., fille de C., et à son époux, H.Y. La régie F. SA a fait office d'intermédiaire dans la conclusion de ce contrat.
Une loge de service située dans les combles de cet immeuble figurait parmi les dépendances comprises dans le bail.
A.d Le 17 janvier 2002, les époux Y. ont vendu aux époux X. l'appartement que ceux-ci occupaient en vertu du bail précité.
Les 25 et 29 janvier 2002, C., représentée par K., administrateur de la régie F. SA, a vendu la chambre de service aux époux X.
A.e En 2007, C. a décidé de transformer le lot n° 8.01. Lors d'une visite, elle a constaté que le lot correspondant situé à l'opposé disposait d'un espace supplémentaire au sien. C. a informé la régie F. SA de cette situation; il s'est avéré que la paroi séparant le lot n° 8.03 et le lot n° 8.02 avait été abattue et que ceux-ci avaient ainsi été réunis pour former la chambre de bonne louée aux époux X.
Selon toute vraisemblance, cette transformation, qui n'a pas été mentionnée au registre foncier, a été entreprise par la mère de C., alors propriétaire des deux lots précités, à une date indéterminée, mais antérieure à la conclusion du bail par les époux X.
A.f Après avoir découvert que le lot n° 8.02 avait été joint au lot n° 8.03, C. s'est employée, en vain, à en obtenir la restitution par les époux X.
B. Le 22 avril 2010, invoquant la volonté des parties au contrat de vente et, subsidiairement, son erreur essentielle, C. a déposé devant le Tribunal de première instance du canton de Genève une action en revendication.
Par jugement du 15 octobre 2012, le Tribunal de première instance a constaté que C. était propriétaire du lot n° 8.02 (ch. 1), condamné
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les époux X. à évacuer de leur personne, de leurs biens et de ceux de tous tiers éventuels le lot n° 8.02 (ch. 2) et donné acte à la demanderesse de son engagement à prendre en charge le coût des travaux nécessaires pour séparer les lots n
os 8.02 et 8.03, l'y condamnant en tant que besoin (ch. 3).
Les époux X. ont appelé de ce jugement, concluant au rejet de l'action. Par mémoire de réponse et d'appel joint, C. a conclu à son rejet et, subsidiairement, à la constatation de la nullité du contrat de vente ou de l'invalidation de celui-ci pour cause d'erreur essentielle et, partant, à la constatation de sa propriété sur les lots nos 8.02 et 8.03 et à la modification du registre foncier, contre remboursement du prix payé, les époux X. étant condamnés à évacuer ces lots.
Statuant le 26 avril 2013, la Cour de justice a déclaré recevable l'appel des époux X., irrecevable l'appel joint de C., rejeté l'appel et confirmé le jugement de première instance.
C. Agissant par la voie du recours en matière civile le 3 juin 2013, les époux X. ont conclu à l'annulation de l'arrêt de la Cour de justice et, principalement, au rejet des conclusions en revendication de l'intimée, subsidiairement, au renvoi de la cause à l'autorité cantonale.
Appelées à se déterminer, la cour cantonale s'est référée aux considérants de son arrêt tandis que l'intimée a conclu à ce que les recourants soient déboutés de leurs conclusions, en invoquant en substance que la cour cantonale avait parfaitement établi les faits sur sa volonté réelle et qu'aucune violation de l'art. 18 CO n'était réalisée.
Par arrêt 2014, le Tribunal fédéral a admis le recours interjeté par les époux X., après avoir délibéré en séance publique.
(résumé)
Extrait des considérants:
2. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (
art. 106 al. 1 LTF). Toutefois, compte tenu de l'obligation de motiver qui incombe au recourant en vertu de l'
art. 42 al. 2 LTF (
Begründungspflicht, obbligo di motivare), qui correspond à celle de l'
art. 55 al. 1 let. c OJ (RS 3 521; Message du 28 février 2001 concernant la révision totale de l'organisation judiciaire fédérale, FF 2001 4000 ss, 4093 ad art. 39; ci-après: Message), il n'examine pas, comme le ferait un juge de première instance, toutes les questions juridiques qui pourraient se poser, mais uniquement celles qui sont soulevées devant lui (ATF 133
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III 545 consid. 2.2;
ATF 133 IV 150 consid. 1.2 p. 152;
ATF 133 V 515 consid. 1.3 p. 519;
ATF 134 II 244 consid. 2.1 p. 245 s.;
ATF 134 III 102 consid. 1.1 p. 104 s.;
ATF 137 III 241 consid. 5,
ATF 137 III 580 consid. 1.3 p. 584, ainsi que de nombreux arrêts non publiés parmi lesquels les arrêts 4A_59/2007 du 17 juillet 2007 consid. 1.2; 5A_55/2007 du 14 août 2007 consid. 2.2; 5A_249/2007 du 12 mars 2008 consid. 4.2; 4A_399/2008 du 12 novembre 2008 consid. 2.1; cf., sous l'ancienne OJ,
ATF 131 III 26 consid. 12.3 p. 32;
ATF 116 II 745 consid. 3 p. 748/749;
ATF 106 II 175 consid. 1 et 2a et les arrêts cités). Il n'est en effet saisi que des questions qui sont soulevées devant lui et ne traite donc pas les questions qui ne sont plus discutées par les parties. Le principe de l'application du droit d'office est en effet limité dans la procédure devant le Tribunal fédéral (FABIENNE HOHL, Procédure civile, vol. II, 2010, n. 2894 p. 513; LEUENBERGER/UFFER-TOBLER, Schweizerisches Zivilprozessrecht, 2010, n. 4.53 p. 123 et 124).
Pour satisfaire à son obligation de motiver, le recourant doit discuter les motifs de la décision entreprise et indiquer précisément en quoi il estime que l'autorité précédente a méconnu le droit; il n'est pas indispensable qu'il indique expressément les dispositions légales - le numéro des articles de loi - ou qu'il désigne expressément les principes non écrits de droit qui auraient été violés; il suffit qu'à la lecture de son exposé, on comprenne clairement quelles règles de droit auraient été, selon lui, transgressées par l'autorité cantonale (arrêt 5A_129/2007 du 28 juin 2008 consid. 1.4;
ATF 133 IV 286 consid. 1.4; cf. à propos de l'
art. 55 al. 1 let. c OJ, les
ATF 121 III 397 consid. 2a p. 400;
ATF 116 II 745 consid. 3 p. 748 et les arrêts cités). Les mêmes exigences de motivation pèsent sur l'intimé, qui doit reprendre les motifs qu'il avait invoqués précédemment et qui ont été écartés, pour le cas où les motifs retenus par l'autorité précédente ne devraient pas être suivis par le Tribunal fédéral (
ATF 131 III 334 consid. 4.3 p. 339; pour l'ancienne OJ, cf.
ATF 118 III 37 consid. 2a in fine p. 39). Dès lors qu'une question est discutée, le Tribunal fédéral n'est lié ni par les motifs invoqués par les parties, ni par l'argumentation juridique retenue par l'autorité cantonale; il peut donc admettre le recours pour d'autres motifs que ceux invoqués par le recourant, comme il peut le rejeter en opérant une substitution de motifs (
ATF 135 III 397 consid. 1.4;
ATF 134 III 102 consid. 1.1 p. 104;
ATF 133 III 545 consid. 2.2; pour l'ancienne OJ, cf.
ATF 130 III 297 consid. 3.1 p. 298/299;
ATF 127 III 248 consid. 2c p. 252/253).
BGE 140 III 86 S. 90
De surcroît, s'il invoque qu'une violation d'une disposition de droit matériel est le résultat d'un état de fait incomplet, l'autorité précédente n'ayant pas établi tous les faits pertinents pour l'application de celle-ci, ayant considéré à tort qu'un fait n'était pas pertinent, l'ayant laissé ouvert ou l'ayant omis (
ATF 133 IV 293 consid. 3.4.1;
ATF 134 V 53 consid. 4.3; arrêts 5A_249/2007 du 12 mars 2008 consid. 4.3; 5A_338/2010 du 4 octobre 2010 consid. 3.2), le recourant doit démontrer, conformément au principe d'allégation (
art. 106 al. 2 LTF), qu'il a allégué les faits pertinents passés sous silence conformément aux règles de la procédure civile et qu'un complétement de l'état de fait par l'autorité précédente eût été encore objectivement possible, en désignant précisément les allégués et les offres de preuve qu'il avait présentés, avec référence aux pièces du dossier; si ces exigences ne sont pas respectées, les faits invoqués sont réputés nouveaux (
art. 99 al. 1 LTF) et, partant, irrecevables (arrêts 5A_249/2007 du 12 mars 2008 consid. 4.3; 4A_214/2008 du 9 juillet 2008 consid. 1.2, non publié in
ATF 134 III 570; 4A_290/2007 du 10 décembre 2007 consid. 5.1; 5A_338/2010 du 4 octobre 2010 consid. 3.2, in SJ 2011 I p. 185; 5A_600/2010 du 5 janvier 2011 consid. 4.3.3, in SJ 2011 I p. 245; 5A_191/2012 du 12 octobre 2012 consid. 2.2; pour l'ancienne OJ, cf.
ATF 115 II 484 consid. 2a et la jurisprudence citée). La faculté de compléter les constatations de fait que l'
art. 105 al. 2 LTF confère au Tribunal fédéral ne dispense en effet pas le recourant de son obligation d'allégation (
ATF 133 IV 286 consid. 6.2).
Dans sa réponse au présent recours, l'intimée a renoncé à se prévaloir, ne serait-ce qu'à titre éventuel, de l'invalidation du contrat de vente pour cause d'erreur essentielle, argumentation qu'elle avait pourtant développée devant les instances cantonales. Cette question juridique ne peut par conséquent être examinée par le Tribunal de céans.
(...)
4.1 Saisi d'un litige sur l'interprétation d'un contrat, le juge doit tout d'abord s'attacher à rechercher la réelle et commune intention des parties, le cas échéant empiriquement, sur la base d'indices, sans s'arrêter aux expressions et dénominations inexactes dont elles ont pu se servir (
art. 18 al. 1 CO;
ATF 135 III 410 consid. 3.2). Pour ce faire, le juge prendra en compte non seulement la teneur des déclarations de volonté, mais aussi les circonstances antérieures, concomitantes et postérieures à la conclusion du contrat (sur ce dernier point, cf. par
BGE 140 III 86 S. 91
ex.
ATF 129 III 675 consid. 2.3; arrêt 4A_98/2012 du 3 juillet 2012 consid. 3.2). Déterminer ce qu'un cocontractant savait ou voulait au moment de conclure relève des constatations de fait; la recherche de la volonté réelle des parties est qualifiée d'interprétation subjective (
ATF 131 III 606 consid. 4.1).
Lorsqu'une partie au contrat manifeste sa volonté par l'intermédiaire d'un représentant (art. 32 al. 1 CO; GAUCH/SCHLUEP ET AL., Schweizerisches Obligationenrecht, Allgemeiner Teil, vol. I, 9e éd. 2008, n. 299), c'est la volonté exprimée par le représentant qui est déterminante pour la conclusion du contrat (art. 1 CO; GAUCH/SCHLUEP ET AL., op. cit., n. 1311 et 1445; PIERRE ENGEL, Traité des obligations en droit suisse, 2e éd. 1997, p. 394 s.). Dès lors, l'interprétation de celui-ci quant à son contenu (art. 18 al. 1 CO) se détermine en fonction de ce que voulait le représentant (CHRISTINE CHAPPUIS, in Commentaire romand, Code des obligations, vol. I, 2e éd. 2012, n° 21 ad art. 32 CO). Les déclarations du représentant sont imputées au représenté conformément à l'art. 32 al. 1 CO (arrêt 4C.332/2005 du 27 janvier 2006 consid. 3.3; ATF 73 II 6 consid. 5; GAUCH/SCHLUEP ET AL., op. cit., n. 1314 s.), le représentant engageant également le représenté par ce qu'il savait ou devait savoir (CHAPPUIS, op. cit., n° 21 ad art. 32 CO; WATTER, in Basler Kommentar, Obligationenrecht, vol. I, 5e éd. 2011, n° 24 ad art. 32 CO; GAUCH/SCHLUEP ET AL., op. cit., n. 1444 ss; à propos des vices de la volonté à apprécier en la personne du représentant, cf. arrêt 4A_303/2007 du 29 novembre 2007 consid. 3.4.3).
4.2 L'intimée n'était pas présente lors de la conclusion du contrat de vente. Comme l'indique la procuration annexée au dit contrat, l'intéressée a constitué comme mandataire K., administrateur de la régie du même nom, lui donnant tous pouvoirs afin qu'il signe, pour elle et en son nom, l'acte litigieux. Le prénommé est ainsi manifestement intervenu au contrat comme le représentant direct de l'intimée (
art. 32 al. 1 CO). La Cour de justice a, par conséquent, violé le droit fédéral en se basant sur la volonté réelle de l'intimée, alors que c'est celle de son représentant qui est déterminante pour la conclusion du contrat et qui doit lui être imputée.