BGE 84 IV 80
 
24. Arrêt de la Cour de cassation pénale du 21 mars 1958 dans la cause Ministère public fédéral contre Michaud.
 
Regeste
Art. 336 LMV.
 
Sachverhalt


BGE 84 IV 80 (80):

A.- En 1946, Provins a déposé au Bureau fédéral de la propriété intellectuelle une marque mixte, à la fois verbale et figurative, qui contient en particulier le mot "CHATEAUVIEUX" et représente en outre un château entouré de quelques arbres et dominant une vigne.
Dès 1947, Provins mit sur le marché un vin de dôle dans des bouteilles munies de cette étiquette et coiffées d'une capsule qui porte l'inscription: "Concours de capsule dorée". Cette capsule est réservée aux produits choisis des vignes les mieux exposées sur le versant nord de la vallée du Rhône, entre Fully et Loèche. Le vin "CHATEAUVIEUX", dont une réclame coûteuse a assuré l'écoulement, est d'une qualité réputée.
B.- Le 2 novembre 1956, le Service lausannois du contrôle des denrées alimentaires préleva trois bouteilles portant l'étiquette "CHATEAUVIEUX" dans un commerce, à Lausanne. Le 15 mars 1957, sur dénonciation du chimiste cantonal vaudois, le Préfet de Lausanne frappa Michaud, directeur responsable de Provins, de 500 fr. d'amende pour infraction aux art. 15 et 336 ODA. Le condamné ayant fait opposition, le Juge d'instruction du canton de Vaud transmit l'affaire aux autorités valaisannes, qu'il estimait compétentes.
C.- Statuant les 25 octobre et 13 novembre 1957, le Tribunal cantonal valaisan prononça l'acquittement de Michaud, mais condamna la maison Provins aux frais.


BGE 84 IV 80 (81):

D.- Le Ministère public de la Confédération s'est pourvu en nullité contre ce jugement et conclut au renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour nouvelle décision.
Michaud conclut au rejet du pourvoi.
 
Considérant en droit:
L'art. 336 ODA applique ces principes au commerce des vins. Selon son premier alinéa, les indications de provenance, d'origine, de cépage ou autres "doivent être conformes à la réalité et exclure toute possibilité de confusion". Quant au deuxième alinéa, il prescrit que des noms de fantaisie, des marques verbales, de même que "Des vignettes de caractère régional ou local ne peuvent être employés que pour des vins qui, conformément au premier alinéa, peuvent porter une indication relative à leur origine ou au cépage et qui la portent effectivement". Il ne prévoit pas expressément que les noms de fantaisie, etc., qu'il vise, doivent exclure toute confusion. Mais cela n'était pas nécessaire; la prescription reste subordonnée à la règle générale de l'art. 15 al. 1, qui formule une telle exigence. Aussi bien, ayant prohibé, à l'art. 336 al. 1, toutes mentions trompeuses au sujet de la provenance, de l'origine ou du cépage des vins, le législateur n'avait aucune raison de se montrer moins rigoureux pour les signes distinctifs qu'il énumère à l'art. 336 al. 2.
Elle estime que ce mot constitue une appellation de fantaisie. Il n'est cependant pas nécessaire de trancher cette question en l'espèce. Qu'il s'agisse d'une indication d'origine (art. 336 al. 1 ODA) ou d'un nom de fantaisie (art. 336 al. 2 ODA), dans l'un comme dans l'autre cas, on l'a montré, toute possibilité de confusion doit être exclue. Or le mot "château" évoque l'idée d'un bâtiment, c'est-à-dire d'un lieu. Il se retrouve dans le nom de nombreuses localités. La désignation "CHATEAUVIEUX" fait nécessairement penser à un château existant dans un lieu donné, à un nom du cadastre ou à une localité. En tant qu'elle désigne un vin, elle suggère qu'il s'agit du produit de vignes sises à Châteauvieux, soit d'un cru spécial, d'autant plus que le terme château se retrouve dans un grand nombre de dénominations désignant des crus. Or il est constant que le vin vendu sous la désignation "CHATEAU-VIEUX" ne provient pas d'un domaine de ce nom. La marque prête donc à confusion et se heurte aux prescriptions de l'ordonnance réglant le commerce des denrées alimentaires. Le Tribunal fédéral a du reste déjà jugé que les dénominations "Château-Brillant" et "Clos des Rayons" ne sont pas admissibles dès lors qu'elles ne se rapportent pas à un lieu topographiquement défini, dont proviendrait le vin qu'elles désignent (arrêts Mühlematter du 19 février 1938, consid. 2, et Sartoretti, du 16 mars 1950, non publiés).
Peu importe que le recourant ait écrit sa marque en un seul mot ("CHATEAUVIEUX" au lieu de "CHATEAU-VIEUX"). Elle n'en suggère pas moins l'idée d'un cru bien localisé. Peu importe, de même, qu'il n'ait pas mis d'accent circonflexe sur l'a de CHATEAU. Ce n'est pas l'usage de mettre des accents sur des lettres capitales.
3. La désignation "CHATEAUVIEUX" est d'autant moins admissible en l'espèce qu'elle se combine avec l'image d'un château et d'une vigne, ce qui doit nécessairement renforcer le consommateur dans l'idée que le vin est

BGE 84 IV 80 (83):

le produit d'un domaine appartenant au château représenté. Peu importe que le château soit imaginaire, comme le constate l'autorité cantonale. Cela n'est pas reconnaissable pour tous les acheteurs.
Par ces motifs, la Cour de cassation pénale:
Admet le pourvoi, annule l'arrêt attaqué et renvoie la cause à l'autorité cantonale pour nouvelle décision.