BGE 104 IV 167 |
40. Arrêt de la Cour de cassation pénale du 29 septembre 1978 dans la cause R. et Cst. contre Groupe Sanglier |
Regeste |
Art. 177 StGB. Beschimpfung. |
Sachverhalt |
Statuant sur appel des 13 condamnés le 9 mars 1978, la Première Chambre pénale de la Cour suprême du canton de Berne a rendu le même jugement en ce qui concerne 10 prévenus, dont R., mais elle en a libéré trois.
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Les faits qui ont motivé ces condamnations sont en bref les suivants:
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Les 21 et 22 février 1976, Jeunesse-Sud a organisé une grève de la faim à Moutier. Seul un petit groupe de quelques dizaines de personnes réunies dans l'espace limité de la cour de l'école primaire de Moutier y a pris part. Diverses pancartes ont été appuyées durant les deux jours contre le mur de l'école, parmi lesquelles une pancarte portant l'inscription "Sangliers plus police = SS".
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Les dix condamnés sont membres du comité directeur de Jeunesse-Sud. Ils ont admis leur responsabilité quant à l'organisation de la grève de la faim, mais ils ont nié être les auteurs ou les complices de la présence de la pancarte susmentionnée.
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L'administration des preuves n'a pas permis d'établir que la pancarte incriminée avait été rédigée par les condamnés. En revanche elle a révélé ceci:
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"Certaines pancartes ont été enlevées à la suite de l'intervention du préfet et de Me Steullet. Les organisateurs ont cependant opposé un refus catégorique à une prière du préfet d'enlever la pancarte incriminée. Les condamnés ont tous vu la pancarte et la cour cantonale a admis qu'ils se sont associés intimement à l'idée qu'elle contenait, qu'ils se sont identifiés à son contenu, qu'ils ont approuvé son intégration parmi les autres inscriptions, considérant son contenu comme l'expression de leur propre opinion, qu'ils ont manifesté leur intention que l'inscription incriminée fasse partie intégrante de tous les slogans et expressions utilisés lors de la grève de la faim."
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Le Groupe Sanglier est une association au sens des art. 60 ss. CC, et par l'entremise de deux de ses représentants il a déposé plainte pénale pour injures.
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B.- Les 10 condamnés se sont pourvus en nullité au Tribunal fédéral; ils concluent à libération.
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Considérant en droit: |
1. Les recourants se plaignent d'une violation des principes généraux du droit pénal; selon eux, l'autorité n'aurait pas entendu les prévenus d'une manière suffisamment approfondie se limitant à se référer au procès-verbal d'audition de l'un d'entre eux, que les autres ont seulement contresigné. En outre ils soutiennent que, sur la base des procès-verbaux, il n'y avait aucune raison de libérer trois d'entre eux en appel. |
Ces moyens portent sur l'administration des preuves et sur l'appréciation de celles-ci. A ce titre ils ne concernent pas l'application du droit fédéral et sont irrecevables dans un pourvoi en nullité (ATF 81 IV 130; art. 269 al. 1 et 273 al. 1b PPF).
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Il en va de même pour les autres griefs articulés dans le pourvoi et visant les constatations de fait de l'autorité cantonale en ce qui concerne notamment la présence des recourants sur les lieux et à leur adhésion au contenu de la pancarte incriminée.
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b) Se rend coupable d'injure, selon l'art. 177 CP, celui qui, de toute autre manière que celles visées aux art. 173 et 174 CP, aura attaqué autrui dans son honneur, notamment par l'écriture ou par l'image.
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L'inscription incriminée constitue bien, ce n'est ni contesté, ni contestable, une atteinte à l'honneur du Groupe Sanglier, au sens de cette disposition. La seule question à examiner est donc celle de savoir si les recourants peuvent être considérés comme les auteurs de cette infraction.
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Au vu des constatations de l'autorité cantonale et sur lesquelles il n'y a pas à revenir (art. 277bis al. 1 PPF), la réponse à cette question ne fait aucun doute. Comme seuls organisateurs de la manifestation qui s'est déroulée durant deux jours, dans un lieu bien circonscrit, et qui comportait à côté d'une grève de la faim l'apposition de pancartes, les recourants avaient tous pouvoirs de fixer le contenu de ladite manifestation. Ils ne prétendent d'ailleurs pas que quiconque ait organisé ou pu organiser quoi que ce soit, au même lieu, sur lequel il n'aurait eu aucune prise. Dans ces conditions, l'apposition d'une pancarte, non pas momentanément ou de manière imprévue, mais de façon constante et durable, dépendait exclusivement de leur acceptation ou de leur bon vouloir. Or non seulement ils ont accepté la pancarte dans leur manifestation, mais ils ont refusé catégoriquement de l'enlever. Il s'agit là, non pas seulement d'une omission comme ils l'allèguent, mais bien d'un acte positif, semblable à celui de l'organisateur d'une exposition qui accepte ce qui y sera exposé. En se comportant de la sorte ils ont participé étroitement à l'acte d'exposition de la pancarte, acte réalisant l'attaque à l'honneur constitutive de l'injure. Approuver l'intégration de la pancarte parmi les autres inscriptions, considérer son contenu comme l'expression de leur propre opinion et manifester leur intention que l'inscription incriminée fasse partie intégrante de tous les slogans et expressions utilisés lors de la manifestation organisée par eux, ne constitue pour les recourants rien d'autre qu'un acte de participation et d'association à l'attaque injurieuse réalisée par l'exposition de la pancarte. Et comme les recourants ont joué, en qualité d'organisateurs, un rôle de premier plan dans l'exposition de toutes les pancartes, leur participation et leur association à l'acte commis par celui qui a placé la pancarte au milieu des autres les font apparaître à tout le moins comme des participants principaux à l'infraction, c'est-à-dire comme des coauteurs (cf. ATF 98 IV 259 consid. 5; ATF 77 IV 91). |