46. Extrait de l'arrêt de la Cour de cassation pénale du 23 mai 1989 dans la cause Procureur général du canton du Jura c. X. (pourvoi en nullité)
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Regeste
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Art. 187 Abs. 2 StGB: qualifizierte Notzucht.
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- Der qualifizierten Notzucht macht sich schuldig, wer sein Opfer im abgeschlossenen Personenwagen zurückhält, ihm androht, ein Messer zu zücken, und ihm den Hals zudrückt, sobald es Widerstand zu leisten versucht.
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Sachverhalt
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BGE 115 IV 215 (215):
A.- Statuant le 13 octobre 1988, sur les appels du Procureur général du canton du Jura et du condamné X., la Cour pénale du canton du Jura a déclaré ce dernier coupable de viol simple au sens de l'art. 187 al. 1 CP. La cour cantonale a également constaté que le jugement de première instance était entré en force de chose jugée dans la mesure où notamment l'accusé avait été reconnu coupable d'outrage public à la pudeur. La peine a été fixée à 2 ans de réclusion. En outre, X. a été condamné à payer à la plaignante une indemnité pour tort moral de 5'000 francs.
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B.- Le Procureur général du canton du Jura se pourvoit en nullité au Tribunal fédéral. Il demande, sous suite de frais, BGE 115 IV 215 (216):
l'annulation de l'arrêt du 13 octobre 1988 et le renvoi de la cause à l'autorité cantonale afin que X. soit reconnu coupable de viol qualifié selon l'art. 187 al. 2 CP.
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Les faits relatifs au viol reproché au condamné sont les suivants. Le 5 février 1986, vers 19 h 30, à Moutier, X. - né en 1965 - a pris en charge comme passagère dans sa voiture une infirmière de 34 ans qui désirait se rendre à Delémont, où elle était domiciliée.
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En cours de route, X. a déclaré à sa passagère devoir faire un détour par Envelier. Elle lui a alors demandé de la laisser au bord de la route de Delémont. Néanmoins, le conducteur ne s'est pas arrêté et a obliqué à droite en direction de Rebeuvelier.
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Malgré l'insistance de la passagère qui entendait quitter le véhicule, X. a poursuivi son trajet en disant vouloir "faire l'amour" avec la jeune femme et, à un moment donné, il s'est engagé dans un chemin forestier. De plus en plus effrayée, celle-ci a tenté d'ouvrir la portière de la voiture, mais elle avait été verrouillée. Le conducteur a invité sa passagère à demeurer tranquille en précisant qu'il avait lui-même bloqué la porte et qu'il était en possession d'un couteau qui se trouvait dans le vide-poche du véhicule (mais qui, en réalité, n'existait pas). Finalement, il a arrêté sa voiture en pleine forêt à un endroit où il lui était possible de stationner.
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La jeune femme a encore essayé d'ouvrir la portière du véhicule, mais en vain, et il l'a retenue par le bras ou l'épaule. Elle a simulé un malaise et a tenté de parlementer pour gagner du temps et dissuader l'homme de s'en prendre à elle. De plus en plus nerveux, il est devenu alors menaçant et a fait le geste de vouloir prendre le couteau, dont il avait parlé à la victime, puis il l'a saisie par le cou en lui enjoignant à nouveau de se déshabiller.
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Craignant pour sa vie, la passagère a obtempéré, après avoir renoncé à frapper son agresseur de peur de manquer son coup et de le rendre plus violent, et elle s'est résignée à subir l'acte sexuel à l'intérieur de la voiture. Tout au long des relations intimes, elle ne s'est pas débattue, ayant peur que le violeur lui fasse mal ou attente à ses jours après avoir senti que dès qu'elle faisait un mouvement il la serrait davantage.
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Après l'acte, l'auteur s'est radouci en voyant la victime pleurer et il l'a conduite jusqu'à Delémont.
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C.- Invité à présenter des observations, le condamné a conclu au rejet du pourvoi, sous suite des frais et dépens.
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BGE 115 IV 215 (217): Extrait des considérants:
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Reste à déterminer si le comportement répréhensible de l'intimé tombe sous le coup de l'art. 187 al. 2 CP, lequel punit de la réclusion pour trois ans au moins celui qui a fait subir à une femme l'acte sexuel hors mariage après l'avoir à cet effet rendue inconsciente ou mise hors d'état de résister.
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a) Il y a toujours viol selon l'art. 187 al. 1 CP lorsqu'une femme ayant la force de résister a été contrainte à l'acte sexuel par la violence ou la menace grave et il importe peu que sa résistance ait été brisée ou que, sous l'effet de la menace, elle ait renoncé d'emblée ou au cours de l'infraction à toute résistance physique (ATF 89 IV 89 consid. 3a et la jurisprudence citée).
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Ce qui est déterminant dans cette perspective est que la victime a conservé la force de résister, mais que, par le comportement de l'auteur, elle a été amenée à y renoncer complètement ou partiellement (ATF 107 IV 180 consid. 2a).
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Par contre, le viol qualifié au sens de l'art. 187 al. 2 CP suppose qu'avant de commettre l'acte sexuel avec une femme l'auteur l'ait à cet effet rendue inconsciente ou mise hors d'état de résister. L'auteur doit donc préalablement briser la résistance d'une femme pour abuser d'elle ensuite. Il faut dès lors qu'avant l'acte sexuel le délinquant ait mis sa victime dans l'impossibilité absolue de refuser des relations intimes ou d'y résister par la force. Cependant, il n'est pas nécessaire que la victime ait perdu toute volonté de résister physiquement ou toute possibilité de manifester cette volonté. Il suffit que l'auteur ait, par ses procédés, brisé la résistance de la femme et qu'elle ait été hors d'état de s'opposer aux rapports sexuels pendant toute la durée de ceux-ci. Ainsi, ce qui est capital pour l'application de l'art. 187 al. 2 CP est que le délinquant ait usé au préalable d'un moyen propre à annihiler la résistance de la victime (ATF 98 IV 100 consid. 1a).
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La nature du moyen utilisé par l'auteur importe peu. A cet égard, il n'est pas nécessaire que l'auteur de l'infraction ait été particulièrement brutal. Celui qui, sans recourir à des violences particulières mais, à force d'insistance, a épuisé sa victime au point de briser finalement sa résistance n'est pas moins punissable que celui qui l'a assommée ou ligotée pour parvenir à ses fins. Ce qui compte, c'est que le délinquant ait rendu une femme inconsciente BGE 115 IV 215 (218):
ou incapable de résister en vue de lui faire subir des relations intimes et que ce résultat ait été obtenu avant qu'elles aient eu lieu (ATF 98 IV 101).
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Ainsi, l'art. 187 al. 2 CP prévoit une peine aggravée en raison de l'attitude particulièrement odieuse que manifeste l'auteur en brisant d'abord la résistance d'une femme pour abuser d'elle ensuite.
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b) Dans le cas particulier, il faut en premier lieu relever que l'auteur a bloqué la portière de sa voiture réservée à sa passagère, de sorte que celle-ci ne pouvait plus quitter le véhicule dans lequel elle avait pris place, qu'elle était privée de sa liberté de mouvement et qu'elle était ainsi à la merci de son agresseur.
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De plus, après avoir fait part à sa victime de son intention d'abuser d'elle et l'avoir ainsi déjà effrayée, l'intimé a choisi pour se livrer aux actes qui lui sont reprochés un endroit isolé où personne ne risquait de le déranger; il a en effet emprunté au moyen de sa voiture un chemin forestier et a arrêté celle-ci en pleine forêt, alors que la nuit était déjà tombée.
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Ces circonstances étaient déjà de nature à dissuader la victime de se défendre par la force en ce sens que sa liberté de mouvement était quasi nulle et qu'elle était absolument seule face à son agresseur.
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Néanmoins, la victime a tenté de résister en parlementant avec l'accusé, après avoir simulé un malaise dans l'espoir de gagner du temps, ce qui a eu pour conséquence de rendre l'intimé très nerveux et menaçant, de l'amener à faire le geste de prendre le couteau dont il avait parlé et de saisir la jeune femme par le cou.
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Face à une telle situation, sans issue pour la passagère, celle-ci pouvait légitimement craindre pour sa vie; ce fait l'a finalement conduite à se résigner et à se déshabiller, comme l'exigeait l'agresseur, puis à subir l'acte sexuel.
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Ainsi, en procédant de la manière décrite dans l'état de fait qui précède, l'intimé est bien parvenu à annihiler la résistance de sa victime avant de commettre sur elle l'acte sexuel; cet état de choses a duré tout au long des relations intimes car l'auteur serrait davantage le cou de la passagère dès qu'elle faisait un mouvement et la maintenait ainsi dans la crainte qu'il lui soit fait mal ou même qu'il soit attenté à ses jours en cas de velléité de résistance.
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On ne peut dès lors admettre l'argumentation de la cour cantonale qui a considéré que la résistance de la victime n'avait pas BGE 115 IV 215 (219):
été complètement brisée par le fait qu'elle avait conservé une certaine liberté de mouvement et d'action pour se défendre.
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Par rapport aux circonstances rappelées ci-dessus, il est sans importance que la jeune femme ait conservé théoriquement la capacité et la force d'agir qui lui auraient permis de frapper son agresseur; en effet, on ne voit pas comment elle aurait pu agir de la sorte avec quelque chance de succès, étant prisonnière dans l'habitacle verrouillé d'une voiture, lequel empêchait toute possibilité de résistance sérieuse. Ce qui est donc déterminant est que l'intimé, par son comportement, a annihilé chez sa victime tout esprit de résistance avant de lui faire subir l'acte sexuel dans des conditions particulièrement dramatiques.
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c) En conséquence, la décision attaquée n'est pas conforme au droit fédéral; l'autorité cantonale a appliqué à tort l'art. 187 al. 1 CP, alors qu'elle aurait dû reconnaître le délinquant coupable de viol aggravé au sens de l'art. 187 al. 2 CP.
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