Urteilskopf
146 III 136
16. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit civil dans la cause A.A. contre B.A. et C.A. (recours en matière civile)
5A_222/2018 du 28 novembre 2019
Regeste
Art. 69 Abs. 1 und 2 IPRG; bei einer Klage auf Anfechtung des Kindesverhältnisses anwendbares Recht, alternative Anknüpfung an den Ort der Geburt oder der Klage, Begriff des "überwiegenden Interesses".
Die Anknüpfung an den Ort der Klageanhebung nach Art. 69 Abs. 2 IPRG erfolgt nur bei gerichtlicher Anfechtung des Kindesverhältnisses, um im konkreten Einzelfall das für das Kind günstigste Recht anzuwenden. Die angerufene Behörde ist daher verpflichtet, die konkreten Umstände zu prüfen und den voraussichtlichen Ausgang des Verfahrens zu berücksichtigen (E. 4.1).
A. A.A., de nationalité suisse, et B.A., de nationalité marocaine, se sont mariés en Suisse en 1997. De leur union est né, en 1999, l'enfant D.A.
La famille a déménagé à U. (France) au mois de juin 2009.
Les époux se sont séparés au mois d'avril 2011. L'époux allègue ne plus avoir cohabité avec son épouse depuis cette date, alors que cette dernière a expliqué avoir continué à fréquenter son époux et que la famille était revenue s'installer en Suisse.
A.a Le 26 mars 2012, à X. (Suisse), B.A. a donné naissance à l'enfant C.A. A.A. a été inscrit dans le registre de l'état civil comme étant le père de cet enfant, mais il n'est pas contesté que le père biologique de C.A. est E. - décédé dans l'intervalle -, domicilié à X. Sur les réseaux sociaux, B.A. et E. ont publié tous deux des photographies de l'enfant.
A sa sortie de la maternité le 5 avril 2012, B.A. a indiqué avoir résidé avec A.A. et l'enfant C.A., à U. A.A. admet avoir habité à U., mais seul.
Au mois de juin 2012, B.A. a emménagé avec l'enfant C.A. dans un appartement, loué pour une durée de six ans au nom des époux A., à V. (France). Selon A.A., E. aurait vécu dans cet appartement avec B.A. et l'enfant C.A.
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A.b Par courrier du 12 juin 2012, A.A. a informé l'Etat civil du canton de X. qu'il n'était pas le père de C.A. et qu'il se déchargeait de toute responsabilité à son égard.
B.A. et l'enfant C.A. ont réemménagé dans l'ancien domicile conjugal de U. en automne 2013, alors que A.A. a résidé dans un hôtel de la commune, avant d'emménager, en février 2014 avec sa nouvelle compagne à W. (France).
A.c Le 21 mai 2014, A.A. a déposé une requête en divorce auprès du Tribunal de Grande Instance de Y. (France).
Il ressort d'une facture du conseil français de l'époque de A.A. datée du 5 juin 2014, que l'ouverture d'une procédure en contestation de paternité était envisagée devant la même juridiction. Le projet d'assignation rédigé mentionnait que B.A. résidait alors en France. Selon A.A., l'action en contestation de paternité n'a finalement pas été ouverte, du fait que B.A. avait déménagé en Suisse, à X., dans l'appartement de feu E.
Au cours de l'été 2014, B.A. a passé plusieurs mois au Maroc avec l'enfant C.A.
Le 5 novembre 2014, le Juge des affaires familiales du Tribunal de Grande Instance de Y. a rendu une ordonnance de non-conciliation s'agissant du divorce des époux A. et, sur mesures provisoires, notamment maintenu l'autorité parentale commune sur les enfants D.A. et C.A., fixé la résidence de l'enfant D.A. au domicile de A.A. (à W.) et celle de l'enfant C.A. au domicile de B.A. (situé selon cette ordonnance à U.), et condamné A.A. à contribuer à l'entretien de l'enfant C.A. à concurrence de 300 euros par mois.
Par courrier du 7 novembre 2014, B.A. a annoncé à l'Office cantonal de la population et des migrations qu'elle habitait à X., à l'adresse de l'appartement de feu E., avec ses deux enfants D.A. et C.A., alléguant que son époux avait résilié le bail et liquidé l'appartement conjugal de U. pendant qu'elle séjournait au Maroc.
Le 27 février 2015, A.A. a adressé au Tribunal de première instance du canton de Genève une "dénonce" de l'ordonnance de non-conciliation du 5 novembre 2014 et une assignation en divorce, afin que ces documents soient notifiés à B.A. à son adresse à X. Ces actes ont été remis à l'intéressée le 27 mars 2015 par l'intermédiaire du poste de gendarmerie de X., ce dont A.A. a été informé par courrier du 17 avril 2015.
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Par ordonnance pénale du 15 mai 2017, le Ministère public a reconnu B.A. coupable de faux dans les titres pour avoir adressé à l'Office cantonal de la population de X. un formulaire d'annonce d'arrivée en Suisse et produit une attestation mentionnant vivre avec son fils aîné, en contrefaisant la signature de A.A. Lors de l'audition de la prévenue dans le cadre de la procédure pénale, celle-ci a finalement reconnu avoir vécu à U. de 2009 à 2014, puis être revenue à X. au mois de mai ou juin 2014. Un témoin a confirmé le domicile de B.A. à U. entre 2011 et 2013.
A.d Le 18 novembre 2015, A.A. a ouvert par-devant le Tribunal de première instance de Genève une action en désaveu de paternité, concluant à ce qu'il soit dit qu'il n'est pas le père de l'enfant C.A. et à ce qu'il soit ordonné la rectification des registres de l'état civil.
B.A. a conclu au rejet de la demande et à ce que le Tribunal constate que A.A. est le père juridique de l'enfant C.A. La curatrice désignée en faveur de l'enfant pour la procédure en désaveu de paternité par ordonnance du 9 février 2016 du Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant a également conclu au rejet de la demande.
A.e Par jugement du 19 décembre 2016, le Tribunal de première instance du canton de Genève, appliquant le droit français au litige et constatant le respect du délai d'action de cinq ans depuis la naissance, a admis l'action en désaveu de paternité et dit que A.A. n'est pas le père de l'enfant C.A., né en 2012.
A.f Par arrêt du 23 janvier 2018, communiqué aux parties par plis recommandés du 31 janvier 2018, la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève (ci-après: Chambre civile) a admis l'appel interjeté le 1
er février 2017 par B.A., annulé le jugement rendu le 19 décembre 2016 et débouté "les parties de toutes autres ou contraires conclusions".
B. Par acte du 5 mars 2018, A.A. exerce un recours en matière civile au Tribunal fédéral, concluant à l'annulation de l'arrêt entrepris et principalement à sa réforme, en ce sens qu'il est dit qu'il n'est pas le père de l'enfant C.A., né en 2012.
Après un double échange d'écritures, la cause a été délibérée publiquement le 28 novembre 2019.
(résumé)
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Extrait des considérants:
4.1 Selon l'
art. 68 LDIP (RS 291), la constatation de la filiation est régie par le droit de l'Etat de la résidence habituelle de l'enfant (al. 1); toutefois, si aucun des parents n'est domicilié dans l'Etat de la résidence habituelle de l'enfant et si les parents et l'enfant ont la nationalité d'un même Etat, le droit de cet Etat est applicable (al. 2).
D'après l'
art. 69 LDIP, le moment déterminant pour arrêter le droit applicable est la date de la naissance de l'enfant (al. 1). Cette dernière disposition a pour but de fixer dans le temps les critères de rattachement de l'
art. 68 LDIP, et non pas le droit applicable en vertu du rattachement retenu, en sorte que le contenu de la loi ainsi désignée peut varier dans le temps (
ATF 118 II 468 consid. 4b et les références; arrêt 5C.179/2000 du 11 janvier 2001 consid. 3b). La date de naissance de l'enfant s'impose comme moment déterminant lorsque la filiation découle de la loi, en particulier s'agissant de la présomption de paternité de l'époux de la mère (BUCHER/BONOMI, Droit international privé, 3
e éd. 2013, n. 723). Cette solution ne s'impose en revanche pas nécessairement lorsqu'un jugement relatif à la filiation est rendu plusieurs années après la naissance, alors que la résidence habituelle de l'enfant concerné ne se trouve plus dans le même Etat que celui où il est né (BUCHER/BONOMI, op. cit., loc. cit.; ANDREAS BUCHER, L'enfant en droit international privé, 2003, n. 100). Aussi, lorsque le statut juridique de l'enfant et son environnement social ne coïncident plus, la loi réserve la possibilité de se fonder sur la date de l'introduction de l'action, à la condition qu'un intérêt prépondérant de l'enfant l'exige (al. 2). Vu la systématique de cette norme, ce rattachement est subsidiaire à celui de la naissance (arrêts 5C.28/2004 du 26 mars 2004 consid. 4.1 et les références; 5C.156/1995 du 18 janvier 1996 consid. 2b, in SJ 1996 p. 512; contra BUCHER, op. cit., loc. cit.). Ce n'est qu'une fois le point de rattachement localisé dans le temps que le droit applicable peut être désigné selon l'
art. 68 LDIP (arrêts 5C.28/2004 précité consid. 4.1; 5C.156/1995 précité consid. 2b).
Ni le texte de la loi ni le Message du 10 novembre 1982 concernant une loi fédérale sur le droit international privé (loi de DIP) (FF 1983 I 255) ne définissent la notion "d'intérêt prépondérant" au sens de l'
art. 69 al. 2 LDIP. La norme, qui vise exclusivement l'intérêt
concret de l'enfant, ne doit pas être interprétée restrictivement (arrêts 5C.28/2004 précité consid. 4.1, qui cite BUCHER, op. cit., n. 631; 5C.156/1995
BGE 146 III 136 S. 141
précité consid. 2b; IVO SCHWANDER, in Basler Kommentar, Internationales Privatrecht, 3
e éd. 2013, n° 6 ad
art. 69 LDIP). L'
art. 69 al. 2 LDIP concerne la contestation de paternité dans le contexte judiciaire. Le second moment de rattachement, à savoir la date de l'introduction de l'action, doit en conséquence être offert à l'enfant - même lorsqu'il est défendeur à l'action en désaveu de paternité (BERNARD DUTOIT, Droit international privé suisse, Commentaire de la loi fédérale du 18 décembre 1987, 5
e éd. 2016, n° 3 ad
art. 69 LDIP) - lorsque le premier moment (date de la naissance) lui est défavorable selon l'appréciation du juge, afin d'augmenter ses chances d'établir ou de clarifier sa filiation (arrêt 5C.156/1995 précité consid. 2c). L'
art. 69 al. 2 LDIP n'est cependant pas une disposition d'ordre public destinée à évincer le droit étranger au profit du droit suisse (arrêt 5C.28/2004 précité consid. 4.1), de sorte que son application ne doit intervenir qu'en cas de contestation judiciaire, lorsque le juge parvient à la conclusion que ce rattachement conduit à l'application du droit plus favorable à l'enfant dans le cas d'espèce, ce qui implique de se référer au sort prévisible de la procédure à cet égard. A l'
ATF 129 III 288 concernant également une action en désaveu de paternité à caractère international, le Tribunal fédéral a retenu qu'à défaut de constatations particulières relatives à l'intérêt de l'enfant, il ne pouvait être admis par principe que l'intérêt de l'enfant commandait de toujours appliquer le droit qui permettait d'entrer en matière sur l'action. Le Tribunal fédéral a ainsi refusé de considérer que l'application du droit suisse, sur la base de l'
art. 69 al. 2 LDIP, devait l'emporter sur l'application du droit de l'Etat de naissance de l'enfant, en l'occurrence le droit argentin, au motif que l'action en désaveu de paternité était prescrite selon cette dernière législation (
ATF 129 III 288 consid. 4.4). En revanche, il existe
a priori un intérêt de l'enfant à voir appliquée la loi du pays où se trouve son centre de vie au moment de l'introduction de la procédure (arrêt 5C.28/2004 précité consid. 4.1).
Bien que l'art. 69 al. 2 LDIP soit subsidiaire à l'art. 69 al. 1 LDIP, son application ne doit pas être envisagée trop restrictivement, à l'aune de l'intérêt de l'enfant examiné à la lumière des circonstances particulières concrètes. A cet égard, l'intérêt des parents à l'application de l'un des droits et ses conséquences n'est pas pertinent et l'autorité saisie a le devoir de procéder à un examen des circonstances concrètes.
L'examen concret de l'intérêt prépondérant de l'enfant, au regard des éléments de fait pertinents tels qu'établis, relève de l'appréciation du
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juge (
art. 4 CC), que le Tribunal fédéral ne revoit qu'avec une certaine retenue. Il n'intervient notamment que si le juge a tenu compte de critères ou d'éléments non pertinents dans le cas d'espèce, qu'il en a omis d'autres qui auraient impérativement dû être pris en considération ou lorsque la décision, dans son résultat, est manifestement inéquitable ou heurte de manière choquante le sentiment de la justice (cf. consid. 2.1 non publié).