BGE 100 IV 279 |
70. Arrêt de la Cour de cassation pénale du 1er novembre 1974, dans la cause Gremaud contre Ministère public du canton de Vaud. |
Regeste |
Art. 4 Abs. 1 VRV; Art. 32 Abs. 1 SVG. Die allgemeinen Geschwindigkeitsvorschriften gelten uneingeschränkt auch auf Autobahnen. Nachts ist deshalb die Geschwindigkeit eines mit Abblendlicht fahrenden Fahrzeugs nur dann den Verhältnissen angepasst, wenn der Führer in der Lage ist, innert der kürzesten beleuchteten Strecke anzuhalten, d.h. auf der linken Fahrbahnseite innert 50 m (Erw. 2 a). |
Adäquater Kausalzusammenhang: Selbst auf einer Autobahn sind Unaufmerksamkeit und übermässige Geschwindigkeit nach der Lebenserfahrung geeignet, einen Zusammenstoss herbeizuführen, namentlich mit einem Fussgänger (Erw. 3). |
Sachverhalt |
Vers 20 h 50, arrivant à l'extrémité ouest du Pont de l'Aubonne, Gremaud a enclenché ses feux de croisement, parce que des véhicules venaient en sens inverse et qu'il n'y a pas, sur le pont, d'arbustes faisant écran. A cet endroit, la route décrit une courbe à droite de grand rayon. Gremaud a alors aperçu, à une distance qu'il a estimée à une vingtaine de mètres, un piéton qui traversait la chaussée en marchant de gauche à droite. En même temps, il a distingué deux personnes qui se trouvaient sur l'accotement à droite.
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Avant même que Gremaud ait eu le temps de réagir, il atteignit le piéton, alors que celui-ci avait déjà franchi 7 à 8 m depuis la berme centrale et se trouvait à moins de 2 m de l'accotement de droite. Le piéton a été tué sur le coup.
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La victime, Mohammed Guidoum, né en 1950, faisait partie d'un groupe de quatre auto-stoppeurs qu'un automobiliste avait déposés au bord de la chaussée Jura de l'autoroute, à la hauteur de la jonction d'Allaman. Ils voulaient atteindre la route du lac pour gagner Genève. Ils avaient traversé la chaussée Jura jusqu'à la berme centrale, puis deux d'entre eux avaient déjà traversé la chaussée lac de l'autoroute et se trouvaient sur l'accotement de droite au moment de l'accident. Guidoum a entrepris de traverser la chaussée lac au pas et sans prêter attention à la circulation. Selon ses compagnons, il était extrêmement fatigué. Une jeune fille appartenant au groupe et qui se trouvait sur la berme centrale, voyant arriver la voiture de Gremaud à vive allure, feux de croisement enclenchés, et se rendant compte du danger, a crié, mais Guidoum ne l'a pas entendue. |
B.- Le Tribunal correctionnel du district de Rolle a condamné Gremaud, le 18 avril 1974, pour homicide par négligence, à une amende de 1000 fr. avec délai d'épreuve de deux ans.
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Par arrêt du 17 juillet 1974, la Cour de cassation pénale du canton de Vaud a rejeté un recours du condamné.
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C.- Gremaud se pourvoit en nullité au Tribunal fédéral. Il conclut à libération.
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Le Ministère public du canton de Vaud propose le rejet du pourvoi.
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Considérant en droit: |
Ce moyen ne'résiste pas à l'examen. D'une part, en retenant que le recourant a enclenché ses feux de croisement en arrivant à l'extrémité du pont, il est clair que les juridictions cantonales n'ont pas entendu fixer un endroit précis, mais qu'elles ont simplement indiqué approximativement l'endroit où s'est située la manoeuvre. D'autre part et surtout, l'allégation du recourant se heurte à la constatation de fait parfaitement précise - et fondée sur des données objectives nettes - selon laquelle il a parcouru avec ses feux de croisement plus de 100 m avant de heurter la victime.
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2. a) La Cour cantonale a retenu deux fautes à la charge du recourant: d'une part, une violation de l'art. 4 al. 1 OCR, soit une vitesse exagérée au regard de la visibilité; et d'autre part une faute d'inattention, pour n'avoir remarqué le piéton qu'à une vingtaine de mètres, alors que les feux de croisement auraient dû permettre de l'apercevoir à une cinquantaine de mètres au moins. Le recourant critique cette appréciation en faisant valoir que la présence d'une voiture le précédant à une distance d'environ 300 m lui donnait l'assurance qu'il n'y avait aucun obstacle sur l'autoroute; qu'il devait concentrer son attention sur la droite où se trouvait une piste d'engagement et sur les deux piétons stationnant sur l'accotement; qu'il était fondé à circuler à 100 km/h après avoir enclenché ses feux de croisement puisqu'il avait constaté que l'autoroute était libre. |
b) Il a été jugé que les prescriptions générales sur la vitesse, en particulier celles des art. 32 al. 1 LCR et 4 al. 1 OCR, doivent s'appliquer sans restriction sur les autoroutes (RO 93 IV 116); que l'adaptation de la vitesse dépend de l'espace le plus court éclairé par les feux de croisement, soit 50 m sur la partie gauche de la chaussée (RO 94 IV 26); et enfin que la vitesse d'un conducteur est adaptée aux circonstances lorsqu'il est en mesure de s'arrêter sur l'espace qu'il reconnaît comme libre, c'est-à-dire sur lequel aucun obstacle n'est visible et dans lequel on ne doit pas s'attendre à en voir surgir (RO 99 IV 230).
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En roulant à 100 km/h au moins sur une distance de 100 m avant d'atteindre le piéton, le recourant n'était pas en mesure de s'arrêter sur la distance de 50 m à laquelle il aurait été en mesure de l'apercevoir. La violation des art. 32 al. 1 LCR et 4 al. 1 OCR est donc réalisée.
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c) Le recourant a de plus commis une faute d'inattention évidente. Alors que le piéton, qui avait déjà parcouru quelques mètres depuis la berme centrale, se trouvait sur la trajectoire de l'automobile et qu'il était partant visible à une cinquantaine de mètres, le recourant ne l'a aperçu qu'à une vingtaine de mètres seulement. Il a donc été inattentif durant une seconde environ pendant laquelle il a parcouru une trentaine de mètres. Un tel comportement est fautif et constitue une violation des art. 31 al. 1 LCR et 3 al. 1 OCR.
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d) Les moyens invoqués par le recourant ne le disculpent aucunement. Le fait qu'une voiture le précédait à 300 m ne lui donnait ainsi nullement l'assurance que la chaussée resterait libre derrière ce véhicule, et cela d'autant moins que ni les feux de route ni les feux de croisement ne pouvaient l'assurer que cet espace de 300 m restait libre. L'existence d'une piste d'engagement sur la droite n'excuse pas non plus l'inattention du recourant, car, à l'endroit du choc, elle avait été déjà dépassée. D'ailleurs, si un véhicule était survenu de ce côté, le recourant l'aurait vu longtemps à l'avance, de telle sorte qu'il aurait pu et dû concentrer son attention sur la chaussée. Quant à la présence des piétons sur la droite, elle n'a joué aucun rôle en l'occurrence, puisque le recourant les a aperçus en même temps que la victime. Enfin le recourant n'a pu, comme il le prétend, constater que l'autoroute était libre, car d'une part ses feux de route n'ont pas été enclenchés suffisamment longtemps pour lui permettre de voir la chaussée á l'endroit où traversaient les auto-stoppeurs, et d'autre part la présence même de l'un de ceux-ci sur la chaussée infirme son allégation. |
C'est donc à juste titre que la Cour cantonale a retenu deux fautes à la charge du recourant.
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b) Les arrêts, civils et pénaux, que cite le recourant, et où des automobilistes ont été libérés de toute peine ou de toute responsabilité à la suite d'accidents dont ont été victimes des piétons gravement fautifs, concernent tous des automobilistes à la charge desquels aucune faute n'a été retenue. Ils ne traitent dès lors en aucune manière du lien de causalité adéquate entre une faute et un résultat, et n'ont pas à être pris en considération.
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c) La relation de causalité naturelle entre le comportement fautif du recourant et l'accident n'est pas contestée; elle ressort d'ailleurs sans équivoque de l'état de fait retenu par la Cour cantonale. Il y a en effet relation de causalité naturelle si la violation des règles de circulation apparaît comme une condition nécessaire de l'accident, même si elle n'en représente pas la cause unique et immédiate; il suffit qu'elle ait contribué avec d'autres causes à produire le résultat (RO 95 IV 142; ATF Mühlemann, du 31 mai 1974).
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d) La relation de causalité est adéquate lorsque le comportement illicite est propre, dans le cours ordinaire des choses et selon l'expérience générale de la vie, à produire ou à favoriser tel résultat (RO 95 IV 143 et jurisprudence citée). Elle n'est exclue, l'enchaînement des faits ne perdant sa portée juridique, que si d'autres causes concomitantes, comme par exemple l'imprudence d'un tiers ou de la victime, constituent des circonstances tout à fait exceptionnelles ou apparaissent comme relevant d'un comportement si extraordinaire, insensé ou extravagant, que l'on ne pouvait pas s'y attendre (cf. RO 84 IV 64; 88 IV 106; 90 IV 235; 92 IV 88; 94 IV 27; ATF Mühlemann précité). L'imprévisibilité d'une faute concurrente ne suffit toutefois pas en soi à interrompre le rapport de causalité adéquate. Il faut encore que cette faute revête un caractère de gravité tel qu'elle apparaisse comme la cause la plus probable et la plus immédiate de l'événement considéré, reléguant à l'arrière-plan tous les autres facteurs qui ont contribué à l'amener, et notamment le comportement de l'auteur (cf. RO 95 II 353; ATF Rüegger et Saint-Jacques-Laraque, du 6 juillet 1973, consid. 1c in fine non publié). |
En l'espèce, l'existence d'un lien de causalité adéquate n'est pas contestable au regard de la vitesse inadaptée du recourant. La présence du piéton traversant l'autoroute n'était pas plus imprévisible que celle d'animaux errants ou blessés, de victimes d'accident, d'objets tombés sur la chaussée, ou de véhicules immobilisés. Or de tels obstacles ne sont pas considérés par la jurisprudence comme si rares qu'on puisse en faire abstraction sur une autoroute (cf. RO 93 IV 117). Ainsi que l'a relevé la Cour cantonale, l'expérience enseigne qu'il est fréquent surtout en été à l'époque des vacances, de voir des auto-stoppeurs, notamment des étrangers, se fourvoyer sur une autoroute, comme en l'espèce. De plus, des conducteurs de véhicules en difficulté peuvent être amenés également à traverser imprudemment la chaussée d'une autoroute.
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Quant à l'inattention du recourant, la relation de causalité adéquate avec l'accident n'en est interrompue par aucun élément quelconque, ni même par le comportement de la victime. En effet la faute consistant précisément à n'avoir pas aperçu le piéton en temps utile, le comportement de celui-ci ne pouvait par définition pas rompre le lien de causalité adéquate.
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Dans les deux cas, la situation n'aurait été différente que si la victime s'était élancée au dernier moment sur la chaussée à une relativement courte distance de la voiture.
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral:
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