Urteilskopf
118 IV 309
55. Extrait de l'arrêt de la Cour de cassation pénale du 17 juin 1992 dans la cause F. c. Ministère public du canton de Vaud (pourvoi en nullité)
Regeste
Art. 25 StGB. Gehilfenschaft eines Beamten.
Die generelle Pflicht eines jeden Beamten, den Strafverfolgungsbehörden die Straftaten anzuzeigen, von denen er bei Ausübung seines Amtes Kenntnis erhalten hat, begründet nicht in jedem Fall eine Garantenstellung. Der Beamte, dessen Aufgabe nicht speziell darin besteht, mit der Polizei zusammenzuarbeiten, macht sich nicht der Gehilfenschaft zu Betrug schuldig, auch wenn der Betrüger seine deliktische Tätigkeit zum Nachteil Dritter fortsetzen kann, weil der Beamte ihn nicht angezeigt hat (E. 1).
Art. 316 StGB. Annahme von Geschenken. Verjährung.
Diese Tat impliziert nicht ein andauerndes pflichtwidriges Verhalten des Täters. Die Verfolgungsverjährung beginnt daher jeweils mit jeder Entgegennahme eines Vorteils zu laufen, auch wenn der Täter während mehreren Jahren Geschenke angenommen hat (E. 2).
A.- Dès l'automne 1979, F. a été chargé de diriger le laboratoire audiovisuel de l'Université de Genève. Dans l'exercice de cette fonction, il a fait en sorte que S. obtienne d'importantes commandes de matériel audiovisuel. De son côté, S. a parrainé des activités académiques organisées par F. (séminaires à Genève ou en Italie, édition d'une revue spécialisée) en accordant des largesses pour un total de plus de 350'000 francs entre le 25 février 1981 et le 18 novembre 1987.
A la fin de l'année 1986, F. a reçu un appel téléphonique du sous-directeur d'une banque neuchâteloise, qui l'a inquiété; il a interrogé S., qui lui a avoué avoir imité sa signature pour faire croire faussement à une commande de l'université. F. a exigé de S. qu'il lui remette le faux et l'a détruit.
En janvier 1987, F. a reçu un appel téléphonique d'un responsable de la succursale de la Banque X., annonçant l'envoi d'une lettre qu'il reçut peu après et qui contenait des bulletins de versement faisant référence à une prétendue commande du laboratoire audiovisuel de l'université. F. écrivit à S. le 16 janvier 1987, en lui indiquant notamment: "(...), je pense qu'il doit s'agir d'une erreur ou d'un canular". Venu s'expliquer, S. déclara qu'il s'agissait toujours de la même affaire que celle qui avait abouti à la destruction du faux bon de commande. Sur l'initiative d'un collègue de F., P., un avocat fut consulté. Convoqué par celui-ci, S. finit par avouer, en présence de F., qu'il avait utilisé des bons de commande du laboratoire pour confectionner des faux destinés à garantir des prêts bancaires; effondré, il a supplié F. et l'avocat de ne pas le dénoncer. Il fut décidé qu'il devait restituer les bons de commande falsifiés et produire des attestations de la banque neuchâteloise et de la Banque X. selon lesquelles ces établissements bancaires n'avaient plus de créances contre l'université.
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S. s'est empressé de satisfaire à ces exigences; s'agissant de la Banque X., il fournit en réalité un document falsifié.
Le 1er avril 1987, L., directeur du marketing de Y. SA, à Luxembourg, téléphona à F. au sujet d'une prétendue commande de l'Université de Genève. Par l'entremise d'une personne parlant anglais, F. répondit qu'il n'avait rien commandé; il s'efforça ensuite de joindre S., lequel lui déclara qu'il s'agissait d'un canular. Le jour même, F. adressa un télex à la société Y., confirmant qu'il n'y avait pas de commande; son message se termine par les mots "Merci pour le poisson d'avril". Une copie du télex fut envoyée à l'avocat et à S. Celui-ci réussit à faire croire à L. que l'université ne pouvait pas confirmer une commande à un institut de crédit étranger et L. envoya à F. un télex en anglais le 2 avril 1987 déclarant notamment: "(...) c'était notre petite plaisanterie avec vous pour célébrer le jour des fous d'avril".
B.- Statuant le 7 décembre 1990, le Tribunal correctionnel du district d'Yverdon a analysé l'ensemble de ces éléments, prenant notamment en considération le fait que F. avait bénéficié des largesses de S. Il est parvenu à la conclusion qu'il n'était pas crédible que F. ait cru à l'hypothèse d'une farce le 1er avril 1987. Il en a déduit qu'à partir de cette date F. s'est "(...) accommodé du résultat possible de son inaction et des avertissements qu'il donnait à S., savoir que celui-ci persiste à commettre des escroqueries".
Dans tous les cas où S. a encaissé le produit d'une escroquerie et d'un faux dans les titres après le 1er avril 1987, le tribunal a admis que F. s'était rendu coupable de complicité du fait de son inaction.
Par ailleurs, le juge de première instance a constaté que F. avait bénéficié de largesses de la part de S. auxquelles il n'avait pas droit et que ce dernier avait reçu des commandes de l'université grâce à l'activité professionnelle de F.; sur la base de leurs déclarations concordantes, il a été retenu qu'il existait bien dans leur esprit un lien entre les commandes et les largesses, chacun sachant qu'il devait à son tour "retourner l'ascenseur". Pour ces faits, le tribunal a retenu que F. s'était rendu coupable d'avoir accepté un avantage au sens de l'art. 316 CP.
F. a été condamné, pour complicité d'escroquerie, complicité de faux dans les titres et acceptation d'un avantage à la peine de 10 mois d'emprisonnement avec sursis pendant 2 ans.
C.- Statuant le 24 juin 1991 sur le recours de F., la Cour de cassation cantonale l'a libéré de l'accusation de complicité d'escroquerie et complicité de faux dans les titres pour certains des actes commis
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par S. après le 1er avril 1987; sur ces points, la cour cantonale a considéré que F. n'avait eu aucune connaissance de ces actes et qu'il n'avait donc pas pu vouloir les favoriser. Pour ce motif, la peine a été réduite à 9 mois d'emprisonnement avec sursis pendant 2 ans.
D.- F. se pourvoit en nullité au Tribunal fédéral. Il allègue pour l'essentiel des violations des
art. 25 et 316 CP. Il demande l'annulation de l'arrêt du 24 juin 1991 ainsi que le renvoi de la cause à l'autorité cantonale en vue de son acquittement.
Considérant en droit:
1. a) Le recourant a été déclaré coupable notamment de complicité d'escroquerie et de complicité de faux dans les titres.
S. s'est rendu coupable d'escroquerie et de faux dans les titres. Il a été condamné. Il s'agit de déterminer en se fondant sur l'état de fait si, et dans l'affirmative pour quel acte, le recourant a été son complice.
Selon l'
art. 25 CP, le complice est "celui qui aura intentionnellement prêté assistance pour commettre un crime ou un délit". La complicité est une forme de participation accessoire à l'infraction. Elle suppose que le complice apporte à l'auteur principal une contribution causale à la réalisation de l'infraction, de telle sorte que les événements ne se seraient pas déroulés de la même manière sans cet acte de favorisation; il n'est toutefois pas nécessaire que l'assistance du complice soit une condition sine qua non à la réalisation de l'infraction (
ATF 109 IV 149 consid. 3,
ATF 108 Ib 302 consid. 3a et les arrêts cités). L'assistance prêtée par le complice peut être matérielle, intellectuelle ou consister en une simple abstention (
ATF 79 IV 146). Le complice peut apporter sa contribution jusqu'à l'achèvement de l'infraction; ainsi, dans le cas d'une escroquerie ou d'un faux dans les titres, l'assistance du complice peut intervenir jusqu'à l'encaissement des fonds par lequel l'auteur cause le dommage, respectivement jusqu'à l'atteinte aux intérêts pécuniaires d'autrui (voir
ATF 107 IV 2 et
ATF 106 IV 296). Le complice doit avoir l'intention de favoriser la commission de l'infraction, mais le dol éventuel suffit (
ATF 109 IV 150 consid. 4,
ATF 108 Ib 302 consid. 3b).
b) La première question à résoudre en l'espèce est celle de savoir sous quelle forme le recourant aurait prêté assistance aux escroqueries et aux faux dans les titres commis par S. (voir
ATF 79 IV 146).
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L'arrêt attaqué ne contient pas la constatation que le recourant aurait apporté à S. une aide sur le plan psychologique, ni qu'il ait voulu apporter une telle aide ou consenti à l'éventualité de l'apporter. En conséquence, sur la base des faits retenus, une assistance intellectuelle est d'emblée exclue.
Quant à une assistance matérielle, la cour cantonale se pose la question, mais sans la résoudre, ce qui est manifestement insuffisant pour fonder une condamnation. L'autorité cantonale évoque à ce sujet le fait que le recourant a pris contact avec S. à chaque fois qu'il a eu la connaissance ou le soupçon d'une infraction. Il résulte cependant des constatations de fait qu'il a aussi, à chaque fois, fait savoir très clairement et immédiatement, à la personne qui l'interrogeait, que l'université n'avait pris aucun engagement et que la signature invoquée n'était pas la sienne. Une telle réaction, à l'égard de la banque neuchâteloise, de la Banque X. et de Y. SA, n'était manifestement pas de nature à favoriser la réalisation des infractions par S. S'il a pris contact avec celui-ci, c'était pour tirer la situation au clair, en exigeant dans chaque cas que les faux lui soient remis et soient détruits. On ne voit donc pas - et la cour cantonale ne l'a pas constaté en fait - que le recourant ait eu la volonté de favoriser la commission des infractions lorsqu'il prenait contact avec S., ni même qu'il ait accepté une telle éventualité. Sur la base des faits retenus, une assistance matérielle doit donc être exclue.
Il faut en conclure que le recourant a été reconnu coupable en raison d'un comportement purement passif: il n'a pas dénoncé S. le 1er avril 1987, ce qui a permis à celui-ci de continuer la réalisation des infractions en cours et d'en commettre de nouvelles.
c) La complicité par omission est en soi concevable, mais elle suppose que le complice ait eu l'obligation juridique d'agir (
ATF 79 IV 147; STRATENWERTH, Allg. Teil. I, Berne 1982 p. 395 No 15; SCHULTZ, Allg. Teil I, 4e éd., Berne 1982 p. 297; HAUSER/REHBERG, Strafrecht I, 4e éd., Zurich 1988 p. 102 et 195; NOLL/TRECHSEL, Allg. Teil I, 3e éd., Zurich 1990 p. 174; LOGOZ/SANDOZ, art. 25 p. 135; TRECHSEL, Kurzkommentar, art. 25 p. 85 No 5 et les références). De façon générale, on admet qu'une infraction de résultat peut également être réalisée lorsque l'auteur omet par sa faute l'accomplissement d'un acte qu'il était juridiquement tenu d'accomplir et qui, selon le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, aurait évité la survenance du dommage (délit d'omission improprement dit). Un tel délit est réalisé lorsque la survenance du résultat par une action est expressément menacée d'une sanction pénale, que l'accusé par son action aurait
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effectivement pu éviter le résultat et qu'en raison de sa situation juridique particulière il y était à ce point obligé que son omission apparaît comparable au fait de provoquer le résultat par un comportement actif. L'obligation d'agir doit donc découler d'une situation juridique particulière, appelée situation de garant (
ATF 117 IV 132 s. consid. 2a,
ATF 113 IV 72 consid. 5a et les références citées).
d) La question fondamentale en l'espèce est ainsi de savoir si le recourant se trouvait dans une position de garant qui l'obligeait à dénoncer les actes de S.
Il faut tout d'abord observer que l'accusé n'était lié à S. par aucun rapport hiérarchique ou contractuel qui l'aurait obligé à surveiller les actes de celui-ci et l'en aurait rendu responsable.
De plus, S. s'efforçait d'obtenir du crédit de la part d'établissements tiers en faisant valoir, sur la base de documents faux, de prétendues commandes de l'université. Le recourant n'avait cependant aucun lien juridique avec ces établissements, de sorte qu'on ne voit pas qu'il ait eu l'obligation juridique de veiller à leurs intérêts en les protégeant des actes de S.
Certes, le recourant était lié à l'Université de Genève par son rapport de fonction qui l'obligeait à veiller aux intérêts qui lui étaient confiés. La cour cantonale a relevé que les actes de S. pouvaient comporter un certain danger pour les intérêts de l'université, mais elle a constaté par ailleurs que le recourant s'était toujours préoccupé de défendre efficacement les intérêts de l'université. On ne discerne pas en quoi le travail confié au recourant pouvait impliquer l'obligation de dénoncer les actes d'un tiers, extérieur à l'université, à l'égard d'établissements tiers sans rapport avec ladite université. Si l'on s'en tient à l'état de fait, on ne voit pas non plus que l'université ait eu la moindre difficulté à faire constater l'inexistence de véritables commandes et à établir le fait que les documents invoqués émanaient d'une personne totalement extérieure à l'université, dépourvue de toute qualité pour l'engager.
En définitive, la cour cantonale a estimé pouvoir déduire un devoir juridique de dénonciation en se fondant sur l'art. 11 du Code de procédure pénale genevois, qui prévoit l'obligation pour tout fonctionnaire de dénoncer immédiatement au Procureur général les crimes ou les délits dont il aurait connaissance dans l'exercice de ses fonctions. Cependant, le recourant n'avait pas pour mission de collaborer avec des autorités de police ou de poursuite pénale. Cette disposition lui imposait donc une obligation indépendante du travail concret qui lui était confié. Il s'agit en réalité d'une mesure générale
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destinée à favoriser l'application du droit pénal par la collaboration de l'ensemble des serviteurs de l'Etat. Si la violation d'une telle obligation peut constituer une faute disciplinaire, la doctrine admet qu'une telle obligation très générale ne suffit pas pour créer une position de garant (STRATENWERTH, op.cit. p. 376 No 13; NOLL/TRECHSEL, op.cit. p. 199). L'opinion de ces auteurs correspond à celle émise par le Tribunal fédéral au sujet du devoir général de fidélité à l'égard de l'employeur, prévu à l'
art. 321a al. 1 CO (
ATF 113 IV 73 consid. 6a); elle doit être approuvée. Admettre que tous les fonctionnaires, indépendamment de leur mission, peuvent être tenus pour complices du seul fait qu'ils n'ont pas dénoncé une infraction dont ils ont eu connaissance à l'occasion de leur travail (alors qu'ils pouvaient penser que l'auteur récidiverait, sans évidemment souhaiter une telle éventualité) reviendrait à étendre exagérément la portée de l'
art. 25 CP.
Il faut d'ailleurs observer que l'arrêt attaqué présente un aspect contradictoire. La cour cantonale a libéré le recourant pour certains faits postérieurs au 1er avril 1987, en constatant qu'il n'en avait eu aucune connaissance. On ne voit cependant pas, dans les autres cas retenus à sa charge, comment il aurait pu avoir connaissance de l'encaissement des chèques dans l'affaire de la Banque X. après le 1er avril 1987; on ne distingue pas non plus, dans l'affaire Y. SA, comment il aurait pu penser qu'un versement interviendrait quand même, malgré le démenti très clair qu'il avait adressé à cette société quant à l'existence d'une commande.
Dès lors que l'accusé ne se trouvait pas dans une position de garant, dans le cadre des infractions en cause, il n'avait pas l'obligation juridique de les dénoncer - quand bien même son comportement apparaît immoral; son omission ne peut donc pas constituer une complicité (voir ATF 79 IV 147). L'arrêt attaqué doit être annulé sur ce point.
2. a) Le recourant a été condamné également pour avoir accepté un avantage au sens de l'
art. 316 CP. Cette disposition réprime notamment les fonctionnaires qui, pour procéder à un acte non contraire à leurs devoirs et rentrant dans leurs fonctions, auront d'avance sollicité, accepté ou se seront fait promettre un don ou quelque autre avantage auquel ils n'avaient pas droit. La notion de fonctionnaire est celle de l'
art. 110 ch. 4 CP, auquel la jurisprudence a donné une interprétation large (
ATF 71 IV 144 consid. 1). L'avantage, auquel le fonctionnaire ne pouvait légitimement prétendre, doit être destiné à obtenir de lui l'accomplissement d'un acte licite inclus dans le cadre
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de ses fonctions; il n'est pas nécessaire que cet acte soit déterminé de manière concrète et précise (
ATF 71 IV 147; STRATENWERTH, Bes. Teil II, 3e éd., Berne 1984 p. 341 No 9; TRECHSEL, Kurzkommentar p. 799, art. 316 No 2; plus réticent: HAUSER/REHBERG, Strafrecht IV, Zurich 1989 p. 342). Mais il faut au moins un lien suffisant entre l'avantage et un ou plusieurs actes futurs du fonctionnaire, déterminables de manière générique (HAUSER/REHBERG, Strafrecht IV, p. 343). Du point de vue subjectif, l'auteur doit savoir que l'avantage lui est accordé en vue d'une activité future comprise dans le cadre de ses fonctions (TRECHSEL, op.cit., p. 799 art. 316 No 3; STRATENWERTH, Bes. Teil II, p. 341 No 9); il est sans pertinence de savoir si le fonctionnaire était ou non disposé à accomplir les actes attendus de lui (STRATENWERTH, Bes. Teil II, p. 341 No 9).
b) En l'espèce, il a été constaté que le recourant avait été engagé par l'Université de Genève et que les termes de son engagement le soumettaient au statut des fonctionnaires en application de l'art. 94 de la loi genevoise sur l'université. Déterminer le contenu d'un acte d'engagement relève des constatations de fait qui lient la cour de céans (art. 277bis al. 1 PPF). L'interprétation et l'application du droit cantonal ne peuvent pas donner lieu à un pourvoi en nullité (art. 269 al. 1 PPF). Au demeurant, on ne voit pas ici en quoi la cour cantonale aurait méconnu la notion de fonctionnaire au sens de l'art. 316 CP en liaison avec l'art. 110 ch. 4 CP.
L'autorité cantonale a également constaté que le recourant avait reçu, entre le 25 février 1981 et le 18 novembre 1987, des largesses s'élevant à plus de 350'000 francs; il résulte clairement de l'état de fait qu'il s'agissait d'attributions auxquelles l'accusé ne pouvait pas légalement prétendre.
Le condamné, dans l'exercice licite de sa fonction, a fait en sorte que S. reçoive d'importantes commandes de matériel audiovisuel. Se fondant sur les déclarations des deux protagonistes, la cour cantonale a constaté qu'il y avait un lien entre les largesses accordées par S. au recourant et le comportement professionnel de celui-ci qui favorisait la passation de commandes à S.; cette autorité en a déduit que chacun d'eux savait qu'il devait à son tour "retourner l'ascenseur". Déterminer ce que l'auteur sait, veut ou l'éventualité à laquelle il consent relève des constatations de fait qui lient la cour de céans (
ATF 100 IV 221 consid. 2, 237 consid. 4). Certes, dans le cas où des avantages et des actes administratifs se succèdent pendant une longue période, il peut être difficile de prouver que l'avantage est donné en vue d'un acte futur, et non pas pour récompenser un acte
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passé (HAUSER/REHBERG, Strafrecht IV, p. 343). Ici, la cour cantonale a cependant admis que cette preuve était apportée; l'appréciation des preuves et les constatations de fait qui en découlent ne peuvent faire l'objet d'un pourvoi en nullité (
art. 273 al. 1 let. b PPF;
ATF 113 IV 22).
Selon l'état de fait, S. accordait des largesses au recourant, qui n'y avait pas droit, dans l'espoir que celui-ci, ultérieurement, "lui retournerait l'ascenseur", c'est-à-dire ferait en sorte, dans le cadre de l'exercice licite de ses fonctions, qu'il obtienne des commandes de l'université. Le recourant avait conscience du but poursuivi par S. et a accepté les avantages en toute connaissance de cause. Sur la base d'un tel état de fait, la condamnation du recourant pour infraction à l'art. 316 CP ne viole en rien le droit fédéral.
c) Sur le plan de la prescription de l'acceptation d'un avantage, la cour cantonale a considéré que le délai de 7 ans et demi prévu à l'art. 72 ch. 2 CP, en liaison avec l'art. 70 CP, courait du jour où le dernier acte délictueux avait été commis (art. 71 al. 2 CP), car il s'agit ici d'un délit successif, à juger comme une seule infraction. Au contraire, d'après le recourant, une infraction à l'art. 316 CP commise en 1983 ou en 1984 en relation avec la commande de l'Université de Genève à T. SA (dont S. dirigeait le département vidéo) serait prescrite.
Selon la jurisprudence récente, la notion de délit successif et ses répercussions (concours, prescription, effet de chose jugée, mesure de la peine, délai pour déposer plainte) nécessitent un nouvel examen. Il a déjà été jugé que l'exclusion absolue de l'application de l'
art. 68 ch. 1 CP en cas de délit successif ne se justifiait pas (
ATF 116 IV 123 consid. 2b cc).
Sur le plan de la prescription de ce type de délits, la cour de céans a considéré qu'il fallait se fonder sur l'articulation des différents actes délictueux afin de déterminer s'ils pouvaient constituer un tout, auquel l'
art. 71 al. 2 CP serait applicable (arrêt de la cour de céans du 8 mars 1991, S. c. Ministère public du canton de Berne, consid. 2f aa, destiné à la publication). Sur ce point, il faut s'en remettre à des critères objectifs, non pas subjectifs. Ainsi, on doit considérer qu'une activité s'est exercée à plusieurs reprises, au sens de l'
art. 71 al. 2 CP, si les actes délictueux sont identiques ou analogues et lèsent le même bien juridiquement protégé (comme jusqu'ici en matière de délit successif; voir
ATF 109 IV 84). Une certaine unité entre les actes incriminés est donc requise. Elle est suffisante lorsque ces actes procèdent d'un comportement durablement contraire à un devoir
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permanent de l'auteur (andauerndes pflichtwidriges Verhalten), sans que l'on soit toutefois en présence d'un délit continu au sens de l'
art. 71 al. 3 CP. Cet élément de durée existe par exemple en cas de violation d'une obligation d'entretien (
art. 217 CP) puisque le devoir de s'acquitter d'une dette d'aliments ne cesse pas après le terme fixé pour le paiement, mais qu'au contraire le débiteur demeure tenu de verser la totalité des montants échus. Une autre infraction impliquant un comportement durablement contraire à un devoir permanent de l'auteur est celle de la gestion déloyale, objet de l'arrêt S. précité (
art. 159 CP). Il n'est pas possible de définir plus précisément ces cas par une formule abstraite. Il appartiendra à la jurisprudence de trouver des critères selon les infractions en cause; dans ce domaine, le juge devra se laisser guider par le sens et le but de l'institution de la prescription (voir SCHULTZ, Einführung in den allgemeinen Teil des Strafrechts, vol. 1, 4e éd., Berne 1982 p. 246; HAUSER/REHBERG, Strafrecht I, 4e éd., Zurich 1988 p. 215). Il n'en demeure pas moins clair que ce facteur - comportement durablement contraire à un devoir permanent - doit, expressément ou implicitement, faire partie des éléments constitutifs de l'infraction (voir
ATF 84 IV 17;
ATF 75 IV 40).
L'infraction prévue à l'art. 316 CP (accepter un avantage) ne renferme pas cet élément à caractère durable. Accepter un avantage est un fait ponctuel, non pas une situation qui se prolonge dans le temps. A la différence de la gestion déloyale, l'auteur n'est pas tenu, même implicitement, de constamment réparer le dommage qu'il cause par l'acte réprimé. Une conclusion analogue découle de la comparaison avec le délit de violation d'une obligation d'entretien. Au demeurant, le bien protégé à l'art. 316 CP n'est pas le patrimoine.
En l'espèce, le recourant a accepté à plusieurs reprises des avantages. Il y a certes une analogie entre ces acceptations (mêmes personnes en présence, même but, même état d'esprit, lésion du même intérêt juridiquement protégé). Toutefois, contrairement au cas décrit dans l'arrêt S. précité, l'accusé n'était pas tenu, de par sa fonction à l'université, de veiller constamment sur les intérêts pécuniaires de celle-ci, ni de s'employer en permanence à réparer le dommage qu'il lui aurait causé en acceptant des avantages. Dès lors, faute d'un comportement durablement contraire à un devoir permanent, la prescription courait du jour où chacun des avantages a été accepté. Le pourvoi doit être admis sur ce point également.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral
Admet partiellement le pourvoi, annule l'arrêt attaqué et renvoie la cause à l'autorité cantonale pour nouvelle décision.