BGE 106 IV 12
 
5. Arrêt de la Cour de cassation pénale du 21 janvier 1980 dans la cause Ministère public du canton de Vaud contre M. (pourvoi en nullité)
 
Regeste
Art. 129 StGB; Gefährdung des Lebens.
2. Subjektiv ist erforderlich, dass die Gefährdung wissentlich herbeigeführt wird. Das trifft zu, wenn der Täter die Lebensgefahr sicher kennt und trotzdem handelt (den möglichen Verletzungserfolg braucht er nicht gewollt zu haben) (E. 2b).
 
Sachverhalt


BGE 106 IV 12 (12):

A.- De 1976 à 1978, M. a acheté et consommé du haschisch puis, dès 1977, notamment de l'héroïne; il a revendu de tels produits pour un montant de 7800 fr. dès fin 1977.
M. a offert des stupéfiants à plusieurs personnes; ainsi, il remit de l'héroïne "brown sugar" à S., dont il savait qu'elle suivait un traitement de désintoxication, et qui "fit une overdose" non mortelle lors de sa première injection.
Le 13 août 1978, M. remit de l'héroïne et une seringue à R. et à C., dont il savait qu'ils étaient toxicomanes et qu'ils s'étaient enfuis de l'Hôpital de Cery où ils étaient détenus préventivement. C. se fit une injection et décéda d'une overdose un quart d'heure plus tard. M. n'a pas contrôlé la dose que C. s'est injectée, mais il l'avait mis en garde quant à la "bonne qualité" du stupéfiant.
B.- Le 14 mai 1979, le Tribunal correctionnel du district de Lausanne a condamné M. pour le vol d'usage, infractions graves à la LF sur les stupéfiants et mise en danger de la vie d'autrui ayant entraîné la mort, à la peine de deux ans et demi de réclusion.


BGE 106 IV 12 (13):

La Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud a admis le recours de M. le 18 juillet 1979. Elle a réformé le premier jugement en ce sens qu'elle a libéré le recourant de la prévention de mise en danger de la vie d'autrui. Elle a réduit en conséquence la peine à 15 mois d'emprisonnement, le jugement étant maintenu pour le surplus.
C.- Le procureur général du canton de Vaud se pourvoit en nullité. Il conclut au maintien du jugement de première instance.
M. propose de rejeter le pourvoi.
 
Considérant en droit:
Elle a considéré que si la remise du stupéfiant et d'une seringue à C., toxicomane sevré, faisait certes naître un danger, elle ne suffisait pas à constituer une mise en danger de mort imminent, le danger dépendant encore de l'usage des objets remis. Comme de surcroît le danger mortel ne devait pas nécessairement exister pour n'importe quelle injection d'héroïne, mais seulement pour une dose, légère peut-être d'une manière absolue, mais excessive au regard du consommateur, rien ne permettrait de dire que l'intimé devait présumer que C. prendrait cette dose excessive par rapport à son état. Quant à la conscience de la mise en danger de mort, l'autorité cantonale a considéré qu'elle n'était pas établie et que, dès lors, on ne saurait affirmer que l'intimé ait agi sciemment. Elle a également refusé de considérer qu'il y avait eu absence de scrupules, car, en dépit du comportement moralement répréhensible du recourant, l'offre gratuite de stupéfiant à un toxicomane sevré pouvait, du point de vue de l'intimé, reposer sur des motifs compréhensibles de solidarité.
b) Pour le procureur recourant, la remise de l'héroïne et du matériel d'injection à C. constituait objectivement une mise en danger de la vie, étant donné qu'une mort subite peut se produire chez un toxicomane sans qu'une dose excessive soit nécessairement administrée, surtout chez un individu sevré.


BGE 106 IV 12 (14):

Quant à la conscience du danger chez l'intimé, elle ressortirait clairement des faits et proviendrait notamment de l'accident survenu à S. précédemment; elle trouverait au surplus son expression dans l'avertissement donné à C. quant à la qualité de l'héroïne. Le recourant considère également que l'autorité cantonale a refusé à tort de retenir l'absence de scrupule.
2. a) Selon l'art. 129 CP, est punissable celui qui, sciemment et sans scrupule, aura mis autrui en danger de mort imminent. L'élément constitutif objectif de l'infraction est la mise en danger de mort imminent. La portée de cette notion n'apparaît pas d'emblée clairement. Ainsi que l'a relevé la jurisprudence, elle implique tout d'abord un danger concret, c'est-à-dire un état de fait dans lequel existe, d'après le cours ordinaire des choses, la probabilité ou un certain degré de possibilité que le bien juridique protégé soit lésé, sans toutefois qu'un degré de probabilité supérieur à 50% soit exigé. Le danger de mort imminent représente cependant plus que cela. Il est réalisé, toujours selon la jurisprudence, lorsque le danger de mort apparaît si probable qu'il faut être dénué de scrupule pour négliger sciemment d'en tenir compte (ATF 94 IV 62 consid. 2; cf. ATF 101 IV 159 consid. 2a). La notion ainsi dégagée reste cependant malaisée à appréhender, puisqu'elle mêle des notions subjectives à une notion de probabilité ou de degré de possibilité de mort.
Quant à la notion d'imminence (Unmittelbarkeit), que l'on retrouve aux art. 33, 34 et 120 ch. 2 CP, elle n'est pas non plus aisée à définir. Elle implique en tout cas, outre la probabilité sérieuse de la réalisation du danger concret, un élément d'immédiateté qui est défini moins par l'enchaînement chronologique des circonstances que par le lien de connexité direct unissant le danger et le comportement de l'auteur. Cette immédiateté disparaît, ou tout au moins s'atténue, lorsque, à côté du comportement de l'auteur, s'interposent ou interviennent des actes ou des interventions extérieures qui augmentent de façon réellement déterminante la probabilité de la réalisation du danger de mort. L'imminence d'un danger enfin implique qu'il soit brûlant (akut) (cf. WILLFRATT, in RPS 1968 (84), p. 242-244).
In casu, on doit bien admettre, à l'instar de l'autorité cantonale, que l'intimé est sans doute à l'origine d'un danger, et même d'un danger concret pour la vie d'autrui, mais que l'élément d'imminence fait défaut. Le degré de probabilité de la

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réalisation du danger, permettant de qualifier le danger d'imminent, dépendait de la participation active et consciente de la victime, qui disposait seule des objets remis. Le danger mortel direct et brûlant, bref le danger imminent n'a existé qu'au moment où la dose a été mesurée puis injectée, ce qui n'a pas été accompli par l'intimé, mais par la victime seule, agissant de sa propre volonté. C'est dès lors à juste titre que, faute d'un danger imminent imputable à l'intimé, l'autorité cantonale l'a libéré du chef d'accusation d'infraction à l'art. 129 CP.
b) Une deuxième condition d'application de l'art. 129 CP fait encore défaut en l'espèce, c'est celle qui veut que l'auteur ait mis en danger la vie d'autrui sciemment.
Cette circonstance est réalisée lorsque l'auteur, connaissant le danger de mort, agit malgré tout (sans pour autant avoir voulu, même à titre éventuel, la réalisation du danger) (cf. ATF 94 IV 63 consid. 3). Or selon les constatations de fait de l'autorité cantonale - car ce dont un auteur est ou non conscient est une constatation de fait - il n'est pas établi que l'intimé, s'il a bien eu conscience d'une mise en danger, a envisagé un risque de mort plutôt que celui d'un accident, grave peut-être, mais non mortel, à l'image de celui qu'avait provoqué quelque temps auparavant l'overdose absorbée par S. Or, faute de conscience du danger mortel, il ne peut y avoir de mise en danger de mort commise sciemment.
c) Au vu de ce qui précède, il n'est pas nécessaire d'examiner encore si l'élément d'absence de scrupule est réalisé en l'espèce. En effet, dès lors que les autres éléments objectifs et subjectifs de l'infraction ne sont pas réalisés, le pourvoi doit de toute manière être rejeté.