Urteilskopf
119 IV 195
35. Extrait de l'arrêt de la Cour de cassation pénale du 21 septembre 1993 dans la cause Y. c. Ministère public du canton de Vaud (pourvoi en nullité)
Regeste
Art. 55 StGB; Landesverweisung.
Bei der Verurteilung eines Flüchtlings zu einer Landesverweisung muss der Strafrichter die einschränkenden Voraussetzungen der Flüchtlingsgesetzgebung berücksichtigen; ist der Entscheid der zuständigen Behörde über die Flüchtlingseigenschaft des Betroffenen noch nicht ergangen, so hat er diese Frage nach den allgemeinen Voraussetzungen zur Prüfung von Vorfragen zu entscheiden (E. 2).
Ob die Landesverweisung bedingt aufgeschoben oder vollzogen werden soll, hängt einzig von der Prognose über das zukünftige Verhalten des Verurteilten in der Schweiz ab; nicht von Bedeutung ist dabei die Frage, ob die Aussichten seiner Wiedereingliederung in der Schweiz oder seinem Heimatland erfolgsversprechender sind (E. 3).
A.- Entre le début août 1992 et la date de son arrestation, à savoir le 9 août de la même année, Y., requérant d'asile de nationalité turque, s'est livré à un trafic de drogue portant au moins sur une vingtaine de grammes d'héroïne.
Le 8 août 1992, alors qu'il livrait une dose d'héroïne à un consommateur, dans les toilettes d'un établissement public, Y. a été surpris par un serveur, H., qui a tenté de s'emparer du sachet pour mettre fin à ces agissements délictueux. Y. a résisté et a même frappé H. à l'abdomen pour se libérer et prendre la fuite. La victime n'a pas subi de lésions durables, mais a eu mal à l'estomac et a dû suspendre son activité professionnelle pendant une semaine. En outre, peu après ces faits, Y. a dit à H. d'oublier ce qu'il avait pu voir le 8 août 1992 s'il tenait à éviter des ennuis pour lui-même ou pour sa femme.
B.- Par jugement du 11 février 1993, le Tribunal correctionnel du district de Vevey a reconnu Y. coupable de voies de fait, de menaces et d'infraction grave à la LStup. et l'a condamné à 20 mois d'emprisonnement, sous déduction de la détention préventive subie, et à 5 ans d'expulsion du territoire suisse. Il a en outre mis à sa charge une créance compensatrice de 1'000 francs et les frais de la cause.
C.- Le 5 avril 1993, la Cour de cassation pénale vaudoise a admis le recours interjeté par le condamné. Elle a réformé le jugement de première instance en ce sens qu'elle a ramené la peine à 14 mois d'emprisonnement avec sursis pendant 3 ans. Pour le surplus, elle a confirmé la décision du Tribunal correctionnel.
D.- Y. s'est pourvu en nullité contre cet arrêt. Invoquant une violation des
art. 41 et 55 CP, il conclut, avec suite de frais et dépens, à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour qu'elle statue à nouveau. Relevant qu'il a déposé une demande d'asile le 10 décembre 1990, qui a été rejetée par l'Office fédéral des réfugiés en date du 5 juin 1991, décision qui fait l'objet d'un recours actuellement pendant, il conteste que les conditions permettant le prononcé d'une expulsion soient réalisées et considère qu'une telle mesure devait pour le moins être assortie du sursis.
Le recourant sollicite en outre l'assistance judiciaire et l'effet suspensif.
Extrait des considérants:
2. Le recourant fait valoir que l'autorité cantonale a considéré à tort que sa demande d'asile était vouée à l'échec.
Selon la jurisprudence, le juge pénal qui envisage de prononcer une mesure d'expulsion à l'encontre d'un réfugié doit prendre en considération les art. 32 ch. 1 de la Convention relative au statut des réfugiés (RS 0.142.30) et 44 al. 1 de la loi sur l'asile (RS 142.31) et,
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le cas échéant, interpréter de manière restrictive l'
art. 55 CP afin de tenir compte de ces normes selon lesquelles un réfugié à qui la Suisse a accordé l'asile ne peut être expulsé que s'il compromet la sécurité intérieure ou extérieure de la Suisse ou s'il a porté gravement atteinte à l'ordre public. Si les autorités compétentes en matière d'asile n'ont pas encore statué, le juge pénal doit se prononcer sur la qualité de réfugié conformément aux règles applicables à l'examen des questions préjudicielles (
ATF 116 IV 111 consid. bb et les références citées).
La cour cantonale n'a pas méconnu cette jurisprudence puisque, faisant sienne la motivation du jugement de première instance sur cette question, elle a considéré que l'expulsion était envisageable car la demande d'asile du recourant était promise au rejet, l'instruction n'ayant pas permis d'établir qu'il ait été personnellement inquiété ou arrêté en Turquie. L'autorité cantonale a constaté de surcroît que le recourant a déclaré avoir été en danger dans son pays parce que sa famille était sympathisante du parti clandestin kurde PKK et qu'il aurait effectué certaines activités ou propagande en faveur de ce mouvement. Son activité politique apparaît donc accessoire à celle de ses proches, de sorte qu'il n'y a pas lieu de considérer que sa demande d'asile ait plus de chances d'être admise que celle de son père, qui a été rejetée définitivement. Dans ces circonstances, les juges cantonaux n'ont pas violé le droit fédéral en appréciant, à titre préalable, les chances de succès de la requête d'asile déposée par le recourant et en concluant, sur la base des faits constatés, que celle-ci était vouée à l'échec.
En outre, dans la mesure où il fait valoir que la procédure en matière d'asile n'aurait pas été menée de manière correcte, le recourant s'écarte de l'état de fait de l'arrêt attaqué, de sorte que son grief n'est pas recevable sur ce point (
ATF 115 IV 41 consid. 3a).
3. a) Le recourant soutient d'autre part que l'expulsion devait pour le moins être assortie du sursis.
b) L'
art. 41 ch. 1 al. 1 CP prévoit la possibilité d'accorder le sursis "en cas de condamnation à une peine privative de liberté n'excédant pas dix-huit mois ou à une peine accessoire". L'octroi ou le refus du sursis à l'expulsion dépend exclusivement des critères fixés à l'
art. 41 ch. 1 al. 1 CP (
ATF 118 IV 104 consid. aa,
ATF 114 IV 97). Ainsi, le juge pourra suspendre l'exécution de l'expulsion si les antécédents et le caractère du condamné font prévoir que cette mesure le détournera de commettre d'autres crimes ou délits (
ATF 117 IV 4 consid. 2b, 118 consid. b,
ATF 114 IV 97). La protection de la sécurité publique
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n'intervient qu'au moment de décider ou non d'une expulsion; quant aux chances de resocialisation, elles doivent être prises en considération - lorsque l'accusé est condamné à une peine ferme - au moment de la libération conditionnelle (
ATF 114 IV 97). Pour décider si le sursis serait de nature à détourner l'accusé de commettre de nouvelles infractions, l'autorité cantonale doit se livrer à une appréciation d'ensemble (
ATF 117 IV 5 consid. 2b, 114 IV 97); dans ce cadre, elle dispose d'un large pouvoir d'appréciation (
ATF 115 IV 82 consid. 2a et les arrêts cités). La Cour de cassation ne peut donc intervenir, en considérant le droit fédéral comme violé, que si la décision attaquée ne repose pas sur les critères légaux ou si elle apparaît exagérément sévère ou clémente, au point que l'on puisse parler d'un abus du pouvoir d'appréciation (
ATF 104 IV 225 consid. b).
c) En l'espèce, l'autorité cantonale a relevé, d'une manière qui lie la Cour de cassation du Tribunal fédéral conformément à l'art. 277bis al. 1 PPF, que le recourant n'avait pas d'attaches importantes en Suisse, son père dont la demande d'asile a été rejetée ayant déjà dû quitter le pays. Elle a en outre mis l'activité délictueuse du recourant en relation avec le désoeuvrement de celui-ci, lequel apparaît comme la conséquence de sa situation en Suisse. Dans ces circonstances, on peut douter sérieusement qu'une expulsion assortie du sursis soit propre à le détourner de retomber dans la délinquance. D'une part, les conditions de vie qui sont les siennes dans le pays ne sont pas particulièrement propices pour éviter la récidive et d'autre part il n'a pas assez de liens avec la Suisse pour que l'on puisse penser qu'il accordera à sa présence dans le pays un prix suffisant pour le dissuader de commettre de nouvelles infractions. Dès lors, on ne saurait admettre que l'autorité cantonale a abusé de son large pouvoir d'appréciation en considérant qu'une expulsion assortie du sursis ne serait pas de nature à détourner le recourant de la récidive.
Le recourant reproche à l'autorité cantonale d'avoir violé l'art. 41 CP en se limitant à dire que ses chances de réinsertion paraissaient inexistantes en Suisse, sans déterminer si elles semblaient meilleures dans son pays d'origine.
Est seul déterminant en vue de l'octroi ou du refus du sursis le pronostic relatif au comportement futur du condamné en Suisse (
ATF 117 IV 6). Ainsi, c'est à juste titre que l'autorité cantonale n'a examiné que les chances de réinsertion du recourant dans ce pays; il n'y avait pas lieu de les mettre en parallèle avec ses perspectives d'amendement dans son pays d'origine. Le recours doit dès lors être rejeté.